La montre

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J'étais en classe, assise à mon bureau brun, le même brun que ma chaise. La lumière du soleil qui passait à travers la vitre se reflétait sur une partie du bois. Bien que les autres chahutaient et faisaient du bruit en jouant à leurs jeux de société ou leur smartphone, je ne les entendait pas, perdue dans mes pensées, comme dans ma bulle.

Mon regard était rivé sur cette montre à gousset. Cet objet si mystérieux. Elle tenait dans la paume de ma main et j'avais laissé le petit couvercle fermé. Ce qu'elle pouvait être étrange tout de même. A l'arrière il y avait un dessin que je n'avais pas vu directement, une sorte de montagne enneigée en relief qui prenait tout le cadre. Dans le couvercle, des petites écritures, elles ne semblaient pas être en français, il me faudrait donc utiliser un dictionnaire de langue ou alors comme tout adolescent de cette génération qui se respecte, Google traduction, bien que ce dernier ne soit pas totalement fiable il constituerait une bonne base. Je réussis néanmoins à déchiffrer quelques mots de cette phrase :"La realitat presó imaginació és sortir."La ne pouvait que signifier la, realitat réalité non ? Preso ? Non ça ne me disait rien, imaginaco, l'imagination és c'est est et sortir reste sortir. Et puis ça ressemblait fort à de l'espagnol alors il serait facile de trouver une traduction. Mais trouver les mots qui manquaient serait plus compliqué. Je soupirais doucement, par réflexe je pris un morceau de feuille et un Bic y notant la phrase que j'avais pu déchiffrer et rangea la montre dans mon sac, la mettant bien à l'abri dans une poche assez discrète avec une tirette que je fermais pour être sûre que la montre ne sorte pas.

Lorsque la journée de cours fut terminée, non sans hâte, je rentrais rapidement chez moi, vérifiant que la montre se trouvait toujours dans mon sac.

Sur le chemin du retour, je ne pouvais m'empêcher de penser à cette phrase, cette montre, ce jeune homme. Il aurait pu la donner à n'importe qui, mais il me l'avait donnée. Je finis par rentrer chez moi. Je claquais la porte, fit entendre que j'étais là par un magistral "J'suis rentrée !" avant de me rendre compte que ce soir encore personne ne me répondrait ou ne viendrait à ma rencontre pour me demander comment s’était déroulée cette dernière journée de cours.

Après cela, je montai rapidement dans ma chambre pour pouvoir allumer l'ordinateur portable qui trônait sur mon bureau qui était à la lumière de la fenêtre. Alors qu'il s'allumait laissant entendre cette douce chanson que l'on aurait pu reconnaître entre toutes, je pris le portable et m'installa dans mon lit. Rien n'était plus confortable qu'un lit doux et moelleux pour y faire des recherches qui s'annonçaient longues. Mon mot de passe une fois tapé, qui était une petite référence à mon écrivain préféré - Stephen King avec comme mot de passe "Grippe-sous", oui, oui le fameux clown tueur aux ballons qui semble vouer une fascination morbide aux objets qui flottent et veux que tout le monde puisse flotter à son tour- mon écran s'alluma sur une photo de paysage, simple mais je la trouvais très jolie c'était une fenêtre brisée qui laissait voir que le temps avait fait son œuvre non seulement sur elle mais aussi sur le paysage luxuriant qui se trouvait en arrière-plan, le tout en noir et blanc.

J'ouvris le navigateur et je commençais à tapoter sur les touches noires aux lettres blanches. Il n'y avait aucune hésitation dans ce que je tapais mais les recherches me contrariaient puisque comme à chaque fois, je retroussai mon nez de temps à autre lorsque je lisais les mots qui étaient inscrits sur l'écran d'ordinateur. Lors d'une de mes pauses je décidais de mettre un t-shirt ample ainsi que d'enlever mon jeans, je me sentais toujours mieux en culotte, je me sentais plus libre de mes mouvements.

Après quelques heures, une tonne de feuilles remplies de gribouillis noirs puis bleus, puisque mon Bic avait décidé de rendre l'âme alors que j'écrivais, éparpillées partout sur les draps, des doigts engourdis à force d'avoir tapé puis écris, et une fatigue contre laquelle je ne pouvais plus combattre.

Je semblais avoir trouvé une traduction de la phrase qui se trouvait sur la montre à gousset, qui me plaisait ou me satisfaisait assez que pour que j'arrête en fermant le dessus de mon ordinateur portable, s'assurant qu'il était bien fermé au petit clic qu'il produisit lorsqu'il toucha le pavé du dessous.

