20 - Mon test, le mien et non celui des autres... ?

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« Sorel ! Pourrais-tu venir un instant s'il te plaît ? »

Aïe... quand Mama m'appelle comme ça de son ton sérieux, c'est que quelque chose ne va pas. Bon, c'est vrai que quand quelqu'un adopte cette intonation, c'est plutôt évident que ce n'est pas pour faire des compliments. Et ce n'est pas comme si je ne savais pas pourquoi elle m'appelait de toute manière...

« Ou-oui... j'arrive. »

Mama se trouvait dans la cuisine, une cuisine assez spacieuse ce qui nous permettait à nous, aux plus grands, de l'aider à préparer le repas. Ce n'est pas de tout repos puisque nous sommes pratiquement une quinzaine !

Des petits comme des grands même si avec Bill, nous sommes les plus âgés. Je n'ai jamais eu à faire aux autres enfants de l'orphelinat, du moins, tellement rarement que je n'en ai aucun souvenir.

Tout en sachant très bien pourquoi je venais, j'ai traîné des pieds nonchalamment en essayant de jouer "celui qui ne savait pas".

« Quoi ? bougonnais-je.

— Un peu de tenue je te prie ! »

Brrr... qu'est-ce qu'elle peut faire peur quand elle s'y met...

« Est-ce que tu sais pourquoi je t'appelle ?

— Eh bien... pour faire à manger ?

— Non. C'est pratiquement prêt. »

Je pouvais voir que d'après son regard, elle savait... que je savais. Assez cocasse quand c'est dit comme ça.

« J'ai reçu un appel du proviseur aujourd'hui, il paraît que tu t'es battu. »

Bien vu, moi-même. Il était clair que c'était pour ça en même temps.

« Explique-moi pourquoi. Ce n'est pas bien de se battre Sorel !

— Mais Mama... j'ai défendu une fille qui se faisait humilier par des espèces de pimbêches pour être poli.

— Ce n'est pas une excuse, tu aurais pu simplement leur dire d'arrêter, il paraît même que tu as frappé une fille !

— Raah ! Qu'est-ce que vous avez tous avec ça ? Parce que c'est une fille, je la laisse me frapper et agir comme la pire des ordures c'est ça ?!

— Monsieur Ilsoya ! Vous baissez d'un ton ! »

J'étais assez remonté contre Mama mais sa voix et le fait qu'elle m'appelle par mon nom de famille m'ont très vite abstenu d'aller plus loin.

« Écoute, au-delà de tout ça, que penseront les gens de toi et de notre orphelinat ? Si un des enfants orphelins est agressif et frappe même les filles, qu'est-ce qu'il se passera selon toi ? »

Je dois reconnaître que Mama m'avait surpris, je ne m'attendais pas à ce genre de remarque alors je n'ai rien dit.

« Notre orphelinat n'a déjà pas belle réputation dans la ville, tu sais... les gens pensent que vous êtes tous des gamins sans espoir... »

Au même moment, Mama s'est effondrée au sol, la main droite sur son front.

Je me suis précipité pour la rattraper :

« Mama ! Mama !! Qu'est-ce qu'il y a ?!

— Ce n'est rien. J'entends tellement souvent ces remarques, ton proviseur ne s'en est pas privé non plus. J'en ai juste marre de tout ça. C'est pour ça que je t'ai disputé. Pour te dire la vérité, je suis plutôt fière que tu aies défendu quelqu'un même si je ne t'encourage pas à frapper qui que ce soit. Comprends-moi, j'ai tellement entendu du proviseur que monsieur Ilsoya "frappe les filles" que je n'ai pas pu m'empêcher de te le faire remarquer. »

— Je te comprends Mama, c'est promis. J'arrête de frapper qui que ce soit. »

Mama se releva, en s'appuyant un peu sur moi, puis elle mit sa main sur mon épaule :

« N'oublie pas Sorel, si tu veux que nous soyons bien vu, essaie au moins de sourire un minimum. Les gens devraient arrêter leurs remarques ou du moins les diminuer.

— Sourire ?

