24 - Ma manière de briser le masque, la mienne et non celle des autres.

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Vous êtes-vous déjà assis quelque part sans attendre quoi que ce soit ? Se poser devant un paysage quelconque qui, pour une raison que vous ignorez, devient une merveille à vos yeux ?

C'est ce que j'ai fait. En soi, un paysage "quelconque" peut l'être aussi pour une personne passant devant tous les jours et c'était mon cas. Je déteste perdre mon temps à ne rien faire du tout mais je ne sais pourquoi, j'en avais envie ce jour-là.

C'était après la glace que Bill avait partagée avec moi. Celui-ci devait rejoindre des amis et il m'avait d'ailleurs proposé de venir avec lui histoire de faire connaissance avec d'autres personnes que lui. J'avais refusé car je voulais rentrer en vidant mon esprit, je ne m'étais jamais senti comme ça. Faire ce genre de choses n'était pas dans mes habitudes mais j'en ressentais le besoin. J'en ai fait part à Bill qui avait l'air étrangement d'accord avec ma décision.

« T'inquiète pas, je comprends très bien. »

D'un geste de la main, nous nous sommes salués. Puis, je suis parti du côté opposé au sien. Pour faire quoi ? Je n'en savais rien.

J'ai marché, marché, sans aucune destination en tête. Le voyage était ce qui m'intéressait. J'avais l'esprit ailleurs. Tout était chamboulé dans ma tête.

Après avoir erré pendant une quinzaine de minutes, je me suis assis sur un banc en face d'une rivière. Est-ce qu'elle porte un nom ? Sûrement, mais je ne le connais pas. Je ne viens que rarement par ici, en fait, je ne sors que pour des destinations précises. Jamais comme ça, sans aller nulle part.

Je suis dans un parc, enfin, je crois. Des gens passent devant moi, des hommes, des femmes, des enfants, des couples, des vieux et j'en passe...

Mais tout cela m'importe peu, je réfléchissais sur ce que j'avais appris : un homme qui avait pris soin de moi ne m'avait pas oublié après toutes ces années. J'avais du mal à le croire à cause de mon caractère mais quelqu'un m'appréciait beaucoup comme Mama. Je sais que Bill aussi m'apprécie comme un ami mais à part Mama, je n'ai jamais vu quelqu'un bien m'aimer. Je ne suis pas quelqu'un d'aimable et je suis souvent très égoïste mais c'est justement pour ça que cela m'étonne.

Cette sensation est loin d'être désagréable en fait... si j'étais quelqu'un de plus aimable, plus souriant, peut-être que d'autres gens pourraient m'apprécier ? Ou seront-ils hypocrites comme je le hais tant ? M'apprécieront-ils pour ce que je suis ou pour ce que je leur apporte ? Parce qu'un ami, c'est quelqu'un en qui on fait totalement confiance, pas vrai ?

C'est comme ça que je le pense et c'est donc pour ça que je n'ai aucun ami puisque je ne fais confiance à personne.

C'est ce que je pensais avant de commencer ce jeu de cauchemar, chaque personne que je voyais ne me plaisait guère. Je pouvais faire tous les efforts que je voulais, jamais je ne réussissais à être sincère. Il m'arrive même parfois d'être comme ça avec Bill qui est pourtant la seule personne que je considère comme un ami sans compter Valya.

Mais je suis là, à regarder les couples, les enfants, les gens passer. Et je me demande : aurais-je un jour le privilège d'être vraiment apprécié par quelqu'un ? Pourrais-je conquérir le coeur d'une fille en étant totalement naturel et donc en ne jouant pas un rôle ?

J'en doute fort. Je ne me pose jamais la question d'habitude mais ce jour-là, elle trottait sans cesse dans ma tête. C'est si réconfortant d'apprendre que quelqu'un que je ne connais presque pas m'aime comme s'il était mon père en m'expliquant ce qu'il avait vécu lorsque j'étais petit.

Alors, malgré tout ce que je pense, au fond de moi, j'espère qu'un jour, je serais aimé d'une autre manière que l'amitié ou la famille.

Connaître ce bonheur sera sûrement une expérience que je n'oublierais pas.

