Prologue

20 minutes de lecture

Argh…

J’ai mal au crâne. Une douleur assourdissante. Mes oreilles sonnent, je me sens tellement mal…

Me suis-je évanouie ? De quoi est-ce que je me rappelle ? Mon père et moi, on terminait le déménagement, maman, elle, était partie nous commander à manger. Et mon frère était en train de l’accompagner, sûrement pour éviter de bosser. J’étais partie m’absenter pour la soirée après qu’on ait mangé, je devais retrouver des amies mais, j’ai entendu cet homme… Il faisait une crise cardiaque. J’étais venue pour l’aider. Raaah ! Je ne me rappelle plus ensuite. Je crois qu’ils m’ont injecté un liquide dans mon cou et-

J’ai encore les yeux fermés et l’ouïe faible mais je peux le sentir : un bracelet est planté dans ma peau ! Qu’est-ce que c’est ?! J’essayais de trouver où est-ce que j’avais été piqué par la seringue lorsque je me suis rendu compte de cette chose autour de mon poignet. Est-ce que ça a été désinfecté au moins ?! Est-ce que cette seringue était neuve ?! Et, je ne sens pas mes gants ! Où est-ce qu’ils sont ?! Je les ai toujours sur moi !

C-calme toi ma grande, ne laisse pas tes tendances maniaques prendre le dessus.

Il faut que je reprenne mes esprits, il faut que mes oreilles arrêtent de sonner, il faut que je me réveille !

J’ai lentement réussi à ouvrir mes yeux, j’ai la vision encore un peu floue mais ça s’arrange au fur et à mesure. La première chose que je vis, c’est le plafond. Je suis allongée sur le dos en plein milieu d’une pièce. Bon sang ! Je suis certaine que ma veste doit être pleine de poussière ! J’ai essayé de me lever mais je me sens encore très groggy. Il m’est impératif de faire un point sur la situation.

J’ai tourné la tête, la pièce dans laquelle je suis est petite, je crois que c’est une sorte de petite salle pour manger. Une salle de pause. Mais très poussiéreuse et surtout très sale. Cet endroit est tellement mal entretenu !

« Eh bien, me voilà enfin avec de la compagnie. »

Une voix. C’est un garçon. J’ai de nouveau tourné la tête en direction de la voix et ce que je vis me fit frémir : deux garçons se trouvaient attachés sur des sortes de tuyaux qui longent tout le mur. Mais seul un était conscient et me regardait. Son visage possède des traits que je qualifierais de très charmeur : un visage légèrement arrondi, le teint lumineux et très bien entretenu, des yeux d’un bleu éclatants et des cheveux bruns courts assez sombres et piquants. Il est habillé d’un uniforme d’école privée, je le reconnais car j’ai déjà vu des gens habillés comme lui pas loin de notre nouveau chez nous quand je faisais la visite de la ville. Un costume noir surmonté d’une cravate de la même couleur, une chemise blanche repassée très soigneusement et des chaussures de costumes également noirs. Son apparence générale est très élégante et me trouver à côté de lui me fait passer pour une roturière grotesque.

Quant au garçon d’à côté, celui-ci est largement plus large en masse musculaire, un véritable titan ! Il est habillé d’un simple tee-shirt laissant entrevoir sa musculature importante et d’un jogging tous les deux gris clairs avec des baskets blanches. Son visage renfrogné ne donne vraiment pas envie de s’approcher de lui, il fait un peu peur. Ses cheveux noirs sont tellement courts qu’ils sont presque inexistants.

« Est-ce que ça va ? Tu n’as rien ? ai-je demandé, un peu désemparée.

— Haha, c’est la première fois que tu me vois et surtout dans un contexte pareil, c’est la première chose que tu demandes ? En voilà une fille pas commune.

— Je… je crois que nous avons été kidnappés !

— Sans blague ? »

Ce garçon a un ton très méprisant dans sa voix, j’ai l’impression qu’il se moque constamment de son interlocuteur mais, étrangement, ça ne me fait ni chaud ni froid.

« Qui est ce garçon à côté de toi ?

