17 – Un cœur en péril. (2/2)

20 minutes de lecture

« Alors... vous êtes vraiment vivant. »

L'homme eut un sourire forcé avant de pousser un soupir mêlé à un début de rire :

« Haha... plus pour très longtemps. T'es aussi mort que moi. Si t'es là, alors tu es piégé.

— Piégé ? J'ai été enlevé mais... avant toute chose, qui êtes-vous ?

— Eh ! Garde tes questions pour le jeu Haron. Je viens de te dire que nous allons jouer. »

Face au visage incrédule du monsieur en face de moi, j'ai mis en évidence le revolver face au type pour lui montrer de quoi il parlait :

« Il veut qu'on joue avec ça.

— Non, non ! Attends ! Tu ne vas pas me tuer pas vrai ? Le bruit l'attire ! Pose ce flingue gentiment et-kof kof »

Une toux le fit se taire d'un seul coup, une quantité importante du sang qu'il crachait est directement venu sur ma chemise.

« Je ne veux pas vous tuer... tant que vous ne me faites rien. »

Ma voix tremblait légèrement mais l'homme n'avait sûrement pas l'air de me croire puisque son visage ne changeait pas du tout, il était toujours aussi craintif mais en même temps suspicieux.

« Bon. Écoute-moi Haron, tu vois cet homme ? Il répondra aux questions que tu désires car il connaît bien des choses s'étant passées ici. »

L'homme se mit à regarder mon collier, avec une frayeur mélangée à de la colère :

« Attends ! Il te parle à travers ce collier ? Mais c'est-

— Silence ! Un seul mot qui sort de ta bouche sans que je t'y autorise et je déclenche une alarme dans votre pièce. »

L'homme se mit à secouer la tête :

« Non... ! Non ! C'est bon, je me calme... je suis calme. »

Le vrai maître du jeu se mit à rire assez doucement :

« Voilà, maintenant, vous allez m'écouter car ce que je vais vous dire déterminera vos chances de survie : vous avez à votre disposition un revolver comme Haron a pu le remarquer. Avec ça, vous allez jouer à la roulette russe. »

La roulette russe ?! J'étais complètement abasourdi par ce que je venais d'entendre ! Ce type veut vraiment qu'on fasse quelque chose d'aussi insensé ?!

« Le principe est simple mais je le rappelle quand même au cas où : il y a dans le barillet une seule balle sur six. Vous allez, tour à tour, pointer le pistolet sur votre tempe et presser la détente, le premier dont la balle sort sera le perdant... pour toujours ! Hahaha ! »

Je n'y croyais pas, je ne voulais pas y croire mais je ne paniquais pas car j'ai appris à garder mon calme. Un homme parfait se doit d'être calme, n'est-ce pas ?

« T'es complètement malade Christophe ! Un taré ! T'as toujours été comme ça... mais là ?! Qui sait ce que t'as fait d'autre avec l'argent qu'il te reste.

— "Qu'il te reste" ? De quoi est ce que vous parlez ? »

J'avais à peine fini ma phrase que mon collier se mit à vibrer :

« Dernier avertissement Haron, la prochaine fois, c'est l'injection létale. Tu poseras les questions lors du jeu.

— Mais... comment ?! On va jouer à la roulette russe d'après vous alors quel est le rapport avec des questions ? Pourquoi vous faites ça ?!

— J'y viens justement et c'est là toute la particularité de la partie : chaque fois que tu survivras à un tour, tu auras le droit de poser une question à cet homme devant toi mais à la seule condition que cette question ne puisse être répondue que par "oui" ou par "non". Cependant, si le tour de l'homme est gagnant, tu pourras soit demander des détails à propos de la question précédente, soit poser une autre question dont la réponse devra également être "oui" ou "non". Vous avez pigé ? »

Un silence régnait dans la pièce, le regard froid de l'homme en face me faisait frissonner :

« Et j'y gagne quoi là-dedans moi ? »

Un autre rire à peine dissimulé du maître du jeu (s'appelant Christophe donc) se fit entendre au travers de mon collier puis celui-ci répondit simplement :

« Je te libérerai et je te laisserai faire ce que tu veux de moi. Me tuer ? Me torturer ? Ce sera ton choix. Libre à toi et à ton imagination débordante de décider de mon destin. »

L'homme cracha par terre à côté de lui puis se mit à avoir un regard sérieux :

« Pourquoi... ? Pourquoi est-ce que tu prends autant de risques pour si peu ?

