Narcisse ouvre grand l’armoire et cherche le bon masque. Il pointe celui sous lequel est indiqué « Prof », s’en empare et le plaque sur son visage.

La suite est comme un tourbillon. Une autre armoire s’ouvre. Un rack glisse et présente la tenue complète du bon professeur d’université. Narcisse n’a même pas besoin de bouger le petit doigt, les vêtements virevoltent autour de lui et l’habillent en deux temps trois mouvements.

Une demi-heure plus tard, Narcisse déambule, les mains derrière le dos, sur l’estrade de l’amphithéâtre de la fac de lettres.

Son exposé est affuté, précis, sans aucune anicroche. Il répond à toutes les questions que les étudiants lui posent avec une assurance peu ordinaire. Tout se passe pour le mieux jusqu’à ce que son portable dans sa poche vibre.

Un message du lycée : « Venez, immédiatement, gros problème avec votre fils ».

Sans un mot pour ses étudiants, Narcisse quitte la salle.

Quand le proviseur lui ouvre la porte de son bureau et l’invite à entrer, il se rend compte qu’il a oublié de changer de masque. Il pressant la catastrophe.

En effet ! Il toise son interlocuteur d’un œil méprisant, lui assène des propos pompeux, le reprend sur ses fautes grammaticales et lui demande même de se taire.

Le proviseur stoïque ne répond pas. Il quitte le bureau, revient quelques minutes plus tard en tenue de boxeur et lui assène deux coups de poings bien appuyés.

Ce soir Narcisse devait sortir au théâtre. Il avait l’intention, pour s’amuser un peu, d’inaugurer un nouveau masque de bobo, intello d’extrême droite, très prisé en ce moment.

Il est maintenant devant son miroir et contemple son pauvre visage tuméfié.

Aura-t-il le courage de prendre la sage décision de brûler tous ses masques et de n’être que lui-même ?

Rien n’est moins sûr !