18 - Mon rôle, le mien et non celui des autres.

20 minutes de lecture

Lors d'un de nos cours de Philosophie, notre prof nous avait demandés :

"Qu'est-ce que l'apathie ?"

Personne n'avait su répondre puisque aucun d'entre nous ne connaissait sa signification, c'est alors qu'il nous a répondu :

« L'apathie est un état d'indifférence à l'émotion poussé à son paroxysme. »

Pourquoi j'en parle et pourquoi je me souviens d'une citation de mon prof d'un cours qui ne m'intéresse de toute façon pas ? Tout simplement parce que ça m'a fait réfléchir : les gens dans la société sont très souvent apathiques, tout est rythmé par le travail tant et si bien que personne ne prend plus le temps de s'inquiéter de quoi que ce soit qui ne les affecte pas.

Et l'application la plus courante que j'ai trouvée est l'agression dans un lieu public. C'est bien simple, dans la majorité des cas, les gens se contenteront de regarder sans que personne n'intervienne. Pire même, ils se mettront à filmer pour poster ça sur leurs réseaux sociaux, ça amusera un tant soit peu leurs "amis" aussi débile qu'eux.

C'est une des raisons qui me font détester les gens en général, surtout depuis que j'en ai fait l'expérience :

nous ressortions de cours, un après-midi comme les autres au premier abord. C'était un des premiers jours de la rentrée donc au final, c'est assez récent. Je me dirigeais nonchalamment vers la salle du cours suivant quand je me suis trouvé dans la situation expliquée plus haut : une fille se faisait agresser par une autre. Tout se faisait dans un couloir reculé et assez discret pour éviter les complications extérieures.

Elles étaient trois sur une seule... et d'autres gens regardaient. Sans agir justement.

Je suis du genre à passer outre sans m'en occuper, pas à assister à la scène avec une sorte de fascination morbide comme tous les autres mais ce jour-là, je ne sais pas ce qui m'a pris, j'ai voulu agir et c'est ce que j'ai fait :

« Elle est trop drôle cette fille ! On peut lui dire ce qu'elle veut sans qu'elle ne réponde, trop mal élevée je suppose ! Eh ! Je te parle ! »

La fille ne faisait que la fixer du regard sans afficher la moindre émotion, chose assez étonnante d'ailleurs :

« C'est pas parce que t'es nouvelle qu'il faut te la jouer mystérieuse ! Je déteste les filles dans ton genre ! »

Ce qui semblait être la leadeuse du petit groupe se mit à l'agripper par le col, technique typique de toutes les agressions et c'est là que je suis intervenus pendant que tout le monde regardait :

« C'est quoi ton problème ? »

La fille se mit à se tourner vers moi, l'air méprisant :

« T'es qui toi ? Son copain ?

— Non. Simplement quelqu'un qui trouve que tu vas trop loin pour rien.

— Je m'en fous. Casse toi ! »

Je fis un pas en avant, déterminé à lui faire comprendre que je ne rigolais tout en me demandant pourquoi je faisais cela, moi, la personne qui se fiche de tout et qui déteste tout le monde.

« Lâche là. »

La fille se mit à ricaner :

« Sinon quoi ?

— Sinon je te ferais lâcher. »

Mon air sérieux lui retira instantanément l'air moqueur qu'elle avait pour qu'elle se mette à s'énerver :

« Il me saoule lui ! » fit elle tout en se dirigeant sur moi et en préparant bien visiblement une claque.

Bien trop prévisible puisque j'ai esquivé avec une facilité déconcertante sa gifle avant de lui rendre la pareille avec un coup de poing.

Un "Oooh !" d'exclamation s'éleva dans tout le couloir faisant écho avec son choc contre le mur.

Les deux autres filles du groupe se mirent à reculer en me balançant des insultes que je n'écoutais même pas :

« Espèce de... grand malade ! T'ose frapper les filles ?!

— Parce que tu crois que je vais me gêner juste à cause de la différence de sexe ? Je tiens à vous rappeler que vous vous mettiez à trois sur une fille. »

Mon ton sec et cassant provoqua un autre hurlement de joie du "public" semblant apprécier tout cela.