— Hahaha... tu sais bien que j'ai toujours aimé les sensations fortes. Et avec ça, on peut dire que je suis servi n'est-ce pas ?

— Pff... si tu le dis.

— Enfin bref, commencez donc. Haron va inaugurer la partie en commençant à jouer, je t'en prie. »

Je ne parlais pas mais j'écoutais et surtout, j'analysais : d'après ce que j'entends, Christophe a dû faire quelque chose d'horrible au type se tenant face à moi ce qui expliquerait cette "récompense". Ma main droite tenait le revolver, je tremblais légèrement, tout comme ce 17 juin 2017, une angoisse profonde m'envahissait. L'enjeu n'était cependant pas du tout le même car ma vie en dépendait, j'étais en danger de mort et il fallait que je prie pour ne pas tomber sur la balle... le jeu de la mort commençait.

J'ai lentement déposé le revolver sur ma tempe : son contact avec ma peau est glacial. C'est normal après tout pour un engin apportant la mort. Le poids ne faisait qu'accentuer les tremblements que j'avais malgré moi.

« Hé... tu vas pas vraiment le faire pas vrai ? T'as toute une vie devant toi et... »

Il se mit à baisser les yeux puis soupira :

« J'ai une femme et une petite fille... je ne pense pas que je devrais dire ça pour toi. Je veux sortir moi aussi. »

Je ne lui ai pas répondu, j'ai déposé mon index sur la gâchette tout en me contenant un maximum :

« Merde ! Je vais pas regarder un gamin se suicider ! Fais pas ç-

clic

Un bruit métallique se fit entendre, son tintement retentit dans mon esprit. Je n'étais pas mort. Je n'avais pas le crâne troué.

J'étais encore là et je venais de survivre au premier tour.

« Fait... fait chier. Je sais pas quoi penser là...

— Je... j'ai le droit de poser une question alors ?

— Seulement par "oui" ou par "non" souviens-toi. Va savoir pourquoi, ce type est cinglé. »

Dans ma tête, beaucoup de questions se posaient mais il fallait que j'élimine le superflu pour me concentrer sur l'essentiel : le lieu ? Non, on finira par le découvrir tôt ou tard grâce aux notes. Qu'est-ce qu'il s'est passé ici ? Je pourrais demander s'il y a eu une catastrophe ici puis argumenter, ça pourrait m'en apprendre beaucoup mais si je n'ai pas assez de chance et que je meurs avant d'avoir les réponses ? Je ne pouvais pas tenter ça même si je le voulais, il y avait trop de risques alors il fallait une question simple apportant son lot d'informations par un simple "oui" ou "non".

Alors que je refléchissais encore à ce que je pouvais dire, j'ai remarqué un détail. Un détail très important sur le corps de l'homme alors ma question s'est donc porté là dessus :

« Avez-vous participé à un jeu organisé par ce Christophe ? »

La question surprit fortement mon interlocuteur, celui-ci se mit à rester la bouche bée sans pour autant répondre.

Après quelques secondes, il se mit à me regarder droit dans les yeux puis à répondre sur un ton très sérieux :

« Oui. »

Alors j'avais bien fait de le regarder attentivement... parce qu'il ne pouvait pas avoir un collier exactement comme le mien sans raison.

« Tant de révélations d'un simple petit "oui", je me demande ce que tu peux en tirer de tout ça Haron ?

— Que vous avez déjà fait un jeu comme celui que l'on fait maintenant, et qu'il a été victime de la fillette.

— Perspicace le gamin pas vrai ? répondit Christophe d'un ton exagérément ironique.

— J'ai 18 ans ! Je suis un adulte je vous rappelle. »

Seul le rire de Christophe fit écho dans la pièce au travers de mon collier.

« Alors ? Vous confirmez ce que j'ai supposé pas vrai ?

