29 - Ce jeu et sa cruauté.

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Adossé à son bureau, Christophe vient de se rendre compte qu'il a activé les haut-parleurs de façon involontaire, il s'est donc empressé de les couper en riant nerveusement.

« Vous devriez vous reposer, c'est urgent. »

Christophe ne répondit pas. Alice fit plusieurs pas dans sa direction avant de le pointer du doigt, le regard empli de haine :

« T'as poussé au suicide une gamine ! Regarde là ! Regarde à quoi ce petit jeu t'a mené ! »

Sans même jeter un coup d'oeil aux caméras, Christophe s'est tourné vers l'autre homme :

« Je vais en reprendre, je veux pas rater leur réaction.

— Je vous le déconseille fortement.

— Réponds-moi quand je te parle ! Pourquoi t'as fait ça ?! »

La colère bouillonnant en lui, ses poings ont frappé la table avec fermeté et puissance pour se faire entendre :

« Vous me faites chier ! C'est quoi votre problème ? Je fais ce que je veux ici ! Toi, arrête de faire ton hypocrite, voir des gamins se faire tuer ou tenter de s'entretuer, ça te choque pas mais "ça", c'est pire selon toi ? Je vois aucune différence. Je suis juste un peu surpris qu'elle l'ait vraiment fait, j'avais mes doutes là-dessus mais une telle précision pour se donner la mort, c'était assez flippant.

— "Flippant" ? C'est comme ça que tu vois le suicide toi ?

— Plus flippant que celle qui a accepté sans broncher de me suivre. »

La bouche bée et incapable de prononcer le moindre mot, elle s'est dirigé, le coeur lourd, vers la porte de sortie. La main sur la poignée, elle se figea un instant pour fixer avec tristesse son bracelet.

« Pourquoi leur faire voir ça ? »

Christophe dirigea son regard vers Alice qui n'a pas bougé d'un centimètre, la tête toujours basse à fixer son poignet droit.

« Tu m'as demandé de les forcer à regarder ton jeu mais sans jamais m'expliquer pourquoi. Qu'est-ce que ces gens t'ont fait pour que tu en viennes à autant les détester ?

— Alice, est-ce que tu te souviens de notre première rencontre ? »

La rapidité de sa réponse et la monotonie de celle-ci eut pour effet de surprendre Alice, il lui fallut quelques secondes de silence et de réflexion avant de marmonner quelque peu maladroitement :

« Dans la forêt près de chez moi, tu venais de trouver Milly. Je faisais une ballade pour me changer les idées après ma rupture-

— Je sais. Tu me l'as dit au moins un million de fois et je m'en fiche toujours autant. C'est là que tu nous as proposé ton hospitalité sans que je ne demande quoi que ce soit.

— Bien évidemment ! Tu étais seul dans les bois avec une enfant dans la main droite et une... corde dans la main gauche, qu'est-ce qui se serait passé si je n'avais pas été là ? »

Christophe eut un autre léger rire nerveux puis repris :

« J'avais tout perdu à ce moment-là : mon job pourri, ma dignité, le peu de foi en l'humanité qui me restait et presque une de mes dents. Vu la tronche d'amoché que je devais avoir, ça m'étonne encore aujourd'hui que tu aies voulu nous aider. »

Alice fit la moue, puis rétorqua :

« Est-ce mal d'aider quelqu'un dans le besoin ? »

Un autre rire nerveux de Christophe s'ensuivit :

« Haha... Il ne m'a fallu que quelques jours pour que je comprenne la raison de son abandon : Eneko. Oui, cet esprit allait changer ma vie de façon radicale. Il allait la rendre bien plus intéressante car c'est grâce à lui que j'ai découvert les esprits.

— "À cause de lui". On a failli mourir quand même, à deux contre une gamine !

— Exact. Et c'est là que j'ai lancé mes recherches. Tu as accepté de me suivre, peu importe les obstacles. Et même après toutes ces années, tu n'as jamais voulu partir.

— Oui mais-

— Alors on ira jusqu'au bout. La partie ne se terminera que quand je l'aurais décidé, ou si la police me retrouve. »

Sans dire mot, Alice se rapprocha de Christophe d'un pas lent.

« Vous ne trouvez pas qu'ils ont assez souffert ? »

Ce qui était jusqu'à maintenant un rire nerveux se transforma en puissant éclat de rire à la seconde où Alice termina sa phrase.

« Tu parles des participants ou des spectateurs ? Hahaha ! Je peux t'assurer que c'est loin d'être le cas. Je trouve que c'est même le contraire, je lance un jeu de survie et personne n'y participe ? Crois-moi qu'avec ces nouvelles règles, ils vont nous offrir de joyeux spectacles tout comme l'ont fait les premiers.

