25 - Mes liens, les miens et non ceux des autres.

19 minutes de lecture

« Raah ! Il manque quelque chose à tout ça ! »

Christophe se grattait nerveusement la tête tout en ayant une respiration allant crescendo, Alice et l’homme avec elle assistaient à la scène sans bouger. L’homme arborait une expression neutre, totalement figé tandis qu’Alice semblait soulagée alors qu’elle soupira :

« Au moins, ce ne sera pas un suicide… pas encore un. »

L’homme ne bougeait toujours pas.

« Je ne comprends pas, déjà, sa mère devait mourir ! Je ne pensais pas qu’il arriverait à la sauver ! Ce n’était pas prévu du tout ! Pourquoi faut-il que rien ne se passe comme je le prévois ?! Personne ne s’entretue, personne ne chercher mes indices et Sorel réussit à sauver la mère Ymise. C’est quoi ce bordel ?!

— Monsieur, je pense que vous devriez vous calmer et- »

Alors que l’homme au visage de marbre s’approchait de Christophe, celui-ci fit un bond en avant en direction de son interlocuteur, le plaquant au sol :

« Qu’est-ce que t’as ?! Tu vas me faire croire que je ne maîtrise pas tout ?! Que tu sais mieux que moi ce que je dois faire ?! Tu veux essayer de prendre ma place ?! Vas-y, dis-le que tu le veux ! »

Malgré la fureur dont faisait preuve Christophe, l’homme ne bronchait pas et Alice ne bougeait pas, effrayée par ce qu’elle voyait.

« Tu le sais aussi bien que moi, tout ce temps que j’ai passé pour ce jeu a un but : n’avoir aucun imprévu. Éviter au maximum les surprises. Je contrôle absolument tout, c’est ça et seulement ça que les participants doivent comprendre. Mais ce n’est pas le cas, ils ne se sont entretués qu’au début et puis plus rien ! Ils n’ont qu’à peine essayé de chercher mes indices que j’ai mis du temps à cacher !

— Monsieur, je vous l’ai dit depuis le début que c’était ridicule. Ils penseront à leur survie, pas à chercher des bouts de papier que vous avez vous-même triés. Peut-être chercheront-ils à présent ? »

Christophe relâcha son étreinte et alla s’asseoir sur son fauteuil, l’air plus enthousiaste au grand étonnement de ses interlocuteurs.

« Peu importe, j’ai caché mes indices qu’ils finiront par chercher. Et puis vu ce qui les attend en bas, je doute qu’ils restent à jouer sans comprendre. »

Christophe se leva, l’air plus enthousiaste que jamais.

« Ce sera presque le lancement d’une nouvelle partie. »

À peine avais-je terminé ma phrase que la mère de Claria se précipita sur moi ou plutôt sur sa fille pour lui toucher le visage, les larmes aux yeux, comme pour s’assurer que tout cela était bien réel. Je pouvais apercevoir, notamment grâce à la luminosité plus élevé à présent, ses yeux similaires à ceux de sa fille qui me font me rendre compte à quel point elles se ressemblent…

« Je pense qu’elle sera bien mieux sur vos genoux… » murmurais-je embarrassé alors que tout le monde me fixait, d’une expression indescriptible.

Je me suis accroupi pour poser délicatement Claria sur les genoux de sa mère, celle-ci ne faisait toujours aucun bruit, pas un son. Elle ne faisait que me fixer le regard incrédule, je pense qu’elle ne sait pas du tout ce qui se passe en ce moment.

Je me sens étrangement satisfait, je venais de sauver une vie. La vie de quelqu’un qui n’en voulait plus, je l’avais empêchée de commettre l’irréparable. Je n’allais pas être deux fois témoin de cela. Cette fois, la nuit est véritablement terminée.

La seule personne à réagir fut la mère de Claria qui sanglotait, les yeux humides. Elle serrait fort sa fille dans ses bras, en marmonnant des choses que je ne comprenais pas tant ces paroles n’étaient destinées qu’à Claria.