— Est-ce que tu penses qu'il peut mentir ? Je ne l'empêche pas de le faire après tout, j'ai seulement dit qu'il devait répondre à tes questions, pas dire la vérité. »

Ce type essaie de m'embrouiller, c'est là tout ce qu'il veut ! Il ne faut pas que je l'écoute.

« Je vais choisir de le croire. Je prends le risque. »

Un léger silence de quelques secondes avant que Christophe reprenne :

« Bien, maintenant, à ton tour ! Joue avec la mort toi aussi. »

Le regard de l'homme se mit à changer en un clin d'oeil, des yeux apeurés me faisaient maintenant face. Sa voix se mit également à trembler :

« Attends ! Attends ! Je ne veux pas mourir ! Écoute-moi ! Christophe est tout sauf quelqu'un de bien, il ne va pas te relâcher si je meurs, il va t'achever ! Il va appeler la gamine ou je ne sais quoi ! Ne lui fait pas confiance !

— Mon doigt me démange, si tu continues de l'ouvrir, je t'assure que tu ne vas pas apprécier ce qui va se passer. »

L'homme se mordit les lèvres, dépité :

« Alors vas-y. Je n'ai pas la force de lever mon seul bras, pointe le flingue sur moi et fais-le. »

Que-quoi ?! Qu'est-ce qu'il veut me faire faire ?!

« Attendez ! Je ne peux pas faire ça ! Et si la balle part ?! »

Un profond soupir ne fit qu'augmenter le stress déjà présent :

« Elle partira à un moment de toute façon, n'oublie pas que l'un d'entre nous ne verra plus la lumière du jour... »

Ma peur ne faisait qu'accroître, mon rythme cardiaque aussi. Je tremblais toujours, je sentais mon coeur palpiter au travers de tout mon corps, des "boum boum" étourdissant.

Lentement, j'ai commencé à lever le revolver pour le pointer en direction de sa tête. Je sentais que ma main était moite, un frisson me parcourait constamment tout le corps.

« Je... je suis désolé, je veux pas faire ça mai-

— Tire ! »

Par surprise, j'ai alors pressé la détente.

...

Un clic métallique.

« Vous m'avez fait peur ! »

Le type se mit à rire nerveusement :

« T'en a pas encore trop dans le pantalon à ce que je vois. Ça sert à rien de t'excuser.

— Je... je... eh bien, je veux juste me donner bonne conscience. Je ne veux pas tuer... je ne veux pas recommencer. »

Je venais de le choquer visiblement puisqu'il me répondit d'une voix plus grave :

« Attends... t'as déjà tué ?

— J'ai essayé. Et je le regrette encore, je ne sais pas ce qu'il m'a pris de faire ça. Je-

— Oh ! Je ne suis pas là pour t'écouter et ainsi expier tes péchés, j'en ai rien à faire de ce que t'as fait avant. J'ai juste dit ça comme ça, par surprise.

— Mais pourquoi ? Je pourrais être un individu mal attentionné !

— Haha... tu feras toujours moins peur que cet abruti de Christophe. Ou que Milly.

— Oui mais- attendez, Milly ? C'est qui ?! Il y a d'autres monstres là-dedans ?! »

Le haut-parleur de mon collier se mit à grésiller :

« "L'abruti de Christophe" vous demande gentiment de la boucler tous les deux. Vous ne respectez pas les règles, si vous recommencez, Haron n'aura pas le droit de poser une question et devra tirer de nouveau sur toi... Evan.

— Alors tu connais encore mon prénom hein ? »

Evan termina sa phrase en crachant par terre, une flaque d'un mélange de sang et de salive venait d'atterrir juste en face de moi me faisant prendre instantanément une expression de dégoût.

« Tu connais les règles Haron, pose une question pour approfondir ta première demande ou pour d'autres informations. C'est à toi de choisir mais souviens-toi que tu pourrais... je ne sais pas, te racheter ? En ramenant des infos utiles, je pense qu'ils te verront mieux, en tout cas, mieux qu'un type qui a essayé d'assassiner une gamine.

— Fermez là ! C'est vous qui l'avez dit ! Si je l'avais tué, je serais sorti d'ici ! Je n'aurais pas à subir tout ça ! Et puis pourquoi vous me donnez des conseils ?!

