22 - Smile !

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Le quartier, autrefois paisible, était devenu en l'espace de quelques instants très bruyant. Des sirènes de police retentissaient partout donnant à ce lieu une allure apocalyptique.

Alors qu'Aris venait de murmurer quelque chose à lui-même, une nouvelle voiture s'arrêta net devant les témoins médusés de la puissance du freinage et de la vitesse d'arrivée du véhicule. Le crissement des pneus attira l'attention pendant quelques secondes puis se fit oublier tout aussi rapidement.

De celle-ci sortit un homme en uniforme, puis suivit un petit défilé de personnes : la première à se montrer fut un homme d'âge mûr, celui-ci était très bien rasé et portait de petites lunettes rectangulaires cachant des yeux bleus, très claires, presque transparent. Il portait également un imperméable marron clair, mais son visage restait inquiet, comme si quelque chose le dérangeait.

Derrière lui se trouvait ni plus ni moins que l'exact opposé de sa personne : une femme à l'air assez jeune, mais qui semblait totalement se négliger. Celle-ci avait des cernes marqués et un teint très pâle, cette femme pouvait tomber de sommeil d'un moment à l'autre. Des cheveux en pagaille, mais des yeux émeraude resplendissant faisant contradiction avec le reste du visage. Elle n'était habillée que d'un pyjama violet foncé.

Enfin, une dernière personne fit face aux autres : c'était une femme un peu plus vieille que la précédente sauf qu'elle pleurait à chaudes larmes. Ses reniflements prouvaient que cela faisait déjà un bon moment que ses larmes coulaient et les yeux rouges accentuaient le ressenti. Cette femme portait une jupe à motif floral au style assez vieux et avait des cheveux attachés par un chignon. Ses yeux étaient marrons clairs.

« Excusez-moi, chef ? Demanda poliment l'homme en uniforme qui venait de sortir de la voiture.

— Vous êtes ?

— En fait... j'ai reçu plusieurs appels concernant des disparitions similaires auxquelles nous faisons face. »

Le chef acquiesça, pensif :

« J'imagine que ce sont les parents derrière...

— C'est bien ça. Je suis sur le point de partir au commissariat pour écouter leur témoignage. »

La femme pleurant se mit à prendre la parole surprenant tout le monde :

« Retrouvez mon fils ! C'est peut-être une brute, mais c'est encore un enfant ! Pourquoi lui a-t-on fait cela ?! »

L'autre femme en pyjama se mit, quant à elle, à bâiller sans aucune retenue :

« Elle est pas rentrée la mienne... vu que j'farmais en même temps, j'm'en suis pas rendue compte... »

Le policier lança un regard désespéré à son supérieur :

« Cette femme nous a appelés parce qu'elle avait faim et que c'était sa fille qui faisait à manger normalement. Lorsqu'elle a ajouté qu'elle n'était pas rentrée, nous avons tout de suite fait le lien avec les disparitions récentes !

— Oui, mais faites attention, il peut s'agir d'une fugue ou quelque chose du genre...

— Et c'est pour ça qu'on va l'interroger. Il est presque minuit donc je pense que la théorie de la fugue peut être envisagée... »

Le policier soupira :

« Quand on est arrivé, elle était affalée sur son ordinateur. J'y comprenais rien. Ça doit être ces "meuporgs"... »

Le regard noir de la jeune femme en pyjama s'accompagna d'une voix hautaine mais fatiguée :

« Occupez-vous de vos affaires et faites votre travail. »

Le supérieur soupira à son tour :

« Bon, j'ai déjà interrogé la directrice de l'orphelinat ainsi qu'un jeune homme qui est le frère d'une des disparues. Qu'en est-il de vous monsieur ? »

L'homme à l'imperméable remit ses lunettes en place puis commença :

« Ma petite fille rentre toujours à l'heure à l'école, et même lorsqu'elle arrive en retard de quelques minutes, elle me prévient toujours par SMS. Sauf que je n'ai rien reçu de sa part et je tombe toujours sur son répondeur lorsque j'essaie de la joindre... J'ai demandé aux parents de ses amis mais pareil : pas de nouvelles. Je suis mort d'inquiétude et ma femme aussi...