Au bout d’une quinzaine de secondes, elle releva les yeux pour m’afficher un regard bien différent :

« Jamais… jamais je ne pourrais assez te remercier pour ce que tu as fait pour ma fille. Tu es son nouveau sauveur. »

Je me suis contenté de regarder ailleurs, je ne méritais pas ces compliments. Je ne savais pas que Claria allait se suicider à la base, si je l’ai sauvé, c’est parce que j’ai déjà été témoin de la scène. J’ai pu anticiper sa tentative. Jamais je n’aurais pu faire ça autrement. Mais si la première fois était en quelque sorte justifiée par la mort soudaine de sa mère, pourquoi avait-elle tenté ce coup-ci ?

C’est ce qui m’intriguait, c’est de ça que parlait Christophe, le "secret" de l’un d’entre nous. C’est la personnalité entière de Claria.

« Vous… vous n’avez pas à me remercier, j’ai simplement fait ce que n’importe qui aurait fait. Je ne suis pas un sauveur, juste quelqu’un qui était au bon endroit au bon moment. »

Je pense que la modestie est la seule chose qui me vient à l’esprit là, tout de suite. Je ne savais pas comment réagir sans mentir puisque c’était impossible, la seule chose qui n’est pas un mensonge est ma volonté de la sauver, ça, c’était bien réelle.

Claria me fixait toujours quand sa mère prit la parole :

« Ma fille… a toujours été comme ça… »

Elle se s’arrêta dans sa phrase, en prenant une grande inspiration, elle était stressée de la situation.

« Vous n’êtes pas obligée d’en parler si cela vous fait du mal, nous pourrons attendre qu’elle en parle d’elle-même. » fit Céleste tout en joignant ses mains.

La mère de Claria secoua la tête.

« Je veux être celle qui vous en parle. Si c’est quelque chose qu’elle subit, cela a aussi des effets sur le reste de notre famille… »

Elle prit une deuxième grande inspiration, puis expira lentement, prête à parler. C’est là qu’elle commença :

« Claria a toujours été comme ça. Depuis toute petite, elle se posait des questions qu’elle ne devait pas en tant qu’enfant de très bas âge. Il lui arrivait souvent de me demander la raison de son existence, à six ans. J’étais horrifiée d’entendre ça de la bouche d’une si jeune enfant, de ma fille qui plus est. Et plus les jours passaient, plus cela s’aggravait, elle pouvait passer des jours à sangloter voire à pleurer, sans aucune raison apparente. Elle n’avait pratiquement goût à rien, ne jouait jamais avec les autres enfants, ne mangeait presque pas… Avec mon mari, nous sommes allés voir un psychiatre pour en savoir plus car ça nous inquiétait vraiment, il nous a prescrit des médicaments d’abord puis une "psychothérapie". C’est un mot compliqué pour dire "traitement psychologique pour un trouble mental", ça avait marché… pendant un temps… »

Elle s’est arrêtée pendant quelques secondes, elle semblait se rappeler de quelque chose de douloureux.

« Le traitement allait bien et nous pouvions voir tous ensemble qu’elle allait mieux, elle reprenait goût à la vie, elle s’amusait… Je me rappelle de sa petite trogne adorable qu’elle faisait quand elle était heureuse, c’est un soulagement de la voir ainsi… »

Elle eut un léger sourire suivi d’un rire de la même ampleur, rire que tout le monde partageât bien que nous étions un peu gênés de rire pour ça.

« Jusqu’au jour du trente-cinquième anniversaire de mon mari… »

Au même moment, le poing de Claria se crispa.

« Nous avions un jeu dans la voiture, celui d'en dépasser le plus. Claria et Aris devaient les compter et à chaque palier de dix, nous félicitions tous mon mari. Je sais que cela peut paraître dangereux mais je peux vous assurer que mon mari faisait attention. Il n’y avait jamais d’excès en ce qui concerne la vitesse. »

Le petit sourire nostalgique qu’elle avait me faisait un peu mal au cœur bien que je n’aie jamais été là.