— Ah franchement... que vaut une vie dans ce jeu de la mort ? Je me le demande. »

Je voulais répondre quand je me suis rendu compte que j'étais très mal placé pour le faire, j'ai tenté en vain de tuer. Une tentative de meurtre.

Une goutte de sueur fit son apparition sur mon front, je me sentais soudainement mal.

Des regrets ? Oui, je suppose. Je ne voulais pas faire ça tout en le faisant quand même, est-ce que cela fait de moi une ordure ?

« Attends un peu gamin, t'as essayé de tuer... une enfant ?! »

Le ton très ferme d'Evan me fit comprendre qu'il se mettait en rogne, et je le comprenais :

« J'ai... elle a le même âge que nous ! Ce n'est pas une enfant !

— Mais tu as quand même essayé de la tuer. Tu ne le nies pas. »

Mon silence fut un aveu pour lui :

« Pff... je m'en fous de toute manière. C'est pas comme si nous allions ressortir d'ici ens-

Evan ne put terminer sa phrase avant que sa toux sévère ne recommence. Ses geignements de douleur en démontraient la gravité.

« Pose moi ta question qu'on en finisse. »

Je n'ai pas réfléchi parce que la question est venue très vite :

« Où sont les autres joueurs de votre partie et quelles en étaient les règles ? »

Evan se mit à faire profil bas, son visage scrutant le sol tâché de sang d'un peu partout venant en grande partie de ce qui était autrefois son bras :

« Je dois tout dire Christophe ? Ça peut prendre un peu de temps...

— Réponds simplement à la question, c'est la règle non ? Je vous ai imposé cela, libre à vous de faire ce que vous voulez après.

— Très bien... »

Evan prit une grande inspiration malgré la difficulté évidente de cette action puis commenca :

« Il faut savoir avant tout que nous étions quatre dans la partie en me comptant moi. Nous travaillions tous ici, dans l'ancien centre Vitolia. Cet endroit est désert maintenant mais sache qu'il a toujours été aussi pourri, prendre un bâtiment abandonné était bien moins cher même s'il y avait quand même le nécessaire en électricité. Je ne compte pas aller plus loin pour le centre, ce n'est pas dans la question et Christophe trouvera sûrement un moyen de m'arrêter alors je vais aller à l'essentiel : nous avons été pris par surprise. Christophe nous a enfermés ici avec Milly.

Tout ce qui lui importait, c'était l'argent qu'il accumulait grâce à ses... "expériences". Les trois autres étaient des gens comme moi que je ne connaissais pas et bien. On vient ici pour la même raison après tout donc une certaine compassion finit par naître entre nous même si ces types étaient des ordures.

Il n'y avait qu'une seule règle à son jeu : "survivre". Il voulait simplement tester la force d'Eneko sur nous et nous regarder nous massacrer pour ne pas avoir affaire à elle. C'est là que la vraie nature de ces types à refait surface : ils sont devenus tarés, c'était tellement malsain. J'ai réussi à m'enfuir après m'être pris un coup de hache qui m'a découpé le bras ! J'ai essayé de cautériser comme j'ai pu mais c'est pas si simple... Les trois autres sont très sûrement morts à l'heure qu'il est. »

Un centre ? Eneko n'est donc pas Milly et vice-versa ? Des sujets ? Je suis perdu... Beaucoup trop de choses viennent de m'être dites d'un seul coup. Cet endroit n'est pas aussi anodin qu'il n'y paraît...

« Très bien. À ton tour maintenant Haron, flirte avec ton destin ! »

La voix de Christophe me paraissait tout aussi énervante qu'effrayante : comment pouvait-on s'amuser de tout cela ?!

Je me devais pourtant d'obéir, que pouvais-je faire d'autre ?

Tenant le revolver bien fermement dans la main, j'ai, tant bien que mal, réussi à le pointer sur ma tempe une nouvelle fois avec un stress bien plus important cette fois : le troisième coup.

C'est la troisième fois que nous enclenchons la gâchette, la balle peut être là, à m'attendre, prenant alors mon existence en même temps que son envol.