« Attends, tu viens de faire quoi à ma copine toi ?! »

Une voix de derrière moi fit se retourner tout le monde dévoilant alors un type faisant approximativement ma taille mais semblant bien plus imposant que moi niveau masse musculaire :

« Je viens de lui mettre un coup de poing parce qu'elle s'attaque en groupe à une seule fille. Ta copine est une lâche.

— T'as dis quoi sur ma copine ?! J'vais te défoncer ! »

Bien évidemment, les abrutis comme lui n'écoutent que ce qu'ils veulent entendre et foncent dans le tas puisqu'ils ne savent qu'utiliser leurs poings.

Sauf qu'ils sont prévisibles, tous autant qu'ils sont. Bill m'avait montré une fois une manière de se défendre lorsque l'on est pris par le col, chose que font toutes ces personnes et qui ne fait que démontrer leur prévisibilité, une clé de bras assez simple et terriblement efficace.

Et c'est ce que j'ai fait... vu qu'il s'est passé exactement ce que je prévoyais : le type, furieux de voir son abrutie de copine s'être fait frapper par un garçon, tentait de m'attraper par mon col justement.

J'ai très vite compris qu'il ne rigolait pas vu la force de sa poigne mais il ne pouvait rien face à la clé de bras : j'ai alors mis à terre un type faisant sûrement plus de quatre-vingt-dix kilos avec une facilité qui m'étonnait presque, son coude était alors en dangereuse position mais j'avais clairement l'avantage puisqu'il ne pouvait alors plus bouger.

« Ah mais lâche moi ! Tu me fais quoi là ?!

— Demande à ta copine de s'excuser.

— Quoi ?! Tu t'es pris pour qui ?! Tu crois je vais lui- aïe aïe aïe ! »

Je resserrais alors mon étreinte, je pouvais, d'un geste sec, lui briser le coude si je le voulais et c'est sûrement cette impression de puissance qui me faisait agir.

« Tu veux te retrouver un bras dans le plâtre ? Crois-moi, ça sera rapide mais pas sans douleur.

— Ok ok ! Je m'excuse ! Lâche le ! »

Un surveillant est très vite arrivé pour nous séparer mettant fin au conflit, je n'ai pas revu la fille que j'avais "protégée" et j'ai dû m'excuser à mon tour pour avoir failli démolir le coude de ce type. Le proviseur nous a dit qu'il ne voulait plus nous voir ensemble sinon, ce serait des jours d'exclusion donc aucun moyen pour lui de se venger, en tout cas, dans le lycée...

Enfin bref, il n'est jamais revenu après, il devait n'en avoir rien à faire et je le comprends puisque c'est également mon cas. Tout ça m'a fait me poser une question : en ce qui me concerne, comment agirais-je lorsque je serais face à quelque chose de bien plus grave... ?

« Vainqueur ?! Haron ! De quoi il parle ?! »

Aucune réponse si ce n'est sa respiration devenue très forte, il se mit à balbutier quelques bribes de phrases :

« C'est lui... une roulette russe... j'ai gagné... il avait une famille... je voulais pas... je voulais perdre... je voulais qu'il vive... je voulais que nous nous en sortions tous les deux... pourquoi... ? Pourquoi faire ça ? »

Je ne comprenais qu'à moitié ce qu'il disait mais ce que je voulais maintenant, c'est nous mettre à l'abri parce que le bruit que venait de faire le revolver allait attirer la gamine dans très peu de temps.

Le collier d'Haron se mit à grésiller, c'était une voix que je connaissais bien :

« En récompense, regarde à l'intérieur du coffre. Il y a un double fond. Oh, et je vais rallumer rapidement l'écran, il y a sûrement quelque chose d'intéressant... ? »

Tu le sais très bien ! Attends... un coffre ? Il n'y a rien de la sorte ici.

Haron se mit à marcher à quatre pattes assez lentement pour arriver à ce que je cherchais : un petit coffre en bois un peu plus grand que ma main.

« Rahh mais on s'en fiche de ça ! On doit s'en aller là ! hurla Ophélia et il faut dire que j'étais plutôt d'accord avec elle.

— Haron... est-ce que vous allez bien ? »

Céleste voulu s'approcher de lui mais je la retins d'un mouvement de bras tout en secouant silencieusement la tête : il fallait s'en aller. Nous n'avions pas le temps de lui demander des détails pour l'instant.