« En plein dans le jeu, nous étions sur le point de battre notre record… tu t’en souviens Claria ?

— Cinquante-cinq. »

La réponse de Claria fut brève, comme si elle cherchait à éviter le sujet.

« C’est ça… Et alors que nous étions sur la route, Claria s’est levée de son siège pour se mettre en les deux de devant. Elle voulait "être au premier rang" comme elle le disait, c’était une de ces périodes où elle avait cette joie de vivre si enivrante. Mais j’ai bien évidemment tenté de l’arrêter et mon mari également.

Tout est allé si vite, notre attention était tournée vers Claria, pas sur la route. C’est lorsque nous l’avons remis à sa place que mon mari s’est brusquement rendu compte que nous allions droit sur le muret du milieu de l’autoroute. Il a paniqué et a viré à droite d’un seul coup… Force centrifuge oblige, nous avons fini par faire des tonneaux et par avoir un accident.

La voiture remuait dans tous les sens, c’était comme un cauchemar qui n’en finissait pas. J’ai perdu connaissance pour me réveiller quelques minutes plus tard sous les cris de mes deux enfants qui n’avaient été que blessés superficiellement. Et c’est là que je me suis rendu compte que je ne sentais plus me jambes, plus rien. J’étais paralysée, et je le suis toujours. »

Nous écoutions avec attention, personne ne parlait ou ne voulait l'interrompre.

« Je dirais que la chose qui m'a fait le plus d'effet fut de voir que mon mari, lui, ne bougeait pas. Pas du tout.

— C'est bon... vous n'avez pas à donner de détails... me suis-je empressé de dire, on a compris. »

La mère de Claria baissa les yeux quelques instants, puis continua :

« Des gens se sont arrêtés pour appeler les secours et une ambulance est venue nous chercher, le verdict a été catastrophique : en l'espace de quelques secondes, je suis devenue veuve et handicapée à vie. »

Sous nos yeux toujours aussi attentifs, Claria se leva d'elle-même et, sans nous regarder dans les yeux, fit d'un ton horriblement douloureux :

« Et c'est à cause de moi. Tout est entièrement de ma faute. »

J'ai voulu répondre quand sa mère me devança en lui prenant la main :

« Je dois bien l'avouer, ma première réaction a été de rejeter la faute sur toi. Mais je me suis très vite rendu compte que ce n'est pas la bonne chose à faire du tout, nous avons tous eu une part de responsabilité là-dedans. J'ai tout fait pour que tu te sentes le moins coupable possible... mais j'ai échoué. Cette situation était tellement difficile à gérer...

— Et son frère ? demanda Ophélia.

— Aris a été merveilleux, je suis très fière de lui encore aujourd'hui. Malgré l'ambiance qui régnait à la maison, il ne s'est jamais plaint et il nous a toujours aidées toutes les deux. Il fait du mieux qu'il peut pour nous soutenir. Il est pianiste dans un groupe de musique alors il n'a pas toujours le temps d'être là pour moi mais je sais que s'il y a un problème, il sera là. »

Seul le long souffle du vent venant de l'extérieur emplissait la salle d'un fond sonore. Et c'est après quelques secondes comme ça que Claria se mit à parler de nouveau :

« Mon frère m'a aidé, c'est pour ça que j'ai beaucoup de respect pour lui. Il me l'a dit lui-même : « Garde toujours le sourire, c'est ce qui rend tout le monde heureux. » Alors je n'ai jamais cessé de sourire depuis, lorsque je le faisais, il y avait une meilleure ambiance à la maison, les gens me parlaient plus souvent et je me rendais compte que mon humeur générale s'améliorait. C'est devenu presque comme une drogue, je ne pouvais m'empêcher de sourire. Une obsession, je ne pensais plus qu'à sourire devant les gens. »

Un frisson me parcourut la colonne vertébrale alors que je me remémorais tous les "Smile" écrit sur les murs de la pièce. Je pense avoir deviné leur origine...