Il m'était difficile de penser, mon coeur battait toujours aussi vite. Des pulsations rapides et pourtant irrégulières... Il me faisait mal, j'avais peur de tomber là, devant lui, d'une énième crise perdant alors la partie. Mon bras semblait peser une tonne, il y avait toujours ces satanés frissons qui contraignaient mes mouvements.

Qu'est-ce que je transpire... ce stress aggravé par ma maladie, il montre à quel point je suis faible.

C'est pas le moment ! Je dois tirer et surtout arrêter de penser à ça.

J'ai vu Evan détourner le regard, celui-ci se justifia en marmonnant :

« J'ai pas envie que ta cervelle m'éclate à la tronche. »

J'ai dû faire une drôle de tête puisqu'il se mit à ricaner :

« Désolé, je voulais pas te faire peur. »

J'ai pris une grande inspiration, et, avec toute la hargne qui m'animait, j'ai pressé la détente.

...

Un clic métallique.

« Quoi ?! Mais est-ce qu'il y a une balle au moins ?!

— Vous dites ça parce que vous espériez ma mort ? »

Evan ne répondit pas, il se mit à tousser puis à me regarder droit dans les yeux de manière assez soudaine prenant au passage un air bien plus sérieux :

« Écoute, j'aimerais qu'on s'en sorte tous les deux vivants. Il y a tellement de choses que tu ne sais pas sur cet endroit, tellement de choses que tu dois savoir ! Cette idée de questions-réponses avec une roulette russe... typique de Christophe. »

Mon collier se mit à grésiller, signe qu'il allait prendre la parole justement :

« Eh bien, Haron est chanceux aujourd'hui haha ! Remercie ta bonne étoile, tu peux poser une question grâce à elle.

— Seulement pour qu'il réponde par "oui" ou par "non" ?! C'est quoi le but là-dedans ?! »

Christophe se mit à rire, un de ces rires qu'on verrait dans un mauvais film d'action digne du "grand méchant" :

« Allons Haron, ce n'est pas à moi que tu dois poser les questions ! »

Mon grincement de dents pouvait sûrement se faire entendre dans toute la pièce :

« P-pourquoi vous l'avez rejoint ?! Vous travailliez pour ce type ? Quelqu'un qui enferme des enfants pour les faire s'entretuer dans un jeu dont on ne connaît même pas les intentions ! Quelle a été la raison pour en arriver là ?!

— Pose moi une question... ça ne sert à rien ce que tu fais.

— Très bien : est-ce que vous avez été forcé ? Si c'était une espèce de centre, est-ce que vous êtes venus ici de votre plein gré ?! »

Evan semblait hésiter puisqu'il ne répondait pas :

« Je suis désolé Christophe mais je ne peux pas répondre avec ta condition, c'est impossible !

— Ah ? Et pourquoi donc ?

— Tu sais très bien pourquoi ! Jamais je ne voulais venir ! Personne ne le voulait... mais personne n'avait le choix et c'était bien ça le problème : ma réponse, ce serait "oui" et "non" en même temps.

— Bon... tu sais quoi Evan ? Je vais te laisser lui dire pourquoi tu es venu. Tu peux parler.

— Très bien... »

Evan se mit à soupirer, il semblait avoir honte de ce qu'il allait me dire. C'est l'impression que j'avais et je ne pense pas que j'ai eu tort :

« On avait besoin d'argent... »

J'étais répugné, un certain dégoût s'est emparé de mon visage.

J'ai lentement fait un pas en arrière :

« Vous... sérieusement ? C'était simplement pour... de l'argent ?!

— Pas seulement ! Écoute, c'est compliqué ok ? Tous ceux qui ont intégré ce centre avaient un cruel besoin d'argent, et quand je dis "cruel", je pèse mes mots : certains allaient même se faire jeter dehors par les huissiers.

— C'est... ce n'est pas une raison pour accepter de travailler ici ! »

Evan fit "non" de la tête :

« Parce que tu crois qu'on travaillait ici ? Nous n'étions que des cobayes ! Rien de plus !

— Pardon ?