— Je comprends Monsieur et j'en suis sincèrement désolé. C'est certainement la plus grosse affaire de kidnapping du pays ! »

Les sanglots de femme à la jupe furent les seules "réponses" qu'eurent les policiers.

« tousse tenez chef. Voilà les dossiers des enfants disparus que vous m'avez demandés. Deux de l'orphelinat, un gosse de riches et deux gamines. »

Tout en remerciant son collègue, le chef se mit à scruter les dossiers dans ses moindres détails tout en marmonnant :

« Mmmh, Monsieur Ilsoya, Mademoiselle Nyakoa, Monsieur... Mélono. Comment ont-ils fait pour kidnapper le gosse du directeur d'une des plus grosses chaines de restaurants ?! Mademoiselle Sokovy ? J'ai déjà entendu ce nom, je crois...

— Oui chef, c'est une affaire assez récente plutôt morbide et-

— Ah oui c'est bon ! Je n'ai pas trop envie de me rappeler du coup.

— Il vaut mieux...

— Voyons voir... Mademoiselle Ymise. C'est donc elle la soeur du jeune homme de tout à l'heure ? Ils se ressemblent pas mal. Pas étonnant qu'ils soient frères et soeur- attendez. »

Une goutte de sueur se mit à couler le long de la joue du chef policier. Celui-ci était blême.

« Je vois que vous êtes arrivé au cas de la cinglée.

— Une cinglée ? De quoi vous parlez ? demanda l'homme à l'imperméable l'air toujours plus inquiet, ils ont kidnappé une folle ?!

— Attendez attendez, je ne comprends pas bien, où est l'intérêt d'enlever une... une tarée pareille ?! s'énerva le chef.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Je ne veux pas que mon fils se retrouve face à elle !

— Elle... a vraiment fait ça... ?

— Oui chef. Tout dans le dossier est véridique.

— Merde... »

Celui-ci continuait de parcourir le dossier l'air de plus en plus livide.

« Je ne vais pas vous le cacher, cette fille en a vraiment un grain.

— Et si vous arrêtiez de nous faire des trailers et nous dire ce qu'il en est ? S'exclama agacée la femme en pyjama.

— Je veux dire, on a le droit de savoir puisqu'il s'agit de nos enfants non ?! Pleura la femme à la jupe. »

Le chef poussa de nouveau un soupir, puis, il regarda chacun des adultes présents dans les yeux puis déclara :

« J'ai très peur pour vous. Je crois que j'ai rarement vu une gamine de son âge aller dans un hôpital psychiatrique et y être resté comme un des pires cas répertorié... un an et demi ! »

Tout s'arrête.

Chaque personne dans la pièce ne respirait plus, les sanglots de Claria avaient brusquement cessé tout comme la mélodie au piano que nous entendions depuis quelques minutes déjà.

"Ymise", si je me souviens bien, il s'agit du nom de famille de... Claria ! La personne qui vient de mourir... fait donc partie de sa famille ?!

La première personne à réagir fut Céleste qui s'écroula au sol, puis elle se mit aussi à sangloter tout en prononçant d'une voix faible :

« J'aurais aimé avoir tort... »

Alors elle avait deviné. Céleste devine beaucoup de choses... mais voulait-elle vraiment avoir raison dans ce cas-là ? Nous pouvons affirmer le contraire.

Je sentais mon coeur qui voulait exploser dans ma cage thoracique.

Je venais d'indirectement provoquer la mort d'un membre de la famille de Claria.

Je me sentais encore en train de trembler, sauf que c'était la peur qui me dominait. La peur, la haine, les regrets. Tout se bousculait dans ma tête, un véritable méli-mélo.

« Je... j-j-j-j... »

Ma bouche ne m'écoutait même plus, j'étais totalement tétanisé !

Claria n'a pas réagi tout de suite, tout est devenu silencieux l'espace de quelques secondes, bien trop silencieux...

Nous étions tous en train de regarder Claria : quelle réaction allait-elle avoir ? Est-ce qu'elle allait me tuer de rage ?

