28 - Ce jeu et ses difficultés.

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C'est fait ! Je... J'ai réussi !

J'ai eu le courage de me présenter à des individus potentiellement très dangereux. Je ne les connais pas, eux non plus. Ma présentation a été claire et rapide, en un mot : concise. J'ai nerveusement attendu une réaction de leur part, tout en essayant d'analyser une quelconque menace. "Mon" groupe est derrière moi et le leur est en face, je suis prise au piège alors il faut que je fasse très attention.

La menace n'a pas été difficile à identifier, elle est même évidente : un révolver ! Un jeune homme aux cheveux châtains mi-long et aux yeux vert émeraude tient un pistolet dans ses mains, il a le regard agressif mais je perçois une once de crainte dans sa posture un peu tremblante. Ses habits ressemblent à ceux de Gabriel, il a une chemise tâchée de rouge et un pantalon de costume classique mais très sale. Toute son apparence transpire une fatigue importante mais ce n'est pas sans compter l'autre garçon à ses côtés. Quelque chose me perturbe avec lui, j'ai l'impression qu'il me ressemble. Nous avons les mêmes yeux, la même couleur de cheveux et sensiblement les mêmes vêtements. Les siens sont bien plus crasseux cela dit, il porte d'ailleurs un bandage autour de son épaule gauche sans trop que je ne sache pourquoi, peut-être a-t-il été blessé ?

Un groupe de personnes est avec eux dont une qui est en fauteuil roulant. La présence de ces gens me laisse perplexe, que font-ils tous là ? Il y a également ce garçon qui a mis la main sur une arme à feu par je ne sais quel moyen mais demander ne sera sûrement pas une bonne idée. Le garçon qui n'a pas le révolver tient un téléphone avec la lampe torche d'activé, je peux donc les voir avec précision. Je peux aussi apercevoir des ombres dans leur dos, les autres ne sont pas dans mon champ de vision mais je sais qu'ils sont là.

Celui qui tient le téléphone semble très surpris par ce que je viens de dire, en tout cas, bien plus que je ne le pensais.

« Alors c'est toi. »

Étonnée par sa réponse, j'ai de suite rétorqué :

« Tu me connais déjà ? »

Son regard vient de prendre un air méfiant, il a levé la main droite dans ma direction et c'est ainsi que j'ai remarqué qu'il a une fiche plastifiée en sa possession.

« Ooh ! Mais tu as trouvé ça quand ? a demandé une fille qui s'est mise à sortir de la masse sombre derrière le garçon au téléphone, c'est la fiche d'un autre joueur ?

— D'un autre maître du jeu plutôt. Cette fille-là est comme moi, tu as un bracelet sur ton poignet non ? »

"Maître du jeu" ? "Joueur" ? Alors cette note disait juste, je suis un "maître du jeu". Mais je ne suis apparemment pas la seule.

« J'en suis un moi aussi. Mais je ne te dirais pas ce que cela implique. Mon groupe ne sait pas non plus, je suis le seul qui le sait. Je te souhaite de ne pas à le savoir non plus... »

Sa voix me fait peur, pourquoi est-il si sinistre ? Mes pulsations s'accélèrent, avaler ma salive devient compliqué, je sens ma lèvre inférieure trembler un peu. Il... faut que je me calme. Mais je n'y arrive pas, entre les menaces de Joey, ce que ce garçon vient de me dire et notre situation, je n'arrive pas à m'apaiser. Je sens que je cède de plus en plus à la panique.

J'ai, malgré mon état empirant, réussi à marmonner une question assez maladroitement :

« Est-ce que je peux les sauver grâce à mon statut de "maître du jeu" ? »

Le garçon paru légèrement surpris de ma demande, mais il s'est rapidement repris pour me répondre de façon assez énigmatique :

« Tu en as la possibilité. »

Ce qui suivit, c'est un éclat de rire de la part de Joey suivi par un ricanement moqueur de Petra. je suis certaine d'entendre celui de Gabriel aussi bien que très léger.

« Elle ? Nous sauver ? J'ai absolument pas confiance, vous êtes les maîtres de rien du tout ! Vous croyez qu'on va l'accepter sans rien dire ?! T'es rien du tout ! Toi comme elle !