— Tu m'as bien entendu : ce centre nous payait pour que nous testions des produits ou pour que nous nous soumettions à des expériences. Je peux te dire que les sommes d'argent qu'il proposait pour ça allaient bien au-dessus de ce que je pouvais imaginer.

— Et... ils faisaient quoi ces médicaments ?

— Ah ! Toi aussi, t'as compris le piège là-dedans ! Pour te citer quelques exemples, il y en a qui sont devenus aveugles, d'autres sourds, d'autres qui ont carrément été tués !

— Pour des médicaments ?! Et... et la police ?!

— Hahaha... »

Un sourire malsain se dessina sur son visage :

« Je ne sais même pas quoi dire là-dessus... T'as qu'à demander à Christophe ! Il saura très bien te répondre ! »

Grésillement :

« Ce n'est pas le sujet, vous deviez simplement parler de votre venue ici. Pas de ce que les forces de l'ordre ont à voir là-dedans. J'ai été tolérant jusque-là mais je me dois de sévir. »

C'est à ce moment précis que Evan se mit à suffoquer, son visage devenait d'un rouge inquiétant à mesure que les secondes passaient, je me suis alors précipité vers lui :

« Eh ! Qu'est-ce qui vous arrive ?! »

Aucune réponse, juste des tentatives de respirations apparemment vaines :

« Attendez, vous allez le tuer ?! Arrêtez ! »

Toujours ces grésillements :

« Tu t'inquiètes de son sort maintenant ? Tu sais très bien que c'est inutile puisq-

— Je m'en fiche ! Arrêtez ce que vous faites !

— Ne t'en fais pas, je ne comptais pas le tuer, juste le punir. »

Evan se mit à respirer de manière saccadée mais il respirait, il était donc en vie.

« Ah... j'ai pas envie de mourir. Je veux revoir ma fille.

— Tu implores la pitié Evan ? En serais-tu arrivé à ce stade-là ?

— J'implore que dalle ! Je ne fais que penser à voix haute. Bien évidemment, tu ne peux pas comprendre toi vu comment tu as traité la tienne ! »

Evan se mit à larmoyer :

« Tout ce que je voulais, c'était sauver ma famille ! Petit, si je suis venu dans ce centre, c'était à cause d'un incendie. Un brasier comme t'en voit rarement ou bien à la télé sauf que c'était chez moi. Non seulement ma fille a été blessée mais ma maison n'est maintenant qu'un tas de cendres. Une fuite de gaz apparemment... je ne sais pas mais je m'en balance ! Je devais maintenant payer pour les soins de ma fille et pour l'achat d'une nouvelle maison. Je me suis retrouvé très vite en faillite alors quand tu vois qu'on te propose des sommes d'argent montant jusqu'à presque dix mille euros pour ça, t'hésite pas et tu fonces.

— Je... ne comprends pas. Vous auriez pu chercher quelque chose d'autre.

— Le jour où tu auras une copine, qu'elle deviendra ta femme, que vous aurez des enfants, tu comprendras mon grand. Tu feras tout pour les rendre heureux et c'est là la preuve que tu seras un père et un mari aimant. Haha... j'ai l'air romantique ou pas ? »

Je n'ai pas répondu.

« Enfin bref, je sais que ma fille sera soignée dans les semaines qui suivent puisque j'ai pu payer... grâce à Christophe. Tu comprends pourquoi je ne pouvais pas dire que je voulais venir sans pour autant répondre que je ne voulais pas car il a sauvé ma fille. »

J'étais sans voix, un homme, qui était père de famille, pleurait devant moi en me racontant les souvenirs de sa vie familiale... comment suis-je censé réagir ?

« Bon, vous jouez ? Je m'ennuie là. »

D'une voix capricieuse, Christophe nous rappela que nous étions ennemis, une douloureuse constatation se faisait alors : aucun d'entre nous ne voulait ni mourir, ni tuer l'autre. Enfin, je l'espère pour lui.

« Je veux sortir de là, revoir le sourire de ma fille, celui de ma femme et les serrer dans mes bras, les étreignant du mieux que je puisse. Je suis sûr que tu as quelque chose qui te permet de t'accrocher toi aussi. Je l'espère pour toi. »

Certes mais ce n'est pas vraiment positif, mon père était-il une raison pour que je me batte ? En valait-il la peine ?

