Chapitre 6 - L'annonce
Les ondes traversent le monde comme un son constant dont le murmure pénétrant s’apparente parfois au bruit de fond d’une savane endormie. Persistantes, elles s’infiltrent dans la jungle et rebondissent comme l’écho d’un tam-tam incessant. De station en station, d’antenne émettrice en parabole de réception, la nouvelle se répand. L’immense, l’impensable, l’incroyable nouvelle ! Ce matin elle résonne et c’est tout un peuple qui s’agite. La célébrité touche les démunis comme un feu de brousse : un éclat qui aujourd’hui brille pour mieux mourir demain.
Dans la classe, je travaille sur ma prochaine dissertation. Mes mots tracés à la craie ont eu l’effet d’un interrupteur chez mon professeur. Au début, il me trouvait d’un naturel doué mais depuis la découverte de mon aveu sur tableau noir, ma réussite est devenue son obsession. Mon mentor s’est démené pour dénicher les classiques nécessaires à mon développement. Les fleurs du mal, Apollinaire, Victor Hugo, Aragon. J’ai lu, apprécié et même compris du haut mes treize ans que selon le poète, il n’y a pas d’amour heureux. Mais en réalité, ces mots ne me parlaient qu’à moitié, car moi, Abioni, je vibre, je tremble, je brûle d’un soleil dont le lever prend tout son jour lorsque son regard se pose sur le mien.
La mine de mon crayon cesse de remplir ma feuille. Les mots me manquent... ou serait-ce juste elle ? Je me retourne, l’observe et lui renvoie son sourire. Nous ne nous cachons plus et depuis lors, je flirte avec le vrai bonheur.
C’est alors que les pneus ont crissé dans la cour. Dans nos yeux, la flamme de joie s’est éteinte et la passion s’est muée en peur.
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