— Et ça y est, il nous refait un caca nerveux. »

Le ton de Gabriel toujours aussi sarcastique est de plus en plus difficile à supporter.

« Alors écoute-moi bien, je- »

Des forts grésillements coupèrent net Joey dans sa phrase, puis une voix se manifesta :

« Allô ? Vous m'entendez ? »

Une voix d'homme semble venir de partout à la fois, elle provient sûrement de haut-parleurs dissimulés un peu partout.

Sans que personne ne comprenne pourquoi, l'homme continua :

« Ceci est un enregistrement alors je pourrais pas vous répondre en direct. Quoi qu'il en soit, vous avez fait la rencontre du premier groupe. Vous vous demandez sûrement ce que vous faites ici ? "Oh mon Dieu, qu'ai-je fait pour mériter d'être aux mains d'un si bel homme ?!" »

Cet homme est celui qui nous retiens ? Pourquoi est-ce qu'il nous parle au travers de haut-parleurs ?

« C'est bien simple, vous allez participer à un jeu. Son but principal, c'est de survivre jusqu'au lendemain matin, six heure pile. Oui je sais, nous sommes en plein milieu de l'après-midi. Mais ne vous en faites pas, j'ai prévu le coup. D'abord, laissez-moi vous parler d'une chose importante vous concernant tous : je connais tout de vous. »

J'eut un terrible frisson bien que je ne les compte même plus. Un jeu de survie ? Et il nous connaît tous ? Qu'est-ce qui se passe ici, bon sang ?!

« Votre famille, vos amis, votre passé... rien ne m'échappe. Et c'est donc pour cela que je connais même vos secrets, ce qui est arrivé dans votre vie pour que vous soyez là. Le passé forge la personne que nous sommes et influence celle que nous devenons. Certains passés ont déjà été révelés mais la majorité reste inconnus des deux groupes. Libre à vous de faire ce que vous voulez de cette information mais je préfère vous le dire : une personne est tellement plus manipulable lorsque l'on sait ce qu'elle a vécu. »

Cette personne est mauvaise. Mauvaise et terriblement effrayante. Je suis à la merci d'un être aussi abject ? Mes tremblements recommencent.

« Bien, maintenant, je vais vous parler de ce que vous auriez dû faire ici : vous entretuer. Mais malheureusement, des règles aussi vieilles, on n'en veut plus. Cela allait être la troisième fois après tout. »

Quoi ? Il n'en est pas à son coup d'essai en plus ?! Si le groupe devant nous ne semblait pas particulièrement surpris par ce discours, cette information a fait soupirer le garçon au revolver. Ces gens là doivent savoir beaucoup de choses sur notre situation...

Alors que je pensais à une possible entraide, la suite de l'enregistrement allait couper court à tout mes espoirs :

« Alors on va faire beaucoup plus simple : demain matin, sept heures, la partie s'arrêtera. Mais chaque personne que vous pourriez tuer enlèvera quatre heures avant votre délivrance. À préciser que c'est cumulable et purement personnel. Cependant, si c'est l'un des maîtres du jeu que vous tuez, alors tout son groupe pourra partir immédiatement. C'est logique après tout, sans maître, les joueurs ne sont rien. Un mort pour quatre vies, ça vaut le coup non ? Cela mettrait fin au calvaire que vous endurez ou que vous allez vivre. Et si vous ne savez pas ce que je veux dire par "calvaire", le groupe numéro un ou votre nouveau compagnon saura parfaitement vous faire comprendre. Oh, ne vous inquiétez pas groupe numéro un, votre meilleure amie est toujours là. »

Mes tremblements s'intensifient tandis que je sentais une crainte monter en flèche de la part du "groupe numéro un". Est-ce qu'il est vraiment en train d'énumérer des règles comme dans un jeu de plateau ?