« Vous essayez de faire quoi ? D'agir comme un père envers moi ?

— Pas vraiment. Je veux simplement que le survivant s'en sorte sans remords, c'est tout. J'essaie de me convaincre que tu ne m'en voudras pas si je te tue, c'est assez difficile car tu restes un être humain. Je ne vais pas essayer d'en savoir plus sur toi, ce serait du gaspillage de salive. »

Même si avant ma question, il gaspillait justement sa salive. À quoi ça lui servirait de me raconter tout ça si je meurs ?

Mourir... le fait d'y penser fit, de nouveau, accélérer mon rythme cardiaque, j'avais toujours le revolver dans la main et je venais de le poser sur sa tempe :

« Généralement, la balle est dans la sixième chambre... je sais déjà que je suis mort. »

Je n'ai pas pu retenir ma surprise face à ce qu'il venait de dire :

« Qu-qu-que quoi ? Mais pourquoi vous-

— C'est juste une intuition, elle est mise par défaut dans la sixième chambre mais la balle peut également être dans la cinquième ce qui te condamnerait. Voyons voir qui le destin choisira. »

Je ne voulais pas mais je jouais également ma vie, je souhaitais savoir si j'allais mourir ou pas. Je souhaitais avoir le fin mot de tout ça alors je me devais d'enclencher la gâchette :

« Haron ? Est-ce que tu te trouves là ? Ou là ? Ou ici ? »

Une voix que je ne pensais plus entendre se mit à m'appeler, c'était l'amie de Sorel : Valya. Je me suis mis à retenir ma respiration sans trop savoir pourquoi... sûrement dû à mon stress.

« Chut Valya ! Je te rappelle qu'il y a la gamine à nos trousses ! Pas un bruit. Je vais voir, restez ici vous autres. »

La voix de Sorel se faisait de plus en plus proche, il allait rentrer et voir... ça.

« Attends, qui sont les autres ? »

Evan posa la question sans se rendre compte qu'il parlait assez fort et ce qui devait arriver arriva :

« Qui est là ?! J'arrive ! »

Les pas de Sorel se firent de plus en plus fort jusqu'à atteindre le pas de la porte, au même moment, le grésillement se mit à se faire entendre mais ce n'était que pour entendre Christophe hurler :

« JOUE ! »

J'ai eu tellement peur que j'ai pressé la détente, par surprise.

...

La détonation fut retentissante, une explosion à littéralement quelques centimètres de ma tête. L'arme s'envola pour atterrir sur le sol à cause du recul. Ce que je n'oublierai pas cependant, c'est le visage d'Evan se faire transpercer d'un énorme trou au niveau de sa tempe.

Des effusions de sang m'arrivèrent directement dessus que ça soit sur le visage ou sur mes vêtements sans parler de son visage figé dans la surprise et l'horreur. Ça semblait irréel, exagéré même, et pourtant...

J'étais sonné, le bruit m'avait littéralement explosé les tympans, un coup de feu est tellement plus puissant et bruyant dans la vraie vie que dans les médias, j'en restais totalement étourdi, un acouphène se mit à envahir mon audition. J'eut du mal à entendre la réaction de Sorel :

« Tu... Haron ? C'est toi ?! C'est toi qui viens de faire ça ?! »

Je ne peux pas te répondre, je ne voulais pas ouvrir la bouche, tellement de choses traversaient mon esprit : sa famille qu'il ne reverra jamais, le fait que quelqu'un que je commençait à connaître venait de mourir sous mes yeux...

Je restais dos à lui, sans bouger :

« Réponds-moi ! Tu viens de le tuer... avec une arme ?! Qu'est-ce que ça faisait là ?! Haron ! »

Les pas des autres s'étaient précipités pour rejoindre Sorel, tout le monde était sûrement en train de me regarder... je ne veux pas croire ce qu'il vient de se passer...

La voix de Christophe se fit de nouveau entendre mais au travers d'un haut-parleur, tout ça pour annoncer de manière triomphante :

« Vainqueur : Haron Mélono ! »

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