19 - Ma volonté de terminer en vie, la mienne et non celle des autres.

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Notre enfance est une période très importante dans la construction de notre façon d'être.

Elle est-ce qui nous détermine car c'est là que nous découvrons le monde et que nous construisons donc notre manière de voir les choses. C'est sûrement pour ça que beaucoup de gens ont des traumatismes liés à leur enfance...

C'est ce que je me disais alors que je venais de déduire que j'avais déjà vu Christophe auparavant, j'avais dit ça sur le coup des évidences qui se présentaient mais je ne me croyais même pas.

Pourquoi ?

Parce que j'ai eu une enfance basique mise à part le fait que j'ai été dans un orphelinat dès mon plus jeune âge. Je n'ai pas de passé douloureux ou quoi que ce soit qui pourrait expliquer mon aversion pour les autres, je n'ai eu qu'une expérience qui a sûrement été le facteur déterminant pour cette haine.

C'était lors de ma primaire, je devais être en CE1 ou en tout cas aux alentours, tout cela remonte pas mal donc il est assez difficile de déterminer l'année, je ne me souviens que des actes.

J'étais quelqu'un qui me cherchait des copains avec qui jouer, mais j'étais bien trop timide pour aborder qui que ce soit. J'étais donc ce petit garçon cliché qui restait à l'écart des autres en les regardant s'amuser avec envie, tout en soupirant.

Et un jour, ils sont arrivés. Un petit garçon et une petite fille. Des frères et soeurs.

Le garçon avait des yeux bruns clair et constamment le sourire aux lèvres, la petite fille, elle, avait des yeux de la même couleur et une bonne bouille bien joufflue arborant la même expression faciale. Bien qu'on puisse croire qu'ils avaient l'air sympas, ils donnaient surtout l'impression d'être de vraies fripouilles !

Et si j'en parle, c'est que c'était le cas.

Au début, ils m'avaient pris sous leurs ailes avec leurs amis pour que je joue avec eux, nous jouions au loup, à cache-cache, aux billes etc... bref, le genre de jeux qui nous prennent tout notre temps enfants. Je m'amusais beaucoup, je garde tout de même de bons souvenirs de ces moments.

Mais au bout de plusieurs semaines, j'ai remarqué que l'ambiance commençait à devenir malsaine. Je ne savais pas pourquoi mais tout le monde semblait se moquer de moi, j'entendais des rires dans mon dos sans parler des remarques que je me prenais tous les jours croyant que ce n'étaient que de simples plaisanteries.

Et puis j'ai fini par entendre quelques messes basses :

« Tu savais que c'est un orphelin ? Il n'a pas de maman et pas de papa ! »

J'ai fais comme si je n'avais rien entendu mais c'est là que le frère et la soeur sont intervenus parce qu'ils savaient que j'avais entendu cette phrase. Eux qui m'avaient présenté à leurs copains, en qui j'avais une confiance aveugle sont venus me voir en rigolant pour confirmer mes doutes :

« Eh Sorel, en fait, on voulait juste voir comment c'était un orphelin. Avec ma soeur, on s'est dit que ça serait cool d'avoir quelqu'un comme ça dans nos copains mais en fait, t'es ennuyant ! T'es pas drôle ! Bleuhhh ! » termina-t-il en tirant la langue.

Des enfants dans toute leur splendeur, que ce soit leur attitude ou l'ajout à la fin. Mais j'avais très mal pris tout cela, je me souviens avoir fini en larmes au milieu de ceux qui riaient.

D'un oeil objectif, on pourrait se dire que ce ne sont que des plaisanteries de gamins, qu'ils ne voulaient pas de mal et qu'ils n'étaient pas méchants mais juste curieux... à leur manière.

C'est ainsi que Mama m'avait réconforté, même si j'avais vu une lueur de colère dans ses yeux, chose qui m'avait fait peur à l'époque même si c'est commun aujourd'hui. Elle m'avait précisé d'en parler à la maitresse pour dissiper cet incident, chose que j'ai faite le lendemain. Et c'est là que toute ma classe s'est mise à me détester juste parce que j'avais "balancé".

D'ailleurs, j'adore ce concept de ne pas en parler à un professeur lorsque des choses se passent mal sous prétexte qu'on passerait pour une "balance", ça incite les gens dans le besoin à se taire et à se laisser faire, histoire que les persécuteurs se créent une réputation aussi mauvaise et factice que leur amitié qui les lie tous.