C'est alors que les écrans précédemment cités par ce type se mirent à clignoter puis à finalement s'allumer non sans nous éblouir au passage.

Ce que nous vîmes cependant nous firent froid dans le dos, quelque chose que nous étions loin d'imaginer : cinq personnes assises qui ne bougeaient pas.

Dans une pièce filmée par une des caméras se trouvaient d'autres gens ! Est-ce qu'ils allaient "jouer" avec nous ?! Est-ce qu'ils étaient morts ? Tellement de questions se mirent à affluer dans ma tête que j'avais du mal à en faire le compte ou même juste à y réfléchir.

« C'est quoi ce... »

Je n'ai pu terminer ma phrase que les écrans s'éteignirent d'un seul coup puis je sentis une main se poser sur mon épaule pour m'appeler, c'était Claria :

« On bouge. On pose les questions plus tard. »

D'un oeil mauvais, elle tourna les talons pour arriver sur le pas de la porte puis me fit face, l'air cette fois-ci impatient :

« Qu'est-ce que qu'il y a ?

— Non rien... »

Elle semblait prendre les rênes de tout cela. Suis-je vraiment le "maître du jeu" comme le prétend ce type si c'est elle qui fait tout, tout le temps ?

Je me suis approché de Haron :

« Haron ! Faut s'en aller ! Haron ?! Tu m'écoutes ?! »

Quand Haron s'est enfin tourné vers moi, j'y ai vu un visage dévasté : des larmes ruisselaient tout le long de ses joues et tout cela étaient mêlés à du sang dont je pense deviner la provenance. Ses yeux humides semblaient appeler à l'aide.

« J'en peux plus... je ne mérite pas de vivre...

— Eh oh ! Vous avez entendu Claria ou quoi ?! On doit s'en aller ! »

Ophélia choisissait la fuite, l'option la plus appropriée d'un point de vue objectif. Sauf que...

« Attends. Tais-toi !

— Hein ?! »

Malgré cela, Ophélia se tut bien qu'ayant une expression contrariée à cause de la violence de ma demande.

Le silence se prolongea quelques secondes avant que je ne le coupe :

« Pourquoi elle n'est pas là ?

— Qui ?

— La psychopathe ! Un bruit pareil, on a dû l'entendre à plusieurs centaines de mètres au moins alors pourquoi ? »

Ophélia répondit d'une voix affolée :

« Mais... elle se cache ! Elle va se faufiler jusqu'à nous maintenant qu'elle sait où on est ! Ça ne peut être que ça ! »

Je me suis mis à froncer les sourcils, prenant un air plus grave.

« Tu penses vraiment que c'est son genre ? Elle fait toujours du bruit avec ses ciseaux, qui plus est, l'as-tu déjà vue tenter une attaque surprise ? »

Ophélia se mit à réfléchir le regard inquiet pour finalement arriver à une conclusion après quelques instants :

« Non... c'est vrai que je l'imagine mal faire ça mais du coup, ça n'explique pas le fait qu'elle ne soit pas directement venue. Et c'est ça qui me tracasse !

— T'en fais pas Ophélia ! La situation est safe maintenant, du moins je l'espère de tout coeur. »

Valya a raison : pour une raison qui nous échappe, nous sommes toujours en sécurité malgré le boucan qu'avait fait l'arme. Je ne comprends pas...

Ophélia ne répondait pas, elle semblait perdue dans ses pensées, le regard dans le vide.

Et c'est en la regardant qu'un sanglot me fit frissonner : Haron commençait à fondre en larmes.

« Je... j'aurais pu le sauver... J'ai snif j'ai essayé de tuer une fille plus jeune que moi et voilà que je provoque la mort d'un père de famille... »

Je ne savais pas quoi dire, et c'était le cas pour tout le monde y compris Valya.

Haron continua :

« Pourquoi je dois vivre tout ça ? Qu'ai-je fait pour mériter un traitement pareil ?! Je- »

Haron n'avait pas eu le temps de terminer sa phrase que son handicap refit surface : il se mit à suffoquer.

Je me suis alors précipité sur lui :

« Calme toi Haron. Respire et... calme toi. »

Sa respiration était rapide, incessante et surtout irrégulière. Tout cela était mêlé à ses sanglots.