Tout de même, cela me tracassait d'entendre ça. Parce que je savais ce qu'elle ressentait. Du moins, je le comprenais.

« Est-ce que ton frère t'a dit que tu devais sourire, qu'importent les circonstances ? C'est malsain pour moi. »

Chacune des personnes présentes se tourna vers moi.

« Je veux dire, je ne suis pas psychologue ou quoi mais je pense que fausser tes émotions finira par te retomber dessus un jour. »

Claria toussa, sûrement à cause de ce qui vient de lui arriver, et répondit d'une voix rauque :

« Tout ce que je veux, c'est être heureuse. Mais jamais je ne le serais à cause de ce que j'ai fait ! J'ai tué mon père ! Comment est-ce que je peux encore être autorisée à vivre ?! »

Je me suis retenu de lui mettre une gifle quand je me suis rappelé que ça ne servirait à rien, bien évidemment que ce n'était pas la chose à faire mais dans mon cas, la difficulté de me retenir me faisait serrer les poings. En fait, je me rendais compte que cela m'énervait bien plus que je ne le pensais.

« Arrête de dire n'importe quoi ! ai-je crié un peu plus fort que je ne le pensais, chaque vie est précieuse ! C'était un accident ! Ne culpabilise pas comme ça par-

— Et comment tu crois que c'est possible ?! hurla Claria, comment est-ce que tu crois que j'ai passé ces deux dernières années ?! C'est impossible de ne pas culpabiliser ! »

Elle avait raison. Je faisais du mieux que je pouvais pour la réconforter, pour essayer de trouver les mots pour lui remonter le moral. Je cherchais à ne pas gâcher tous les efforts que j'avais fait. Si j'agis de la bonne manière, je pourrais sûrement me réconcilier pour de bon avec elle.

« Je voulais juste que quelqu'un me fasse réellement sourire. Passer outre celle que je montre en permanence. Je voulais être heureuse comme je l'étais enfant... Si seulement, si seulement on pouvait revenir en arrière dans le temps... »

...

Claria sanglotait, sa mère la regardait toujours avec autant d'inquiétude. Et tous les autres ne savaient pas quoi dire. Haron, Ophélia, Céleste et Valya gardaient le silence. Jusqu'à ce moment :

« Moi, j'aimerais beaucoup te faire sourire. »

C'était Valya. Claria se tourna vers elle, avec un demi-sourire :

« Je sais que tu n'aimes pas beaucoup mon maître mais je suis sûre et certaine que tu es une amie formidable ! Vu l'attention que tu portes à Céleste, tes amis doivent signifier beaucoup pour toi : tu es une personne qui s'implique dans ce qu'elle fait, et personnellement, je trouve ça formidable ! Je ne pense pas qu'une personne comme toi ne mérite une telle fin...

— Plus précisément, ai-je continué dans l'élan de Valya, je ne sais pas comment est-ce que tu penses, comme tu réagis, mais je sais que tu es une bonne personne. Je suis désolé de t'avoir dit de ne pas culpabiliser, je sais que c'est impossible. Ce qui te manque, c'est des amis à qui te confier. Chaque fois que tu as les idées noires à propos de tout et n'importe quoi, le plus important à ce moment-là, c'est d'en parler. »

Claria essuya ses larmes d'un geste du poignet :

« En parler ? J'ai déjà parlé avec mon grand frère ! C'est lui qui m'avait dit de toujours sourire.

— Plutôt que toujours te forcer à sourire, pourquoi ne pas faire en sorte de trouver réellement quelque chose qui te rend heureuse ? Tiens, la musique, t'aime bien la musique pas vrai, tu fais du piano n'est-ce pas ?

— Oui, mais je ne trouve pas de raisons de continuer...