— Oui. C'est ce que me disait ma grand-mère, le sourire d'une fille est ravageur alors pourquoi pas celui d'un grand garçon comme toi ? Si les gens voient que tu es comme ça, ils seront plus aptes à venir vers toi et à voir d'un autre oeil l'orphelinat par la même occasion.

— Tu me demandes de prendre exemple sur Bill ?

— Pas de le recopier, simplement de sourire. Tu dois rester toi-même en essayant d'afficher un air heureux, même si celui-ci est faux, les gens te verront bien mieux.

— Ce que tu me dis est contradictoire Mama... »

Celle-ci soupira, puis hocha tristement la tête :

« Je préfère voir celui que je considère comme un de mes fils heureux plutôt que bagarreur. Fais-le au moins pour moi. »

Je crois que je n'ai jamais vu Mama comme ça, c'est ce qui rendait cette scène surréaliste.

J'ai acquiescé sans pour autant être sûr de pouvoir faire ce qu'elle me demandait. Mama, s'est contentée de cette réponse et me pris dans ses bras.

« N'empêche, je trouve que se forcer à sourire, ça peut être malsain.

— Pourquoi ? me demanda Mama tout en me regardant dans les yeux.

— Je le vois parfois dans les histoires que je lis mais... Est-ce qu'on sourit parce qu'on est heureux ou parce qu'on cache son malheur ? »

J'étais rassuré, les choses allaient bien se passer maintenant, nous allons ouvrir l'escalier, descendre pour pouvoir enfin dormir. Cette nuit de cauchemar était enfin terminé, le danger permanent qu'était Eneko n'est plus. Du moins, pour l'instant.

Sûrement parce que je m'étais évanoui plusieurs fois, j'étais moins fatigué que je le pensais. Celles qui avaient l'air fatiguées étaient Céleste et surtout Claria. Elle qui avait dû me porter un bon bout de temps, ça se comprend...

Ophélia se portait plutôt bien et Haron n'avait pas l'air si faible que ça. On avait toujours un peu peur avec le fait qu'Aftovma puisse posséder quelqu'un d'autre surtout avec ce que Claria venait de faire. Quant à Valya, elle avait l'habitude de rester éveillé tard donc je ne m'inquiète que très peu.

« Je veux pas faire la rabat-joie mais vu qu'il y a eu la roulette russe, on ne sait jamais sur quel piège on peut encore tomber... »

Même si le côté "parano" d'Ophélia doit surtout être handicapant pour elle, ce qu'elle venait de dire n'était pas faux. Même si la menace principale avait disparu, qui sait ce que ce bâtiment renferme ?

« Ouais mais il faut quand même nous allions à l'étage d'en dessous. »

Tout le monde était d'accord avec moi, il fallait descendre et voir ce que nous pouvions découvrir en faisant attention.

« Si je me souviens bien, la cage d'escalier est près du long couloir de gauche à partir de nos chambres. »

Céleste en savait plus que moi sur ce point, tout le monde en fait, vu que je n'ai pas vraiment eu le temps de mémoriser les pièces.

« Alors allons-y. Qu'est-ce qu'on attend ? s'écria Valya.

— De toute manière, lorsque l'on sera en dessous, on fera quoi ? demanda Claria l'air sombre.

— Qu'est-ce que tu veux dire, ai-je demandé, tu parles de chercher des réponses ?

— Exact. Je l'ai déjà dit mais je le répète : pendant que vous dormirez, j'irais chercher tous les bouts de papier qu'il y a ici pour en savoir plus. Quand j'en saurais assez, les organisateurs de ce jeu iront tous en prison. Des ordures pareilles, leurs places n'est pas ici.

— Je suis d'accord mais t'as besoin de repos. Vu tout le temps que tu m'as porté...

— J'ai l'habitude. Je fais du sport régulièrement de toute manière.

— Arrête. Même le meilleur des sportifs auraient besoin de repos après avoir porté quelqu'un de quatre-vingts kilos une grande partie de la nuit. »

Claria se mit à me fixer de son regard glacial puis répondit d'un ton sec :

« Pas moi. »

J'ai alors soupiré, elle qui se plaignait du fait qu'elle m'ait porté, voilà qu'elle se met à dire que "tout va bien".

