Jeudi 6 juin / 5

3 minutes de lecture

Charlotte

Je n’aurais pas dû lui parler de cette manière et encore moins entre deux portes, juste avant l’arrivée de son fils. Il faut souvent du temps pour que les personnes acceptent ma vision de l’amour et du corps. Je suis qu’une nouille. J’ouvre la bouche pour tenter de lui expliquer mais une sonnerie m’interrompt. Le facteur ! Julie lui ouvre et lui propose même un café. Génial ! Pas fou, le type, il accepte, même s’il lui répète qu’il n’a pas le temps. Mais je suppose que Julie est ravie de cette intrusion. Fini la discussion sur le sexe. Fini les confidences intimes… ça m’étonnerait qu’ils nous accompagnent ce week-end, je suis certaine qu’elle va inventer une excuse. Je m’en veux tellement d’être aussi spontanée.

L’arrivée de Tristan met définitivement fin à notre matinée papotage. Julie s’excuse de devoir poursuivre ses occupations et je m’éclipse docilement avec un arrière-goût amer, d’inachevé. J’aurais bien aimé m’en faire une amie et là, j’ai le sentiment que j’ai réussi l’inverse.

Assise derrière le volant de ma voiture, je saisis mon téléphone, cherche le numéro de mon doc et l’appelle sans tarder.

— Mme Roucal, Bonjour. Que puis-je…

— Bonjour Doc, les sexologues règlent que les soucis de sexe ou je peux aussi vous parler de mon problème psy ?

Je l’entends souffler dans le combiné, sans que je devine s’il sourit ou si au contraire il lève les yeux au ciel.

— Vous aimeriez venir aujourd’hui ? J’ai une place qui s’est libérée à…

— Non, par téléphone… Maintenant, cinq minutes… c’est possible ?

— Les problèmes psy ne se traitent pas comme ça, Charlotte. Mais dites-moi… Que se passe-t-il ?

— Mon mari m’a présenté son plus proche collègue et je pensais pouvoir me lier d’amitié avec sa femme. Ils nous ont invités dimanche dernier pour le repas et ce matin j’y suis retournée pour boire un café. Mais je crois que j’ai tout gâché.

— Qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

En deux mots, je lui résume notre conversation et surtout mon insistance autour du sexe, sa gêne et sa manière de se comporter.

— Je suis trop nulle, Doc.

— Vous avez peu de filtres, c’est vrai. Mais dans ce que vous me dites, il n’y a rien qui pourrait faire penser que cette Julie vous repousse. Pourquoi pensez-vous ceci ?

— Ça ne s’explique pas, Doc, ça se sent !

— D’accord. Et dans ce cas, pourquoi est-ce si important pour vous ? Votre mari a d’autres collègues et vous aurez d’autres occasions de…

— Les enfants sont très proches, Manu et Tim aussi… Ça devrait être ainsi… sauf que j’ai tout gâché.

— Peut-être pas. D’après ce que vous m’avez dit, elle a accepté de vous rejoindre ce week-end…

— Pour être polie… Et surtout c’était avant que je…

Toc Toc Toc

Surprise, je tourne le visage vers la fenêtre de ma voiture et aperçois Julie, la mine inquiète. Je baisse la vitre et m’excuse auprès de mon interlocuteur :

— Ah tu es au téléphone, s’exclame Julie. J’ai cru que tu avais un problème de voiture. Excuse-moi, je te laisse, dit-elle précipitamment en s’éloignant retrouvant son sourire.

— Je pense que vous venez d’avoir la réponse à votre question, Charlotte. Elle ne se serait pas inquiétée de la sorte si elle était fâchée, vous ne croyez pas ?

— Si… si… vous avez raison. Merci Doc. Je vous rappellerai. Julie, crié-je en sortant de la voiture.

Au milieu de son allée impeccable, elle se retourne et me sourit.

— Tristan a vu ta voiture depuis la fenêtre de sa chambre. Nous avons cru que tu étais en panne.

— Non, non, tout va bien, dis-je en la prenant dans mes bras et lui embrassant tendrement la joue.

Elle étouffe un rire et me demande si j’en suis certaine.

— J’ai pas beaucoup d’amies, Julie. Et je manque parfois un peu de délicatesse. J’avais peur que tu sois fâchée.

— Fâchée ? Parce que tu parles librement de sexualité ? Charlotte… je ne vais pas me fâcher pour ça. On peut être amie et avoir d’autres sujets de conversation, il me semble.

— Oui… oui tu as raison. Excuse-moi, je suis toujours dans l’extrême.

Elle m’embrasse à son tour et me propose de se voir la semaine suivante pour un nouveau café.

— En plus du week-end ?

— Oui. Il n’y a pas de raison de se priver de bons moments.

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