— Mais à part ta mère et ton frère, as-tu déjà essayé de jouer du piano avec quelqu'un ? »

Claria secoua la tête, pensive.

« Alors tu devrais ! Je sais pas... rejoins le club de musique de ton lycée. Je sais que j'en ai un alors le tien aussi sûrement. Je suis sûr que tu es très douée vu comment tu t'impliques comme l'a dit Valya. Les gens là-bas voudront sûrement apprendre à mieux te connaître après avoir joué et ils deviendront de potentiels futurs amis. Après, il faut bien évidemment distinguer les gens qui sont là pour toi et ceux pour ce que tu leur apportes, c'est-à-dire ta musique. Des gens qui ne sont là que par intérêt, il y en a beaucoup. »

Regardez-moi ça, un type qui n'a que deux amis donne des conseils sur l'amitié en général. Et pourtant, ça avait l'air de marcher, Claria semblait réfléchir.

« Je me souviens que ma psy m'avait dit la même chose. Mais je ne suis pas vraiment à l'aise face aux nouvelles personnes que je rencontre... »

J'ai esquissé un grand sourire, ai mis ma main sur son épaule et affirma :

« Oh je te rassure, tu as essayé de m'embrasser la première seconde où tu m'as vu alors je pense que t'es bien à l'aise de côté là. Peut-être même un peu trop d'ailleurs... »

Claria se mit à légèrement rougir :

« Je ne l'aurais jamais fait. Je l'ai déjà dit de toute manière quand t'étais en train de pioncer. J'ai fait ça pour t'amadouer et te faire croire que j'étais une fille un peu sotte. »

Malheureusement pour toi, je te connais bien plus que tu ne le penses. Donc cette information ne m'a pas vraiment choqué.

« Je joue un rôle constamment. Celui de la fille énergétique et amusante, mais pourtant, je n'ai jamais connu quelqu'un qui s'intéresse vraiment à moi. J'aimerais beaucoup avoir de vrais amis sur qui compter, alors c'est pour ça que je sourie tout le temps. Mais étrangement, je me suis senti en colère quand tu avais dit que j'étais heureuse dans ma vie. J'aurais dû être contente à ce moment-là.

— Non. »

J'ai compris une chose chez elle.

« Arrête de te mentir constamment. Montre tes véritables émotions aux gens. La preuve que sourire sans le vouloir amène le contraire de ce que tu veux montrer. Si quand tu vois que les gens ne remarquent que la façade que tu laisses paraître te met en colère, c'est que tu devrais arrêter de te mentir parce que jamais les gens ne sauront qui tu es vraiment si tu ne fais que fausser ta personnalité. Tu es quelqu'un de triste en général ? Pas grave, de vrais amis seront là pour t'écouter. Tu n'es pas souvent de bonne humeur ? De vrais amis seront là pour te consoler. Ne te crée pas une identité pour plaire aux autres, cherche juste les bonnes personnes avec qui être qui tu es réellement. »

Eh bien, je m'étonne moi-même là. Mon prof de Philo serait heureux d'entendre ça... enfin je crois.

« Je veux dire... prends ce conseil comme tu le veux. Il vient quand même de quelqu'un qui n'a que deux véritables amis. Je ne suis pas vraiment une source fiable. »

Un silence s'ensuivit. Je regardais la réaction de Claria qui allait sûrement m'envoyer valser.

Celle-ci restait bouche bée. Puis après quelques secondes, elle la referma doucement pour la transformer en léger sourire, en sourire et enfin, elle prit sa forme finale : Claria éclata de rire !

Tout le monde sursauta, moi le premier. Son rire emplissait la pièce, sachant qu'elle était au bord de la mort il y a de cela quelques dizaines de minutes rajoutait à l'étrangeté de la situation.

Toujours étonné de sa réaction, je me suis lancé et ait tenté un vague :

« C'est si drôle que ça ? »

Claria essuya ses larmes, non pas de tristesse mais de rire, avec la même manche puis me répondit l'air bien meilleur :

« Pardonne-moi... mais c'est ta dernière phrase qui m'a fait rire. »

Je ne prends pas ça comme un compliment.