— Aucune idée. Je suis réveillé depuis une dizaine de minutes je crois. Je n’en sais pas plus que toi. Mais je pense que tu devrais te retourner. »

Suivant son conseil, j’ai détourné le regard vers l’arrière pour me rendre compte d’une chose absolument abominable : deux jeunes filles attachées elles aussi par ces mêmes tuyaux qui semblent occuper une grande partie de la pièce. Ces deux filles sont totalement opposées l’une de l’autre en terme d’apparence, celle à gauche est vêtue d’une grande veste à capuche colorée à thème "jeux vidéo", pleins de petits monstres typiques de jeux couvrent l’entièreté de son habit. À vrai dire, c’est bien la seule chose qu’elle porte, sa veste descend jusqu’au genou, et c’est tout. Sa jambe ensuite reste entièrement nue. C’est également le cas de sa voisine qui porte une tenue du même acabit mais entièrement délavée. Sa tenue est à la limite d’une sorte de nuisette mais plus longue. Ce qui me choque cependant, c’est le manque total d’hygiène ! Je suis quelqu’un qui ne rigole pas avec ça, je ne supporte pas la saleté… Et la fille de droite n'a pas l'air de savoir ce que c'est que de se laver.

La fille à la tenue colorée possède des cheveux châtains clair, courts et assez jolis qui retombent sur sa poitrine du fait qu’elle soit la tête en avant. Le teint clair de sa peau se mélange avec toutes les couleurs de sa veste donnant un air très enfantin malgré l’apparence de son visage venant contredire cette impression. Je peux le voir un peu même dans cette position et elle a des traits fins et soignés mais des joues légèrement creusées gâchant un peu sa beauté naturelle. Quant à sa voisine, la "tunique" qu’elle porte est extrêmement délabré, elle lui arrive juste au-dessus de son genou laissant voir un grand nombre de blessures et autres bleus sur ses cuisses et ses jambes. Mais malgré sa petite taille, l'horrible odeur d'alcool venant de sa direction qui me titille les narines vient confirmer le fait que ce n'est pas une enfant.

Elle possède également des bandages assez sales sur tout le bras gauche, je me demande bien pourquoi un tel choix vestimentaire... Son teint de peau brun clair assez joli est tâché, çà et là, de salissures dues certainement à un manque prolongé d’hygiène corporelle.

« Mais… mais qui sont ces gens ?!

— Inutile de t’affoler, ça ne sert à rien. Je ne comprends pas pourquoi je suis là ni même ce qu’on est censés faire. »

Je m’inquiète pour eux tout de même…

« Je pense que t’es censée nous délivrer, regarde, il y a un trousseau de clés à côté de toi. »

Effectivement, je ne l’avais pas remarqué jusque-là mais un petit trousseau de clés argentées se trouvait à un ou deux mètres de moi, en direction de la porte. Porte qui est d’ailleurs fermée.

Je me suis empressée de récupérer les clés qui firent un tintement assez bruyant lorsque je m’en suis emparée. Cinq clés en tout et pour tout. Une pour chaque personne plus la porte j’imagine.

Le trousseau en main, je me suis dirigé vers le garçon pour lui enlever la menotte qui l'empêchait de se mouvoir, il n’y a pas énormément de clés, je pense que je verrais très vite si elles sont là pour les libérer.

J’ai pris son poignet assez mince dans ma main, et lorsque j’ai essayé d’insérer la clé dans sa menotte, je me suis rendu compte qu’il n’avait pas, comme moi, cette espèce de bracelet.

« Attends, pourquoi tu n’as pas cette chose ? ai-je demandé, inquiète.

— Parce que j’ai ça à la place. »

Avec son autre main de libre, il pointa son doigt en direction de son cou pour me faire voir qu’il porte un collier assez fin autour du cou, ce collier semble très serré ce qui m’inquiète également.

« Ça ne te fait pas trop mal ?

— Non, ça pique un peu mais ce n’est pas spécialement dérangeant.

— Ah, tant mieux alors ! »

Heureuse de voir que ce n’était pas douloureux, j’ai vite trouvé la clé permettant de le libérer. Le bruit métallique des menottes tombant au sol fit remuer la personne juste à côté.

« Tu as bien confiance en quelqu’un que tu ne connais pas et que tu rencontres au beau milieu d’un endroit abandonné.