Après quelques secondes, son état se stabilisa malgré la situation. Haron semblait en colère :

« Ça lui plaît à ce type de tuer des gens comme ça ?! Pour une fois que je pouvais essayer de faire quelque chose par moi-même, il faut que je rate ! Je pouvais le sauver !

— Arrête de dire des bêtises Haron ! Dans une roulette russe, c'est un perdant, un gagnant, point. Il n'y a pas d'alternative alors si c'était lui qui avait gagné, tu serais mort à l'heure qu'il est ! »

Haron se mit à serrer les poings pour enchaîner sur le ton du désespoir :

« Alors c'est moi qui aurais dû mourir ! Je ne suis qu'un faible ! Regarde ! »

Haron se retourna vers moi, le visage et ses vêtements ensanglantés :

« Il est mort à cause de moi ! Il avait une famille, une fille ! Et moi ? Je n'ai rien de tout cela ! Juste un coeur qui fonctionne mal en plus d'être un lâche ! Quelle est la personne qui mérite le plus de vivre selon toi hein ?! »

J'étais sur le point de lui hurler dessus quand soudain...

« Ça suffit ! »

La voix de Valya nous fit tous se tourner vers elle :

« Haron... je comprends ce qui s'est passé ici mais ne dis pas des choses pareilles ! Il n'y a rien de plus précieux sur terre que notre propre vie ! Tu as au moins le mérite de reconnaître tes défauts et c'est déjà le premier pas pour t'améliorer. Te blâmer ne servira à rien, cela ne fera qu'accentuer ta frustration. Le seul qui est en tort ici, c'est le méchant monsieur de ton collier. C'est tout. »

La voix de Valya était tellement sérieuse que j'en étais moi-même surpris.

« Euh... Valya ? »

Le ton sérieux de Valya s'envola au moment même où elle entendit ma voix :

« Haha, désolée si je paraissais trop sérieuse mais je n'aime pas voir les gens déprimer. Tu sais que je ferais la même chose pour toi Sorel ou pour n'importe lequel d'entre vous car vous avez confiance en lui, n'est-ce pas ? Je me tue à le lui répéter : il faut toujours voir le côté positif de chaque moment de sa vie ! C'est important ! Donc si vous avez le cafard, vous venez me parler d'accord ? »

Haha... tu es quoi ? Notre psychologue personnel ?

Valya a toujours voulu me remonter le moral de toute manière, donc si elle voit que je m'entends bien avec des gens, elle en fera sûrement de même pour eux.

« Et s'il n'y a rien de positif... ? »

Ophélia venait de chuchoter cela comme pour se parler à elle-même. Je l'avais entendu mais ce n'était pas le cas de Valya :

« Qu'y a-t-il Ophélia ?

— Non rien. »

Valya se mit à sourire :

« De toute façon, je suis sûre et certaine que Sorel aurait dit tout cela. Vous savez, je ne suis pas aussi moralisatrice.

— Ah parce que je le suis ? » ai-je demandé surpris.

Valya s'esclaffa :

« Haha ! Mais non, je ne voulais pas dire ça. Simplement que je ne souhaite pas que l'on me voie ainsi. Je ne souhaite que le bonheur de mes connaissances, voilà tout !

— Je ne comprends pas... Sorel, comment Valya peut être aussi joyeuse et optimiste ? Toi qui la connais depuis plus longtemps que nous, tu devrais le savoir non ? »

Haron me posait la question au bord des larmes, son air désespéré en disait long sur ce qu'il voulait...

« En fait, je ne le sais pas moi-même. »

Valya se tourna vers moi, boudeuse :

« Tu ne connais même pas les origines de ta compagne ?

— Ne dis pas compagne s'il te plaît... ça peut porter à confusion. »

Valya prit alors un air un peu plus sérieux :

« J'ai une famille très ennuyante à vivre. Leur vie est réglé telle une partition de musique : ils ne parlent que de leur travail, ils ne connaissent rien d'autre. Savent-ils ce que c'est de s'amuser ? De profiter de la vie sans penser à travailler ? Je ne dis pas que c'est mauvais de travailler, je dis juste que s'y consacrer corps et âme n'est pas forcément la meilleure des choses car on finit par oublier ses proches.

— Si seulement mon abruti de père pouvait t'entendre... »

Un grand sourire prit place sur le visage de Valya :

« M'enfin... ne prenez pas tout ce que je dis comme vérité absolue. Ce n'est que mon point de vue haha !