Claria ne disait toujours rien, elle était ce qu'on pourrait appeler "muette de surprise". J'avais toujours le visage meurtri de Valya en tête, toujours le sourire sanguinolent de Claria qui s'était pendu. Mon esprit me torture et me donne un sacré mal de tête. Je ne veux pas me souvenir de ça, c'est absolument atroce.

« Hé ! J'ai choisi le chiffre ! »

Je ne commettrai plus cette erreur. Je sais qu'il va falloir que je sois fort. Que pour une fois dans ma vie, je dois agir pour le bien de quelqu'un d'autre.

« Eh bien, tu es un rapide à ce que je vois. J'écoute. »

Les poings serrés, le regard vers le bas et la mâchoire ferme, j'ai de nouveau répondu :

« Deux.

— Attends, Sorel ! »

Trop tard Claria, cette fois, je vais prouver ma bonne foi par des actes.

« Très bien ! »

Cette sensation de fluide glacial me surprendra toujours de par son intensité, je ne sais pas ce que ça contient mais j'espère qu'il n'y aura pas d'effets secondaires dans le temps. J'ai dû m'agenouiller de par la force de la dose.

J'ai froid, très froid. Mes grelottements ne se sont pas fait attendre, et ceux-ci ont viré en tremblements en l'espace d'une vingtaine de secondes. J'ai tellement froid, c'en est invivable ! Allez Sorel, tu l'as déjà vécu ça hein ?! Ça va aller !

« Tu... tu as raison. Te tuer reviendrait à écouter ce type mais... argh ! Tout s'embrouille dans ma tête ! »

Sa tournure de phrase est différente cette fois. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot :

« Tu peux penser que j'essaie de j-jouer les héros, mais les mensonges dont tu m'accuses n'ont qu'une origine : ma réaction face à v-vous. »

J'ai du mal à parler, mes lèvres tremblent aussi par moments.

« Tu le sais déjà mais j'ai toujours haï les autres et je me dois à présent de jouer le rôle de "maître du jeu" dont je ne peux expliquer la signification sûrement pour la même raison que la fois où il vous a parlé de mon passé. Si je le pouvais, tu aurais sûrement été la première à le savoir ! Si je me force à vous mentir, c'est pour vous encourager ! Pour que vous puissiez avoir quelqu'un sur qui compter malgré la situation ! »

Tout en parlant, je me suis assis sur la planche, le regard qui tournait. Je ne pensais même pas à regarder la réaction de Claria qui restait silencieuse depuis que je parlais.

J'ai eu bien du mal à sortir ce que j'avais au fond de moi :

« Je veux que l'on s'en sorte tous ! Je garde la tête haute pour que vous puissiez me faire confiance ! Je n'ai jamais fait ça de toute ma vie ! Alors je ne sais pas comment m'y prendre, ma façon de faire ne t'a pas plu à ce que je vois. »

Je m'avançais sur la planche, en direction de sa mère. Chaque centimètre que je faisais alourdissait mon crâne. J'ai fini par m'attacher à eux au final... enfin je crois ?

« Tout ce que je veux, c'est que l'on soit en vie et qu'on le reste ! Qu'on puisse sortir de là tous ensemble, qu'on aille emprisonner ce malade et qu'on apprenne à se connaître comme des gens normaux ! Parce que là, à ce moment précis, je pourrais être sincère dans ce que je dis, comme maintenant ! »

Je... pense vraiment tout ça ?

« Je suis d'accord ! »

Une voix provenant de derrière la porte me fit presque sursauter. Heureusement, j'ai réussi à contrôler mon corps m'empêchant de tomber. C'était celle de Haron.

« Sorel a raison ! Je ne comprends pas très bien ce qui se passe à l'intérieur mais je veux qu'on puisse tous s'entendre pour pouvoir sortir d'ici ! Alors vas-y Sorel, récupère la clé, sauve la personne et fais-nous sortir de cet enfer !

— Ouais ! cria Ophélia.

— Je suis d'accord, revenez en vie tous les deux, je vous en prie. »

Les encouragements de Valya suivirent ceux de Haron, Ophélia et Céleste. Ils comptent sur moi !