C'est ce que je pensais. J'étais à la fois sur la défensive au cas où et en proie à un des sentiments de culpabilité les plus puissants que j'ai pu ressentir...

Claria releva lentement la tête qui était toujours baissée. Elle se trouvait à présent à genoux un peu éloignée du cadavre qui n'était pas encore dans son champ de vision.

Troublée et d'une voix presque éteinte, elle peina à balbutier :

« Ma... man ? »

Nous avons tous eu la même réaction de choc : c'est en plus de cela sa mère ?!

Je viens de tuer sa mère ! Je suis... tellement misérable !

« C'est de ta faute Sorel ! Pourquoi tu l'as pas sauvé ?! Cria Ophélia, sûrement par peur du silence.

— De ma faute ?! Essaie d'avancer en équilibre avec la tête qui tourne ! Je te mets au défi de traverser cette poutre avec une personne qui bouge autant ! Contrairement à toi, je dois accepter le fait que je viens de tuer quelqu'un qui se révèle être la mère de Claria !

— Stop ! Hurla Céleste, ce n'est pas vous Sorel qui avez tué cette femme, mais bien Christophe. Il n'y a aucun autre responsable ici.

— Facile à dire pour toi ! »

Céleste ne répondit pas, sûrement par la surprise.

« Peu importe ce que tu dis, c'est moi qui aie causé sa mort ! Je suis celui qui a... »

Je me suis arrêté de parler en me rendant compte que Claria bougeait.

Elle avançait doucement, très doucement en raclant ses genoux sur le sol tout en posant ses mains pour ne pas tomber.

Elle semblait ramper.

En voyant que je regardais fixement derrière elle, Céleste se retourna pour assister au même "spectacle".

C'est sans bouger que nous avons tous observé Claria s'approcher du trou. Personne n'a réagi. Ophélia et Haron étaient, tout comme moi, tétanisés par la peur de ce que pouvait faire une Claria plus que jamais imprévisible.

Cela pourrait sembler inconcevable d'un point de vue objectif, mais personne n'a essayé de la stopper de voir... "ça". Même Céleste ne semblait pas vouloir bouger alors qu'elle était celle qui avait le plus réagi lorsque nous avons appris le nom de la personne.

Voir Claria ramper comme ça était une chose difficile à voir... mais cela ne nous empêchait pas de regarder sans pour autant l'aider.

Elle avançait lentement, chaque mètre parcouru la rapprochait de la vue macabre du cadavre de sa supposée mère. Et assister à ça m'emplissait de plus en plus d'une amertume tellement ignoble !

Après une trentaine de secondes, Claria est arrivée au bord. Elle était arrivée à un endroit qui lui permettait de voir le fond du trou sans se lever.

Elle était face à ce que j'avais causé indirectement même si Céleste disait le contraire.

Je ne la voyais pas puisque nous étions dos à elle, mais c'est comme si je pouvais voir ses yeux s'écarquiller. Elle ne bougeait plus à nouveau.

Je ne sais pas comment son esprit doit agir en ce moment même, mais je n'ai tellement pas envie de le savoir. Après quelques secondes, sa respiration s'est mise à accélérer.

C'est là que quelqu'un s'est enfin décidé à réagir et il s'agissait bien évidemment de Valya :

« Est-ce que vous allez la laisser souffrir ainsi ? Elle a besoin de réconfort-

— AAHHHHHHHHH !!! »

Un hurlement coupa Valya net.

Ce que nous avons entendu n'était pas humain.

Ce n'était pas une personne qui criait, c'était une bête.

On entend souvent des hurlements de douleur dans les films ou les séries. Le voir permet de comprendre que quelque chose d'horrible vient de se produire.

Le vivre, c'est autre chose. Y être, c'est une expérience très différente.

Claria venait de hurler comme si sa vie en dépendait, en un laps de temps très court, elle nous a transmis ce qu'elle ressentait : une douleur profonde et vive qui ne guérira plus jamais.

Je ne peux l'imaginer puisque je n'ai connu ma mère qu'un très court instant de ma vie, mais je pouvais sentir à quel point c'était important pour elle. À quel point un parent peut être quelque chose de si chère pour quelqu'un.