— Vous en dites de jolies choses. » commenta Céleste.

Arrogante, Valya répliqua :

« Je sais, je sais, merci ! Héhé. »

Haron se releva, toujours tâché d'hémoglobine sur toute la partie haute de son corps mais il semblait sourire cette fois bien qu'il y avait toujours une lueur de tristesse dans ses yeux :

« Merci Valya... ce n'est pas de ma faute mais celle de cette ordure de Christophe ! Je jure de le tuer de mes mains si je le vois. »

Valya fit "non" avec le doigt :

« On l'enverra juste en prison car c'est ce qu'il mérite. Souviens-toi qu'ôter une vie reste un des pires actes possible. Ne t'abaisse pas à ça. »

Valya retrouva son sourire puis continua d'un clin d'oeil :

« Après tout, je suppose que c'est ce que ferait un homme parfait pas vrai ?»

Haron ne répondit pas mais semblait allait mieux.

« J'aimerais tout de même savoir ce que contient ce coffre. S'il y a un double fond, quelque chose d'important y est caché dans la logique des choses. »

Céleste avait raison : le fait même que ce Christophe ait insisté sur la chose indique bien que ce qui est dans ce coffre est important.

« Mais à quoi servait ce coffre à la base en fait ? » ai-je demandé.

— Il y avait le pistolet à l'intérieur. Je... je n'avais pas le choix !

— Nous ne nous en doutons point. Il aurait donc fait exprès de cacher une arme à feu dans un coffre pour jouer à ce jeu morbide avec le premier d'entre nous qui oserait rentrer ? Quel esprit détraqué... »

Comme Céleste venait de le deviner : c'était prévu. En plus de laisser des indices sur l'origine de l'endroit dans lequel nous nous trouvons, il a malicieusement placé ce genre de piège pour "pimenter" le tout.

Il va donc falloir, en plus de faire attention à la gamine, guetter chaque pièce au cas où il y aurait des pièges ? Comment est-ce que ce serait possible sans ce pouvoir de remontée temporelle qui est en ma possession ?!

Ça aussi, c'était prévu.

« Bon, on l'ouvre ou pas ce truc ? fit Claria visiblement impatiente.

— Et si ça aussi c'était un piège ? Si à l'intérieur, il y avait... je sais pas moi... une bestiole qui nous tuerait d'une morsure rapide ?!

— Hahaha... non mais tu t'entends parler ? Une bestiole ?! Tu crois vraiment qu'il serait capable... d'une... telle chose... ? »

Au fur et à mesure de ma phrase, je me suis rendu compte que ce type était cinglé, bien évidemment qu'il pourrait y avoir quelque chose pouvant nous tuer à l'intérieur ! Il faudrait donc agir avec prudence et-

« Bah y'a qu'a vérifier. »

Comme si de rien n'était, Claria enjamba le cadavre de l'homme dont le sang coulait toujours puis attrapa vigoureusement le coffre pour l'ouvrir tout aussi violemment :

« Ça marche comment son système de double fond ? Je sens un truc remuer à l'intérieur donc il ne bluffait pas. »

Haron se rapprocha de moi puis me chuchota :

« Il est arrivé quelque chose ? Pourquoi est-elle aussi... vive d'esprit ? »

Ah... ça.

Sans lui répondre, je lui ai glissé un des papiers que nous avions trouvés lorsque nous le cherchions :

"Expérience numéro quatorze : Chloé Jaër.

Femme d'environ 1m70, 25 ans, 77 kg.

Elle s'est volontairement (comme tous les autres j'ai envie de dire) injecté plusieurs doses d'un de nos produits tests pour l'amélioration des capacités physiques. Quelques heures après la prise, Chloé pouvait soulever des charges allant jusqu'à deux cents kilos sans le moindre effort.

Pas d'effets secondaires notables pour le moment.

Au bout du troisième jour après la prise, Chloé rapporte des visions floues et des étourdissements fréquents.

Quatrième jour, elle souffre maintenant d'insomnie. Trois quarts d'heures pour la faire dormir avec nos plus puissants somnifères !

Cinquième jour et le dernier : lorsqu'elle a tenté de soulever la même charge lors du premier jour, elle a perdu l'équilibre et s'est faite briser la colonne vertébrale lorsque la charge lui est retombé dessus.