C'est avec vigueur que je me suis élancé sur la planche, encouragé par les autres, j'arrivais à avancer légèrement plus vite en forçant sur mes bras tremblant. Une main après l'autre, je voyais la distance entre la mère de Claria et moi diminuer de plus en plus et cela m'encourageait. C'est la première fois qu'autant de gens m'encourageaient ! Je me sentais presque mieux malgré l'effet dévastateur du produit !

« Tu les entends ? Ils ont tous confiance en toi. Et malgré tous mes efforts, je n'y arrive pas. »

Claria avait enfin ouvert la bouche depuis un moment. Et ce qu'elle venait de dire ne me plaisait pas vraiment même si, aussi étrange que cela peut paraître, ça ne m'était pas adressé. Elle semblait se parler à elle-même.

C'est sur ces mots que j'ai enfin réussi à atteindre la passerelle. Je n'ai pas cherché à répondre à Claria, non, en fait, j'avais une bien meilleure idée. Je me suis relevé en appuyant toujours plus fort sur mes bras et mes jambes pour limiter les tremblements. Je me suis ensuite approché de la mère de Claria, la boule au ventre. Tout ça me stressait, j'étais presque en train de paniquer à cause de la pression mais je faisais de mon mieux pour garder mon calme.

Sans hésitation, j'ai retiré le drap qui recouvrait la personne pour la laisser aux yeux de tous mais surtout à ceux de Claria. Et sans même lui laisser le temps de réagir, je me suis exclamé :

« C'est une femme en fauteuil roulant ?! Quelle ordure ! »

J'étais obligé de fausser légèrement ma réaction, je l'avais déjà vu ! Mais je devais avoir l'air choqué, je n'avais pas le choix. Pour qui j'aurais l'air de ne pas avoir de réaction face à une personne en fauteuil roulant dans un jeu primant l'équilibre ?

Sans chercher de réponse aux questions que je me posais intérieurement, j'ai fait de mon mieux pour détacher les sangles et enlever le masque qui retenait l'identité de la personne que j'étais le seul à connaître. Claria allait enfin comprendre.

« Passe moi la clé ! Essaie de me la jeter. »

Je me souviens, elle a déjà dit ça avant. Je me dois avant tout de détacher ce foutu masque.

Mais malgré tous mes efforts, je n'y arrivais tout simplement pas. Je forçais comme je pouvais mais mes tremblements empêchaient tous mouvements trop complexes. J'ai, après une vingtaine de secondes, réussi je ne sais par quel miracle à enlever ce qui retenait sa bouche. Et c'est ainsi que j'ai pu entendre pour la première fois la voix de la mère de Claria :

« Qu-qu'est-ce que vous me faites ?! C'est quoi c-ce bordel ?! »

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, sa voix n'était pas effrayé mais colérique. Elle était vraiment fâchée.

Claria a, de suite, reconnu la voix de sa mère puisqu'elle s'est mise à hurler :

« Maman ?! »

Alors que la mère de Claria allait répondre, je l'ai devancé dans la prise de parole :

« Vous êtes la mère de Claria ?! »

Mon air surpris ne l'était qu'à moitié.

« Bien sûr ! Tu veux c-cette clé toi, hein ? Celle qui te p-permettra d'aller à l'étage du dessous. J'ai t-tout entendu. »

Au moins, ça évitera des explications. Et ça m'arrange.

« Alors jette la clé vers ma fille. Si on ne s'en sort pas vivants, ils pourront au moins continuer.

— Mais maman... ! Je voulais... Bon, d'accord. »

Claria était sur le point de dire quelque chose que je pus facilement deviner : "Je veux que tu restes en vie". Est-elle si sévère que ça pour que Claria accepte aussi vite ? C'est moi qui décide ici, et je sais déjà ce que je veux faire.

« Je ne jetterai rien du tout. »

Je pouvais sentir le regard pesant à travers le masque, je le connais si bien qu'il ne me fait plus aussi peur.

« Hein ?!