Je pensais que Céleste aurait réagi mais elle avait l'air bien trop épuisée, personne n'avait l'air de vouloir la stopper à part moi (et encore...), Valya, elle, se contentait de la regarder sans rien dire.

Sans un bruit (ou presque), nous nous sommes alors dirigés vers cette fameuse cage d'escalier ou plutôt devant pour aller chercher la clé permettant d'ouvrir l'accès.

Ne connaissant pas autant l'étage que le reste du groupe, je me suis contenté de les suivre.

Nous avons traversé les couloirs avec une légère lueur de lumière provenant du très léger aperçu de l'extérieur impossible à distinguer. Ça peut nous redonner espoir et c'est une bonne chose de pouvoir voir ça alors... pourquoi mon coeur me serre à ce point ?!

J'ai une sensation de boule au ventre, comme si ce n'était pas réel. Je ne me comprends pas. Je n'arrive pas à mettre le doigt sur ce qui m'arrive.

Après quelques minutes dans un silence bien trop lourd pour notre situation, nous arrivâmes en face d'une double porte fermée solidement par un gros cadenas. Celles-ci disposaient de petites vitres sur le milieu ce qui nous permettait de confirmer qu'il y avait bien des escaliers qui descendaient au-delà de ces portes.

« Donc... c'est par là qu'il faudra descendre me suis-je chuchoté.

— Bien joué Sherlock. Bon, prenons cette clé et finissons-en ! »

La réplique de Claria était cinglante, elle qui était la plus joviale lorsque je l'ai rencontré, c'est sûrement la plus désagréable maintenant.

En ayant à peine terminé sa phrase, celle-ci se mit à ouvrir la pièce en face de la cage d'escalier, là où Christophe nous avait dit de nous rendre...

Mais attendez... ! C'est sûrement un piège ! Qu'est-ce que je suis débile ! Bien sûr que c'en est un ! Et un évident en plus !

« Attendez ! »

Ophélia prit la parole avant même que je puisse faire part de mon ressenti.

« Est-ce que ce n'est pas bizarre que ce Christophe ne nous donne pas la clé directement plutôt que de nous dire d'aller la chercher dans une pièce dont on ne connaît rien ?

— Exactement ! Je pensais la même chose ! me suis-je exclamé.

— Quoi ? Vous avez peur maintenant ?

— Ton insouciance ne nous mènera nulle part, cela ne fera qu'attirer les problèmes. »

Au même moment, je me suis approché de Claria qui était déjà dans la pièce qui était totalement sombre, pour changer.

« Attendez, j'ai la lampe torche. »

J'avais toujours mon téléphone sur moi donc il était aisé de voir si tout cela était un piège...

clang

Un fort bruit métallique nous fit sursauter, celui-ci venait de la porte de la pièce qui d'ailleurs était différente des autres du bâtiment

Ophélia se mit à hurler d'un seul coup :

« C'est un piège ! Sortez d'ici !! »

Tout en faisant cela, Ophélia se jeta en arrière près des autres qui étaient restés à l'extérieur de la pièce et exactement au même moment, la porte claqua violemment.

Ophélia avait tout juste eu le temps de sortir de la pièce mais Claria et moi n'avons pas eu le même réflexe ce qui fait que nous étions à présent enfermés.

La porte se mit à se faire tambouriner :

« Eh oh ! Ouvrez ! hurlèrent Ophélia et Haron.

— Maître ! Ouvrez-lui la porte espèce de méchant ! »

Argh... même Valya est restée à l'extérieur. Quoique, tant mieux pour elle. Je n'avais pas envie qu'elle se retrouve confrontée à quoi que ce soit.

« Tout ira bien ! Faites attention ! »

Céleste semblait s'être réveillée d'un seul coup puisqu'elle frappait la porte de ses petits poings. Je pouvais clairement distinguer les poings de Céleste à ceux des trois autres.

« Je... je suis désolée... je pensais juste que c'était une pièce normale et à cause de moi, on va sûrement mourir.

— Si tu cherches à te faire pardonner, ce n'est pas le temps pour ça ! Cherche juste un moyen de sortir !

— Allume ta lampe alors. »

Ah oui ! J'allais oublier !