« Ah au fait, il est interdit de rester plus de deux heures par salle. Ce serait trop facile et bien ennuyant. Si vous ne respectez pas cette règle, une alarme se déclenchera et vos copains vont très vite rappliquer. Et croyez-moi, cela ne vous serait pas profitable du tout. »

Pourquoi ? Pourquoi est-ce qu'il fait ça ? Mes tremblements ne se limitent plus à mes bras, mes jambes aussi commencent à ressentir les effets de cette ignoble angoisse. J'ai lentement porté mon poing à ma bouche pour me rendre compte que je n'ai toujours pas retrouvé mes gants. Si je les avais, je serais un peu plus sereine. Mais ce n'est pas le cas, je n'ai rien qui puisse me calmer.

« Haha ! Vous vous rendez compte ? Des simples bracelets et des colliers me permettent de vous contrôler comme je le souhaite ! Je peux faire ce que je veux de vous ! »

J'ai lentement levé mon poignet droit pour le regarder, il est attaché, planté dans ma peau. Il ne me fait pas mal mais essayer de l'enlever serait une très mauvaise idée. Je sens ma mâchoire s'alourdir tant je serre les dents de peur et de colère.

« Maintenant, j'aimerais m'adresser à toi Ena. »

À l'entente de mon prénom, j'eut un sursaut d'étonnement. Quelques personnes du groupe numéro un se sont avancées et elles me regardent toutes à présent. Je sens également les regards derrière moi me fusiller tel un condamné à mort.

« Comment est-ce que tu te sens ? Tu es sûrement déjà prise pour cible. Je me demande comment tes joueurs vont réagir à cela ? Saurez-vous survivre à ce qui vous attend ? Sauras-tu les guider en tant que maître du jeu ? J'ai bien hâte de voir ça. Comme tu as pu le voir, contrairement à Sorel, tes joueurs sont plus problématiques. Ils sont détestables, inutiles et très peu méritant d'une quelconque compassion. Mais je préfère te prévenir, ton rôle est effectivement de les protéger. C'est assez amusant quand leur rôle à eux est l'inverse pur et simple ! »

Je n'ai pas de mots... Je n'arrive pas à réfléchir, ses mots me glacent le sang. Je ne comprends pas quel est son but. Je ne comprends rien du tout.

« Bien, j'en viens maintenant à ce que je voulais dire, dès que cet enregistrement se terminera, je vous laisserai une demi-heure pour manger, après quoi, vous serez endormi pour être éparpillé dans le bâtiment. Je suis assez gentil, le groupe numéro un n'a rien avalé depuis un moment, je tiens à la forme de mes joueurs. J'ai d'ailleurs disséminé quelques armes un peu partout pour que vous puissiez accomplir ce que je veux vous voir faire. Si j'ai quoi que ce soit d'autres à ajouter, je vous le ferais savoir en direct.

Que la partie commence.

Fin de l'enregistrement. »

Sa voix coupa brusquement nous laissant dans la plus terrible des confusions.

« Attendez !

— Ça ne sert à rien, c'était un enregistrement. »

Le garçon à la lampe torche n'a pas l'air si choqué que ça, je suppose qu'il a dû entendre un discours similaire.

Alors que j'allais prendre la parole, quelque chose me fit sursauter. Mon poignet droit.

Il vient de vibrer. Ou plutôt, c'est cette sorte de bracelet. Un "S" vient de s'afficher sur un petit écran que je n'avais même pas remarqué.

« Qu'est-ce que- »

Je n'ai pas eu le temps de terminer ma phrase, à vrai dire, je n'ai pas bien compris ce qui s'est passé. J'ai d'un seul coup ressenti une violente douleur à l'arrière du crâne. Si violente que ça ne m'a pas fait vraiment mal, j'ai juste perdu toutes mes forces et mes esprits. La chose la plus désagréable a été la surprise, une violente boule au ventre a bousculé mes entrailles. J'ai fait un vol plané sur le côté avant d'atterrir par terre. Et c'est là que j'ai compris ce qu'il vient de se passer : Joey a voulu m'assommer avec une pierre. Je peux le voir le bras droit près de son épaule gauche, comme s'il venait de le balancer. Je n'arrive pas à apercevoir son regard, toutes mes forces ont été drainés par ce coup.

Je ne ressens plus grand-chose. Mon esprit sombre de plus en plus, le monde autour de moi devient opaque, ma vision s'étrécit de plus en plus.