Oups... je m'égare.

C'est ce "léger" incident qui a fait de moi ce que je suis, quelqu'un qui accorde difficilement sa confiance. Quelqu'un qui se met à détester chaque personne qu'il juge mauvais à ses yeux. Je m'en rends bien compte mais je ne compte pas changer.

Je n'ai pas de raisons à cela.

« Tu vois ! Je le savais que t'avais quelque chose à voir là-dedans ! Je l'ai su dès la seconde où j'ai posé les yeux sur toi !

— Non non. Tu te trompes. Et c'est le boulot d'Ophélia d'être parano. Pas le tien. » répondis-je l'air assuré.

— Hé ! Ne m'abaisse pas à de simples réactions ! C'est comme ça que vous me voyez ? Comme une fille qui a peur même de son ombre ?

— Oui. »

J'aime avoir ce ton sec, il est tranchant comme une lame de rasoir et bouleverse toujours mon interlocuteur.

« C'est pas très sympa ça Sorel...

— Je sais Valya, je sais. Enfin bref, ce n'est pas le sujet. »

Céleste se mit à prendre la parole, indépendamment de ce que je venais de dire :

« Il y a une chose que je ne comprends pas. »

Celle-ci venait d'attirer l'attention de tout le monde, nous étions dans une pièce assez petite donc il était difficile de ne pas l'avoir entendu.

« Ces personnes sont toutes venues dans ce centre pour une raison assez commune en soi mais terriblement importante.

— Qui est ? interrogea Valya.

— Un manque cruel de moyen. »

Claria se mit à rire jaune :

« Haha. Donc l'argent est la cause du problème ? Quelle découverte ! »

Claria. Ta fin de phrase ironique est assez énervante dans ce cas-là.

« Ce n'est pas cela qui est important dans l'histoire, si toutes ces personnes sont venus à cause d'un manque d'argent, qu'en est-il de Sorel ? L'orphelinat souffrirait-il d'une pénurie de ce genre ?

— Hmmm... Pas que je sache. En tout cas, Mama ne nous a jamais parlé d'un tel problème. Mais attend, je vois où tu veux en venir ! Je n'ai aucun souvenir d'avoir été en contact avec lui ! Je l'ai dit mais je ne me souviens pas d'une telle chose... »

Céleste prit quelques secondes avant de répondre :

« Cela pourrait être lors de votre petite enfance ce qui expliquerait ce manque de souvenirs de votre part. C'est vous-même qui avez dit que vous aviez déjà vu cette montre auparavant démontrant ainsi un contact du passé avec ce Christophe... »

Céleste eut du mal à finir sa phrase puisqu'elle se mit à bailler assez lourdement :

« Excusez-moi. Je ne me sens pas très bien... »

Elle est fatiguée, chose compréhensible vu qu'il est presque cinq heures trente du matin.

« Ne vous en faites pas Céleste ! C'est bientôt fini ! Il nous suffit de changer encore une fois de salle et ce sera la fin de ce cauchemar !

— Ou le début. »

La remarque d'Ophélia fut ignorée bien qu'elle ait de grandes chances d'avoir raison... après tout, on ne sait jamais ce que Christophe peut nous faire et ça peut aller loin à mon avis.

« T'es en train de dire que Sorel a eu un contact avec celui qui nous séquestre et tu ne te doutes de rien ? Pas même un soupçon ou une méfiance envers lui ? »

Céleste répondit assez faiblement :

« Peu m'importe ce qu'il a fait, je n'ai pas peur de lui. S'il avait voulu nous tuer, il l'aurait fait depuis longtemps. Et même si j'ai encore un peu peur d'Haron, j'ai tout de même confiance en lui car j'ai compris qu'il avait peur de son père. J'ai confiance en chacun de vous malgré une situation voulant l'exact opposé. »

J'étais assez surpris de voir à quel point il reste encore des personnes pures à ce point-là. J'espère pour elle que son futur petit copain ne sera pas quelqu'un qui la battra, elle serait sûrement capable de lui trouver des raisons.

« T'es bien la seule. Je l'ai déjà dit mais si ça ne tenait qu'à moi, je l'aurais tué puis je serais sortis d'ici saine et sauve.

