Jeudi 6 juin / 4

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Charlotte

Elle me fait rire, entre gêne et timidité, se cachant derrière de faux prétextes, il était temps que j’entre dans sa vie pour la bousculer un peu. D’ailleurs à ce propos… Vaut mieux que je l’avertisse sur ce qu’elle pourrait entendre.

— Julie… j’ai un truc à te dire. Tu sais, si on se retrouve rien que tous les deux, c’est avant tout pour… Tu comprends ?

— Ben oui. Tu viens de me le dire.

Comment dire ça, sans utiliser des mots qui la feront rougir ?

— Je veux dire… Comme un couple, dans un lit ou ailleurs.

— Vous ne seriez pas mieux sans nous dans ce cas ? bredouille-t-elle, les yeux arrondis par la surprise.

— Je ne te l’aurais pas proposé, si je ne voulais pas que vous veniez. Julie, que vous soyez là ou pas, ne changera pas grand-chose à notre intimité, si ce n’est qu’on s’enfermera dans notre chambre. Mais entre les galipettes, je suis certaine que ça sera sympa de vous avoir avec nous. Et je pense pas que nous serons les seuls à nous amuser. Je me trompe ?

— Peut-être… Tu veux un second café ?

Je pose une main sur son avant-bras en secouant la tête.

— Je suis très à l’aise sur le sujet du sexe. Manu me gronde parfois, il dit que je manque de filtre. Je vois bien que tu es gênée, mais tu n’as pas à l’être. C’est naturel, surtout dans un couple. Vous faites souvent l’amour ?

— Charlotte… en effet, j’ai du mal à parler de ces choses-là. J’ai compris que pour vous… pour toi…

Même si je sais que je deviens lourde, elle me surprend et je suis pleine de questions. Je répète mes mots et elle avoue :

— Pas moins qu’un autre couple j’imagine.

Ça ne veut rien dire cette phrase. Je tente de la bousculer encore un peu :

— Comme nous tu crois ? Manu et moi c’est au moins deux, voire trois fois.

— Par mois ? demande-t-elle naïvement.

Je reste muette devant sa question.

— Par semaine alors ? rectifie-t-elle.

Elle plaisante ou quoi ?

Donc le Doc avait raison… il y en a vraiment qui baisent si peu ?!?

— Par jour, Julie. Matin et soir minimum. Pas vous ?

La pauvre, je m’attendais un peu à l’effet de surprise mais pas à me ramasser l’eau de son verre.

Julie

L’effet de surprise bloque mon geste et mes doigts glissent autour du verre que je tenais à peine. Evidemment le déséquilibre fait vaciller l’eau qui éclabousse la table et la jupe de Charlotte. Je m’excuse, me levant rapidement pour aller chercher un torchon.

Mon invitée me rassure, ce n’est que de l’eau, mais j’ai besoin de reprendre pied.

Deux à trois fois par jour ? Mais quand ? Comment ? Le matin… avant le lever des enfants ? Et le soir… Là on pourrait faire un effort avec Tim, il s’endort toujours sur le canapé et quand il vient me rejoindre, c’est moi qui dors à poings fermés.

Il y a encore quelques temps, nous profitions de la grasse matinée du dimanche matin, mais les semaines s’écoulent désormais sans que beaucoup de câlins nous unissent.

Mais tous les jours ??? Est-ce que c’est normal ?

Tout en essuyant ma bêtise, j’essaie d’imaginer une nuit passée près d’eux. Les parois dans les chalets ne sont pas très épaisses en général. Je n’ai pas vraiment envie de les entendre. Je retiens un frisson, me souvenant de l’émotion ressentie dans les bras d’Emmanuel, mon attitude alors que je provoquais l’étreinte, ma bouche dévorant la sienne, mes mains parcourant son torse, remontant sur sa nuque et mes doigts se perdant au milieu de ses cheveux. Mon bassin se plaquant contre son bas-ventre… la dureté de ses muscles, la force de son baiser, le soupir à peine muet de notre envie…

Je ferme les yeux, dépitée. Pourquoi ai-je accepté ?

