Jour 4

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Je mis du temps à me remémorer les événements de la veille. C’est pourquoi je ne compris pas tout de suite pourquoi ma lampe de chevet était allumée. J’ouvris mes volets et éteignis la lumière avant de me diriger vers la salle d’eau.

C’est avec stupeur que je découvris un message à l’encre noire inscrit sur la cuvette des toilettes, que j’avais dévoilé en la rabaissant : « Quitte l’île, maintenant ».

La peur du jour précédent avait laissé place à la colère. Cette blague allait beaucoup trop loin et je commençais même à me faire peur tout seul. Je décidai de ne pas prendre ce message trop à cœur et d’aller faire un tour à la plage. Je pris un déjeuner rapide et passai prendre de quoi pique-niquer. L’air marin me remettrai les idées en place et je trouverai une solution de coincer ce petit arlequin.

La plage était quasiment déserte en raison des requins qui longeaient la côte. La Réunion était chaque année le théâtre de tragiques accidents mêlant des surfeurs intrépides aux requins aux dents acérées. Quelques courageux avaient cependant décidé de s’y risquer. J’étendis ma serviette au sol et les contemplai avec appréhension. L’eau me semblait être un milieu hostile et ne m’avait jamais inspiré grande confiance. Je m’imaginais les monstres que l’on pouvait y trouver, tous plus terrifiants les uns que les autres. Je ne me serais jamais aventuré seul sur la plage la nuit, tant l’eau sombre me terrifiait.

Une meute de chiens sauvages, passant devant moi, m’extirpa de mes pensées. Je les suivis des yeux tout en me demandant pourquoi la population réunionnaise n’appréciait pas les chiens en tant qu’animaux de compagnie. Ce devait être une question de culture. Ils se dirigeaient vers un couple qui tentait de prendre la meilleure photo de vacances. Ils avaient fini par mettre à contribution un homme. Je redirigeai mon attention sur l’océan et son va et vient sonore. J’aimais cette journée ; du moins ce moment. Je comptais sur la puissance des vagues pour chasser de mon esprit la terreur de la veille. Aussitôt que les événements revenaient dans mon esprit, je les chassais au rythme du ressac.

Au bout d’un certain temps, je décidai qu’il était l’heure de manger et je mangeai. Se concentrer sur le moment présent me faisait le plus grand bien. L'oppression de ma poitrine sembla d’ailleurs se desserrer. Je continuais de contempler les gens et la mer. Des locaux allaient et venaient à l’instar des touristes qui, eux, prenaient des photos. Personne ne restait longtemps sur la plage. Jean m’avait dit qu’elles étaient rarement bondées. Seule l’une d’elles vers Saint-Gilles avait le privilège d’accueillir de nombreux baigneurs.

La journée passa et c’est à contrecœur que je rejoignis ma chambre d’hôtel. Je n’avais pas faim. Je décidai de dormir tôt pour pouvoir me lever à l’aube et profiter de la journée… et du soleil. Deux fois à gauche, une fois à droite. J’étais dans ma chambre. J’ignorai promptement la sensation qui revenait me piquer de sa froideur et pris la direction de la douche. Paranoïa ou simple envie, je sentis mon savon. Rien à signaler pour le reste de la soirée. Je m’installai alors confortablement sur mon lit pour visionner la télé et ses informations.

Je ne sais pas ce qui me fit tourner la tête. Du moins, jusqu’à ce que j’entende une respiration. Je restais tétanisé, tentant de comprendre d’où elle pouvait bien provenir. Je pris alors conscience que le téléphone de l’hôtel, posé sur ma table de chevet, était décroché. Je m’assis sur le rebord du lit sans le quitter des yeux, puis le portai à mon oreille. Le même souffle se répétait. Je tentai un « Allo » qui fit bondir mon cœur de peur. La respiration se fit plus rapide mais aucune voix ne vint la rompre. Je sentis la colère revenir en moi, hurlant qu’on me laisse en paix avant de raccrocher avec violence. Lorsque je repris contenance, je me rendis compte de la stupidité de mon geste. Il n’y avait peut-être personne au bout du fil. Ce n’était peut-être que le son qu’on entend après avoir raccroché. Et le téléphone était décroché peut-être parce que la femme de ménage avait oublié de le remettre à sa place.

J’éteignis la télé et hésitai un instant avant de faire de même avec la lumière. Je m’endormis rapidement. Cette fois il n’y eut aucun bruit, mais un rêve vint perturber ma nuit. Un de ces rêves où l’on sait que l’on dort, mais duquel on ne peut s’échapper. Alors on avance en espérant que le tunnel prendra fin de façon prématurée.

Le rêve avait pour cadre une chambre d’hôtel, semblable en tout point à la mienne. Pourtant, elle paraissait différente sous certains aspects que je ne parvenais pas à définir. Figé, je n’osais émettre le moindre bruit. Il faisait sombre, la lumière de la lune ne parvenant pas à dissiper l’obscurité ambiante. En relâchant l’attention sur mes sentiments, je pus prendre conscience qu’une forme était avachie sur le tapis au pied du lit, immobile et imposante. La curiosité l’emporta sur la peur et j’entrepris d’avancer vers elle. Le chemin était interminable, la notion de distance ne semblant pas très bien établie dans ce monde. Je pus néanmoins arriver sans encombre jusqu’à mon but. C’est avec étonnement que je vis un téléphone dans une main… inerte. Une profonde intuition m’intima que je me trouvais dans la chambre du mort. En effet, la forme était un corps étendu sur le sol dont je ne pouvais distinguer le visage. Je pensai alors me réveiller après cette révélation macabre mais rien de tel ne se passa. Je décidai donc de m’assoir sur le lit. Comme mu par une force extérieure, je m’allongeai en fermant les yeux.

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