— C’est vrai, mais si tu étais mal intentionné, je pense que tu aurais essayé de me faire du mal avec ta main qui était libre. »

Il n’a pas tout de suite répondu, je pense que je l’ai pris par surprise avec ma réponse assez directe ce qui n’était pas vraiment mon intention… D’un geste de la main, il balaya la pièce comme pour changer de sujet de conversation, chose qu’il fit d’ailleurs :

« Je vois que tous les autres ont un collier de la sorte. Je me demande à quoi peuvent-ils servir, mais ça ne me dit rien qui vaille. »

C’est vrai que chaque personne ici a un collier, et ça doit bien avoir une raison.

« Comment tu t’appelles ? »

Ma question peut paraître étrange mais j’aime donner des noms aux personnes que je côtoie.

« Je m’appelle Gabriel Syaloi. Mais tu peux m’appeler Gab comme le fait mon père.

— D’accord ! Moi c’est Ena, Ena Nery si tu donnes le nom de famille. »

Cela me faisait rire et je pense qu’il l’a remarqué vu la tête qu’il faisait, celle de la personne qui ne sait pas quoi dire.

« Gabriel hein… Merci de donner un nom sur la gueule que je vais éclater. »

Cette voix sinistre venait d’à côté de Gabriel, c’était le grand gaillard.

« Je sais pas qui t’est mais t’as intérêt à vite me ramener chez moi si tu veux pas retrouver tes dents sur le béton !

— Eh bien, en voilà un vilain toutou. Tu penses pouvoir faire quoi que ce soit avec ta main attaché ? »

Le "vilain toutou" n’avait visiblement pas encore remarqué qu’il ne pouvait pas encore atteindre Gabriel, celui-ci se mit alors à remuer sa main en essayant de se délivrer mais après plusieurs secondes, il dût l’admettre : cela n’a aucun effet.

« Libère-moi ! beugla-t-il, t’es qui pour m’attacher comme ça ?

— Oh, je vois qu’il faut être quelqu’un que tu connais bien pour t’attacher. Avoue que tu apprécies ça en fait.

— Quoi ?! »

Pris de court, celui-ci ne savait pas quoi dire, j’ai donc brisé le silence :

« Comment tu t’appelles ? ai-je demandé d’une voix plus douce.

— Qu’est-ce que ça peut te foutre ? T’es de la police ?

— Non mais j’aimerais te connaître. Nous sommes tous dans une mauvaise situation alors il serait préférable que l’on soit dans de bons termes pour éviter tout problèmes.

— Je m’appelle Joey, c’est tout ce que t’as à savoir.

— Je vois. »

Joey n’est pas juste froid, il est glacial. Avoir une conversation avec lui ne semble pas être chose aisée.

« Bon écoute, on vient de se réveiller ici, Ena a trouvé des clés à côté d’elle et elles correspondent à nos menottes, celui qui a fait ça voulait qu’elle soit réveillée pour nous délivrer. Mais pourquoi, je n’en sais rien.

— C’est quoi cette histoire ?!

— Tu ne le crois pas ? ai-je demandé, soucieuse.

— Nan c’est pas ça, pourquoi je suis là ? J’ai rien fait de mal et j’ai pas une thune, pourquoi on me kidnappe ?! »

C’est vrai que je ne m’étais pas posé la question, ceux qui nous ont kidnappés voulaient une rançon ? Mais nous ne sommes qu’une famille modeste pour ma part, qu’en est-il des autres ?

« L’argent n’est pas la raison, on n'aurait pas une fille qui ressemble à une clodo et un mec qui s’habille avec des joggings aussi bas prix. Il n'y a pas un seul riche ici, ça se voit rien qu’en vous regardant.

— Hein ?! T’es en train de dire que mon jogging est moche ?!

— Ne fais pas trop attention à ça, ce qui compte, c’est son argument. "L’argent n’est pas la raison", ce n’est donc pas pour cela que nous sommes ici.

— Alors pourquoi ? Qu’est-ce qu’on fait là ?! »

Bien qu’assez agaçant dans son ton de voix agressif, je n’étais pas en proie à la colère. Ce n’était pas la bonne chose à faire : bien évidemment que j’ai envie de crier, de hurler, d’appeler à l’aide mais quel en serait l’effet ? C’est complètement inutile donc dispensable. Et c’est ce qu’il fallait que je dise :

« Il ne faut pas paniquer, ça ne rendrait les choses que plus difficiles.