Sauf que cela aurait été inutile, la pièce, d'un seul coup, s'illumina d'une lumière presque aveuglante.

« Qu'est-ce que...

— Qu'est-ce qu'il se passe là-dedans ?! On a entendu un drôle de bruit ! demanda Ophélia.

— Tout vient de s'allumer, la pièce est vachement blanche et... whoaaa ! »

Je me suis arrêté dans mon explication parce que je venais de voir quelque chose d'assez surprenant : il y avait devant nous une grande vitre avec derrière... quelqu'un.

Quelqu'un était assis sur une chaise au milieu de tout. La pièce dans laquelle était cette personne était franchement pourri tandis que celle où Claria et moi étions était assez blanche sur les murs même s'il y avait des traces de moisissures ici et là.

Nous ne pouvions pas savoir qui était la personne assise puisque tout comme les "joueurs", il y avait une couverture similaire la recouvrant.

« Haron, je crois qu'on va devoir faire un duel comme toi... fit Claria, déterminée.

— Il y a quelqu'un d'assis dans une pièce en face de nous, on est séparés par une vitre et la personne ne bouge pas. »

Un haut-parleur se mit à grésiller, on sait tous ce que ça veut dire...

« Bien le bonjour ! Hahaha ! J'arrive pas à croire que vous soyez tombés dans un piège aussi facile à faire ! »

Moi non plus en fait... même si nous n'avons pas vraiment le choix en fin de compte.

« Enfin bref, il devait y avoir tout le monde dans la pièce mais disons que j'ai quand même un peu de chance.

— Comment ça ? »

Ignorant ma question, Christophe continua :

« Bien, la nuit est terminée. Bien des choses se sont produites en neuf heures et je peux voir que vous êtes toujours en vie malgré cela. Je tiens à vous féliciter de nouveau pour ça puisque ça devait bien être ennuyant de rester toujours cachés. »

Même si c'est lui qui a fait en sorte que nous y soyons obligés.

« Je sais que ce n'était pas aussi amusant que je ne le pensais mais... eh ! Je fais des expériences voyez-vous. Ça fait partie du jeu et j'ai pu voir des gens essayer de survivre. Au final, je me suis rendu compte d'une chose, vous ne vous êtes pas entretués et ça, ça ne faisait pas partie de ce que je pensais. Même en vous donnant des motifs pour le meurtre, personne n'a réussi. C'est bien dommage. Mais ne vous en faites pas, vous finirez par céder... croyez-moi ! Hahahaha ! »

Le rire sinistre de Christophe envahissait les haut-parleurs, c'était d'autant plus énervant de voir que Christophe pensait encore que nous allions nous entretuer. La seule capable de cela serait...

« On s'en fiche de vos histoires ! Comment on fait pour sortir de là ?! Et faire en sorte que cette personne ne nous tue pas par la même occasion. Parce que si c'est une de vos expériences...

— Hahaha ! Mais voyons, ne vous précipitez pas ainsi mademoiselle Ymise, pourquoi voulez-vous tuer alors que je suis celui qui décide quand vous le faites ?

— Ouais bah ça n'a pas marché ! Personne n'est mort ici ! »

Je suis très mal placé pour dire ça.

« Bien sûr Sorel. Tu as totalement raison. »

Seul moi pouvait comprendre le ton sarcastique qu'employait Christophe.

« Avant de vous laisser faire ce que vous voulez, je tenais à vous faire passer une épreuve. Cette épreuve vous permettra non seulement d'avancer vers l'étage du dessous... mais elle sera également décisive pour une personne en particulier car elle dévoilera aux yeux de tous le passé de l'un d'entre vous. »

J'ai senti une goutte de sueur couler le long de mon visage, non pas que je sois concerné puisque mon passé n'est pas inconnu des gens ici. J'avais peur de la réaction que pouvait avoir la personne en question, ça pouvait être Ophélia, Claria ou encore Céleste, elle qui avait l'air si fragile, elle pouvait peut-être cacher quelque chose de bien pire...