— Je ne suis pas d'accord protesta Haron, je ne veux plus voir quelqu'un mourir. J'ai déjà fait l'erreur d'avoir voulu tuer Sorel et même si je n'ai pas réussi, je le regrette profondément. J'ai cédé à la facilité... Valya a raison, prendre une vie humaine est la pire des choses.

— Quant à moi, je suis bien trop faible pour tuer quelqu'un. En fait, je suis même une cible facile ici... » termina Ophélia.

Tous les regards se tournèrent vers Claria, et j'ai continué en concluant :

« Donc ici, la seule menace en plus de la fillette, c'est toi. »

Claria se mit à sourire, puis répondit :

« Alors comme ça, plus personne n'est de mon côté ?

— Sachant que tu viens de dire que tu voulais me tuer, ça tombe sous le sens.

— C'est vrai Claria ! Il ne faut pas tuer ! Et même si vous le vouliez, sachez que mon maître est un mage très puissant et qu'il n'hésitera pas à se servir de ses pouvoirs si sa vie est en danger, il a même des capacités de régénérations impressionnantes ! »

L'intervention de Valya détendit légèrement l'atmosphère mais j'avais raison sur ce que je venais de dire : étant cachés de la gamine, la seule pouvant nous tuer était Claria.

« Qu'est-ce que vous avez tous à toujours dire qu'il ne faut pas tuer ? Que la vie humaine est précieuse ?

— Qu'est-ce qui ne va pas dans notre réflexion ? Toute vie est précieuse, même la tienne. Et sache que même si tu me confères autant de menaces, je ne te tuerais pas et comme tout le monde ici, je te protégerais de chaque danger ici car c'est mon rôle de maître du jeu. »

Claria relâcha légèrement sa colère pour, à la place, sortir une phrase assez étrange :

« Tu as tort. Ma vie est loin d'être précieuse. »

Un blanc s'ensuivit si ce n'est les lointains cliquetis qui empêchaient un silence complet.

« Tu racontes n'importe quoi... Ça se voit que t'es fatiguée. »

Claria acquiesça le regard fuyant avec une expression d'indifférence :

« Tu as sûrement raison. »

Celle-ci se mit ensuite à soupirer, puis elle marmonna :

« Si tuer n'est pas la solution... pourquoi nous est-elle autant-

Alors que Claria semblait se parler à elle-même, Céleste se mit à chanceler, celle-ci n'allait clairement pas bien à la vue de la lenteur de chacune de ses actions qui venaient de se dérouler sous nos yeux.

« Je suis... désolée. Je suis si fatiguée... j'ai besoin de sommeil. Désolée de vous inquiéter avec cela. »

Claria s'était précipitée sur Céleste pour l'aider à se poser sur le sol en délicatesse pour ensuite essayer de la rassurer :

« T'en fais pas, c'est bientôt fini de toute façon. On va pouvoir chercher des indices en toute tranquillité. »

J'en reviens pas, Claria était en train de parler d'une voix très douce, comme si la discussion d'il y a dix secondes n'avait jamais existé...

Nous étions tous assis, en attendant la dizaine de minutes pour bouger. Il fallait attendre cinq heures quarante et il était trente et un. Il nous restait donc un peu de temps.

L'état de Céleste semblait inquiétant alors je lui ai demandé la chose suivante :

« Céleste, je peux prendre ta température sur ton front ? »

Pas de réponses immédiates si ce n'est le regard de Claria que j'ai considéré comme un "t'as pas intérêt à lui faire des trucs bizarres".

La respiration de Céleste se faisait bien plus lente :

« Vous pouvez... fit-elle en tournant son visage, ou plutôt sa capuche, vers moi.

— Attends, je peux le faire mo- »

N'écoutant pas ce que Claria allait encore me reprocher, j'ai posé ma main sur le front de Céleste sans pour autant voir son visage.

Il était brûlant.

C'est presque comme si elle était malade mais je pense plutôt que c'est un mal de tête dû à la fatigue. Je le sais vu que ça m'arrive souvent et je pense qu'Ophélia le sait aussi puisque lorsque j'ai fait part à tout le monde de son état, elle se mit à dire tout haut ce que je venais de penser :

« C'est sûrement la fatigue. Je sais de quoi je parle, je passe pratiquement tout le temps des nuits blanches. Il faut que tu te reposes. »

Ophélia se tourna ensuite vers Claria :

« On ne va pas chercher des indices dès qu'il sera six heures, on va tous aller dormir. On en a tellement besoin... »

Claria secoua la tête :

« Faites ce que vous voulez mais moi, je vais continuer à chercher. Vu ce que ces ordures osent faire, je vais trouver un moyen de sortir d'ici pour prévenir la police. »

J'avais retiré ma main du front de Céleste quand Claria se mit à poser la sienne :

« D'ailleurs, Sorel a raison. Elle a bien le front brûlant. »

Merci de la confiance.