Je... Que dis-je, nous pouvions le sentir. Tous.

Le cri était si fort que je pense qu'il a dû résonner dans tout le bâtiment. Tout le monde ici a pu comprendre sa signification.

Quelque chose venait de se briser en elle. Quelque chose qui maintenait sa santé mentale dans un état stable.

Mais maintenant...

Claria semblait réciter quelque chose très rapidement. Je parvins cependant à comprendre un petit bout de phrase :

« Ressassez le passé ne fera qu'empirer l'avenir. »

C'est tout ce que j'ai compris tant son débit de paroles et le fait qu'elle chuchote m'empêche une compréhension totale.

Si les gens avaient ce genre de pensées, ils oublieraient bien vite les actes importants ou les morts de leurs proches... n'est-ce pas nécessaire de se souvenir des erreurs du passé pour ne plus les reproduire ?

Personne ne bougeait. Nous étions tous surpris et angoissés face à la réaction de Claria qui prouvait donc que c'était bien sa mère.

D'un seul coup, Claria s'arrêta. Puis elle se mit à crier de nouveau, mais pour parler :

« Ce n'est pas Sorel qui doit mourir ici, c'est vous ! Le grand malade qui regarde des gens souffrir pour son plaisir ! Ça vous a plu de tuer ma mère et de me le montrer exprès ?! Quelle est la satisfaction que vous en tirez ?! Créer tout un jeu pour ça ?! Votre place est dans un asile !

— Hahaha ! Mais vous êtes très mal placée pour dire cela, patient numéro 4256. »

Quoi ?!

« Je vais fouiller chaque centimètre carré de cet endroit, jusqu'à ma mort s'il le faut, mais je vous trouverais ! Et quand cela sera fait, je vous étriperais pour vous pendre avec puis j'inventerais un moyen de remonter dans le temps pour recommencer encore et encore ! »

Je peux t'assurer que ce n'est pas agréable !

« Attendez, c'est quoi cette histoire de patient ? Demanda Haron, t'as été dans un hôpital ?

— Je vous trouverai même si je dois y passer toute la semaine ! »

Sans même répondre à Haron, ni même le regarder, Claria se mit à courir en direction du couloir sous nos yeux impuissants.

Pourquoi impuissant ?

Parce que tout le monde ici se mit à s'écrouler.

« Vous devrez attendre encore un peu pour cela, mademoiselle Ymise. Au dodo, je veux que mes joueurs soient en forme pour la prochaine partie. »

Alors nous ne pouvions même plus dormir de nous-mêmes, c'est encore lui qui décide de cela.

Je sentais mon esprit s'envoler alors que je m'étais écroulé face à Valya qui dormait déjà. J'ai eu à peine le temps de tourner la tête pour constater que Haron, Céleste et Ophélia étaient eux aussi au sol, écroulé par la fatigue à cause d'un de ces produits qu'il nous injecte.

Claria avait détalé tellement vite qu'on ne voyait même pas son corps au sol, mais vu la puissance du produit, elle n'a pas dû aller bien loin.

C'est avec ces pensées obscures que je me suis endormi.

...

« Sorel ? Réveillez-vous. »

La petite voix de Céleste me tira des bras de Morphée dans lesquels on m'avait jeté de force.

« Qu'est-ce que... quoi ?

— Il faut que vous vous réveilliez. Nous sommes tous debout. »

Je me suis frotté les yeux puis je me suis accroupi pour ensuite me lever. Céleste est vraiment petite quand même... Je dis ça parce que j'avais l'impression d'être tout petit lorsque j'étais allongé, chose que je n'ai pas l'habitude puisque Céleste fait presque deux têtes de moins que moi.

« Il est quelle heure ? »

Question stupide puisque j'ai l'heure sur mon poignet, d'ailleurs, Céleste me le rappela en me faisant un signe de la tête en direction de ma main gauche.

Quatorze heures cinquante.

« Quoi ?! Il est presque quinze heures ?! »

Céleste aquiesça, elle avait visiblement regardé avant que je me réveille.