« C'est quoi cette épreuve, ai-je répliqué, arrêtez de nous faire attendre. »

Christophe se mit à rire puis continua :

« Très bien, vous devez trouver la clé qui ouvre le cadenas. Ça, vous le savez déjà mais comme je vais être sympa, je vais vous dire tout de suite où elle se trouve !

— Hein ?!

— La clé n'est pas celle que tu as en trop Sorel mais celle-ci est... autour du cou de la personne que vous avez en face de vous ! »

Nos deux regards se sont tournés vers la personne en question même si c'était vain puisque la couverture cachait tout le corps.

« Comment peut-on en être certain ? On voit rien !

— Il va falloir me croire Sorel. Je n'ai aucun moyen de prouver la véracité de mes propos. »

Difficile à faire...

« L'épreuve consiste donc à aller chercher cette clé... en traversant la pièce. »

C'est tout ?

« Il est où le piège ?

— Ah ? Je suis si prévisible ? Oui, c'est vrai que je le suis dans ce cas-là. Le voilà le piège. »

Attends, je disais ça comme ça, je ne pensais pas vraiment que c'était le cas !

Tout à coup, un grondement retentit et le sol de la pièce d'en face se mit à bouger ! Celui-ci se rétractait en rentrant dans les murs tout en laissant un vide remplissant en majorité la pièce... sauf au milieu.

En effet, il y avait une espèce de cercle au centre de la pièce, là où la personne se trouvait. Celle-ci était sur ce qui restait du sol formant une plateforme où seule la personne pouvait se trouver.

« Vous vous fichez de nous là ?! On ne peut pas sauter aussi loin ! »

Il y avait au moins une dizaine de mètres qui nous séparaient de la plateforme. Même en prenant de l'élan, on ne pourrait pas y arriver et on prendrait un gros risque vu la taille de la plateforme d'arrivée qui doit faire dans les un mètre cinquante de diamètre...

« Cette salle était celle qui nous permettait de punir ceux qui ne... ahem... coopérait pas. C'est vrai qu'elle fait peur cette pièce... surtout qu'on peut se faire embrocher en tombant. »

Je n'avais pas remarqué mais en m'approchant de la vitre, on pouvait voir le fond du "vide" qui ne l'était pas du coup : de gigantesques pieux métalliques qui avaient l'air encore tranchant malgré la rouille apparente la recouvrant !

Il y en avait partout ! Tu m'étonnes que les gens avaient peur ! Rien que les voir me fiche une de ces trouilles...

« Vous n'êtes vraiment pas bien... vous êtes un grand malade ! cria Claria.

— Merci. Mais... peut-on vraiment dire que je sois le seul ? »

...

« Ah, et enfin, pour pimenter le tout, seul Sorel aura le droit d'aller chercher la clé sur la personne en plus de devoir faire un choix crucial avant. »

Sans même que je puisse demander de quoi s'agissait ce choix, ma montre se mit à vibrer.

J'étais surpris de la voir "sauvegarder" maintenant alors que cela avait été le cas juste avant mais Christophe se mit à prendre un ton sérieux :

« Tu vas devoir me donner un chiffre entre "un" et "deux". Si tu choisis "un", je vais t'injecter une dose faible d'un produit tandis que la personne assise recevra une dose importante, si tu choisis "deux", l'inverse se produira : tu auras la dose forte et la personne la dose faible.

Quant au contenu du produit, il s'agit d'un de nos médicaments test pour les personnes épileptiques qui se sont avérés être un échec puisqu'il produit l'effet exactement inverse à celui escompté : il provoque donc des spasmes sans pour autant être aussi violents que pourraient avoir un épileptique en crise. Un échec retentissant mais qui ajoutera de la difficulté à l'épreuve. Et ne t'en fais pas, les effets se dissipent au bout de quelques minutes. »

Ce type... est d'une ingéniosité tellement morbide que ça me fait froid dans le dos. Voilà qu'il s'attaque aux épileptiques maintenant.

« Et pour information, tu as une poutre derrière toi. Choisis un chiffre et l'épreuve commencera. »

Je sentis la main de Claria se poser sur mon épaule.

« Je ne vois pas en quoi cela pourrait révéler le passé de l'un d'entre nous mais si j'étais toi, je choisirais "un" pour minimiser les risques que tu tombes.