« Bien joué Sorel ! Tu as réussi à la faire rire ! C'est encore mieux que sourire ! fit Valya enthousiaste, je suis toujours aussi admirative face à mon maître ! »

Cela me fit sourire, à mon tour.

« Je n'ai pas la prétention de guérir une dépression, bien sûr que non, mais je, ou plutôt nous, pouvons toujours essayer de t'aider à te sentir mieux. C'est le moins qu'on puisse faire pour une amie, pas vrai vous autres ? »

Chacun d'entre eux aquiesca silencieusement, totalement captivé par ce que je venais de dire. Ils me fixaient, ce que je trouvais gênant, à force.

« A-arrêtez de me regarder comme ça. »

Céleste pouffa légèrement de rire :

« Non, c'est juste que vos paroles contrastent totalement avec votre discours au début de la nuit. J'étais en train de me dire que beaucoup de choses se sont passés et que ça nous a tous fait un peu changer. »

Pas vraiment toi, ni Ophélia d'ailleurs.

« Je ne savais pas quoi dire depuis que nous sommes rentrés dans cette pièce, voir Claria qui a fait une tentative de suicide, écouter son histoire, je restais sans voix, ne comprenant pas ce qui se passait. Mais maintenant, je suis heureuse de voir que tout ira mieux... enfin, je l'espère.

— Moi aussi, je ne pensais pas que ça pourrait arriver ajouta Haron, tu as la chance d'être en bonne santé, ne-ne refais jamais ça !

— Oui ajouta Ophélia, je suis d'accord. Tu m'as fait une peur bleue ! Je n'ai pas envie de voir quelqu'un mourir ! »

Il faut cependant voir ce qui nous attend ensuite...

Je me suis avancé vers le pas de la porte avec comme idée en tête de descendre les escaliers pour accéder à l'étage du dessous. Qu'est-ce qu'il y avait ? Sûrement d'autres surprises mais quelles genres ? Tout cela m'angoissait légèrement.

« En tout cas, je peux vous assurer que tout le monde sortira d'ici vivant ! C'est pas une gamine psychopathe ou un esprit qui croit être plus fort qui nous arrêtera ! »

Je me suis tourné vers Claria et faisais donc également face à tous les autres :

« Te suicider ? Crois-moi, je t'en empêcherai ! C'est bien trop tôt pour que tu meures ! T'as encore tant de choses à vivre, ne gâche pas tout maintenant. »

Tout en parlant, je me rendais compte que mes propos ressemblaient à ceux d'un adulte, chose que Claria avait remarquée vu le sourire étrange qui prit forme sur son visage. Il avait l'air... plus vrai ?

« Tu ressembles à ma mère... »

Celle concernée laissa échapper un léger rire comme avait fait Céleste avant d'acquiescer :

« C'est vrai... mais vu que ça a été dit avec autant de sincérité et que ça venait d'un garçon de ton âge, est-ce que ça n'aurait pas eu plus d'effet ? »

Je pense que la mère aussi est importante même si je ne sais pas vraiment...

Claria, qui en début de nuit aurait fait une blague sur ce sujet-là, s'est simplement contenté de détourner le regard qu'elle avait posé sur moi. Quelques secondes passèrent avant qu'elle ne repose son regard sur moi, sauf que celui-ci avait changé, il avait un air de malice qui me terrifiait. C'est de Claria qu'on parle là alors qui sait ce qu'elle pourrait penser encore... ?

Son regard persistait alors j'ai décidé de changer de sujet :

« Et si on descendait voir ce qu'il y a a l'étage du dessous ? J'ai vraiment faim et j'espère qu'il y a quelque chose à manger... fis-je tout en me frottant le ventre qui criait famine et me faisait mal.