Me retrouver au milieu de la montagne avec un homme dont j’ai éprouvé le désir il y a encore quelques jours et sa femme qui m’explique qu’ils feront l’amour qu’ils soient seuls ou non n’est pas du tout une bonne idée. Mais alors pas du tout.

— Julie, arrête de frotter, tu vas déchirer le tissu, rigole Charlotte.

— Hein ?

Je stoppe mes gestes et observe l’auréole sur sa jupe. L’eau aurait séché toute seule, mais dans ma précipitation, j’ai attrapé ma patte à poussière et des traces grises se dessinent entre ses fleurs couleur pastel. Je bredouille des excuses tout en me redressant.

— Un coup dans la machine, il n’y aura plus de marques, Julie. Ne t’inquiète pas.

Je hoche la tête, lui propose de la lui laver, en lui prêtant une des miennes quand elle se lève, m’attrape les épaules et me rassure :

— Les fringues, je m’en fiche. Par contre, je vois que je t’ai bien secouée avec ma franchise. Excuse-moi.

— Je… J’ai pas l’habitude.

— Manu a raison et je me suis emballée. J’ai un problème avec ça et…

— Un problème ? De santé tu veux dire ? m’inquièté-je.

— Tes enfants rentrent à quelle heure ? demanda-t-elle soudain.

Mes enfants ? Je fixe ma montre et grimace, le temps file trop vite :

— Tristan sera là dans trente minutes. Il a une leçon qui a été annulée ce matin.

— C’est un peu court pour bien t’expliquer et ne panique pas, ce n’est rien de grave. J’ai simplement un appétit plus grand que la plupart des personnes.

— Un appétit ?

Elle a encore faim ? De quoi parle-t-elle ? Il reste des croissants…

— Je suis une sexe-addict. Certains me traitent de nympho… c’est égal, moi ça me gêne pas et je le vis très bien, parce que j’ai un mari adorable qui m’aime et qui me comprend. Mais pour moi le sexe est très important. Je veux dire…la fréquence de nos rapports doit être très, vraiment très régulière.

Une sex-addict… nympho… les termes tourbillonnent dans ma tête et les questions affluent. Est-ce comme un manque d’alcool ou de drogues pour un dépendant ? Est-ce tous les jours de toute l’année ? Et avec les enfants, comment font-ils ? Manu est-il comme elle ? Et me voilà en train de les imaginer, s’embrasser, se toucher, se regarder avec envie et je bredouille, presque malgré moi :

— C’est pas le cas ici.

— J’ai cru comprendre. Mais si c’est ça qui t’inquiète pour ce week-end, j’aimerais vraiment que tu…

— Non, c’est votre vie, Charlotte, cela ne me regarde pas. Ne te justifie pas. Il y a peut-être une chambre par étage ?

Je me reprends, tente de trouver une pointe d’humour pour alléger notre conversation. Je refuse qu’on compare nos nuits, nos maris dans l’intimité ou qu’elle me décrive leurs retrouvailles dans leur chambre. Chacun sa vie, chacun son intimité. Je lui en ai déjà dit bien assez… trop sûrement, je ne sais plus vraiment tout ce que je lui ai confié et j’en suis mal à l’aise.

Charlotte penche la tête, passe une main dans ses boucles, replace une mèche tout en acquiesçant.

Secrètement, j’espère que Tim refusera la proposition. Et si je ne lui en parlais pas ? Si demain j’appelle Charlotte pour lui dire que finalement nous ne pouvons pas, que Tim avait d’autres projets, Manu s’en étonnera auprès de lui et mon mensonge sera dévoilé. Zut !

J’espère que mes parents ne pourront pas garder Tiphaine et Théo.

A moins que… Et si… les voir amoureux, les entendre s’aimer… si ça réveillait la libido de mon mari ?

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