Céleste se trouvait actuellement assise entre Claria et moi. Haron et Ophélia se trouvaient chacun à un bout de la chaîne. Il n'y avait que Valya pour garder de l'énergie en restant debout.

« Il me faut juste quelques minutes de sommeil... je vais essayer de... me... reposer. »

Nos regards se tournèrent une fois de plus vers une capuche qui me faisait maintenant face :

« Sorel... serait-il égoïste de ma part de vous demander le prêt de votre épaule... ? S'il vous plaît... »

Je n'ai pas su comment réagir face à cela. En fait, je ne comprenais pas bien ce qu'elle voulait ou du moins, je n'en étais pas sûr. J'ai alors demandé :

« Attends, tu veux... dormir ? Ça ne me dérange pas mais-

— Je vous remercie de tout coeur. Je suis désolée de n'être qu'un poids pour vous... » termina-t-elle en posant sa tête contre mon épaule gauche.

Je me suis littéralement figé sur place. Je n'ai pas bougé le moindre muscle et ne serait-ce que respirer me demandait un effort considérable pour que cela ne devienne pas gênant.

En effet, voir une chose aussi fragile se reposer contre mon épaule est assez déroutant. Céleste venait de s'endormir...

« Pourquoi elle ne fait pas ça sur mon épaule ?! »

Et c'est tout ce que t'as à dire ? Moi qui pensais qu'elle allait faire des remarques indécentes.

« On dirait vraiment une enfant en fait... souffla Haron. C'est assez amusant à regarder malgré la situation.

— Nan nan, ce n'est pas une enfant. Elle a le même âge que nous je te rappelle. Moi, je vois un couple. »

Un quoi ?

Je me suis contenté de répondre :

« Non, je ne m'intéresse pas aux petites filles. Désolé. »

Ophélia, qui venait de faire la remarque que je pensais venir de Claria répondit en riant :

« Haha... n'empêche que je vois un couple moi. »

Soupir de ma part.

« Pfff... quoi que tu dises, tout cela ne m'intéresse pas. »

Je conçois qu'Ophélia voulait peut-être détendre un peu l'atmosphère déjà pesante qui régnait mais je n'étais pas d'humeur.

Tout ce que je voulais, c'était mettre un terme à cette nuit. C'est tout.

Nous avons attendu quelques minutes dans le silence presque complet (puisque la gamine s'amusait à passer devant la porte de temps en temps). Personne n'osait parler pour ne pas réveiller Céleste. Du moins, c'est ce que j'en ai conclus.

Il était à présent trente-six. Il fallait commencer à se préparer à changer de cachette pour la dernière fois...

« Est-ce que vous avez cherché ici ? ai-je demandé nonchalamment.

Ma question n'eut aucun effet sur le groupe, en effet, tout le monde semblait s'être à moitié endormi malgré la menace. Ophélia était adossée au mur, la tête relevée mais les yeux fermés tandis que Haron était encore là tout comme Claria qui ne faisait que regarder Céleste depuis tout à l'heure.

J'ai de nouveau soupiré pour ne pas avoir obtenu de réponses puis j'ai fait remarquer à Claria qu'elle pouvait gêner Céleste :

« Tu pourrais me passer mon téléphone ? Lui mettre le faisceau lumineux dans les yeux ne va pas l'aider à se reposer... »

Claria eut un sursaut de surprise en se rendant compte qu'elle n'était pas la seule éveillée avant de me répondre d'un ton légèrement plus calme :

« Ah oui... »

Celle-ci passa sa main devant Céleste pour me rendre l'appareil nous guidant depuis le début de la nuit.

Après l'avoir eu dans les mains, je me suis interrogé sur un détail qui m'intriguait :

« Pourquoi est-ce qu'elle fonctionne bien ? Elle clignotait quand je m'étais retrouvé face à Aftovma ayant possédé Haron mais là, elle n'a rien. Est-ce que cet esprit peut interférer avec les appareils électroniques ?

— C'est vrai ? demanda Haron.