— Oui mais la personne pourrait tomber et mourir. Je n'ai pas envie d'avoir une mort sur la conscience. »

Il s'agit là d'une personne que je ne connais même pas... je n'ai pas envie de voir un innocent mourir à cause de moi.

Je me suis retourné pour regarder la poutre, si je comprends bien, il veut que je la pose pour qu'elle atteigne la plateforme. Elle ne risquera pas de céder vu l'épaisseur de celle-ci mais elle ne faisait qu'une cinquantaine de centimètre de largeur... et nous allons devoir être deux là-dessus ?!

« Écoute, fais ce que tu veux. Je suis celle qui t'a mise dans un pétrin pareil alors j'essaie de t'aider. On va poser la poutre, aide-moi à la soulever. »

Sans rien dire, j'ai obéi et avec délicatesse, nous avons réussi à poser la poutre qui reliait alors la plateforme à notre pièce.

« Sorel ? Le chiffre. »

Je n'ai pas eu besoin de réfléchir plus longtemps, j'ai inspiré puis expiré profondément et j'ai annoncé :

« Deux.

— Quoi ? »

Claria fut surprise de mon choix et c'était normal mais j'avais décidé ainsi.

Mon bracelet se serra puis je sentis quelque chose traverser mes veines. Un liquide glacial. L'injection était en soi assez douloureuse mais les effets furent instantanés : ma main droite commença à trembler, puis la gauche, puis les deux bras suivirent et enfin les deux jambes : je tremblais comme une feuille !

Comme si je grelottais ! Oui ! C'est ça ! J'ai très froid ! Je ne peux m'empêcher de trembler de froid !

« Sorel ? »

Même la voix de Claria me paraissait étrange, elle semblait déformée. C'est comme si j'avais été drogué. Ou quelque chose du genre.

Il fallait que je me contrôle, tous mes membres tremblent de manière affolante. Pourtant, je n'y arrive pas. Plus alarmant, ça empire !

« Ah et enfin, tu as exactement cinq minutes pour récupérer la clé, le temps que le produit se dissipe. Si tu n'as pas réussi d'ici là, je n'aimerais pas être à ta place... »

Bien évidemment... j'aurais pu juste attendre que le produit se dissipe et y aller en sûreté mais il faut croire que je ne pourrais pas.

Je suis obligé de m'agenouiller à cause de la puissance de ce truc ! J'ai l'impression d'avoir une véritable crise d'épilepsie !

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Est-ce que vous allez bien Sorel ? » fit la petite voix de Céleste.

« Il a l'air... déstabilisé. Le produit fait effet. »

Je n'ai pas le temps de me morfondre, il fallait que j'aille chercher cette clé... et la personne en même temps mais avec ce produit ?!

« Hmmpff !! »

Claria et moi avons eu le même réflexe qui a été celui de relever immédiatement la tête en direction de la personne qui était en train de trembler elle aussi. Celle-ci avait sûrement quelque chose sur la bouche puisque ce n'était qu'une voix totalement étouffée.

« Il a l'air d'avoir besoin d'aide. C-Courage Sorel. »

Même si Claria avait passé une bonne partie de la nuit à être désagréable, je pense que mon état actuel permet de mettre nos différents de côté.

« Je... je v-vais faire de mon m-mieux... »

Je peux à peine parler... bordel...

J'ai regardé la personne qui semblait d'ailleurs vouloir nous parler puisqu'elle avait entendu nos voix. Je ne sais pas ce qu'elle a mais elle bouge beaucoup... enfin, plus que ce que le produit pourrait faire vu que je tremble de manière excessive, je ne pense pas que sa dose à elle soit aussi élevée.

Je me suis positionné tant bien que mal en face de la poutre, celle-ci m'apparaissait en double... Je suis censé traverser ça ?!

La violence du produit me fit me pencher dangereusement en arrière prêt à tomber au sol mais je sentis quelque chose me retenir.

« Franchement... t'aurais pu au moins prendre le bon produit pour toi. Ça aurait été plus simple de gérer la personne tremblante plutôt que toi. »

Sans lui répondre, je me suis avancé.