« Oh, vous savez où est Claria ? Demanda Valya également debout.

— Pas ici en tout cas, elle doit être dans le couloir. »

Haron commença à s'approcher de la porte, ouverte. En fait, personne ne voulait voir l'état du cadavre de la mère de Claria. J'imagine qu'il a commencé à pourrir et... brrr... Je préfère ne pas y penser.

« Ça pue ici ! s'écria Ophélia en se bouchant le nez.

— Je pense que nous en connaissons tous la raison... »

Céleste répondit très rapidement pour éviter le sujet, ce que je comprends très bien.

« N'empêche, t'as vraiment le sommeil profond Sorel ! Céleste essaie de te réveiller depuis au moins cinq minutes !

— Héhé, se moqua Valya, je suis d'accord avec toi ! »

J'ai quand même eu un demi-sourire à l'entente de cela, il est vrai que j'ai souvent du mal à me réveiller le matin.

Haron dépassa le seuil de la porte pour jeter un oeil dans le couloir :

« Tu la vois ? »

Haron se retourna vers moi, blême :

« Elle est pas là !

— Sérieusement ? »

Je me suis approché pour pouvoir regarder dehors, déjà, il y avait quelques rayons de soleil qui passaient à travers les petites fenêtres. Le couloir avait un air plus calme, limite détendue. La poussière, assez présente tout de même, flottait ce qui se voyait encore plus avec la lumière naturelle du soleil.

J'ai constaté qu'effectivement, Claria n'était pas là. Tout le bâtiment semblait vide, totalement dépourvu de vie.

En regardant autour de moi, je me rendais compte à quel point cet endroit est fade : tout est gris. Une très grande partie de ce que je pouvais voir était incolore. Un véritable environnement médical. Lorsque la nuit, l'endroit était sinistre, le jour, il était plutôt... mystérieux ? Une sorte d'aura se dégageait de cet endroit.

Quelque chose de paranormal.

« Effectivement, elle n'est pas là. »

J'ai sursauté quand j'ai aperçu Céleste juste à côté de moi, je ne l'ai même pas entendu arriver.

« Est-ce que vous pensez qu'elle s'est réveillée avant ? Demanda Valya, soucieuse.

— C'est fort probable. Vu l'état dans lequel elle est, ce n'est pas un simple calmant qui l'arrêtera. »

J'imagine Claria se réveiller puis voir qu'elle est seule et se mettre à courir dans tous les sens pour trouver Christophe. J'en suis certain, elle a dû trouver des indices. Ceux qu'il a cachés.

« Alors elle est allée à l'étage du dessous ? »

Ma question paraissait un peu naïve... Qui en aurait la moindre idée ?

« Non. Elle est toujours là. Le cadenas n'a pas été ouvert. »

Maintenant que Céleste le dit, nous l'avons tous remarqué : le cadenas qui retenait la porte menant aux escaliers qui, eux, mènent à l'étage du dessous est toujours verrouillé.

« Claria doit être dans une des pièces... Voire même dans les couloirs. »

J'ai rarement vu Valya aussi sérieuse.

« Alors on a qu'à crier. Il n'y a plus personne qui peut nous entendre pour venir nous attraper ! »

Haron a raison. Plus personne ne peut nous tuer à présent si ce n'est l'un d'entre nous...

« On va se séparer. Il n'y a plus rien à craindre alors ça ira. Céleste, Valya, vous venez avec moi. On va voir vers les chambres. Vous deux, vous allez voir vers l'infirmerie. On couvrira un meilleur périmètre de cette façon.

— Très bien. »

Céleste et Valya acquiescèrent. Haron avait compris et semblait sérieux. C'est absolument nécessaire que l'on se fasse tous confiance.

« Mais il reste l'enfant non ? Je veux dire... l'autre. »

Même si Ophélia reste assez peureuse, elle n'avait pas tort...

« É-Éspérons juste qu'il soit parti comme la fillette. »

Dans ce cas-là, il fallait jouer sur la chance. Mais je ne pense pas qu'il sera là puisque Christophe avait précisé qu'on serait tranquille la journée.