Alors il est vraiment directement passé à l'acte ? J'aimerais être surprise et en colère devant une telle lâcheté et une telle violence. Je croyais que je devais les protéger, que je pouvais même. Mais en quoi une fille aussi fragile que moi peut faire quoi que ce soit dans cette situation. Mon ouïe s'étouffe de plus en plus , je n'entends plus qu'un bourdonnement sourd m'empêchant d'entendre et de comprendre ce qui se passe. Je veux réagir, me relever, lui demander pourquoi... mais mon corps ne répond pas du tout. J'ai l'impression que ça s'agite, je veux calmer le tout... mais c'est impossible. Et c'est avec ces dernières forces que j'ai sombré dans l'inconscience.

Bon sang, mon crâne va exploser. La douleur émet des pulsations dans tout mon corps, j'arrive à peine à ouvrir les yeux. J'essaie de faire confiance à mes autres sens mais ils sont bien engourdis, seule mon ouïe est acceptable pour le moment et elle me permet d'affirmer que je suis complètement seule. Pas un seul bruit, le silence est pesant.

J'ai directement songé au pire mais je me suis vite reprise, il ne faut pas que je pense aussi négativement. Ils doivent s'être enfuis en ayant vu ce qu'a fait Joey. Il faut que j'aille les voir pour leur dire que je vais bien. Ils ont sans doute dû croire que je suis morte sur le coup vu la force que possède Joey, je vais leur montrer que je suis toujours là !

Je sens mes membres revenir de plus en plus, ma vue aussi commence à me revenir. Mes sens me reviennent. Je peux voir un tas de chaises brisées devant moi, en sachant que nous étions au milieu de la pièce et que ces chaises se trouvent majoritairement sur les côtés, je comprends que j'ai fait une sacrée distance en l'air.

J'ai attendu encore quelques minutes le temps de récupérer complètement. Je suis seule. Terriblement seule. Et alors que je retrouve le plein contrôle de mon corps, une angoisse commence à naître en moi. Je ne connais rien de cet endroit, il n'y a aucune lumière, je ne peux même pas voir ce qu'il y a au bout de la pièce. Il y avait des légers rayons de soleil avant mais ce n'est plus le cas. Mes yeux prennent donc énormément plus de temps à s'habituer à l'obscurité. Mon coeur cogne contre ma poitrine, me suppliant de le calmer.

Il ne faut pas que je reste là, sans défense. Je ne sais pas pourquoi mais je dois quitter cette pièce. Au plus vite.

Je me suis péniblement mise à genoux, encore un peu étourdie. J'ai mis la main sur le derrière de ma tête pour lentement me masser. En posant les doigts, j'ai pu sentir l'énorme bosse et même un peu de sang qui a heureusement séché avec le temps. Je ne fais pas d'hémorragie et c'est un bon point, j'ai alors poussé un très léger soupir de soulagement.

Il m'a fallut quelques dizaines de secondes avant de pouvoir recouvrer la vue entièrement. Et plusieurs autres pour me lever complètement en touchant le moins possible le sol, je n'ai toujours pas mes gants après tout.

C'est à ce moment précis que l'angoisse que je ressens depuis que je suis réveillée s'est intensifié de façon radicale, je suis seule au milieu d'une grande pièce dans l'obscurité quasi complète avec des gens qui veulent très certainement me tuer. Ma salive a du mal à trouver son chemin dans ma gorge tant elle est serrée par la peur. Toutefois, malgré ma crainte des autres, il faut que je rejoigne quelqu'un. Au moins le garçon de l'autre groupe pour qu'il m'explique la situation en détail. Ou même Aiko, elle ne semble pas être mauvaise elle.

Mais même si les autres veulent sûrement me tuer, je me sens coupable de les laisser seuls. D'après l'homme et son message ainsi que l'autre maître du jeu, je possède le moyen de les sauver. Alors je dois les retrouver, l'idée d'appeler au secours à voix haute m'a traversé l'esprit mais je n'ai pas la force de crier et je pense que ça ne m'attirerait que des ennuis.

