16 - "Aftovma"

18 minutes de lecture

« Sorel ? Qu'est-ce qui t'arrive ? »

J'ai poussé un profond soupir avant de répondre :

« Tu ferais quoi toi si tu venais d'apprendre qu'un type que tu ne connais absolument pas vienne te voir et te dire "Je suis celui qui t'a conduit ici. J'étais un ami de ta mère et je reviens aujourd'hui pour voir comment va le petit garçon que j'ai vu bébé. Tu m'as vraiment manqué tu sais..." ?

— Euh... »

Visiblement, j'avais pris Bill par surprise. Je ne pense pas qu'il s'attendait à ce que je sois aussi sérieux dans mes propos :

« Bah... je sais pas.

— Alors t'as mon état actuel. Je suis dans l'incompréhension actuellement.

— Tu... tu m'étonnes. »

Bill me fit une tape sur l'épaule :

« Au moins, tu peux te dire que quelqu'un, autre que Mama, te porte dans son coeur. D'ailleurs, pourquoi il ne t'a pas adopté ?

— Pour la même raison de ma présence ici. Il a déjà bien trop d'enfants à charge et je n'aimerais pas le gêner. »

Bill tourna la tête en direction du mur pour, à ce que je pouvais deviner, réfléchir à ce que je venais de dire puis se remit à me regarder dans les yeux pour me demander :

« Et tu en penses quoi de lui ? Tu l'aimes bien ? »

À son tour de me prendre par surprise, j'ai haussé les sourcils comme pour donner l'impression que sa question avait une réponse évidente :

« Je ne sais pas. Je ne ressens rien pour ce type. Bien que je pense que je pourrais presque le considérer comme mon vrai père. Pas comme l'autre ordure.

— Donc tu l'aimes bien ? Ou en tout cas, plus que ton père.

— Bien évidemment ! Lui, il est revenu ! Lui, il s'inquiétait ! Je n'ai jamais vu personne s'inquiéter autant pour moi ! Je le sais bien que Mama est occupé avec les autres et son amour qu'elle nous porte me suffit mais... »

Je sentais ma vision se troubler :

«... qu'est-ce que c'est agréable de savoir qu'on est aimé à ce point... »

Bill ne répondit pas, ou du moins si mais pas à ce que je venais de dire :

« Pleure pas Sorel... je sais que ça te fait bizarre d'être aimé par quelqu'un quand on est ronchon comme toi mais ce n'est pas la peine d'en pleurer. Réjouis-toi plutôt ! Si tu t'en rends compte que maintenant que des gens t'aiment bien et que ça te fait cet effet-là, j'imagine même pas quand t'auras une copine. »

Je n'ai pas répondu.

« T'es quand même assez contradictoire. Je savais pas que tu pouvais être aussi sensible !

— La ferme. »

Bill éclata de rire, ce qui détendait l'atmosphère et qui faisait quand même vachement du bien :

« Allez viens, je vais te payer une glace. C'est bon les glaces ! Sauf quand c'est saveur "larmes" ! Donc arrête de pleurer ! »

J'ai acquiescé en séchant mes yeux à l'aide de la manche de mon gilet.

« Alors c'est moi qui paye.

— Tu rêves ! Je te l'offre en tant qu'ami, d'acc ? »

J'ai hoché la tête sans vraiment savoir quoi répondre puis j'ai suivi Bill à l'extérieur bien qu'encore troublé par les évènements même si au fond de moi...

... j'étais content.

Ce que venait de dire Céleste n'était pas totalement farfelu vu ce que je venais de vivre. La douleur que je ressentais sur mon cou était assez vive et picotait pas mal ce qui m'empêchait de raisonner :

« Pourquoi est-ce que tu dis que cet esprit peut demander aux gens de se suicider ?

— D'après ce que j'ai lu et ce que vous venez de vivre, j'en ai conclu que c'était le cas. Tout coïncide si nous pensons que cet esprit est capable d'une telle barbarie.

— Fais voir ! »

Je me suis précipité sur le papier que Claria tendait toujours et lui ai arraché des mains.

Après avoir fini ma lecture, j'en suis resté insatisfait :

« C'est tout ? Y'a un esprit qui hante le bâtiment mais comment t'as- oh. »

Par curiosité, je l'avais retourné et il y avait encore des choses d'inscrites.

Ayant fini ma deuxième lecture, je trouvais ça presque hilarant :

« Ça l'amuse de mettre des infos au compte goutte ? Pas moi ! J'aime pas le suspens.

— Haha. Pareil ! répondit Claria avec un air plutôt irrité malgré le fait qu'elle voulait en rire.

— En lisant ça dans un autre contexte, j'aurais juste cru à une mauvaise blague mais là...

Valya croisa les bras, pensive :

« C'est pas bon du tout... il n'y a personne qui veut faire ça n'est-ce pas ? Je ne veux pas voir une chose pareille... »

Ce sont des gens que tu connais depuis à peine une nuit ! Bah, c'est tout elle après tout mais j'admire quand même ce côté-là qu'elle a.