« Très bien, allons-y. »

J'ai, d'un seul coup, été interrompu par ces fameux grésillements, un des haut-parleur !

« J'ai jamais été prévenu de ça ! Ce qu'elle a fait est grave ! Et... et ça te fait rire ?! »

C'était une voix de femme ! Pas celle de Christophe qui ne faisait que rire nerveusement en arrière.

« Monsieur, le haut-parleur. »

Un autre homme se fit entendre, combien sont-ils derrière tout ça ?!

Le haut-parleur se coupa.

Il y avait une dispute, quelque chose n'allait pas pour eux. Vu le ton de la femme, je pense que ça doit être important.

Nous nous sommes regardés, le sourire aux lèvres :

« S'ils parlent de quelque chose de grave pour eux...

— ...alors c'est quelque chose de bien pour nous ! »

Ophélia termina la phrase que je venais de commencer. Nous étions d'aplomb d'un seul coup ! La rage que Claria avait accumulée nous est à présent bénéfique. Chacun est à présent motivé comme tout !

« Claria a trouvé quelque chose d'important. Il faut que nous la retrouvions, on pourra aussi... essayer de la réconforter. »

Tout le monde était d'accord, bien évidemment ! Mais notre joie avait un mauvais arrière-goût puisqu'il s'agissait de la mort de quelqu'un d'important pour notre alliée, en l'occurrence sa mère. Céleste peut espérer pouvoir la réconforter, je ne pense pas que ça soit aussi simple.

J'imagine très facilement Claria en rogne en ce moment même.

« Bon, on y va ! »

À mon signal, tout le monde s'est dispersé comme je l'avais prévu avec une motivation redoublée ! Peut-être même qu'avec un peu de chance, nous pourrions sortir d'ici avant la fin de la journée !

Accompagnés de Céleste et Valya, nous avons marché dans les couloirs désormais bien moins sombres à la recherche de Claria. Nous l'appelions en même temps que nous marchions. Chaque pas que nous faisions était accompagné d'un "Claria !". Nous étions comme libres à pouvoir crier comme ça pour se retrouver !

Nous sommes arrivés près de la double pièce, celle qui avait un trou dans le mur et qui nous permettait d'intervertir entre les deux.

Nous sommes rentrés pour voir si elle était là.

« Claria ? T'es là ? »

Pas de réponse. Elle n'est pas là non plus.

« Peut-être s'est-elle reposée dans sa chambre ?

— Je ne pense pas. Mettez-vous à sa place Valya, je pense qu'elle a dû chercher avec acharnement depuis qu'elle s'est réveillée. »

Valya baissa les yeux :

« Ah oui... tu as raison ma jolie ! »

Au tour de Céleste de baisser les yeux, et même de tourner légèrement la tête.

« V-vous ne pouvez pas vraiment savoir si je suis jolie puisque j'ai ma capuche... »

Valya éclata de rire :

« Mais nooon ! Je suis sûre que tu l'es ! Faut pas dire ça ! »

Céleste n'a pas l'habitude des compliments, ça se voit. Et vu que Valya en fait tout le temps, je pense qu'elle va en avoir droit à une bonne dose !

« Enfin bref, je pense qu'on devrait quand même aller voir dans sa chambre histoire d'être sûr. »

Après tout, on ne sait jamais...

« Si vous voulez... fit une Céleste encore un peu embarrassée.

— On pourrait même fouiller les chambres pour les indices en même temps. Même si Claria a dû chercher comme pas possible, il doit rester quelques trucs non ?

— Il n'y a qu'un seul moyen de le savoir. Mais je dois avouer rester plus inquiète pour elle, je préfère voir ce qu'elle a trouvé plutôt que d'autres "indices".

— Ouais... je suis d'accord. »

Nous sommes alors ressortis pour aller en direction des chambres, si elle n'est pas là non plus, alors c'est que l'autre groupe l'aura trouvée.

De toute manière, ce qu'à fait Claria ne peut qu'être bénéfique pour nous puisque cela semble déstabiliser les gens derrière tout ça.