J'ai fait un pas en avant en direction du fond de la salle, là où il y a le chemin pour la chambre froide quand j'ai aperçu quelque chose du coin de l'oeil : une lumière.

Très subtile, peu vive mais je suis certaine qu'il y a eu une légère lueur orange. Une couleur assez étrange, je ne vois pas ce lieu posséder des néons ou des lampes qui ne sont pas de poches.

Mais quelque chose vint définitivement confirmer mes craintes quant à l'étrangeté de cette lumière : elle clignote. Très rapidement et de façon irrégulière, elle s'arrête parfois totalement ou reste continue comme j'ai pu le voir au tout début. Cette lueur me met mal à l'aise, je ne comprends pas pourquoi. Elle n'est pas naturelle, ce n'est pas la lumière d'un lampadaire non plus et elle n'a pas la couleur d'une lampe torche. De plus, quelque chose m'inquiète encore plus : elle n'a pas de direction. Une lampe torche, c'est un faisceau, hors là, c'est une lumière qui s'étend dans toutes les directions, un peu comme une lanterne. Et ce qui va venir me confirmer ça, c'est la lumière qui augmente légèrement en intensité. Et ça ne veut dire qu'une chose : ça se rapproche.

C'est très sûrement une des personnes de l'un des deux groupes. Soulagée, je me suis avancée les yeux rivés vers le couloir d'où vient la lumière. Mais seulement quelques pas plus tard, j'ai senti mon corps se glacer. En m'étant approchée de la source, j'ai très vite entendu des respirations fortes et saccadées.

Un peu comme un ogre.

Ses grognements ont suffit à me faire reculer, la lumière se rapproche de plus en plus et ce qui la porte n'est clairement pas amicale. J'ai mis de côté mes pensées rationnelles, elles sont très vite submergées par mon instinct de survie que je sens grandement menacé. J'ai fait les mêmes pas en arrière pour me mettre exactement là où je me suis réveillée car cet endroit se trouve à côté d'un petit tas de chaises un peu reculées dans un recoin sombre. Je me suis allongée à contrecoeur au sol car ce n'est qu'ainsi que je peux passer inaperçu, la petite taille du tas de chaises rendant la position assise inefficace.

La lumière se fait de plus en plus forte, j'entends des pas lourds et des grognements de plus en plus audibles, j'ai mis mes mains contre ma bouche pour être la plus silencieuse possible.

Les pas se font maintenant très clairs tout comme la lueur qui n'arrête pas de clignoter très rapidement.

Il doit être dans la pièce.

Je ne peux pas savoir où il est exactement tant qu'il ne passe pas devant moi. Étant allongée sur le ventre, le petit tas à ma droite bloque mon champ de vision et il est hors de question que je lève la tête pour vérifier. Les chances qu'il me remarque sont minces mais pas impossibles, s'il vient précisément vers moi, il ne pourra que me voir. Tout ce que je peux faire, c'est m'en remettre à ma bonne étoile. Prier pour qu'il ne prenne pas ma direction.

Ses pas tournent en rond, je l'entends marmonner des choses incompréhensible. Je parviens quand même à comprendre "...a..." "......a". J'ai comme l'impression qu'il est souffrant, ou alors, il semble appeller quelqu'un.

Je ne sais pas et je m'en fiche, j'ai une de ces trouille qui me tord le ventre, c'est insupportable. J'ai envie de vomir, des larmes coulent doucement le long des mes joues à mesure que je vois la lumière se rapprocher de moi.

Il vient dans ma direction.

J'ai envie de fermer les yeux, de disparaître de la vue de tous. Mais ceux-ci restent fixés devant moi, là où cette chose va passer. Ils me piquent tant mon regard est insistant.

Les pas et la voix se font de plus en plus audibles, j'arrive même à entendre quelque chose de nouveau, comme des sortes de grosses gouttes. Comme si la personne tenait un vêtement trempé qui les laisserait s'échapper.

Cela ne fait que me rendre plus confuse encore, les pensées tourbillonnent dans ma tête sans que je n'arrive à en écouter une seule.

Et c'est pendant que je m'efforçais de chercher une raison qu'"il" est apparu.