Après analyse, elle est maintenant handicapée à vie. Sujet renvoyé.

Note : une handicapée ne servira à rien ici, sa vie toute pourrie est foutue de toute manière. Qu'elle aille chercher de l'argent ailleurs !"

Haron avait sûrement fini de lire puisqu'il me regardait toujours aussi dubitatif.

« Si tu veux mon avis, ce n'est sûrement pas ce Christophe qui a posé ça là. Je ne vois pas à quoi ça nous servirait... Quant à la raison de sa colère, elle ne nous a rien dit donc on n'en sait pas plus que toi. »

Haron baissa les yeux, relisant ce bout de papier en boucle pendant que Claria prit la parole :

« J'ai trouvé, ça s'ouvre comme ça donc. Voyons voir... qu'est-ce que c'est que ça ? Ooooh... »

Nous nous sommes regardés quelques secondes, puis Céleste finit par demander :

« Qu'est-ce que contenait le double fond ? »

Le visage de Claria était visiblement choquée, mais de manière assez étrange :

« Quelque chose qui va tout changer ici... marmonna-t-elle d'une voix grave.

— Ah oui ?

— Ouais. »

Claria soupira puis repris :

« Nan je rigole, c'est tout nul. Regardez. » nous fit-elle tout en tendant à bout de bras un objet rond et métallique se tenant au bout d'une chaîne.

« C'est quoi ? demanda Valya.

— Une montre à gousset. Encore un truc de vieux ! Y'avait sûrement un fan ici... »

Effectivement, ce n'est pas un objet que l'on voit tous les jours.

« Et elle a quoi de spécial ? »

Claria jeta un coup d'oeil dans ma direction puis me répondit d'un ton ironique flagrant :

« P'têtre bien qu'elle remonte le temps ! Hahaha ! »

...

« En tout cas, elle est vieille et ça se voit. Elle ne fonctionne pas et elle est très sale. Tu veux voir Sorel ? »

J'ai acquiescé sans vraiment le vouloir, après tout, je m'en fichais pas mal de ce truc. Mais si Christophe nous a indiqué son emplacement et qu'elle a été cachée dans un double fond d'un coffre, c'est que ça doit avoir son importance non ?

L'ayant pris des mains de Claria, je commençais à l'examiner et je peux dire qu'elle n'a pas tort du tout :

la montre est vieille, tellement qu'elle semble âgée d'au moins un siècle. Les aiguilles sont encore là malgré tout et les heures sont écrites en chiffres romains, bien qu'on pût à peine les distinguer à cause du fond jauni par le temps. La chaîne, d'un doré qui devait autrefois être resplendissant, n'était plus que l'ombre d'elle-même avec une rouille omniprésente.

Il ne fallait pas plus de quelques secondes pour s'en rendre compte : c'est vieux... et inutile. Alors pourquoi l'avoir mis là ?

Et c'est là que c'est arrivé :

une migraine. Une tellement forte qu'elle me brouilla la vue et me fit perdre l'équilibre. Une si puissante que je manquai de m'évanouir.

Une sensation inexplicable se faisait sentir directement à l'intérieur de mon crâne, imitant la sensation d'un marteau piqueur ! Pourquoi la vue de cette montre me faisait autant mal à la tête ?! Est-ce qu'elle a un pouvoir spécial ?

Me voyant chanceler, Claria me rattrapa par le bras pour ensuite me demander avec un certain agacement :

« Qu'est-ce qui t'arrive ? C'est une montre qui te fait cet effet-là ? »

Sans répondre, je me suis aidé de son bras pour me redresser. La migraine semblait s'intensifier assez rapidement, me faisant alors lâcher prise...

J'apercevais quelque chose. Un peu comme cette silhouette que j'avais vue à l'horizon, silhouette qui semblait ignorer mes appels.

Cette fois, c'était des images. Beaucoup. Impossible de se concentrer sur l'une d'entre elles tellement qu'elles défilaient vite dans mon esprit. C'est comme si un diaporama à vitesse supersonique s'était enclenché sans que je puisse le stopper.

Tout ce que j'ai réussi à comprendre, c'est une sorte de paysage boisé, comme une clairière. Puis le flou et enfin, la montre.