— J'ai dit que je ne jetterai rien. Soit on arrive là-bas en vie, soit tout le monde meurt. Je veux que vous viviez Madame, je n'ai que faire de votre décision. Celui qui est en état d'agir, c'est moi. Alors vous vivrez, je vous l'assure. »

Claria me regardait, les yeux sombres :

« Encore une de tes techniques pour te jouer "maître du jeu" ? Il va fall-

— La f-ferme ! Est-ce que p-pour une fois dans ma vie, tu peux me l-laisser penser et agir pour quelqu'un d'autre q-que moi ?! Si je fais ça, c'est p-pour toi je te rappelle ! Je ne vais pas laisser t-ta mère mourir ! Qui s-sait ce que tu pourrais faire après ?! »

Et je sais très bien quoi. Ah ! Et ce foutu froid qui m'empêche de bien m'exprimer !

Claria fut prise par surprise de ma réponse, et la voir ainsi est plutôt satisfaisant vu sa façon d'agir envers moi.

« Écoute, il ne r-reste plus beaucoup de temps, alors je v-vais tenter quelque chose de d-dangereux... Met-toi bien face à la planche. Je vais courir tout le long avec le fauteuil roulant. »

Le regard médusé de Claria fut la première chose qui me parvint et je la comprends parfaitement.

Le fauteuil est trop large et pendra légèrement dans le vide si je le pose sur la planche mais c'est un des aspects que j'avais oublié lors de la "dernière fois". J'avais porté sa mère mais j'avais oubliés le fauteuil, comment aurait-elle pu se déplacer ? Je ne vais pas reproduire deux fois la même erreur.

Ce que je vais tenter est risqué, traverser d'un coup la planche qui fait une dizaine de mètres, cela reste compliqué, mais si je limite le temps passer dessus en fonçant tout droit, il y a des chances pour que ça marche. Je le sais, cette stratégie n'est pas digne d'un grand cerveau mais je n'ai que ça en tête et il ne me reste plus beaucoup de temps.

« Nous p-parlerons après, je sais que t-tu penses que je suis taré mais le temps manque. Si j'avance rapid-dement, ça diminue les chances de tomber puisque j-je reste moins de temps sur la plateforme !

— T'es complètement malade !

— Fais-le. »

j'étais aussi étonné que rassuré de voir que sa mère acceptait mon "plan".

« Il n'y a pas vraiment d'autres solutions. C'est un quitte ou double.

— M-maman ! Ne risque pas ta vie comme ça, ne fais pas comme moi !

— Je t'en prie. Fais-le avant qu'il ne soit trop tard ! »

Ignorant totalement ce que venait de dire Claria ce qui avait visiblement choqué les autres derrière la porte vue les "quoi ?!" que je viens d'entendre, la mère de Claria était déjà prête.

« Prépare-toi à la recevoir ! Elle va sûrement se faire projeter vu que la poutre est légèrement surélevée par rapport au sol. »

Plus j'y pense, mois j'y crois. Mais je n'ai pas le choix.

« Attends ! »

Sans écouter Claria, j'ai posé la chaise sur la poutre et j'ai couru vers elle en poussant la chaise et donc sa mère.

Les premiers pas furent compliqués, très compliqués parce que mes jambes ne trouvaient pas bien leurs points d'appui mais j'ai tout de même réussi à faire cinq pas. Chacun d'eux était accompagné de mes tremblements qui désorientait pas mal la trajectoire. Et ce qui devait arriver arriva. J'ai senti que je penchais beaucoup trop sur la gauche arrivé presque aux trois quarts de la poutre. Mon dernire réflexe a été de pousser du mieux que je pouvais la chaise en direction de Claria. J'ai mis mes dernières forces dans cette espèce de "lancer".

À ma grande surprise, la chaise a continué son chemin droit vers Claria et les deux Ymise purent se réunir comme je l'avais prévu. Et une autre chose que j'avais prévue, ça a été le vol plané de sa mère. Il ne fut pas aussi intense que je ne le pensais mais il a bien eu lieu. De toute manière, je n'ai eu le temps que de voir le début puisque je suis tombé de la poutre.

Cependant, je me suis accroché à la vie. Je ne voulais pas recommencer cette épreuve et encore moins gâcher mes efforts : vu que j'étais presque arrivé lorsque je suis tombé, j'ai réussi à m'accrocher au bord de la plateforme de Claria et de sa mère à présent. Mais la vitesse de ma chute l'emportait, j'avais beau vouloir me hisser, la force ne venait pas et je me sentis de nouveau glisser vers ces pieux acérés. Allaient-ils de nouveau causer ma mort ?