— Ouais.

— Si tu veux mon avis, je pense plutôt que c'est tout simplement parce que tu tremblais de peur et que ça te faisait marteler l'écran sans que tu t'en rendes compte. Je suppose parce que tu tremblais comme une feuille quand j'ai posé ma main sur l'épaule qui sert actuellement d'oreiller à Céleste.

— Ouais... sûrement... » ai-je répondu penaud.

Valya, qui était toujours debout d'ailleurs, se mit à sourire :

« Bah... ça arrive même aux meilleurs d'avoir un peu peur non ? C'est rien du tout ça !

— Je suis pas la seule à être une froussarde alors. »

J'eus un frisson d'effroi, Ophélia n'était absolument pas en train de dormir. Elle a dû fermer les yeux quelques secondes avant de les rouvrir.

« Ouais... c'est bon. J'ai compris. On va devoir changer de pièce de toute façon donc j'ai plutôt intérêt à ne pas avoir peur. »

Dis comme ça, on dirait que j'essaie de me rassurer...

« Céleste ? Céleste... ? » ai-je chuchoté dans sa direction.

La capuche a d'abord légèrement bougé vers moi pour qu'on entende enfin sa voix :

« Oui... je suis là. Excusez-moi... » marmonna-t-elle en se frottant les yeux du moins à ce que je peux essayer de deviner.

Sa voix était toujours faible, après tout, elle avait "dormi" à peine une dizaine de minutes alors ça n'allait pas arranger son état.

« Si tu veux, je peux te porter proposa Claria.

— Ça ira je pense. Je ne veux pas que vous portiez quelqu'un sur votre dos à nouveau, vous l'avez fait durant une bonne partie de la nuit. Alors je me forcerais mais je refuse que vous me portiez. »

Claria n'a pas répondu, elle semblait d'ailleurs assez surprise de cette réponse.

« Alors laisse-moi au moins t'aider à te relever. »

Céleste aquiesca et Claria pris la main que lui tendait Céleste pour qu'elles soient toutes les deux debout rejoignant alors Valya.

« Génial ! Je me sentais un peu seule à être comme ça... mais au moins, je pouvais vous surveiller !

— T'inquiète pas Valya, c'est mon rôle ici même si je ne suis pas vraiment fiable en ce moment...

— Ça tu l'as dit ! répondit Claria, heureusement que Valya est là pour te "remplacer" hein ! »

Valya affichait un sourire tout fier :

« Ouaip ! C'est lors des coups dur qu'on peut compter sur moi ! »

Tout en aidant Haron à se relever, je le vis faire un sourire que je ne saurais d'ailleurs expliquer mais je pense savoir pourquoi puisque c'est Valya qui lui a remonté le moral tout à l'heure.

Nous étions tous debout (comme Valya) et nous nous sommes dirigés vers le couloir puisqu'il n'y avait pas de porte pour nous protéger dans cette pièce.

Et c'est là que nous avons eu la "joie" de découvrir que la fillette se dirigeait de nouveau vers nous, j'ai profité de cela pour me permettre de nous situer : nous étions dans une pièce un peu après les escaliers où Haron avait fait une roulette russe. Cette pièce qui doit d'ailleurs être juste au-dessus de nous à l'heure qu'il est.

« On reste là, le temps qu'elle passe. » ai-je chuchoté.

Pas d'objections. En même temps, je ne vois ce que nous pourrions faire d'autre...

Comme nous le regrettions, la fillette s'est approchée de plus en plus de la pièce où nous étions. Celle-ci avait un regard fuyant, elle semblait désorientée. Son visage ne regardait jamais dans une direction mais il agissait comme une caméra de surveillance : des mouvements réguliers de gauche à droite.

Tout cela semble si irréel mais j'ai l'impression que plus rien ne peut me choquer ici...

Ses pas comme le cliquetis de ses ciseaux se rapprochaient de plus en plus à mesure que nous suivions ses mouvements grâce à leurs bruits.

J'ai retenu ma respiration lorsqu'elle n'était plus qu'à moins d'un mètre de nous, elle est en train de passer juste devant nous...

Personne ne bougeait, pas le moindre bruit si ce n'est venant d'Eneko. Je pouvais même entendre la respiration de Céleste et de Claria qui étaient toutes les deux juste à côté de moi. Haron était juste derrière Claria et Ophélia derrière moi. Nous attendions le bon moment pour s'en aller... et ce moment arriva plus vite que nous le pensions.

