Chapitre 1 - Asséché

2 minutes de lecture

Je travaille dans la carrière depuis que mon père m’a vendu. Le soleil brûle la terre de mes ancêtres et assèche mon cœur. Même pleurer devient difficile… difficile… difficile et vain. Par ma sueur, mon sang et mes mains, moi Abioni je m’en sortirai.

Le vent souffle sur une terre rouge qu’une savane recouvre d’un tapis d’herbes sauvages jaunissantes. Dans les fourrés, serpente un chemin englouti par l’immensité sauvage. Au loin, tout au loin le village... mais le retour c’est pour tout à l’heure… D’abord il me faut briser la pierre encore et encore. Ma masse casse les cailloux et remplit une bassine lourde pour mes mains d’enfant.

Mon frère me paie bien ! Quatorze cents par bassine, c’est deux fois plus que les autres. Alors je frappe, je frappe, je casse et je lance dans le bac. Puis je frappe, encore. Ma tête, courbée sur le tranchant des pierres, ne regarde pas les autres esclaves. Parler est inutile et risque de me ralentir. C’est la recette à problèmes ! dit toujours mon frère en barrant sa bouche de son index. Le bruit de l’acier sur les caillasses ressemble à un cri, un cri d’agonie, la détresse résonne à mes oreilles et à chaque coup, mes tympans souffrent… Ne plus parler… Ne plus entendre mais frapper, encore, encore, cogner, briser et répéter le mouvement à m’en décrocher les bras. À la fin de la journée, mes mains raidies d’avoir serré un manche des heures durant ne se déplient qu’au prix d’une souffrance abominable. Mes paumes noires sont contraintes au repli, je n’ose les ouvrir de peur de les voir saigner.

Ma journée me donne pourtant le sourire. Six bassines, ce sont deux livraisons en plus que la plupart des autres gamins… Mon tarif préférentiel et ma surproduction rendent ma solde respectable pour un enfant de dix ans ! Mon frère est un grand homme et paie bien. Je lui dois tout. Moi Abi fais le serment de m’en sortir. Un jour mes économies me permettront de quitter le pays et c’est alors que j’abolirai le travail. Délaisser les cailloux brûlants, les marteaux impitoyables et les bassines alourdies. Plus jamais un membre de ma famille ne devra se courber. Plus jamais…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Thomas Dansor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0