Je faisais tout ce que je pouvais pour remonter mais pas moyen, je n'y arrivais pas. Toute la scène ne dura que trois à quatre secondes mais elle dura bien plus longtemps pour moi. Je sentais ma mort arriver et après tout ce que je venais de traverser, cela me mettait dans une rogne pas possible.

Après ces secondes interminables, j'ai finalement lâché prise. Je ne pouvais tout simplement pu tenir. Et j'allais devoir traverser tout ça de nouveau ! L'épreuve, la colère de Claria, la sensation de froid... Tout ça !

Je ne veux pas mourir !

« Sorel ! »

Alors que je commençais à peine à tomber, Claria m'attrapa le bras de justesse. Il suffisait d'une seconde supplémentaire pour que je me retrouve les boyaux à l'air...

« Tu viens de sauver ma mère... alors je vais te rendre la pareille ! »

Sans que je ne m'y attende le moins du monde, Claria me remonta de toutes ses forces pour finalement me sauver la vie. J'étais finalement sur la plateforme de départ, en vie et avec sa mère.

Est-ce que j'avais... réussi ? Est-ce que ce calvaire était enfin terminé ?

Le haut-parleur se mit à grésiller :

« Bravo ! » suivi d'applaudissements enregistrés, c'est vraiment malsain au possible.

« Tu as réussi l'épreuve et tout le monde est en vie ! On pourrait appeler ça un "jackpot" ! Il te restait une vingtaine de secondes avant de perdre l'épreuve mais je dois avouer que ta tentative était plutôt pas mal. »

Je sens mes tremblements ralentir, et cela se suivit d'un lourd bruit métallique : la porte venait de s'ouvrir et tous les autres se sont précipités à l'intérieur, l'air inquiet.

J'ai quand même eu un soupir de soulagement, je n'allais pas devoir recommencer tout ça ! C'était enfin terminé !

« Je ne te connais pas et je ne sais pas non plus quelle est ta relation avec ma fille mais je peux te dire que tu as du cran. Oser tenter quelque chose d'aussi insensé sur une personne que tu viens de rencontrer... faut en avoir ! »

J'ai répondu par un sourire, je n'aurais jamais fait ça si ça avait été la première fois mais le faire pour la troisième fois m'a fait prendre une confiance très forte à la limite de l'insouciance. Mais je suis heureux de voir que mon sang-froid a payé.

« Que s'est-il passé exactement ? demanda Céleste, toujours inquiète.

— J'ai couru sur la planche avec le fauteuil roulant par manque de temps. Et ça a marché même si j'ai failli tomber. Tu peux remercier Claria, sans elle, je serais mort sur les pieux en bas. »

Céleste se mit face à l'épreuve que je venais de traverser avec la vitre à présent relevé. Celle-ci semblait observer la salle, sans dire mot.

« Terrifiant... »

Je ne te le fais pas dire.

« En tout cas, je suis heureuse pour mon maître. Haron m'a surprise en t'encourageant, je pensais être la seule à pouvoir faire ça mais on dirait bien que non haha ! »

Valya souriait de ce qu'elle venait de dire et cela semblait gêner Haron :

« Je me disais juste qu'il le fallait. Je pense que j'en aurais eu besoin moi aussi alors...

— Attendez ! Quelqu'un peut m'expliquer ça, là ?! »

Ah oui. Valya qui m'appelle "maître" ne doit pas vraiment bien être vu de sa part. Elle va sûrement penser que je suis une sorte de vieux pervers.

« Eh bien en fait-

— Stop ! Assez discuté. »

C'était Christophe. Encore.

« Vous parlerez de ça quand vous le voudrez mais pas maintenant. C'est l'heure de dormir. Je veux que mes participants soient en forme pour mon jeu. Alors au dodo ! »

Et à peine avait-il terminé sa phrase que je ressentis un puissant mal de tête, puis un étourdissement tout aussi fort. Je pouvais voir Valya anxieuse en voyant tout le monde autour d'elle s'effondrer. C'est la dernière chose que j'ai vue avant de sombrer dans l'inconscience.

...

« Sorel... ? Réveillez-vous. »

Céleste fut celle qui me tira de mon sommeil forcé. De nouveau. Et cela me rendait nerveux, si elle me réveille de la même manière, se pourrait-il que la situation soit identique ?