— Je ne panique pas, jamais ! »

Joey affirme haut et fort qu’il n’est pas effrayé, mais j’ai du mal à le croire.

« Alors pourquoi tu hurlais comme une fillette juste à l’instant ? répondit Gabriel, toujours aussi méprisant.

Sans même que Joey ait le temps de lui répondre, un gémissement se fit entendre en face de nous. La fille à l’allure très pauvre semblait sortir de son sommeil.

« Où je suis… »

Oh, quelle voix adorable.

« Merde, j’ai encore trop picolé hier, dans quelle situation je me suis encore fourré ? »

Ahem... Je retire ce que je viens de dire, cette fille n'est certainement pas jeune.

« Tiens, en voilà une nouvelle de réveillée fit Gabriel, sans aucune émotion.

La fille essuya le filet de bave qui pendait le long de sa joue pour nous regarder d'un air mauvais :

« Je sais pas qui vous êtes mais je m'en fous de toute façon, dites-moi juste ce que vous voulez de moi.

— De quoi est-ce que tu parles ? répondit méchamment Joey, qu'est-ce que tu crois qu'on te demanderait ?!

— J'en sais rien moi ! Les agresseurs sexuels dégueulasses dans ton genre demandent quoi à ton avis ?! Je te ferais que dalle. »

Joey se mit encore plus en colère suite à ce qu'elle venait de l'accuser.

« Je suis pas un pédophile ! Je veux rien de toi et de ton corps de gamine !

— Et si vous arrêtiez de vous disputer ? finis-je par dire calmement, ça ne mènera à rien.

— Ben dites-moi ce que vous voulez alors ! J'ai déjà vendu mon âme il y a bien longtemps, la seule chose que vous aurez pas, c'est moi ! »

Pourquoi insiste-t-elle autant sur ça ? Je préfère ne pas connaître la raison cela dit...

« Tout ce qu'on veut, c'est que tu gardes ton calme. Nous ne sommes pas ceux qui t'ont enfermé ici, on est prisonniers, comme toi. »

La fille ne m'écoutait déjà plus, elle s'intéressait plus à sa situation actuelle et à ce qu'elle voulait.

« Et ces menottes ?! C'est pour faire joli peut-être ?! Ce putain de collier commence à me les briser sévère ! Pourquoi il est dans ma peau ?! Ça brûle ! Vous voulez quoi de moi ?! Vous voulez quoi d'une clocharde qui fait rien d'autres dans la vie que de survivre dans un monde de merde ?!

— Mais c'est quoi que tu comprends pas dans le concept de fermer sa gueule ?!

— Calmez-vous bon sang ! »

J'ai tourné le regard vers Gabriel pour qu'il m'aide mais celui-ci riait aux éclats.

« Hahahaha ! Arrêtez, j'ai mal à l'estomac, vous êtes tellement divertissant, c'est génial ! »

Personne ne l'écoutait tant les deux se hurlaient dessus sans même s'écouter, la situation n'évoluait pas, elle semblait même empirer. Gabriel est quelqu'un en qui je ne peux manifestement pas avoir confiance.

L'accumulation de ces deux personnes qui criaient et de Gabriel qui ne faisait rien à part se réjouir de la situation me fit exploser de colère.

« Bon ça suffit maintenant ! »

Ma voix retentit dans toute la petite salle, tout le monde arrêta de parler pour se tourner vers moi, étonnés par la force de mon cri. Mais j'ai réussi à obtenir le calme, c'est déjà ça.

« T'es pas drôle Ena, ils sont tellement amusant ces deux-là.

— J'suis une attraction à tes yeux ? » répondit agressivement Joey.

La fille, quant à elle, détourna le regard en claquant de la langue puis cracha par terre en guise de frustration et de colère.

« On ne va rien te faire, on est des victimes d'un piège comme toi donc arrête de crier parce que visiblement, Joey prend ça mal. Quant à toi Gabriel, arrête de croire que ce n'est qu'un jeu !

— Vous avez fini de crier ? »

Une autre voix féminine émergea du fond de la pièce, c'était la fille en pyjama. Elle vient de se réveiller.