— "Nouvelles règles" ?

— Ils ne m'ont pas laissé le choix. Passe moi le micro, je vais leur faire part de tout ça. Du moins, je vais m'enregister, je serai la première chose qu'ils entendront au début de la partie numéro deux. Cette partie se jouera sûrement avec un joueur en moins de leur côté mais je vais faire en sorte que les autres joueurs "jouent" un peu plus que ça.

— Mais... pourquoi vouloir s'enregistrer ? » demanda Alice, inquiète.

Christophe s'est lentement tourné vers elle, puis fit avec un grand sourire malicieux :

« Parce que sinon, je risque de beaucoup me répéter. »

Le premier pas effectué, j'ai calmé ma respiration et mes battements de coeur. Il faut que je sois sur le qui-vive pour amorcer la moindre situation dangereuse avec le plus d'attention. C'est donc avec une certaine appréhension que je me suis lentement avancée dans les profondes ténèbres me faisant face.

Chaque pas que je fais est silencieux, tous mes sens sont concentrés sur la moindre stimulation que je pourrais avoir. Et la seule chose qui m'accompagne durant ma marche, c'est un lourd bruit de pas venant d'assez loin derrière moi.

Le couloir n'est pas très grand, ni même très large. Il est parsemé de débris de bancs et de plantes en pot, plusieurs portes sont dispersées un peu partout sans qu'aucune d'entre elles n'attire vraiment l'attention. C'est en à peine une quinzaine de secondes que j'ai aperçu la fin du couloir qui tourne vers la gauche.

Je me suis arrêtée, il y a en face de moi le tournant et je ne peux pas voir ce qu'il y a derrière. La pièce s'éclaircit légèrement à cet endroit comme s'il y avait une source de lumière ou même une fenêtre. À ma droite, il y a une porte un peu particulière parce qu'une pancarte y est accrochée. Celle-ci ne vient pas de la porte mais a été ajouté. Si la porte doit avoir plusieurs décennies de vieillesse, cette pancarte doit avoir trois ou quatre ans, pas plus. Et bien que je puisse voir la pancarte, ce qui est écrit dessus est encore trop petit pour que je le lise.

Mais alors que l'idée d'aller voir ce qu'il y a marqué m'a traversé l'esprit, je me suis très vite concentrée sur la désagréable sensation de personne proche, très proche de moi que je ressens maintenant depuis quelques secondes. Je ne comprends pas très bien pourquoi mais je le sens : il y a quelqu'un.

Ou plutôt un bruit. Un bruit humain. Un bruit tellement faible que seul le silence absolu de ces lieux me permet de le percevoir. Cette sensation me fit avoir un haut-le-coeur mais c'est en me concentrant encore plus sur mon ouïe que j'ai fini par comprendre ce qu'était le bruit : un gémissement.

Non. Pas simplement ça. Ce sont des pleurs que j'entends.

J'ai vraiment dû me concentrer pour les écouter mais maintenant que c'est le cas, je n'arrive plus à entendre autre chose. De légers et silencieux pleurs de tristesse et de douleur qui proviennent de la pièce avec la pancarte.

Je suis terrorisée par cette scène digne d'un film d'horreur mais je ne peux m'empêcher de me demander qui est la personne à l'intérieur. Je n'arrive même pas à savoir si les pleurs sont féminins ou masculins.

Et alors que je me posais la question, un autre évènement me paralysa et me replongea dans la peur que j'avais brièvement réussie à atténuer : une ombre provenant de la source de lumière au tournant vient de passer très rapidement.

J'ai fait deux pas en arrière de surprise, c'est une personne. J'ai entendu des bruits de pas avec l'ombre, c'est d'ailleurs une personne avec les pieds nus impliquant que cela pourrait être Petra ou Aiko.

Mais ça peut aussi être une autre personne que je ne connais pas.

L'idée que quelqu'un soit aussi proche de moi me fait frémir. Une présence inconnue aussi bien dans ses intentions que dans son identité est terrifiante.

Les pleurs ne s'arrêtent pas, ils continuent sans cesse à très faible volume me donnant mal au coeur. Il... faut que je fasse quelque chose.

Malgré mes craintes, je me suis dirigé vers la pièce à la pancarte, je n'ai pas envie de rester dehors sans défense. Quand bien même quelqu'un y pleure et que c'est effrayant, je préfère ça que le couloir avec le monstre de tout à l'heure.