Eneko se mit d'un seul coup à courir en direction de l'infirmerie, elle a sûrement dû entendre quelque chose mais je n'ai pas cherché à savoir quoi, j'ai jeté un coup d'oeil vers les autres tout en leur faisant signe de me suivre. Je n'ai même pas regardé pour voir si quelqu'un n'était pas d'accord et je me suis précipité vers là où je voulais aller : nous allions passer le reste de la nuit... dans les couloirs.

La pièce du jeu d'Haron est couverte de sang à cause de cet homme qui a, malheureusement pour lui, perdu. L'infirmerie est hors d'accès à cause d'Eneko et la pièce du pendu n'est pas vraiment accueillante à cause du pendu justement.

Pour le reste, il ne valait mieux pas essayer de chercher sous peine de se retrouver dans la même situation que Haron... De toute manière, les pièces sans intérêt que nous avons visité jusqu'à maintenant sont du côté d'Eneko. Il est bien trop tard pour prendre des risques surtout que nous n'avions aucune force à cause de la nuit blanche alors revenir dans une de ces pièces que nous avons déjà visitées est une chose possible mais que je ne voulais pas faire. Je voulais passer la fin de la nuit le plus tranquillement possible...

Alors que je me dirigeais vers l'escalier, quelque chose me tira la manche, je me suis arrêté pour me rendre compte que ce n'était pas Claria mais Ophélia :

« Qu'est-ce que tu fais ? Pourquoi on ne se dirige pas vers une de ces pièces-là ? me demanda-t-elle tout en les pointant du doigt.

— J'essaie de faire en sorte que nous puissions terminer la nuit en vie. Il vaut mieux ne prendre aucun risque à ce stade. On va faire en sorte d'être le plus éloigné possible d'elle ou bien de cet enfant au sourire malsain...

Terminons tout cela une bonne fois pour toutes. »

J'avais vécu tellement de choses en une seule nuit, la fin de ce cauchemar me tendait les bras alors je n'allais pas la laisser s'échapper.

Ophélia semblait réfléchir à tout cela puis, après quelques instants, se mit à hocher la tête silencieusement. Le reste du groupe semblait d'ailleurs approuver ma décision.

Je ne voulais absolument pas mourir. Sûrement encore moins que chacun d'eux. Le bracelet n'a pas vibré depuis au moins trois heures du matin. Cela serait bien trop long de tout recommencer alors je me dois d'assurer la fin de cette nuit.

Avec un consentement mutuel, nous nous sommes dirigés vers le haut des escaliers, proche de cette fameuse salle où nous avons trouvé Haron après l'avoir cherché.

« Plus on est loin d'elle, mieux ce sera. » ai-je murmuré.

Même dans ma voix, la fatigue se ressentait. Haron avait baillé pas mal de fois depuis tout à l'heure et quant à Céleste, elle se faisait bien plus discrète.

Tous nos mouvements étaient ralentis, si Eneko nous trouvait, je suppose que même l'adrénaline n'aurait aucun effet tant la fatigue est omniprésente parmi nous et cela aura pour effet de tous nous tuer et ce, juste avant la fin.

Et il fallait éviter cela.

Nous sommes arrivés en haut des escaliers, rien de particulier : toujours cette table cassée n'ayant aucune particularité créant ce manque d'intérêt cruel pour cet endroit.

Par contre, je venais de remarquer une porte juste à côté de celle dans laquelle nous avions trouvé Haron. Histoire de nous rassurer, je me suis dit qu'il fallait au moins que je vérifie ce que la pièce derrière cette porte contenait.

D'un pas hésitant mais en essayant de garder un air confiant, je me suis approché de la porte :

« Attends Sorel- »

Alors que Haron semblait me prévenir d'un danger imminant, j'ai ouvert la porte sans aucune hésitation puisque j'étais plutôt dans l'inconscience due à la fatigue.

J'ai pu apercevoir quelque chose avec une grosse tête me tombant dessus. Je l'ai attrapé dans les mains par réflexe pour me rendre compte que ce n'était qu'un simple balai...

« Ahem... je me suis fait avoir moi aussi. Sauf que j'ai eu peur de ça... fit honteusement Haron.

— Je comprends, si j'avais été seul, j'aurais sûrement sursauté. »

Haron tourna les talons tout en se frottant les cheveux nerveusement. C'est bon Haron... ça arrive à tout le monde d'avoir peur pour rien.

