J'attends

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J’attends et je regarde les gens passer. Des gens quelconques, des gens quoi ! Rien à dire, pas de quoi fouetter un chat.

Tiens, c’est curieux cette histoire de chat qui se fait fouetter pour un oui ou pour un non. Pas tout à fait parce qu’en fait il faut une bonne raison pour le faire puisque dans le cas contraire, il n’y a pas de quoi.

T’as compris, mon pote ? Je suis parti pour écrire n’importe quoi.

Je tiens à t’avertir c’est vraiment n’importe quoi. Alors si tu as autre chose à faire que de lire mes inepties, je ne te retiens pas. Tu peux aller peindre la girafe si ça te chante.

Quoique peindre une girafe en chantant je ne sais pas si ça se fait. Faut savoir que la girafe est mélomane et si tu as le malheur de chanter faux je ne te dis pas le mauvais moment que tu vas passer.

Alors oublie le truc de la girafe, prends un bon bouquin et ….

Merde, fais ce que tu veux. Après tout ce n’est pas mon problème si tu ne sais pas quoi faire de ta vie. Parce que, quand même, je ne sais pas toi mais moi à ta place, il y a longtemps que j’aurais mis les bouts.

Il faut vraiment que tu n’aies rien à faire

Tu n’as vraiment rien à faire ? C’est sûr ? Bon, alors je continue.

Pas de quoi fouetter un chat, ai-je écrit au tout début.

Le calme plat dans cette galerie marchande. Ah, c’est vrai l’histoire se passe dans une galerie marchande où je suis assis dans une espèce de fauteuil en bois brut trois fois plus grand que moi. J’ais l’impression d’être un lilliputien chez des géants. Je me sens un peu ridicule mais j’assume puisque je suis là pour attendre.

Le calme plat donc, l’océan un jour de grève, un jour ou pour faire chier des surfeurs il décide (l’océan) de se la couler douce et de faire trempette avec ses copines les vagues.

Le calme plat donc !

J’attends et j’espère.

Ola ! Le grand mot est lancé. Attention, vas-y avoir de la philo dans cette histoire. Fais gaffe, mon gars, t’as intérêt à être outillé. Ça va naviguer à des hauteurs que tu vas avoir du mal atteindre.

Ah, non ? L’espoir, ça te parle ? Je ne croyais pas, vraiment, vu ta gueule ! Tu m’étonnes ! Bon puisque tu le dis ! Allons-y pour l’espoir.

Donc j’espère ! Mais le problème est qu’il faudrait quand même que je sache ce que j’espère. Parce que, moi, d’habitude, côté espoir je suis plutôt sec, mais sec de sec. Ça fait des plombes que j’espère plus grand-chose.

Quand j’étais mioche, j’espérais beaucoup, très beaucoup.

J’espérais que ma maman ne me laisse pas seul, mais elle me laissait seul. Plus tard, ado, j’espérais que le temps passe vite pour devenir un adulte mais le temps ne passait pas vite et je m’emmerdais. Et puis quand enfin je suis devenu un grand, je n’ai fait que ça, espérer. D’ailleurs, il y avait autour de moi plein de gens qui vendaient de l’espoir. J’en ai acheté un paquet de leur espoir mais j’ai toujours été déçu.

Alors, un jour, j’ai décidé de ne plus rien espérer et je dois dire que je m’en suis plutôt bien porter. Terminé les espoirs déçus, terminés les espoirs volées, terminées les lendemains qui chantent. J’ai tout simplement rangé tous mes espoirs dans un placard, jusqu’à aujourd’hui ! Ça t’en bouche un coin ! Non ?

Je vois ce que tu es train de te dire. Ce mec là c’est un désabusé de la vie, un grognon, un vieux con ou un jeune con. Parce que, en fait, tu me lis et tu ne sais rien de moi. Et ne crois pas, je ne t’en dirai pas plus. Va falloir faire avec, tu ne sauras rien de moi.

A la limite, si tu veux, tu peux me traiter de con tout court. J’aime bien l’idée.

Et bien sache, pour ta gouverne, que, l’espace d’un instant, dans cette galerie marchande, je me permets de déroger à ma règle de vie et je me remets à espérer. J’ai décidé de rejoindre le troupeau bêlant des imbéciles heureux qui suivent le premier vendeur d’espoir venu.

Je me remets à espérer que je sais, que je suis sûr, mieux ou que j’ai la certitude que je sais. Avoir la certitude de savoir, mon gars, je peux te dire que c’est jouissif, à un point que tu ne peux pas imaginer.

Tu me suis là ? Non ? C’est pas grave !

Mais je te le répète, dans la vie, être sûr, ça c’est le top du top ! Être sûr c’est comme si tu portais un étendard avec toi, un étendard sur lequel est écrit « Je sais » et que tu peux arborer à chacune de tes sorties et fermer ainsi la gueule à tous les sceptiques, les jeter dans une fosse. Oui je sais, elle est facile celle-là.

Tu vois, à ce moment précis, je me vois dans un bateau pirate avec pour étendard, non pas une tête de maure mais ma certitude, ma belle certitude. Je me vois partir à l’abordage de la multitude de vaisseaux d’incertains, ceux qui n’ont qu’une ambition, une seule : Croire.

Croire que le pouvoir est la solution, que la liberté existe, que le bonheur est éternel et que la mort n’est qu’une supposition absurde,

Croire que les jours qui se suivent sont tous différents alors qu’ils ne sont que la copie conforme de notre médiocrité,

Croire que l’amour est une nécessité alors qu’il n’est qu’une chaîne de plus,

Croire que l’amitié est l’édredon sur lequel repose notre solitude alors qu’il finit souvent au fond d’une valise,

Croire qu’il existe une force supérieure à laquelle nous devons tous,

Croire tout ce qui peut se dire au nom de cette force,

Tout croire ! Ils sont tous prêts à tout croire.

Croire, ils n’ont que ça à la bouche.

Et moi, je te jure, là, dans cette insignifiante galerie marchande, au beau milieu de la foule inerte, je me vois sortir les canons de ma certitude, brandir la torche de mon savoir, allumer la mèche de mes arguments et faire voler en éclat tous ces vaisseaux d’incertitudes et de croyance puériles.

Et, … un bambin court derrière son unique certitude, …une balle. Fatiguée, elle finit sa course entre mes deux chaussures. Etrange animal au regard absent, elle me supplie, je la ramasse et la rend à son maître, son bourreau.

Lui me regarde et sourit. Dans ses yeux d’enfant, je vois et je comprends que je ne sais rien. Il se retourne et sans rien dire court rejoindre sa mère.

Et puis, les deux battants de cette fichue porte vitrée finissent par glisser lentement. Elle apparait, radieuse, unique, une boîte à chaussures dans les mains. Un temps d’arrêt, un regard périphérique puis elle se dirige vers moi. Sa robe m’effleure, son parfum m’envahit. Je suis aux nues, au paradis.

Son regard me caresse, non, il me transperce, il m’efface, il me crucifie, il se détourne de ma pauvre carcasse et part flaner vers une autre vitrine. Des robes sans doute.

Je l'ai suivi du regard encore quelques secondes puis la foule l’a engloutie.

C’est ainsi mon ami qu’elle a disparu de ma vie sans y être jamais entrée d’ailleurs.

Qu’est-ce que j’ai fait ?

J’ai laissé mes yeux se poser sur mes chaussures et me suis remis à attendre.

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