Tout me paraissait tourner, mes joues sont gelées tout comme mes mains. Je sens un courant froid me traverser constamment le corps et c'est quelque chose de tellement désagréable. Ces satanés tremblements ne s'arrêtent pas... et ils sont tellement intenses !

J'ai mis le premier pied sur la poutre, puis le deuxième...

Je suis dessus.

À vu de nez, il me faut une dizaine de pas pour arriver au bout s'ils sont assez espacés.

« Attends ! »

L'interpellation de Claria me fit sursauter. Sauf que mes nerfs ont réagi bien plus fortement que je ne le pensais.

Beaucoup trop fort.

J'ai senti mon pied gauche glisser puis je suis tombé en avant.

Heureusement, j'ai réussi à me rattraper de justesse en m'accrochant avec ma main gauche puis avec ma main droite.

« Ah non non ! Je suis... je suis désolée ! Je voulais juste te dire que tu aurais pu avancer plus prudemment... en t'asseyant puis en avançant assis sur la poutre. Ça aurait été plus si-

— Aide... moi.

— Qu'est-ce qu'il se passe ?! Pourquoi Claria vient de crier ?! »

La voix d'Ophélia résonnait de mes oreilles et la sensation était encore plus déplaisante que d'habitude. Mes oreilles sifflaient et j'ai l'impression d'être un congélateur !

« Attrape ma main ! »

Claria me tendait sa main, je n'avais fait que deux pas donc je n'étais pas si loin que ça d'elle mais la distance me paraissait tellement lointaine.

« Sorel est tombé mais je vais le rattraper ! »

Claria s'était agenouillée juste en face du vide puis elle avait tendu sa main du plus loin qu'elle le pouvait. Son visage avait une expression très sérieuse, tellement que ça me faisait froid dans le dos... ou alors, c'est juste l'effet du produit qui me fait ça.

« Vas-y ! Attrape-la ! Fais-moi confiance ! »

J'y pense... pourquoi je ferais confiance à quelqu'un qui disait clairement vouloir me tuer ? Et sur le coup, je n'ai pas été le seul à penser qu'elle pourrait me laisser tomber exprès.

« Claria ! Je ne vois pas ce qui se passe mais ne tuez pas Sorel ! On s'en sortira tous alors ne faites rien de stupide ! Il y a... il y a Valya qui est en train de pleurer et je... je ne peux pas continuer de voir ça ! »

Je n'arrivais même pas à entendre ça mais j'espère que ça n'arrivera pas parce que je ne pourrais pas le supporter.

Claria semblait penser à quelque chose, comme si elle se parlait à elle-même dans sa tête puis elle répondit :

« Écoute Sorel ! Je sais que tu ne me fais pas confiance et vu ce que j'ai dit, c'est normal ! Mais si tu meurs là, j'aurais permis à ce taré de te tuer ce qui fait de moi une complice !

— Même... en me tu-tuant de n-n'importe quelle manière, tu es sa-sa complice ! »

Mes mots ont du mal à sortir tellement je suis frigorifié mais ce qu'elle me reproche n'a pas de sens puisque me tuer revient à l'écouter. Et ça, Claria semblait l'avoir enfin compris à la vue de la tête qu'elle venait de faire.

« Je... je... si t'étais pas un menteur comme ça, jamais j'aurais voulu tuer quelqu'un ! Pourquoi tu mens ?! Pourquoi tu es toujours dans le mensonge ?! »

"Mensonge", elle n'a que ce mot à la bouche ! Pourquoi est-ce si important pour elle ?!

Sans lui répondre, j'ai enfin réussi à attraper sa main qu'elle tendait toujours. D'un geste rapide, j'ai attrapé son bras de mon autre main. J'étais alors à la merci de Claria. C'était à elle de décider de mon sort si je puis dire.

Je n'avais même pas peur, j'avais juste tellement froid que je ne pouvais penser à rien d'autre.

« Je vais... je ne vais pas te tuer ! J'ai compris ! Arrête de me regarder comme ça ! »

Ah... je crois que mon regard trahit mes pensées, je ne lui fais pas confiance malgré ça. Et ça se voit apparemment.

Claria commençait à me tirer vers le haut... sans succès.