Tout en refermant le placard après avoir remis le balai à l'intérieur, je me suis assis en face de celui-ci contre le mur puis j'ai prononcé à l'égard de tout le monde en regardant ma montre :

« Il est cinq heures quarante six. Attendons les dernières quatorze minutes ici. »

Valya s'est de suite assise en face de moi et étonnamment, personne n'a fait de réflexions. Personne n'a rien dit. Tout le monde s'est assis dans ce couloir en haut de cet escalier dont nous ne pouvions plus voir le bas et chacun s'est plus ou moins recroquevillé sur lui-même.

En face, il y avait donc Valya. À ma droite se trouvait Claria et un peu à ma gauche légèrement éloignée se trouvait Ophélia. Quant à Céleste et Haron, ils se trouvaient chacun d'un côté de Valya.

J'analysais la situation mais personne n'avait la force de parler. Nous ne faisions que voir les minutes s'égrener en attendant la "fin" de ce cauchemar et en espérant qu'Eneko ne tombe pas sur nous...

Le temps passe, des secondes, des minutes sans que personne ne dise rien. Je pouvais voir Valya et son regard interrogatif balayer le couloir pour je ne sais quelle raison même si cela m'inquiétait un peu à force. Et c'est lorsque j'allais lui demander pourquoi que celle-ci s'est mise à prendre la parole très doucement :

« En tout cas, j'ai hâte que nous puissions discuter tous ensemble. Après avoir fait un gros dodo, on va pouvoir parler de ce qu'on aime. J'aimerais vraiment apprendre à vous connaître et devenir votre amie... Peut-être qu'on parlera de nos plats préférés, de ce qu'on mange le matin ou bien de ce qui nous plaît le plus dans la vie ? On parlera de choses futiles comme de choses qui nous plaisent le plus... et... euh... »

Valya ne termina pas sa phrase puisqu'elle ne savait plus quoi dire, ce qu'elle faisait là, c'était du remplissage de conversation. Personne ne l'écoutait mais pourtant, nous le faisions quand même puisque c'était la seule que nous pouvions entendre.

« Cinquante-six. »

C'est la seule chose qui m'inquiétait : le temps qui nous restait. Et il n'y avait que quatre minutes nous séparant de la fin de cette nuit. C'est pour ça que j'en ai informé le reste du groupe :

« C'est bientôt fini. On va pouvoir dormir tranquillement si ce que dit ce type n'est pas un mensonge. »

Valya me regardait toujours avec ces yeux que je qualifierai "d'incompréhension" puis elle s'est mise à me demander :

« Est-ce que ça va Sorel ? »

J'ai hoché la tête. Pour la rassurer. Mais en fait, j'avais plus peur de ce qui allait se passer ensuite.

Je ne sais pas pourquoi... mais j'ai un horrible pressentiment.

Plus que deux minutes, mon coeur commençait à battre assez vite. Pourquoi est-ce que j'ai peur comme ça ? Non Sorel ! Il ne faut pas dire que quelque chose de mal va arriver puisque ce sera forcément le cas !

Allez... tout va bien se passer. Christophe va annoncer la fin de la nuit et on va tous pouvoir se coucher...

« AAH !! »

Le hurlement d'Ophélia nous fit tous sursauter, j'ai tourné le faisceau de la lampe vers la direction qu'elle pointait du doigt pour y voir... l'enfant souriant.

Je l'avais complètement oublié lui !

« Reculez ! Ne vous laissez pas le toucher ! »

Tout le monde s'était levé d'un seul coup et nous commencions à reculer vers la pièce de la roulette russe.

Alors que nous approchions de la pièce, un fracas se fit entendre.

Il faut dire qu'il faisait très sombre et que la seule chose que nous pouvions apercevoir de l'enfant était ses yeux. Ses yeux brillants que j'avais aperçus lorsque nous étions dans la salle qui ressemblait à celle utilisé pour les réunions.

Je pensais que c'était l'enfant qui avait fait ce bruit mais cela venait de notre côté, j'ai de nouveau tourné dans tous les sens la lumière pour finalement trouver l'origine du bruit : Claria était par terre.

Elle venait de trébucher sur la table et avait maintenant les quatre fers en l'air. Mais plus important, elle était à présent vulnérable, chose qu'avait bien comprise ce sale gosse puisqu'il s'est littéralement ruée sur elle.