« Va voir les chambres, Valya et moi allons regarder les quelques pièces de ce côté. »

Céleste ne fit pas d'objection et Valya non plus d'ailleurs, tant mieux.

Céleste se dirigea donc vers les chambres, nous étions à côtés avant de se disperser puisque la pièce blanche ne se trouve pas loin de l'impasse avec nos chambres. Ophélia et Haron sont partis vers le fond chercher près de l'infirmerie et sûrement vers la pièce où Haron a joué à la roulette russe avec ce type...

Valya et moi nous sommes mis à chercher dans les premières pièces présentées à la sortie du couloir des chambres.

Il n'y avait rien de bien intéressant. Les pièces étaient soit vides, soit dans un piteux état. Rien à dire de ce côté-là, tellement que ça en est frustrant !

En ressortant de la première pièce, quelque chose interpella mon oeil attentif : un morceau de papier à même le sol caché dans un coin. La nuit, ça aurait été impossible de le voir sans braquer le faisceau lumineux dessus, mais là, c'était clairement voyant.

« Sorel ! Regarde ! »

Valya l'avait également remarqué, normal vu à quel point c'est devenu flagrant.

Sans attendre, je me suis mis à sa portée pour le ramasser.

Chose de sûre, il a déjà été lu. Ou bien Christophe ne sait pas plier correctement des bouts de papier. Celui-ci était tout froissé, quelqu'un l'a donc mis en boule.

Je ne vois qu'une seule personne pour faire ça : Claria. Elle a du lire quelque chose qui a dû l'énerver... même si elle doit l'être de base sans l'aide de ce petit truc.

J'ai déplié le morceau de papier et j'ai commencé à lire :

"Jour 57. 31 août 2018.

Les gars de l'administration de ce bâtiment racontent n'importe quoi ! J'ai jeté un coup d'oeil dans les rapports officiels et ils disent qu'Aftovma "hante" le bâtiment depuis la dernière fois ! Comme quoi c'est pas de leur faute...

Conneries !

Ils ne veulent pas l'assumer ! Quand ça veut contrôler leur monde, y'en a pleins pour faire des expériences ! Mais quand ça foire comme le 22 août, y'a plus personne pour assumer ! Et vas-y qu'on met ça sur le dos d'Aftovma.

Personne ne me comprend ici de toute façon, sauf toi petit journal, pas vrai ?

Les esprits ne se contrôlent pas comme ça et s'il y a un deuxième monde pour eux, c'est qu'il y a une raison.

Et ce gosse en est la clé."

Intéressant.

Alors si j'ai bien compris, le bout de papier que nous avons lu sur Aftovma est en partie faux ? Et pour l'histoire du gosse, il parlait sûrement de celui qui nous touchait pour nous envoyer je ne sais où.

Mais alors, il nous emmenait dans un monde avec des esprits ?

Tout ça commence à ressembler à un récit de science-fiction, mais on est bien dans la réalité là !

Toujours intrigué, j'ai franchi la porte pour passer à la salle suivante. Je crois me souvenir que c'est la salle du type pendu.

J'aime pas trop cette pièce, mais c'est histoire de voir si on a manqué quelque chose ou pour à la limite fouiller le cadavre...

Qu'est-ce que c'est glauque...

« Les personnes ici faisaient des expériences pour tenter de contrôler un monde inédit. Je peux pas m'empêcher de trouver ça cool ! »

J'ai souri à Valya en guise de réponse. Ça paraît tellement irréel...

Nous étions dans le couloir presque en face de la prochaine pièce quand j'ai remarqué quelque chose de brillant au sol.

La chose était juste en face de la porte.

En m'approchant, j'ai découvert que ce n'était que la montre à gousset. Celle qui m'avait fait m'évanouir quelques heures plus tôt.

« Qu'est-ce que ça fait là ça ? C'est pas Claria qui l'avait ? ai-je demandé à Valya.

— Si. Elle l'a gardé quand tu es tombé dans les pommes. »

C'est bien ce qui me semblait.

