Chapitre 8 - Biographique

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Le journaliste croise un peu plus les jambes comme si quelques crampes d’estomac incommodaient ses conduits intestinaux. Le plateau télé rutile de mille feux. Le professionnel prend la parole sur un ton de circonstance :

- Quelle affreuse histoire. Un moment sordide vraiment.

L’interviewé, un homme large à la peau d’ébène, coiffé d’une crête crépue répond en un souffle :

- Cela s'est déroulé il y a cinq ans… Le souvenir est toujours aussi vif.

Les spots illuminent la scène. La Rolex brille au poignet de l’invité comme la couronne d'un roi victorieux.

- Quel parcours dites donc monsieur. Dire que tout a basculé ce jour où vous avez gagné ce concours littéraire... Mais comment avez-vous fait ? Vous si jeune, perdu dans la savane… Par quel moyen êtes-vous parvenu à concourir à ce prestigieux concours ?

- Mon professeur a recopié une lettre que j'avais laissée sur le tableau de la classe. Ma lettre s’est transformée en nouvelle soumise au grand congrès des lettres. Les académiciens furent unanimes.

Le visage du présentateur s’illumine.

- Cette victoire vous a propulsé ! Non seulement vous avez remporté le prix de 5000 euros mais en plus la route de l'édition vous était ouverte avec une notoriété incroyable ! La Terre entière s’est éprise de votre histoire hors du commun !

- Oui tout cela grâce à mon mentor…

Un silence.

- Mon mentor s’est sacrifié lorsque l’arme se dirigeait vers Abayomi et moi.

La tristesse s’efface du visage pour laisser place à un regard empli de malice.

- Je ne vais pas trop en dévoiler car cette histoire est racontée dans mon nouveau...

Le journaliste le coupe d’un ton blasé :

- Nouveau roman dont la promotion démarre aujourd’hui. Oui, oui… nous le savons. Mais il faut nourrir vos lecteurs, dites nous en plus ! Comment, vous, jeune africain issu de l’esclavagisme et sans instruction, êtes vous parvenu à un tel niveau de lyrisme dans une langage qui n’était pas le vôtre?

Résignée, sa voix emplit les ondes:

- J’ai appris le français en quelques mois seulement. Tout ce qu’il m’a été donné d’accomplir vient de mon professeur. Mes progrès l’ont rendu passionné et insatiable. Ma réussite c’était sont graal.

La voix meurt et un nouveau silence s’installe.

- Son premier geste fût de m'offrir un roman. Rendez-vous compte ! Je ne savais même pas ce qu'était un livre. A cet âge, les cadeaux n’existaient pas. Lire m’a rendu fort, affuté, riche…

- Riche ! Parlons-en ! Vous êtes devenu une célébrité. Un écrivain adulé mais aussi un homme d'affaire redoutable ! Non seulement vous multipliez les « Best Sellers », mais vous utilisez vos bénéfices pour monter vos propres éditions. En quelques années vous êtes parvenu à faire de l’ombre aux grandes institutions du métier.

L’écrivain sourit d’aise et de satisfaction, ses mains se croisent en un geste prémédité. Le monstrueux bracelet en or massif brille face aux caméras. Le journaliste se tourne vers l'immense écran du plateau pour commenter les images :

- Voyez plutôt.

Les pixels dépeignent un homme ivre accroché au bras de deux filles en tenue très courtes.

- Nous sommes très loin de ce jeune africain empli d’humilité…

L'écrivain balaie l'image d'un geste de la main.

- Je profite un peu de la vie voilà tout.

Les traits du journaliste se durcissent et sa voix cingle au milieu du plateau télé.

- Nous annonçons à nos téléspectateurs que les images suivantes pourront choquer les plus sensibles d’entre nous…

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