Impuissants à cause de la rapidité dont avait fait preuve l'enfant, nous ne pouvions qu'être spectateur de ce qu'il se passait à présent : l'enfant était entré en contact avec elle.

Un hurlement. Atroce. Absolument terrifiant parce qu'il venait de Claria cette fois.

Je sentais que les autres étaient tétanisés et je comprenais pourquoi : Claria a, de base, un regard effrayant à cause du sérieux qu'il peut avoir mais là, ses pupilles totalement blanches accentuait encore plus cela. Son regard nous fixait sans qu'elle ne dise un seul mot.

Lentement, très lentement, d'une lenteur terrifiante, elle sortit la seringue qu'elle gardait dans une de ses poches, celle qui avait servi à me menacer mais cette fois, ce n'était sûrement pas pour cela.

« Attends... C-Claria ? Tu fais quoi là ?! »

Mes protestations ne servaient à rien puisqu'elle ne m'écoutait pas, elle se contentait de nous observer sans aucune expression. Juste ses yeux qui nous scrutaient. Juste un pesant, très lourd regard observant le moindre de nos mouvements.

Puis d'un seul coup, elle retourna la seringue contre elle et se la planta plusieurs fois d'affilée dans son épaule gauche. Ses coups n'étaient pas très ordonnés ni même précis et j'avais peur du fait qu'elle se suicide à cause de cet esprit !

Tout en balançant la lampe vers Haron, je me suis ruée sur elle à mon tour pour l'empêcher de continuer à se faire du mal :

« Stop ! Tu sais que je le mérite, pas vrai papa ? »

Pardon ?! Comment elle peut dire ça d'une voix aussi calme ?! Et pourquoi "papa" ?!

Sa force est impressionnante, tellement que j'ai du mal à lui résister !

cliquetis, cliquetis...

Ce bruit de ciseaux que nous ne connaissions que trop bien se faisait entendre à seulement quelques mètres derrière moi.

« C'est la méchante fille avec ses ciseaux ! »

La remarque de Valya était d'ailleurs un peu inutile puisque nous le savions tous très bien.

— Non ! Je ne veux pas mourir ! » cria Haron.

Alors qu'Eneko s'approchait du groupe derrière moi, une énorme sirène se fit entendre à travers tout le bâtiment.

Rapide coup d'oeil sur ma montre : six heures !

Je n'en revenais pas ! C'était terminé !

Eneko s'était instantanément arrêtée puis celle-ci a commencé à courir dans la direction opposée à la nôtre pour aller je ne sais où...

Quant à l'enfant, nous l'avions tous perdu de vue.

Claria profita de la terreur que nous avons eue à cause de la sirène pour me pousser. Pour vraiment finir cette nuit, il fallait que je règle ce dernier problème...

Alors que Claria pointait de nouveau la seringue vers elle mais en essayant de viser cette fois-ci la jugulaire, je lui ai administré une claque monumentale pour qu'elle reprenne ses esprits. Je n'ai pas mis de coup de poing puisque le but n'était pas de la blesser justement.

Claria s'est arrêtée de bouger, puis elle se mit à geindre :

« Aïe... pourquoi j'ai autant mal à l'épaule ? »

Elle était de retour parmi nous. J'ai remarqué qu'on se donne beaucoup de claques entre nous...

« T'as essayé de te suicider. À cause d'Aftovma. Une bonne claque et te revoilà. »

Claria ne répondit pas, elle se tenait l'avant-bras gauche en serrant les dents.

Un haut-parleur se mit à grésiller, nous savions très bien ce que cela voulait dire...

« Bravo à vous ! Vous avez survécu ! Toutes mes félicitations ! »

La voix de Christophe était accompagné d'enregistrements d'applaudissements. Comme s'il venait de nous annoncer qu'il allait se marier...

« Rendez-vous devant la porte en face de la cage d'escalier. Je vais la débloquer et à l'intérieur se trouvera la clé pour la cage d'escalier. »

Vu qu'il s'agissait de la journée et plus précisément de la matinée, il n'y aura sûrement aucune menace.

Il fallait rassurer les autres alors, de mon plus grand sourire, j'ai annoncé avec fierté :

« Nous avons survécu ! Tout ira mieux maintenant ! »

Je le sais puisque je venais de sentir mon poignet vibrer.

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