-Vous vous moquez de nous ? je demande. C'est impossible. Et même si cette histoire de maître est vraie (ce qui n'est certainement pas le cas), pourquoi Gaspard et moi en serions-nous ?

-Nous n'en savons rien, me répond l'homme. Les maîtres pourraient être n'importe qui, de l'enfant d'un président à celui du plus misérable des hommes, cela pourrait être n'importe qui. Le seul point commun entre tous les maîtres qui ont existé, c'est leur bonté d'âme. Tous avaient une bonté hors du commun.

-Et qu'est-ce qui nous prouve que vous ne nous faites pas une mauvaise blague ?

-Vos dons, dit-il simplement. Ilona, tu n'as jamais eu l'impression que le vent chantait pour toi? Et toi Gaspard, tu n'as jamais senti à quel point la terre carressait tes pieds nus ? Ce sont vos dons qui parlent. Vous ne pouvez les renier.

-Montrez-nous quelque chose de concret et on vous croira peut-être.

Il soupire, mais il devait s'y attendre, car il finit par se lever pour aller chercher un bocal remplit de terre sur une étagère. Lorsqu'il revient, il ouvre le bocal et prend un peu de terre dans sa paume avant de s'adresser à Gaspard :

-Donne-moi ta main, dit-il.

Mon ami s'exécute, et l'homme dépose un peu de terre dans sa main avant de la refermer.

-Bien. Maintenant, concentre-toi. Essaye de sentir toutes les particules de terre présentes dans ta paume.

Gaspard ferme les yeux pour mieux se concentrer et il fronce les sourcils sous l'effet de la concentration. Au bout d'un moment, il ouvre sa main et doucement, tout doucement mais sûrement, les grains de terre se soulèvent. Ils finissent par léviter à au moins cinq centimètres au-dessus de la paume de Gaspard.

-C'est... c'est impossible, je balbutie.

Gaspard ouvre les yeux en m'entendant et les grains de terre retombent dans sa paume sous mes yeux ébahis.

-Comment est-ce possible ? demande Gaspard.

-Tu es un maître de la terre, répond tout simplement l'homme.

-Un maître de la terre ?

-Oui.

C'est là que le déclic se fait en moi : si Gaspard est un maître de la terre (un maître de la terre !), alors moi, qu'est-ce que je suis ?

-Donc, moi, je serais un... commençais-je.

-Un maître de l'air, oui.

-Mais comment le savoir ?

-En faisant un petit test, comme pour Gaspard.

-Et qu'est-ce que je dois faire ?

-Tu vas fermer les yeux et te concentrer. Essaye de sentir toutes les particules d'air autour de toi. Je m'exécute.

Peu à peu, je commence à sentir, non, plutôt à ressentir les particules d'air présente dans la pièce. Je peux entendre chaque respiration, chaque expiration, chaque mouvement de l'air, je ressens tout. D'instinct, je porte ma main à ma bouche en la gardant à l'horizontal. Sans ouvrir les yeux, je souffle légèrement dessus. Mais l'air que je viens d'envoyer et qui, normalement, devrait effleurer le bout de mes doigts avant de continuer sa course, reste dans ma paume et y tourne, y tourne tellement vite qu'il finit par prendre l'apparence d'une mini tornade.

Lorsque j'ouvre les yeux, la tornade que je viens de créer ne dure qu'une seconde de plus, mais ça me laisse le temps de l'apercevoir et de me rendre compte que tout ça est vrai, que je n'ai rien imaginer. Je me tourne vers l'homme assis derrière son bureau en remarquant du coin de l'oeuil que Gaspard me regarde avec des yeux ébahis. Quelque chose me dit que je devais avoir la même tête quelque secondes auparavant, lorsqu'il a lui-même démontré qu'il était un maître de la terre. Derrière son bureau, l'homme hoche la tête avec approbation :

-Nous ne nous étions pas trompés, vous êtes bien des maîtres.

-Pourquoi ? Vous n'étiez pas sûr de vous ?

-Eh bien, il y avait toujours le risque que nous nous soyons trompés, surtout que vous vous connaissiez déjà auparavant. Mais non, vous êtes bien des maîtres.

-Des maîtres... marmonne Gaspard. J'ai du mal a m'y faire.

-Ne m'en parle pas ! je rétorque. Mais comment se fait-il que nous ne savions rien de cette histoire ?

-Les premiers maîtres, (que nous avons tendance a appeller les maîtres fondateurs ) ne voulez pas que ça se sache, de peur que la curiosité générale les empêche de mener à bien leur mission. Les maîtres des générations suivantes étaient certainement du même avis, c'est pourquoi personne n'en a jamais rien su, mis à part ma famille.

-Mais pourquoi votre famille précisément ? demande Gaspard à son tour.

-Je pense que l'un de mes ancêtres était très proche d'un des maîtres, et c'est pourquoi notre tâche est aujourd'hui de les aider dans leur mission.

-Et quelle est cette mission exactement ?

-Les maîtres ont pour mission de protéger le monde contre les elfes qui veulent s'en emparer. Ce sont des créatures d'apparence humaine mis à part leurs oreilles pointues et leur beauté hors du commun.

-Attendez une minute, dit Gaspard. Les elfes existent vraiment ?!

-Oui, mais ils quittent rarement leur monde, préférant envoyer des lutins, des créatures qui maîtrisent les quatres éléments, pour nous attaquer.

-Des elfes, des lutins... Pourquoi pas des gnomes tant qu'on y est ?

-Pas forcément des gnomes, mais nous soupçonnons l'existence d'une autre espèce de créatures magiques qui menaceraient le monde des elfes, les poussant ainsi à chercher un autre monde à habiter pour plus de sécurité, dit l'homme en souriant.

-OK... Et je suppose qu'on va devoir apprendre à maîtriser nos pouvoirs pour sauver le monde de la destruction, c'est ça ? je demande.

-A peu de choses près, oui, me répond l'homme, toujours souriant.

-Et qui va nous l'apprendre ? demande Gaspard. Vous ?

-Non, pas moi, mais quelqu'un qui est plus digne de confiance que la plupart d'entre nous. Voulez-vous le rencontrer ? Il travaille au sous-sol.