Ce n'est pas le sujet

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Ce n’est pas le sujet

7h30 du matin, je pars retrouver ma locataire, elle retourne dans son pays, la Norvège. Je vais récupérer les clés et rembourser la caution.

Je ne vous parle pas de ma locataire, sympa, propre, respectueuse de l’appart. Bien, très bien !

Ce n’est pas le sujet !

Elle, c’est une vrai norvégienne, viking quoi ! Je lui arrive à l’épaule, une véritable Walkyrie. Je la vois bien me trancher la tête avec son épée, non elle n’a pas d’épée, je plaisante. Une véritable nature, balaise la donzelle, d’ailleurs, dans le couloir du studio, j’ai voulu l’aider à porter sa valise, je n’ai pas réussi à la lever d’un centimètre, la valise bien sûr. Elle, tranquille, l’a prise comme si elle cueillait une fleur. La honte !

Mais ce n’est pas le sujet !

Donc je sors de chez moi, le gel sur le parebrise n’a pas encore disparu et je roule à l’aveugle enfin presque j’essaie de trouver une petite lucarne pour voir la route. Pas très malin, j’en conviens. Je roule à dix à l’heure. Derrière moi, les voitures me font des appels de phare. Je leur tends un doigt. Non je ne fais pas ça, même s’il y a des fois…

C’est bon le chauffage commence à faire son effet et la vision maintenant s’améliore, j’accélère. Je passe l’avenue de la D….. et j’arrive à la croix du B….. Ah ! La croix du B….., toute une histoire. Faut dire que, …

Mais ce n’est pas le sujet !

Je sens poindre en vous comme une espèce d’agacement qui vous ferait dire « Commence à faire chier grave, celui-là avec son « Ce n’est pas le sujet ».

Je me trompe ? Non ! Et bien le sujet le voici.

Passé la croix du B…., dis-je, je m’engage sur une ligne droite, assez dangereuse, très passante où les voitures n’ont pas l’habitude de respecter les vitesses. Le soleil flemmarde encore et le croissant de lune est tellement minable qu’il ne ferait pas mon petit déjeuner. Il fait nuit et seuls mes phares éclairent la route.

Dans l’obscurité totale, je vois, vêtu de vêtements sombre, un homme de couleur, de couleur aussi sombre que ses vêtements. Je fais un écart et n’arrive pas à maîtriser ma voiture, je finis dans le fossé. Non, je fabule. L’homme marche sur le bas- côté, à l’écart de la route, il ne risque rien, enfin presque.

Je poursuis mon chemin et je ne peux enlever son image de ma tête, pourquoi ?

Un homme seul marche dans le petit matin, que fuit-il, que cherche-t-il ? Pourtant en ces temps tourmentés où tout le monde suspecte tout le monde où l’on chasse comme des criminels ceux qui fuient la misère et la guerre, il est évident que je dois penser à un sans papier qui profite de la nuit pour se déplacer.

Pourtant ce n’est pas à cela que je pense. Aussi bizarre que ça puisse paraître je pense au suicide, oui au suicide. Marcher sur le bord de la route et se rendre invisible, si ce n’est pour laisser le hazard choisir le moment de sa mort, pour qu’elle autre raison alors ? C’est ce que j’aurais fait si j’avais eu l’intention d’en finir avec la vie. Cet homme est-il dans cet état d’esprit ? Je ne le sais pas. Il marche sur le côté gauche de la chaussée donc il voit les voitures arriver face à lui. S’il avait voulu mourir il aurait pris l’autre côté, c’est évident. Sauf à vouloir se jeter dans les roues du premier véhicule venu. Non, dans ce cas il n’a pas besoin de s’habiller ainsi et de choisir l’obscurité pour le faire. Son acte peut avoir lieu en plein jour. Cet homme n’a pas l’intention de mourir. Il ne marche pas au hazard, il va quelque part, peut-être fuit-il, peut-être a-t-il un rendez-vous important. Je n’en sais fichtre rien.

Donc, ce n’est pas encore le sujet. Quoique…

Ma route me mène jusqu’au studio, j’aide ma locataire à descendre ses bagages. Elle m’a dit la veille qu’Hubert la mènerait à la gare, un ami sûrement. Sympa le copain, venir aux aurores le dimanche matin, c’est rare. Celui-là, elle devrait se le bichonner, c’est sûr.

Je suis sur le trottoir, une voiture noire l’attend, Hubert sans doute. Un homme en sort, inquiétant, au visage et à la tenue qui me fait penser à un personnage de film de gangsters.

— Charlotte ? demande-t-il, sans en dire d’avantage, avec un accent qui me fait dire qu’il doit venir d’une contrée lointaine.

Je me fais un film, je sais. En fait d’Hubert c’est un taxi ubérisé que Charlotte, ma locataire, a commandé. Je me sens un peu penaud mais je n’en démords pas, mon imagination continue à vagabonder. Et si des terroristes avait piraté le site « uber » et prit la commande pour enlever Charlotte contre rançon, son père étant un diplomate norvégien. Là, j’exagère. Vous vous dites, ce gars il débloque complètement.

N’empêche qu’en arrivant chez moi, je m’empresse de prendre mon ordi et d’envoyer un mail à Charlotte :

— Bon voyage, charlotte. Êtes-vous dans le train? S’il vous plait, répondez-moi! Merci.

Après une heure d’angoisse à attendre devant mon clavier, je lis sa réponse.

— Merci. Oui, je suis presque arrivée à Paris, tout va bien. C’est une belle journée.

Me voilà enfin rassuré, je me faisais vraiment des idées. Il y a des moments où je me fais un peu peur, j’échafaude des plans, je me raconte des histoires, heureusement que je ne me prends pas au sérieux, ça pourrait être chiant pour les autres.

C’est bien, n’y pensons plus et si…

— Non arrêtes…

— Attends écoute. Imaginons qu’elle ait été kidnappée, pour le moment tu me suis

— Arrêtes, tu t’enfonces !

Je suis en train de parler à moi-même ça devient grave.

— Qui empêche les ravisseurs de récupérer son portable et de répondre à sa place. Ah, là t’as rien à dire petit malin. Qui les empêche ?

Il est 23h45, j’arrête de gamberger, je vais me coucher, j’ai assez écrit de bêtises aujourd’hui.

Bonne nuit les petits !

— Tiens ! Ça me fait penser, tu sais toi que Nicolas et Pimprenelle, ils avaient un contentieux avec un ours?

— N’importe quoi !

— Oui, une histoire de sable qu’il aurait jeté d’un nuage et qu’ils auraient pris dans la figure.

— Une histoire invraisemblable à dormir debout.

Mais ce n’est plus le sujet.

Il est presque minuit, j’arrête de gamberger, je vais me coucher, j’ai écrit assez de bêtises comme ça aujourd’hui.

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