— Maintenant que tu le dis ajouta Ophélia, je n'en peux plus ! J'ai super faim ! Vous pensez qu'il y a quelque chose en bas ?

— Je ne sais pas, mais il n'y a qu'un seul moyen de le savoir... » répondit Haron.

Votre capacité à changer de sujet aussi rapidement m'étonne. Il reste tout de même les indices qu'avait parsemés Christophe çà et là mais maintenant que je pense à mon estomac, il m'est impossible de l'ignorer. Chaque chose en son temps.

Tout le monde s'est alors rassemblé au pas de la porte où j'étais, bien décidé à se remplir le ventre ou du moins en chercher le moyen pour. C'est au moment où j'ai remarqué que Claria ne bougeait toujours pas qu'elle prit la parole soudainement :

« Merci Sorel. »

Étonné de n'entendre que mon prénom, je me suis empressé de répondre :

« Tu n'as pas à me remercier, c'est totalement normal. Et puis, je ne suis pas le seul.

— Certes, mais c'est vous seul qui avez parlé. Nous n'avons rien fait et j'en suis désolé... »

Je n'ai pas répondu. Il ne fallait pas que Céleste se sente coupable. J'avais déjà vécu cette scène. Elle ou bien n'importe qui d'autre n'aurait jamais pu savoir, si je n'étais pas "revenu", Claria serait morte.

« Tu n'as pas à l'être, Claria est vivante et c'est tout ce qui compte. »

Céleste souria, sans répondre, sûrement rassurée. Et c'est ce que je voulais.

« Sorel ? »

Je me dirigeais vers les escaliers quand Claria m'appela, et c'est quand je me suis retourné que j'ai remarqué qu'elle était juste en face de moi.

« Qu'est-ce que tu veu- »

Sans aucun mot, Claria mit les mains sur mes épaules, se mit sur la pointe des pieds et s'approcha très vite de mon visage, j'eu un réflexe de tourner la tête par peur de ce qu'elle pouvait faire. Claria s'approcha de mon visage et... m'embrassa. Sur le coin de la lèvre puisque je venais de tourner la tête.

J'ai sûrement eu la réaction la plus inattendue de ma vie, je pensais que la première fois qu'une fille allait m'embrasser allait être géniale et que ça allait être avec ma copine mais j'ai eu plus peur que la majorité de la nuit et c'était avec une fille que je ne connaissais que depuis une nuit.

Tout le monde eut une réaction d'étonnement, exactement comme moi. J'ai senti mon visage virer au rouge vif avant de reculer d'au moins quatre pas :

« Qu-qu-qu-qu'est-ce que-

— Hahaha ! Pourquoi tu as tourné la tête ? Est-ce que je te fais peur ?

— O-oui ! »

Claria se mit à rire. Comme si la situation était absolument normale. Sauf qu'elle ne l'était absolument pas ! Et Céleste fut la première à réagir par des mots :

« Vous... vous avez em-em-embrassé un garçon qui n'est pas votre petit ami ?! P-pourquoi ?! »

Voir Céleste aussi gênée était assez étrange, elle est bien trop pure à penser quelque chose comme ça. Même si je comprenais totalement sa réaction vu que je suis le principal concerné !

« Je voulais être sûre d'une chose... »

En voyant ma tête, elle se mit à rougir, puis elle prit un air gêné mais heureux à la fois avant de conclure en me souriant :

« Après tout ce qui s'est passé cette nuit, j'avais un avis très négatif sur toi. Mais en fait, je me rends compte que c'était biaisé. Complètement même. Peut-être que c'est parce que je voulais mourir, que tu es venue me sauver et me réconforter... je ne sais pas. Mais je m'en fiche, ça faisait longtemps que je m'étais pas sentie aussi heureuse ! Mon cœur bat à deux cent à l'heure... Je... je ne sais pas ce que ça te fera mais je te le dis quand même : je pense que je suis tombée amoureuse de toi. »

Annotations

Vous aimez lire Lor millon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0