Lentement mais sûrement, j'ai fait quelques pas en avant. Je me suis retenu de ne pas me précipiter dans la pièce tant ma peur de ce monstre fait monter mon adrénaline. Mais ma peur de l'inconnu m'a bien ralenti ce qui fait que j'ai mis vingt bonnes secondes pour faire quelques mètres et atteindre la porte.

À présent en face de celle-ci, je peux lire sans trop de difficultés ce qu'il y a de marqué sur la pancarte. Celle-ci est tâchée de quelque chose de pourpre et puant, que j'ai rapidement identifié comme du sang séché vu que l'odeur est similaire à celle des toilettes. Plus le temps passe sans que j'aie mes gants, plus mon dégoût pour cet endroit grandit.

Il ne me fallut que quelques secondes pour réussir à déchiffrer ce qui y est marqué :

"Salle des dissections"

...

Une vive chair de poule vint m'envahir d'un seul coup, pourquoi un hôpital aurait besoin d'une salle de ce genre ? Autre chose : pourquoi les pleurs viennent de cette pièce ?

L'envie de vomir à cause du stress s'est accentué en un instant parce qu'en plus des pleurs, je peux également sentir une odeur fétide venant de l'intérieur de la pièce. Non seulement cet endroit a une "salle des dissections" mais en plus, elle n'est pas vide.

Dégoûtée, j'ai fait quelques pas en arrière. Cet endroit est affreux. Un cauchemar sous forme de bâtiment ! Pourquoi j'ai été ammenée ici ? Qu'est-ce qui s'est passée ?

Des bruits de pas venant de ma gauche m'ont fait comprendre que je ne suis désormais plus seule dans le couloir. Ce sont les mêmes que tout à l'heure sauf qu'ils se sont arrêtés à proximité de l'embranchement.

Et c'est après ce qui m'a semblé une éternité de silence qu'un nouveau son me fit sursauter.

cliquetis cliquetis

Des ciseaux.

Cette personne fait fonctionner le levier d'une paire de ciseaux de façon répétée.

Je ne pensais pas qu'à ce jour, j'aurais eu peur d'un bruit aussi quotidien. Mais il faut croire que je me suis trompé.

cliquetis cliquetis

Parce que ce bruit se rapproche.

La personne qui tient la paire de ciseaux se trouve à une dizaine de mètres de moi, elle vient de s'engager dans le couloir menant au tournant qui nous sépare. Ses pas confirment non seulement le fait qu'elle est celle que j'ai entendue il n'y a pas longtemps mais ils excluent le fait que ce soit Petra ou Aiko puisqu'elles n'auraient pas de raison de faire ça.

Je n'ai que quelques secondes pour réfléchir, le temps semble ralentir dans ma tête tandis que mon coeur accélère crescendo : soit je tente de comprendre qui est cette fille en allant à sa rencontre, soit je me rue dans la pièce en face de moi pour lui échapper prenant alors le risque de me retrouver face à une personne qui pleure et donc potentiellement dans une mauvaise situation.

Mon instinct m'a fait choisir la seconde solution. J'ai un mauvais pressentiment concernant la personne aux ciseaux, j'ai donc préféré me cacher.

Sans penser à quoi que ce soit d'autre, je me suis précipité sur la poignée ronde pour la tourner avec force.

Verrouillée.

Bien évidemment que ça ne serait pas aussi simple ! Ma peur s'est transformée en rage, j'ai désespérément essayé plusieurs fois d'ouvrir la porte sans succès.

Au même moment, et sûrement à cause du bruit que la porte fait, la voix dans la pièce s'est élevée d'un seul coup, me faisant sursauter :

« Laissez-moi tranquille ! C'était pas de ma faute !

— Ouvre-moi, je t'en supplie ! »

Mais malgré ma demande, la porte n'a pas bougé. Une voix féminine apeurée m'a fait comprendre qu'elle ne me laisserait pas entrer. Elle vient de l'autre groupe, qu'est-ce qui s'est passée pendant que j'étais inconsciente à cause de Joey ? Ça, je ne le saurai sûrement jamais si elle ne me laisse pas entrer !

J'ai commencé à tambouriner sur la porte en la suppliant de me laisser entrer. Je n'en ai plus rien à faire du bruit, je veux juste survivre !

Mais plus rien ne sortait de la pièce à présent, je n'entends même plus les sanglots, juste un silence encore plus lourd après le bruit de mes poings sur la porte.

J'ai très vite compris que je viens de commettre une énorme erreur.

Dépitée, j'ai tourné mon regard en direction de l'embranchement. Il n'est plus vide. Malgré l'obscurité, je peux voir qu'une jeune fille se tient debout, immobile, une paire de ciseaux dans la main gauche... et une hachette dans la main droite.