« Je vois qu'aider quelqu'un bloqué dans le jeu d'arcade de la gare était une mauvaise idée apparemment... J'ai perdu des points de vie et des objets de mon inventaire, je ne sens pas mon téléphone dans ma poche. J'ai un évènement ce soir, les invocations sont deux fois moins chères et- »

La fille continua de parler seule sous nos regards incrédules face à tant de paroles dites d'un seul coup pour une personne qui vient de se réveiller. Après un court instant, j'ai décidé de la couper.

« Attends, depuis quand es-tu réveillée ?

— Depuis que ces braves gens ont commencé à crier sans aucune raison. Vous avez mis tous vos points de compétences dans le ton de la voix à ce que je peux constater.

— Pourquoi est-ce que tu parles comme ça ? La vie n'est pas un jeu. »

Ma remarque fit se tourner la fille vers moi, ses yeux bleus perçants me fixaient.

« Pour la personne qui nous a enfermés ici, si visiblement, regardez. »

De sa main libre, elle tira une feuille plastifiée qui se trouvait dans son dos pour me la tendre, je me suis approché pour la prendre dans mes mains et j'ai commencé à lire à haute voix ce qui y était inscrit :

« Nom du joueur numéro trois : Aiko Clayi. Âge : 17 ans. Sexe : féminin. Date de naissance : 29 novembre 2001. Groupe sanguin : A+. Hobbies : Tout ce qui concerne les jeux vidéo, va souvent à la salle d'arcade. »

Après avoir fini de parler, un léger silence s'ensuivit. Joey fut le premier à exprimer son ressenti :

« C'est quoi cette histoire ? C'est qui cette "Aiko" ? Pourquoi y'a autant d'infos sur elle ?

— Cette "Aiko", c'est moi justement. Toutes ces informations sont exactes, cette fiche indique que je suis le joueur numéro trois. Alors nous sommes dans un jeu, simple non ? »

J'avoue que je comprends pas non plus la formulation, pourquoi est-ce que ça parle de "joueur" ? Elle est le joueur numéro trois, ça veut donc dire qu'il y en a au moins deux autres...

« Bien que je ne sache pas pourquoi, on est dans un jeu. Ne cherchez pas plus loin.

— Euh, ben si ! J'ai pas envie d'être dans un jeu ! Je dois rentrer chez moi ! cria Joey d'une voix colérique bien qu'un tantinet suppliante.

— Dommage. Tu pourras pas. Si un type s'est donné autant de mal pour nous kidnapper, je vois pas comment on pourrait sortir d'ici. »

En affichant cet air narquois en permanence, Gabriel ne va pas s'attirer la sympathie des autres.

« Quoi qu'il en soit, si je suis une joueuse, alors vous aussi. Regardez près de vous ou dans une de vos poches. Ça nous permettra de faire les présentations. »

Aiko était sereine dans sa manière de parler, je crois que le fait que ce soit un "jeu" la met en confiance.

L'un après l'autre, nous avons sorti une fiche semblable à celle d'Aiko, Gabriel la sortit de sous son derrière et la lut pour nous.

« Nom du joueur numéro deux : Gabriel Syaloi. Âge : 17 ans. Sexe : masculin. Date de naissance : 19 août 2002. Groupe sanguin : O+. Hobbies : Aucun en particulier. Souhaite travailler dans le domaine de la psychologie vue les lectures du sujet. »

Toutes ces informations rendent le tout assez glauque, je n'arrive pas à comprendre comment quelqu'un peut en réunir autant tout en étant aussi précis. D'ailleurs, pourquoi préciser le groupe sanguin et même la date de naissance ?

« Dans la psychologie ? C'est quoi ce truc de merde ? »

Gabriel ne répondit pas face à l'interjection de Joey, il esquissa simplement un sourire pour se tourner vers Aiko :

« J'ai tout dit. Quelque chose à ajouter madame la joueuse ?

— Non pourquoi ? Tu mets tes points de compétences dans l'intelligence et la persuasion. C'est un excellent choix. »

Bien que Aiko ait l'air assurée dans ses choix de mots, sa voix reste assez faible. J'ai comme l'impression que ce n'est pas une grande bavarde d'habitude.