« T'es vachement lourd... c'est impossible de tirer ! Attends ! »

Elle leva son deuxième bras qui lui servait à s'appuyer sur le bord pour me remonter. Enfin, elle essaya...

Le fait que je tremble de manière totalement alarmante commençait à me faire perdre connaissance... C'est comme si mon corps était en effort permanent donc les tremblements m'épuisaient fortement.

Je crois que je n'ai jamais ressenti un froid pareil... et je m'en serais bien passé. Sérieusement, c'était censé être un médicament ça ?!

Je commence à lâcher prise. J'ai de plus en plus de mal à m'accrocher à sa main et elle a de plus en plus de mal à me remonter tout ça à cause de ces convulsions.

« Fais un... effort ! »

Je suis désolé Claria. Je n'y arrive pas.

J'ai, à présent, totalement lâché prise. Seule Claria me maintenait en vie.

« Pourquoi... ?! Pourquoi tu as tout lâché ?!

— Claria ! Sorel est toujours là ?! demanda Haron.

— Ou-oui ! Mais j'ai du mal à le retenir ! »

On n'y arrivera pas. Je le sais. Ça fait au moins trois minutes qu'on fait ça. On ne réussira pas l'épreuve.

En tout cas, pas "ici".

Il faut recommencer. Je... je sais ce qu'il me reste à faire. Je sais très bien comment ça va se finir de toute façon.

« C-C-Claria...

— Argh... vous en faites pas vous autres ! Je le tiens et je le lâcherais pas ! J'ai compris maintenant ! Tuer Sorel revient à coopérer avec cette enflure et jamais je ne ferais ça ! Je... suis désolée pour ce que je vous ai dit ou fais subir... ! On va... on va tous s'en sortir... ! »

J'ai du mal à entendre mais ce que je parvenais à saisir me fit un choc : Claria avait des sanglots. Je pense qu'elle a compris.

C'est tout ce que j'avais besoin d'entendre. Je sais comment réagir à présent.

« M-m-merci.

— Hein ?

— À tout de suite. »

Dans un effort surhumain, j’ai tendu la main que je suspendais dans le vide pour atteindre celle de Claria et la mienne par la même occasion. J’ai alors tenté de la faire lâcher en forçant sur ses doigts mais je n’y arrivais pas avec le peu de force que j’avais.

« Qu’est-ce que tu fais ?! »

Cependant, quelque chose me permit d’accomplir ce que je voulais : lorsque je me suis lâché après l’effort que je venais de faire qui m’avait pris ce qu’il me restait d’énergie (et qui n’avait d’ailleurs même pas été suffisante pour me redresser au niveau de Claria), la violence de la retombée fut telle que Claria en fut surprise et c’est à ce moment-là qu’elle m’a lâché.

« NON !!! »

La chute a été rapide.

La première chose que j’ai sentie a été quelque chose de pointu sur mon crâne. J’étais tellement dans les vapes que je n’ai presque rien senti. Enfin… la sensation était abominable mais je ne sentais presque pas de douleur… c’est assez étrange à expliquer.

Ensuite, mon ventre a été perforé lui aussi. Au niveau du nombril. Tout comme la tête, la sensation du pieu sur ce que je suppose être mes… intestins était plus qu’horrible.

Enfin, un dernier pieu s’est enfoncé dans ma jambe droite. Inutile de dire que cela n’était pas plaisant non plus. Loin de là même.

Ma mort n’a pas été instantanée mais elle a été rapide. J’ai à peine eu le temps d’entendre des hurlements de terreur. Faut dire que je dois être dans un sale état donc c’est compréhensible…

Je suis en train de m’habituer à mourir. Je… quelque chose ne va pas chez moi.

Ce n’est pas normal.

C’est ce que j’ai pensé quand cette sensation étrange lorsque je meurs s’est à nouveau manifesté.

Jusqu’où je serais prêt à aller avec en tête l’idée que je ne peux pas mourir ? Je suis sûr que je ne pourrais pas le prévoir ça. Je peux revenir dans le temps, pas voir l’avenir.

Bzzt

Hahaha…

Je sentais la vibration de mon poignet qui venait de se terminer.

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