Je ne m'en rendais pas compte jusqu'à maintenant mais des larmes coulent le long de mes joues, se sont-elles arrêtés quand je suis entrée dans le couloir ? Aucune idée, mais elles troublent ma vision ce qui ne va que compliquer la situation.

Je me suis mise à reculer par réflexe :

« Qui es-tu ? »

Ma question n'eut pour effet que de la faire avancer au même rythme que mes pas en arrière.

cliquetis cliquetis

Cette fille actionne les ciseaux de manière tellement menaçante, j'ai de suite compris qu'elle n'est pas là pour être mon alliée.

« Tu es là pour me tuer ? »

Mes tentatives de communication sont vaines, sa longue chevelure m'empêche de voir son visage afin de savoir ce qu'elle ressent. Sa tenue, plus délabrée que celle de Petra, me dégoûte au plus haut point.

cliquetis cliquetis

« Je... je ne te laisserai pas faire ! Je veux vivre ! »

Des pas bien plus lourds m'ont fait tourner la tête, il ne me reste que quelques mètres avant de retourner dans la grande pièce que je viens de quitter. Le monstre vient de descendre les escaliers d'où venait l'autre groupe. Il a sûrement été attirée par mes coups.

Tout en regrettant d'avoir fait autant de bruit, j'ai reposé mon regard sur la fille.

C'est à ce moment-là qu'elle s'est mise à faire un sprint monumental vers moi, la vision d'elle qui me fonce dessus à vitesse supersonique est une des choses les plus terrifiantes que j'ai pu expérimenter.

Je n'ai même pas eu le temps de chercher à esquiver, sa vitesse est contre nature, c'est absolument impossible au niveau anatomique. Ma confusion a été la plus totale.

C'est donc sans aucune chance de le voir arriver que je me suis pris un violent coup de hache directement sur le derrière de mon mollet gauche, la puissance et la rapidité du coup me firent presque faire une rotation du même côté avant que je ne retombe à terre.

La douleur a été immédiate et d'une puissance que j'étais loin d'imaginer, un éclair me traversa tout le corps en partant de ma jambe me paralysant sur place. Le contact froid de la lame dans ma chair accentua la puissance de mon cri. J'ai rarement crié de douleur dans ma vie mais c'était ici le seul moyen d'extérioriser ce sentiment de souffrance que l'on n'est pas censé connaître. Ma tête a violemment cogné le sol lors de ma chute, je suis donc à moitié sonnée mais malgré cet état de semi-inconscience, je ressens parfaitement tout le supplice que me crie ma jambe gauche.

Je ne sais même pas si je suis encore détentrice de cette jambe ou si elle est partie d'un seul coup. J'ai, en vain, essayé de relever la tête pour regarder l'état du bas de mon corps. Ma vue est coincée sur la fille qui a la hache dans sa main, dégoulinante de sang.

De mon sang !

Sans qu'elle ne le sache, elle répondit très vite à ma question. Elle a lentement levé sa jambe gauche à elle pour la redescendre d'un coup sec sans que je ne puisse voir où.

Un étrange bruit de craquement me replongea dans cette atroce sensation de douleur aigüe et sourde venant de ma jambe. J'ai rapidement compris : mon pied gauche vient d'être brisée en mille morceaux !

Ma jambe gauche, en dessous de mon genou, ne répond plus. Je n'arrive plus à la bouger et même quand j'essaie, l'intensification de la douleur me coupe dans mon élan.

J'hurle, je m'égosille. Ma gorge me brûle tant mes cris viennent du plus profond de mon être. Tout ce que je peux faire, c'est extérioriser la douleur. Mon esprit s'envole de plus en plus, je ne peux plus supporter une charge aussi importante de souffrance. Mais une petite voix au fond de moi me crie de vivre ! De tout faire pour revoir un jour ma famille !

Sans que je sache trop comment, j'ai réussi à éviter un coup de hache en direction de ma jambe blessée en roulant sur le côté. Le bruit sourd de la hache contre le sol vint s'accompagner d'un lourd craquement assez long venant de mon pied. J'ai redoublé de puissance dans mon cri quand je me suis aperçu de la raison de ce craquement : ma cheville a fait une rotation complète en suivant mon corps lors de ma roulade sans que mon pied ne suive puisqu'il est restée droit. Il ne s'est pas détaché, il est resté immobile alors qu'il aurait dû tourner lui aussi. Ça confirme donc une chose : plus jamais je ne pourrais utiliser mon pied gauche tant il est détruit !

La douleur s'intensifia de plus belle avec cette attaque psychologique, je viens de retarder une action de façon complètement vaine au prix d'un traumatisme et d'une dégradation de mon corps.