Cette montre était apparu de nombreuses fois dans les images, ça voulait forcément dire quelque chose non ?!

Et c'est là que j'ai repris mes esprits.

Nous n'étions même plus dans la même pièce, et je n'étais pas la tête à même le sol, j'étais sur des genoux...

Me suis-je de nouveau évanoui ? Combien de fois ça va m'arriver ?! Pourquoi suis-je aussi fragile émotionnellement ?! Qu'est-ce que cette montre a de si spécial ?!

« Il est réveillé. »

C'est Céleste qui a dû être choisi pour ne pas me poser à même le sol puisque j'étais la tête sur ses genoux.

« Sérieux ?! Enfin ! Laisse-le-moi quelques secondes s'il te plaît ! »

Claria chuchotait mais elle semblait assez remontée contre moi. Alors que je me relevais, encore confus de la situation, Claria m'attrapa par le col et me colla contre le mur :

« Va falloir que t'arrêtes ce petit jeu ! Tu nous as tous mis en danger !

— Qu'est-ce que j'ai fais ? Je ne comprends rien !

— J'vais te le dire : tu t'es évanoui non sans avoir hurlé juste avant ! Ça a alerté la gamine qui s'était visiblement réveillée de son sommeil cryogénique puisqu'elle s'est mise à nous pourchasser ! On a failli y passer par ta faute ! Faut que t'arrêtes d'attirer l'attention sur toi ! Ça fait deux fois que tu t'évanouis ici ! Heureusement que c'était pas pendant plusieurs heures parce que je t'aurais massacré !

— Attends... j'ai hurlé ? Je ne me souviens pas d'une chose pareille... Et je suis resté inconscient combien de temps ? »

Claria relâcha un peu son étreinte :

« Une bonne demi-heure sûrement. »

Quoi ?! Tout s'est passé aussi vite dans ma tête... alors pourquoi est-ce que ça a pris autant de temps ici ?

« Attends, il n'était pas loin de cinq heures la dernière fois que j'ai regardé alors... »

J'ai consulté ma montre pour y voir avec une sorte de soulagement : cinq heures vingt sept.

« Plus qu'une demi-heure à tenir...

— Ouais bah c'est pas grâce à toi ! T'as roupillé tout le long et c'est encore moi qu'à dû te porter tout le long. Je suis fatiguée ! J'en ai marre de tout ça ! S'il n'y avait pas les autres, je t'aurais tué pendant ton "sommeil" ! »

Je pouvais voir du coin de l'oeil Valya qui tremblait face à l'air sévère qu'avait Claria. D'un côté, je comprends ce qu'elle ressent : entre moi qui ne cesse d'attirer l'attention de par des évènements divers et le fait qu'elle doive me transporter à chaque fois... je restais silencieux face à cela.

« Valya ne peut rien toucher, Haron à son coeur fragile, Céleste est une loli et Ophélia une trouillarde pas possible. S'il y a deux personnes pouvant se battre ici, c'est toi et moi ! Alors tu te ressaisis un peu et t'arrêtes de nous ralentir ! »

Son visage montrait bien à quel point elle était à bout. Elle s'énervait facilement et sa voix semblait moins forte que d'habitude alors qu'elle chuchotait (plutôt fort). Son regard qui pouvait avoir une lueur pétillante avait disparu, seul celui qui est perçant demeurait.

Elle avait raison, il fallait que je me ressaisisse et au plus vite. Je suis le maître du jeu, oui ou non ?

Je me suis donné deux bonnes gifles, puis, tout en prenant un ton bien sérieux, j'ai annoncé :

« Cette montre m'a fait avoir des hallucinations pour je ne sais quelle raison, mais je crois avoir compris une chose : je l'ai déjà vu auparavant. »

Claria s'est contenté de souffler du nez :

« Et alors ? »

Ophélia qui, jusque-là, était silencieuse intervint :

« Je crois qu'en plus de me traiter de trouillarde, tu ne comprends même pas des choses aussi simples...

— Si Sorel a déjà vu cette montre que ce Christophe a déposée... »

Comme à son habitude, Céleste avait compris rapidement et c'était d'ailleurs aussi le cas d'Ophélia :

« Exact, si j'ai déjà vu cette montre, ça signifie que j'ai déjà été en contact avec Christophe par le passé. »

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