En tournant la tête, j'ai vu quelque chose d'autre. Quelque chose qui me troubla :

« Un autre bout de papier ? Deux en même temps, c'est pas normal... »

Valya avait l'air inquiète elle aussi, je vois mal Christophe cacher deux morceaux côte à côte.

« Bizarre. »

Tout en marmonnant, j'ai ramassé l'autre morceau puis je l'ai déplié.

L'écriture était différente, elle était hésitante, tremblante et contrairement aux autres, tout était écrit en rouge...

Un rouge sang. Bien évidemment, ce n'était que de l'encre de stylo, mais je n'avais encore jamais vu un message écrit en rouge ici.

Mais ce qui me fit le plus peur, c'était ce qu'il y avait d'écrit :

"Rien du tout !

Trouvé qu'un message.

Et ce stylo.

Pas important !

Où tu te caches ?!

Je vais te trouver !

Je vais te trouver !"

Le message continue avec au moins une quinzaine de fois la même phrase puis vint autre chose... de beaucoup plus direct :

"Je n'en peux plus !

Pourquoi ?

Pourquoi je souris ?!

Souriresouriresouriresouriresourire

Pourquoi je continuuuuuuuuu

De gros gribouillis marquaient la suite puis tout en bas, il y avait simplement écrit en lettres majuscule :

"JE VEUX QUE TOUT S'ARRÊTE !"

Je sens comme mon estomac se nouer. Pourquoi est-ce que c'est là ? Et qui a écrit tout ça ?

J'ai, lentement et avec difficulté, ravalé ma salive. Quelque chose me tordait le ventre pour je ne sait quelle raison.

Ça ne vient pas de Christophe, c'est certain.

Le message d'avant non plus même, je ne vois pas pourquoi les messages qu'il laisserait se contredisent.

« C'est... Ça fait peur je trouve... balbutia Valya.

— Je suis d'accord... »

Il me restait une dernière pièce à inspecter avant de rejoindre Céleste, j'espère que du côté de l'autre groupe, ils ont réussi à trouver Claria. Elle a plus de chances d'être à l'infirmerie...

J'ai posé ma main sur la poignée pour la pousser.

pouf

Hein ?! Quelque chose bloque la porte ?!

Comment est-ce que c'est possible ? Je ne comprends pas ! Il y a quelque chose d'assez mou qui m'empêche d'ouvrir la porte.

Ne me dis pas que...

« Claria ?! »

En ouvrant un peu plus la porte, j'ai directement aperçu le cadavre au sol. Et la puanteur de la salle m'a littéralement assommé.

J'ai mis du temps à comprendre que le cadavre au sol n'était pas celui de Claria. En y regardant de plus près, j'ai vu un visage décomposé affichant un rictus de douleur assez terrible. C'est donc à ça que ressemblait le type pendu ? Quelle horreur...

Il s'agissait bel et bien du docteur qui s'était pendu. Je le reconnais à sa blouse.

Je sentais Valya agripper sa main contre moi, cela me rendait d'autant plus nerveux.

« T'inquiètes pas, c'est juste le docteur. »

J'ai alors forcé la porte de toutes mes forces pour dégager le corps au sol pour pouvoir entrer dans la dernière pièce.

« Est-ce que tu te caches ici Cla- »

Ma bouche est littéralement restée ouverte sans pouvoir terminer la phrase.

Un corps était pendu.

Un corps que je connaissais très bien.

Un corps qui se balançait, sans vie.

Un corps qui avait tellement enduré.

Un corps qui me fixait de son regard perçant.

Valya fit deux pas en arrière, en se cachant derrière moi.

Une forte envie de vomir me parcourut, un sentiment d'impuissance, de douleur, de colère, de tristesse et de culpabilité également.

Je sentais même les larmes monter. Tellement de questions se mélangeaient d'un seul coup dans mon esprit.

J'ai compris pourquoi Christophe riait nerveusement et pourquoi une femme avait précisé qu'elle avait fait quelque chose de grave.

J'ai tout compris maintenant.

Elle n'en pouvait plus. Elle a été poussée à bout, voir sa mère mourir a été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase.

J'avais en face de moi le corps sans vie de Claria... pendu.

Avec un gigantesque sourire.

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