Je ne saurais trop décrire ma réaction : entre la terreur et le refus de croire ce que j'ai devant moi. "Il" est gigantesque, sûrement deux fois plus massif que Joey ! Je n'ai pu cependant comprendre l'horreur de ma situation que lorsque la "lumière" est apparu de nouveau. J'ai donc compris d'où elle venait et je me suis retenue d'hurler de peur : c'est son corps qui clignote ! Sa peau !

Certains endroits se mettent à clignoter, comme si sa peau s'avivait en brûlant d'un seul coup puis s'arrêtait tout aussi vite avec un rythme parfaitement aléatoire. Comment est-ce que c'est possible ?! Cet homme n'est clairement pas humain ! Sa peau n'a pas comme seule particularité de clignoter, elle est également pleine de larges plaies ouvertes laissant entrevoir des parties du corps qui sont faites pour rester à l'intérieur. Certaines sont pleines de substances qui doivent provenir de nombreuses infections. Mais le pire, cela reste son bras gauche.

Parce que ce n'est pas un bras mais une gigantesque serpe ! Celle-ci est fortement dégradée et baigne presque entièrement dans du sang. C'est ça qui goutte. Elle a servi à tuer. Quelqu'un est mort à cause de cet instrument de cauchemar ! Ce genre de chose existe donc bien, ce n'est pas réservé aux films d'horreur, c'est la réalité !

Affreusement répugnant. Je n'ai pas d'autres mots pour décrire ce que je vois. Une terrible odeur vint s'ajouter à celle déjà présente depuis que je suis là, une odeur de viande pourrie. Celle-ci redouble mon envie de vomir qui me tord les tripes depuis déjà un moment.

Je... Je ne peux plus. Mes yeux sont complètement envahis par mes larmes, je vois trouble. Cette créature du diable est la pire abomination que je n'ai jamais vue ! Cette odeur, cette immondice qu'est cette chose, la quantité astronomique de sang, ses morceaux de chair déchirés çà et là partout sur son corps et ses grognements, tout ça, je ne pourrais pas supporter longtemps avant de m'évanouir. Seul mon instinct de survie me garde éveillée.

Ma panique ne fait que monter crescendo depuis ma présentation avec l'autre groupe mais maintenant, elle a atteint son apogée. Je ne fais que serrer la mâchoire en espérant qu'il parte loin, très loin de moi.

Après un temps qui me parut être une éternité, il s'est enfin décidé à marcher vers une direction opposée à la mienne, à savoir la cage d'escalier d'où provenait l'autre groupe. Je peux presque jurer que j'entends ses pas résonner tant ils sont lourds. Il se déplace un peu maladroitement mais j'ai la nette impression qu'il peut aller bien plus vite s'il le veut.

J'ai désespérément attendu qu'il ne soit plus dans mon champ de vision, chacun de ses pas me rapprochant de ma délivrance. Et c'est seulement lorsqu'il a complètement disparu que je me suis levée précipitamment pour me diriger vers le couloir de sa provenance. Je me dois de mettre un maximum de distance entre lui et moi.

Mon anxiété me fait presque trébucher sur le tas de chaises, mais j'ai réussi à me contrôler et à m'avancer vers ma destination. Je ne pense même plus à ma douleur au crâne, je ne veux qu'une seule chose : retrouver quelqu'un ! N'importe qui !

Je ne veux pas être seule !

Mes pas hésitants ont finit par m'amener en face de son couloir, sauf qu'en voulant voir ce qui s'y trouve, je me suis non seulement rendu compte que mes yeux sont toujours flous mais qu'en plus, je suis en train de pleurer de façon incontrôlable.

C'est comme mécanique. J'ai tellement peur que mes larmes coulent sans que je m'en aperçoive. J'ai maladroitement essuyé mon visage en cherchant les parties les plus propres de mes habits pour ne finalement constater qu'un long couloir banal. Tout ce que je peux dire, c'est que je ne vois même pas le fond. L'explorer seule dans mon état ne va pas être facile.

J'ai serré les poings de toutes mes forces, étréci les yeux pour y voir plus clair et me suis débarrassé de toutes mes pensées négative pour ne me concentrer que sur mon objectif : trouver quelqu'un.

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