Tout en me relevant, j'ai jeté un coup d'oeil aux alentours pour chercher Claria et c'est avec horreur que je me suis rendu compte qu'elle n'était pas là !

Céleste a dû remarquer que j'étais perdu dans mes pensées.

« Tout va bien ? »

Au même moment, nous avons entendu un geignement venant de la mère de Claria :

« Argh... qu'est-ce qui se passe ? »

La mère de Claria se frottait les yeux en se réveillant, et je ne trouvais pas ça normal.

« Attendez, pourquoi vous êtes-vous évanoui ? Vous n'avez pas de collier. »

Sans répondre, elle leva le bras gauche pour y laisser voir un bracelet semblable au mien mais sans écran.

« Ils sont dotés de micros réservoirs de somnifères. Une petite dose pourrait endormir un adulte de cent kilos en quelques secondes. »

Elle se mit à soupirer, le regard devenu plus sérieux :

« Plus important, où est Claria ? Je ne la vois pas. »

Je sens une goutte de sueur perler sur mon front, j'ai peur. Peur que "cette" situation recommence. Je me devais de les prévenir en ce qui concerne Claria, et je sais comment.

« Madame, est-il possible, d'après ce que nous avons entendu tout à l'heure, que votre fille ait des pensées suicidaires ? »

Ma question étonna tout le monde mais plus particulièrement la mère de Claria. Je sentis son regard perçant, semblable à celui de sa fille, me traverser.

« Comment est tu au courant de cela ?! Sache que tu n'as pas intérêt à prendre ça à la légère !

— Bien sûr que non ! Je l'ai simplement déduit ! Je trouvais ça bizarre mais elle m'avait dit comme quoi elle trouvait que sa vie était loin d'être précieuse. J'ai mis ça sur le coup de la fatigue mais il semblait qu'elle était sincère. »

Soupir de la part de sa mère.

« C'est ce qu'on appelle son "masque" avec son grand frère. Elle fait croire qu'elle est heureuse mais... ce n'est que du vent. »

Nous restions silencieux face à cette révélation. Un masque... C'est vrai que ça représente bien la situation.

Tout à coup, sa mère se mit à paniquer.

« Attendez, ne me dîtes pas qu'il y a un moyen de se pendre ici ! Par pitié ! »

Le cri que venait presque de faire cette femme nous mit dans un stress et un embarras des plus redoutables. Elle agitait ses mains dans tous les sens et tremblait légèrement.

« Si. Dans la salle du pendu, on peut enlever le cadavre et prendre sa plaaa... vous voulez dire qu'elle va se suicider maintenant ?! »

Merci Haron, tu me sauves de devoir attirer des soupçons sur moi alors qu'il n'y avait aucune raison. Mais la question me fit tout de même me demander si c'était la première fois...

« Emmenez-y moi tout de suite ! Tiens t- »

Je n'ai pas attendu la fin de la phrase pour directement la couper.

« Haron, emmène là dans la salle du pendu. Vous autres, suivez-le ! »

Et c'est à peine une demi-seconde plus tard que je me suis précipité hors de la salle en direction de celle du pendu qui n'était pas si loin que ça. Je voulais à tout prix savoir si elle avait recommencé, si elle avait gâché tous mes efforts et si elle allait mettre fin égoïstement à sa vie !

« Sorel attendez ! »

J'ai pu voir Céleste qui a réagi au quart de tour pour me suivre. Les autres étaient encore dans les vapes et sa mère ne pouvait pas bouger aussi vite à cause de sa chaise roulante.

C'est donc avec une légère avance que j'ai pris le chemin de cette fameuse salle qui est notre toute première. Et je ne voulais pas que ce soit la dernière pour elle.

Les petits pas de Céleste suivaient les miens bien plus imposants. J'ai de nouveau traversé ces couloirs sombres qui étaient éclairés par la lueur du soleil, cette ambiance mystique que je ne voulais pas voir transformé en funérailles.

Après une quinzaine de secondes, je suis arrivé face à la salle que j'ai tentée d'ouvrir dans l'immédiat, sans succès.