En roulant, j'ai pu me rendre compte de la gravité de la situation en atterrissant de manière à pouvoir voir le bas de mon corps : ma jambe ne tient presque plus. Une énorme plaie traverse presque tout mon mollet, l'os est à découvert et coupé en deux, une immense flaque de sang vient contester de mon état s'aggravant et seuls des bouts de muscles parviennent à garder ma jambe attachée au reste de mon corps.

Cette vision m'horrifia et me fit entrer dans un véritable état de panique : ma respiration se fait haletante et saccadée, mon coeur bat extrêmement vite accélérant la taille de la flaque de sang qui atteint désormais mon visage et mon envie de vomir n'est plus retenue. J'ai déversé le contenu de mon estomac directement sur mon ventre, sauf qu'étant la tête contre le sol, une partie n'a pas pu sortir comme il faut et ma gorge s'en retrouva encore plus brûlée en plus de manquer de m'étouffer.

La sensation de ma jambe à découvert contre le sol, la flaque de sang qui ne cesse de croître, la douleur qui ne faiblit absolument pas...

Je faiblis de plus en plus. Toute la violence et mon état critique viennent amenuir mes espoirs de survie. Je vais mourir dans la plus grande de mes peurs : l'immondice la plus totale. Mes larmes ne coulent même plus, ou peut-être que si ? Je n'en sais rien. Mes yeux me brûlent tant mes pleurs ont été incessants, je ne vois plus rien de ce qui m'entoure.

Les battements de mon coeur ont fortement ralenti tout comme ma capacité à me mouvoir, je commence à avoir tellement soif. Je ne sais pas ce qui m'arrive, suis-je en train de mourir ? Je commence à avoir très froid, mes membres sont inertes sans que je puisse faire quoi que ce soit.

La fille ne m'a plus touchée depuis qu'elle a manqué son coup de hache, elle semble être dans un état de lamentation depuis maintenant plusieurs minutes. Je ne sais pas ce qu'elle fait. Peut-être qu'elle me contemple dans mon état de torpeur et de souffrance. Je n'ose même pas imaginer de quoi j'ai l'air à cet instant, je suis dans l'état le plus lamentable qui soit.

Je ne veux pas mourir ! La mort me terrifie ! Je suis glacée de la tête aux pieds alors que je ne ressens plus rien. Je me mets à voir mes parents, mon frère, quelques amies à moi. Mon cerveau se met à délirer, ai-je les yeux ouverts ou fermés ?

Aidez-moi s'il vous plaît ! Papa ! Maman ! N'importe qui ! Je peux encore vivre avec votre aide, j'en suis certaine !

Mais personne n'est venu.

Seul la voix de cette fille me parvient encore bien que très faiblement :

« ..ffit- je-...en... peux plus ! »

Quelque chose a cogné contre la fille aux ciseaux, elle s'est éloignée en hurlant suite au choc. Je ne sais pas qui c'est mais je l'ai deviné avec l'odeur : c'est l'autre monstre.

Les cris de la fille ont diminué de plus en plus, est-ce que c'est moi qui ne parviens plus à entendre ou est-ce qu'elle a continué à s'éloigner ? Je ne le sais pas et je ne le saurais jamais. J'ai beau essayer de me débattre, de tenter d'appeler au secours, c'est désormais impossible. Je ne peux plus bouger que ma langue, je ne sens même plus mes lèvres. Plus aucun membre de mon corps ne fonctionne. Il n'y a que cette forte sensation de soif et de faiblesse qui m'indique que je vis encore. Plus aucune douleur, plus aucune peur ni même angoisse. Non. Plus rien.

Et ces maigres sensations commencent à se faner.

J'arrive tout de même à percevoir quelque chose qui me frappe au visage, des coups lourds, massifs. Mais au bout du deuxième coup, blackout.

Tout s'est terminé.

Personne ne sait ce que cela fait de mourir mais si je pouvais leur expliquer, je ne ferais que me taire.

C'est ça la mort. Plus rien. Un vide absolu et infini. Une errance éternelle. Ce n'est pas pour rien que l'on qualifie la mort comme "l'absence de vie".

Le concept de mort me terrorise.

J'ai, de toutes mes forces, voulu affronter cette peur de la mort mais quand elle est arrivée, j'étais tétanisée. J'ai tout fait pour l'affronter, la vaincre. Vraiment !

Mais c'est impossible de ne rien ressentir face à elle.

Alors j'aimerais qu'au moins, sur ma tombe, il y ait d'écrit :

"Est morte en essayant jusqu'au bout."

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