« J'y comprends que dalle à vos trucs de "jeux", mais prenez la mienne si ça vous chante. Par contre, j'ai la flemme de lire donc tiens ! »

La fille à la peau ébène jeta sa fiche dans ma direction, pourquoi ne l'a-t-elle pas donné à sa voisine, je ne sais pas trop. Quoi qu'il en soit, j'ai attrapé la fiche en plein vol d'un geste rapide de la main avant de lire les quelques lignes :

« Nom du joueur numéro quatre : Petra ???. Âge : 20 ans. Sexe : féminin. Date de naissance : 4 décembre 1998. Groupe sanguin : AB-. Hobbies : Boire. »

Petra donc, éclata de rire à la seconde où j'ai terminé de lire puis s'écria :

« Ben ils me connaissent bien au moins ! Hahaha !

— Mais... Il n'y a rien à savoir sur toi ? Tu n'as pas de passions ou quelque chose du genre ? »

Certes, ma question est assez personnelle mais si tout le monde à ses "hobbies" d'indiqués, je ne vois pas pourquoi elle n'aurait rien.

« Qu'est-ce que ça peut te foutre ? Y'a rien à savoir sur moi. Tu sais que j'aime boire ? Tu connais tout sur moi. Cherche pas plus loin ma petite. »

Le fait qu'une fille qui fait un peu plus d'une tête de moins que moi à vue d'oeil me parle comme si j'étais une enfant de primaire est assez amusant, même si son langage reste assez grossier.

« Attends, moi, ce qui me choque, c'est qu'elle ait 20 ans. Je veux dire, vous avez vu comment elle est ? demanda Joey.

— Ce n'est pas vraiment étonnant, les statistiques amenant aux caractéristiques physiques d'une personne dépendent de l'ADN des parents et de plusieurs autres facteurs comme l'alimentation ou-

— Euh... je mange presque jamais rien depuis très longtemps.

— Voilà. »

Petra stoppa le début du monologue de Aiko avec une phrase rapide et surtout dénuée de toute envie d'écouter plus longtemps des explications auxquelles elle ne semblait pas prêter attention.

« Si elle ne mange que très peu, c'est bien normal fit Aiko.

— On s'en fiche, libère nous qu'on se tire d'ici. J'ai pas envie de rester avec vous plus longtemps. »

Petra ria, sans prendre compte la violence évidente de la remarque de Joey et sans vraiment que je comprenne pourquoi. Seul Gabriel lui répondit :

« Tu devrais avoir une fiche à côté de toi, et si au lieu de te plaindre, tu nous aidais un peu à comprendre pourquoi elles semblent nous indiquer que nous sommes dans un jeu, hein ? »

Ugh, même moi qui ne suis pas réellement affectée par le ton méprisant de Gabriel, j'étais légèrement agacée de sa façon de parler, il pourrait montrer un peu de respect pour que Joey en fasse autant.

« Bah tiens alors. Prends là toi ! »

Sans même adresser un seul regard à Gabriel qui est pourtant assez proche de lui, Joey me balança une fiche similaire aux autres qu'il a vraisemblablement trouvé près de lui.

« Nom du joueur numéro un : Joey Krivan. Âge : 18 ans. Sexe : masculin. Date de naissance : 1 septembre 2001. Groupe sanguin : B+. Hobbies : Les sports de combat ainsi que la musculation en général. »

Cela ne m'étonne qu'à moitié à vrai dire, vu la montagne de muscle qu'est Joey, la musculation est un "hobby" assez évident. C'est tout de même admirable de prendre soin de soi à ce point, je me souviens que mon père voulait souvent s'y mettre mais son manque de volonté et son travail l'ont empêché d'accomplir quoi que ce soit.

Juste après avoir fini de lire sa fiche, Joey haussa la voix pour que tout le monde l'entende bien que cela soit inutile vu la faible taille de la pièce :

« Vous avez entendu ? Z'avez pas intérêt à me faire chier sinon je vou-

— Ouais ouais, on a compris... marmonna Petra à moitié à elle-même, il est vraiment toujours comme ça lui ? »

La question semble être adressée non seulement à Joey mais également à nous autres.

« Ce n'est pas vraiment important, ce qui compte, c'est que nous sortions d'ici fis-je déterminé.

— Et qu'on comprenne tout ce qui est en rapport avec la fiche comme la raison derrière le fait de mettre notre groupe sanguin ou bien pourquoi nous sommes ici actuellement. »

Aiko termina ce que j'avais commencé, c'est vrai que cela reste assez mystérieux. Le groupe sanguin n'est pas une information que l'on prend la peine de remarquer jusqu'à qu'on en ait besoin lors d'une transfusion par exemple. Cela m'étonnerait que ça soit le cas ici.