Me redressant, je pris mes feuilles en main pour aller jusqu'à mon bureau, je les rangerais plus tard, tant pis pour le désordre que cela faisait. Je fis demi-tour pour retourner à mon lit et m'y laisser tomber en lisant une dernière fois cette phrase que j'avais notée sur mon bout de papier.

Après avoir baillé quelques fois je tombais endormie. Les feuilles sur le bureau et les mots écrits d'une délicate écriture révélaient une phrase :"la réalité est la prison de l'imagination."

Sa main tenait la mienne, sa main forte et dure mais tellement douce et fragile à la fois, quel paradoxe étonnant. Cependant sa main me semblait s'éloigner, tout comme sa silhouette, elle partait et je ne savais la retenir. Pourquoi voulait-il partir ? Me laisser dans cet endroit que je ne connaissais pas. Il n'avait pas le droit tout de même.

Je me réveillais en sursaut, mes cheveux collants à mon front dû à la frayeur de ce rêve ou plutôt de la peur que l'éloignement de cette personne me procurait. C'était un rêve étrange dont cette image de main me revenait en tête, ça semblait être réel mais tellement peu plausible. Je regardais autour de moi, la nuit était tombée au vu de la pénombre qui régnait dans ma chambre à présent. Prenant un mouchoir, j'essuyais rapidement mon front et attachais mes cheveux en queue de cheval avec l'élastique que je portais toujours à mon poignet comme un porte-bonheur, il était entouré de bracelets porte-bonheur, ceux que l'on attachait en faisant un vœu et qui devait se réaliser lorsqu'il se cassait. Inspirant et expirant rapidement, j'essayais de me calmer, ma poitrine se soulevait d’une manière irrégulière, jusqu'à ce que mes yeux s'ouvrent de stupeur et de surprise.

Non... Impossible, pas même réaliste. Ce visage qui était dans mon rêve, et dont je n'arrivais pas à mettre des traits dessus, venait de me revenir en tête. Ça ne pouvait être qu'un tour de mon esprit. Après tout ce rêve ou plutôt se souvenir revenait souvent sans pour autant pouvoir mettre des visages sur ceux qui m'entouraient, j'étais bien trop petite à l'époque, aux alentours de mes cinq ou six ans et pourtant aujourd'hui j'avais été capable de mettre un visage sur celui à qui je tenais la main. Un jeune homme, pas n'importe lequel non… celui qui m'avait bousculée et m'avait donné la montre. Mon esprit devait se jouer de moi, après tout je l'avais croisé tout à l'heure et il m'avait marqué, c'était la solution la plus plausible mais... impossible...sinon comment expliquer qu'en plus d'une dizaine d'années une personne pouvait ne pas vieillir, je n'étais pas dans un conte de fées et surtout pas dans l'histoire de Peter pan et pourtant ce garçon n'avait pas vieilli, il avait les mêmes traits, la même voix, ses mains avaient la même douceur qu'auparavant, il n'avait pas changé.

Je me redressais rapidement et allai prendre la montre à gousset dans mon sac, je devais en avoir le cœur net et vite. Je me changeait rapidement, l'air devait être plus frais, je mit donc le premier jeans qui me vint sous la main, un vieux jeans gris, qui était plutôt un training et un gilet rose, tant pis pour l'accord des couleurs. Mettant cet objet dans ma poche, je sortis de chez moi, ce souvenir me permettait au moins de connaître le nom de celui qui m'avait abandonnée et ensuite retrouvée, mais était-ce réellement lui ? M'avait-il réellement abandonnée ? Ça ne devrait pas être compliqué de le trouver s'il m'avait lui-même trouver après tant d'années. Je sortis de chez moi malgré l'heure tardive et avancée -si j'avais bien vu sur mon réveil analogique il était aux alentours de 23 heures- la montre dans ma poche et ma main par-dessus, la serrant jusqu'à en avoir les jointures blanches, comme si j'avais secrètement peur qu'elle ne se volatilise une fois arrivée.
Après quelques minutes à marcher dans les rues désertes à cette heure-ci de la nuit, je m'arrêtais et sortis la montre de ma poche, c'était le moment de vérité. Inspirant, je fermais les yeux et appelai le jeune homme par son prénom, ce prénom qui me revenait alors que j’avais ouvert la bouche sans savoir ce que j’allais dire :

-Evan ?

Je me sentais idiote, toute seule en rue et parlant à.…à qui déjà ? A un rêve ? Je ris doucement en frottant mes mains à mon visage avant de les monter pour prendre mes cheveux, me moquant de moi-même, quelle idiote franchement.

-Oui ?

Le jeune homme était là, devant moi, de nouveau comme dans mes souvenirs avec un sourire énigmatique sur son visage. Je n'en fut même pas surprise.

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