Quelque chose bloquait la porte et c'était de nouveau assez mou. Ce temps que j'ai perdu à essayer d'ouvrir la porte à permis à Céleste de me rejoindre. C'est dire, Valya n'avait même pas eu le temps de venir non plus alors qu'elle est très souvent proche de moi.

« Attendez puff puff, je veux également savoir !

— La porte est bloquée par quelque chose, attends ! »

J'ai reculé de quelques pas et j'ai foncé dans la porte pour tenter de l'ouvrir en la forçant.

BOUM

Un grand vacarme s'ensuivit et la porte céda face à la chose qui l'empêchait de s'ouvrir, sauf qu'avec la vitesse que j'avais prise, je suis tombé en même temps que l'ouverture de la porte.

Je sentis quelque chose de mou qui me servit d'amortisseur. Et je pensais déjà savoir ce que c'était.

J'ai de suite reconnu le cadavre du docteur ou je ne sais quoi.

J'ai alors poussé un cri de surprise qui s'est suivi de celui de Céleste.

« Claria ! Non ! »

Pendant les quelques secondes qu'il m'a fallu pour me redresser, je pouvais déjà imaginer Claria pendu de nouveau. Le sourire aux lèvres, le regard vide. Cette vision m'horrifiait.

Et c'est en relevant la tête que j'ai aperçu ce qui avait fait crier Céleste : Claria était là, la corde au cou, le regard face à nous, mais elle remuait !

Elle remuait ! Elle est toujours en vie ! Je rêve où elle vient juste de pousser la sorte de chaise qui se trouvait en face de moi ?!

Elle pendait dans le vide en faisant des bruits de suffocation particulièrement atroces à entendre. Je n'ai pas réfléchi et je me suis de suite précipité sur elle ou plutôt sur ses jambes. Je suis arrivé face à elle et je me suis mis à soulever ses jambes pour éviter que la corde n'atteigne son cou empêchant l'étranglement. Cependant, je ne pouvais pas la retenir éternellement et pour la sauver, il fallait que j'atteigne la chaise pour qu'elle puisse y poser ses pieds.

J'avais beau tendre le bras à mon maximum, je n'arrivais pas à l'atteindre. Je forçais comme je le pouvais pas mais à moins d'avoir un bras extensible, c'était impossible !

« Céleste ! Passe moi la chaise ! »

Le hurlement que je venais de pousser fit sursauter Céleste qui était terrorisée. Elle ne bougeait pas, pétrifiée par la peur.

« A-a-alors vous... vouliez vraiment mourir... ?

— Passe moi la chaise ! Elle ne mourra pas ! Tu m'entends ? Si tu m'aides, elle n'aura pas à mourir comme elle le souhaite ! »

Céleste serra les poings et hocha la tête puis elle s'aventura avec moi dans la pièce, celle-ci attrapa la chaise puis me la tendit à longueur de bras.

Cela tombait bien parce qu'elle pèse son poids tout de même et j'ai, sans le faire exprès, lâcher prise pour la faire pendre de nouveau.

« Ah... argh ! »

Les gémissements de douleur n'ont duré qu'une seconde avant que je ne mette la chaise sous ses pieds. Elle n'a d'ailleurs pas hésité à les poser. Et c'est comme ça qu'elle s'est retrouvé hors de danger.

Ni une, ni deux, je suis monté sur la chaise avec elle pour retirer la corde qui la pendait sur un des tuyaux du plafond. J'ai senti alors son poids s'appuyer contre moi, sa force était si faible et c'était évident à cause du manque d'oxygène.

Je l'ai attrapé pour la soulever avec une main sur son dos et une sous ses genoux. Un peu comme si je portais une princesse. Puis j'ai sauté de la chaise, Claria toujours dans mes bras.

C'est au même moment que tout le reste du groupe, y compris Valya, est arrivé. Et j'ai pu voir aux yeux de tout le monde que la situation était loin d'être normale vu les expressions qu'ils arboraient.

Sa mère fut la première à réagir, au bord des larmes.

« Claria ! Est-ce qu'elle est... »

J'ai baissé les yeux pour voir que les siens étaient ouverts, et qu'ils me fixaient. Sa mère était vraiment sur le point d'éclater en sanglots et cela me faisait mal au coeur.

J'ai alors déclaré, soulagé :

« Elle est vivante. »

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