« Détache nous Ena, qu'on en finisse. Ou plutôt qu'on commence. » conclua Gabriel.

Nous n'allions pas traîner plus longtemps dans cette vieille pièce à l'odeur âcre. Maintenant que j'y prête plus attention, j'ai l'impression que nous sommes dans une sorte d'hôpital : les murs sont lisses, couleur crème, il y a deux étagères rouillées au fond de la pièce dont une seule est encore debout. Je me disais que ça pouvait être une salle de pause mais ça peut tout aussi bien être une sorte de dépôt...

Sans plus me laisser aller dans mes pensées, je me suis dirigé vers Joey pour le détacher, les clés ne sont pas réellement nombreuses donc ce n'est pas très long avant de voir laquelle est la bonne. Je remarque cependant que celles-ci semblent bien neuves par rapport à cet endroit majoritairement délabré.

Au moment où j'ai trouvé la bonne clé, je l'ai inséré dans la serrure de sa menotte puis avant de le détacher, je l'ai regardé droit dans les yeux puis lui ai chuchoté :

« Ne fais de mal à personne s'il te plaît. Même si Gabriel peut être énervant, j'aimerais que l'on s'entraide avant tout. »

Joey haussa les sourcils, puis fit un claquement de langue agacé. J'espère qu'il n'aura pas l'intention de faire quoi que ce soit de violent envers l'un de nous.

Je suis arrivé près de Petra pour la détacher également, elle aussi affichait un sourire sur le visage semblant oublier la petite dispute qu'elle venait d'avoir avec Joey. Mais ce qui me dérangeait, c'était l'odeur pestinentielle qu'elle dégageait ! C'est presque impossible pour moi de rester à côté d'elle sans que mon nez ne commence à me piquer tellement l'omniprésence de cette odeur d'alcool est affreuse ! Cette fille a la plus mauvaise hygiène corporelle que j'ai jamais vue ! C'est insupportable ! J'ai tout de même réussi à me contenir de lui faire des reproches, je ne la connais pas et ce serait plutôt malpoli n'est-ce pas ?

J'ai enfin terminé par Aiko, elle semblait un peu inquiète malgré la confiance qu'elle affichait tout à l'heure. Quand j'ai enfin pu la libérer, elle garda son regard bas et me demanda :

« Il n'y a pas ta fiche. Est-ce que tu ne nous cacherais pas quelque chose ? »

Étonnée par cette question soudaine, je me suis reculée de quelques centimètres en arrière. Aiko avait posé la question assez bas, personne ne l'a donc entendu.

« Je t'assure que je ne sais pas pourquoi mais si cela te préoccupe... »

Je me suis tournée vers les autres pour leur dire à voix haute :

« Il n'y a pas ma fiche alors je vais la remplacer : je m'appelle Ena Nery, j'ai 17 ans. Mon anniversaire est le 24 novembre 2001. Mon groupe sanguin est le O rhésus positif. Et pour ce que j'aime faire, je dirais dessiner et essayer de faire de l'animation parce que j'aimerais créer un dessin animé plus tard. »

Lorsque j'ai terminé de parler, la seule réaction fut Joey qui soupira :

« Ouais mais on s'en fiche en fait.

— Pas forcément, ça nous sert de remplacement à sa fiche qui n'est pas ici. » conclua Aiko.

C'est vrai, il n'y a aucun endroit où elle aurait pu être cachée. Il fallait que l'on sorte d'ici pour pouvoir la chercher. Nous n'avons plus rien à faire ici alors un par un, ils se sont levés pour se rassembler près de moi. Joey est le plus grand ici, Gabriel doit faire quatre ou cinq centimètres de moins que lui, Aiko fait la même taille que moi, c'est-à-dire légèrement plus petite que Gabriel et enfin, Petra doit faire une tête et demie de moins que nous deux. C'est difficile de croire que c'est la plus vieille ici...

Bien décidée à en apprendre plus sur ce qui nous arrive et malgré mon dégoût à le faire à cause de toute cette crasse, j'ai pris la poignée froide de la porte en main pour enfin nous libérer de cette petite salle et commencer à explorer ce sombre édifice.

Annotations

Vous aimez lire Lor millon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0