Nous nous sommes tous regardés, silencieusement, scrutant chacune des réactions qui allaient suivre. Celle qui brisa le silence fut Claria :

« Haha... bien sûr que non ! Pourquoi on mettrait... fin à nos jours ? Hahaha... »

Ça se sentait : Claria avait peur. Peut-être que j'étais le seul à le sentir mais j'en avais la certitude à présent : elle cache ses sentiments. Ou plutôt ici ce qu'elle ressent. Mais je la comprends, personne n'aimerait que ça arrive. Elle a peur pour sa vie et c'est normal, c'est la même chose pour moi et pour tout le reste du groupe.

« Mais si tu t'es infligé ça Sorel, je propose qu'on te soigne vu que ça risque également de s'infecter. »

Haron avait raison, les picotements sont assez désagréables.

« Au moins là, je vais pas devoir me montrer... fis-je agacé.

— D'ailleurs, ça me fait penser, pourquoi tu étais étonnée Claria quand tu as vu le ventre de Sorel ? Tu l'avais soigné avant et il a aussi dû se déshabiller. »

Je ne savais pas trop comment réagir : entre l'énervement et la flatterie mais le fait est que ça soit Claria alors l'énervement l'emportait même si la question d'Haron n'était pas si idiote que ça.

« C'est vrai... mais tu crois vraiment que j'allais me rincer l'oeil pendant que je soigne quelqu'un ? Oooooh ! Tu m'as prise pour une perverse en fait ! Je ne le regardais pas du tout avant, je le soignais, point. »

Haron esquissa un sourire moqueur :

« Je vois je vois... »

Claria le regarda de son oeil sombre puis répliqua :

« C'est génial, au moins, t'es pas aveugle !

— Hein ?

— Bah il voit non ? »

Oh mon Dieu... comment cette fille peut-elle faire des blagues dans un contexte pareil ?! Et combien de fois vais-je me poser la question ?!

Valya eut un ricanement ce qui était assez pour réjouir Claria retirant alors le regard sombre qu'elle avait adopté pour Haron.

« Bon bref, on n'aura pas besoin de retourner à l'infirmerie, c'est déjà ça.

— Euh... pourquoi ? ai-je demandé

— J'ai gardé tout ce qu'il faut sur moi. Un truc qui s'appelle "poche". C'est pas mal comme invention.

Le regard de Claria est bien trop fier que ça en devient énervant :

« Ouais... si tu le dis... »

Claria sortit de ses poches ce qui avait servi à me soigner auparavant :

« Bon, c'est moins profond mais faut quand même désinfecter. On ne sait jamais vu l'endroit où on est.

— Il doit y avoir toutes les maladies du monde ici. »

Merci Haron, tu ne me rassures vraiment pas, bien que ce soit la deuxième fois.

« J'espère que ce sera la dernière fois... j'ai quelques notions mais ça reste assez basique. Si les blessures deviennent trop graves...

— Moi, j'ai surtout peur que... que quelqu'un se suicide. »

Ophélia avait dit ça d'une voix tremblante, trahissant ce qu'elle ressentait et surtout ce qu'elle craignait.

Bien évidemment, je n'avais pas envie d'être le témoin d'un suicide mais dans ce cas-là, il suffirait d'empêcher que ça arrive comme Haron vient de le faire avec moi.

« Personne ne se suicidera.

— Et comment tu peux en être si sûr ? Regarde ton cou ! Regarde ce qui nous entoure ! La situation est désespérée, une petite fille complètement tarée nous poursuit, il y a des rires d'enfant et maintenant, on apprend qu'un esprit pouvant nous ordonner de mettre fin à nos jours erre dans le bâtiment ?! Comm-

— Calme toi Ophélia. »

Ophélia me regardait, toujours en train de trembler :

« Comment tu veux que je me calme ?! Comment tu-

Sans même attendre qu'Ophélia termine sa phrase, Céleste l'enlaça en se mettant sur la pointe des pieds pour lui caresser la tête :

« Tout va bien Ophélia. Tout va bien. »

Cela nous a tous surpris, c'était moi qui avait fait ça la dernière fois mais lorsque c'est un garçon qui enlace une fille, forcément, c'est interprété différemment alors que deux filles, c'est plus vu comme de l'amitié solide.

Enfin, c'est mon avis. C'est sûrement pour ça qu'on avait l'air agréablement surpris, ils doivent penser la même chose que moi.

« Oui ! Ne t'en fais pas Ophélia ! Si je pouvais te câliner, je le ferais aussi ! Personne ne se suicidera ! Mon maître a raison ! »

Une Valya enjouée fit surgir un sourire sur le visage d'Ophélia dont les mouvements étaient restreints par Céleste, Ophélia semblait d'ailleurs apprécier ce que faisait Céleste.

« J'ai pas envie de mourir... et encore pire, j'ai pas envie qu'un esprit me l'ordonne.

— Je te comprends, t’es loin d’être la seule… ai-je répondu.

— Mais du coup, je me pose la question qui, je pense, mérite d’être prise au sérieux : si quelqu’un se donne la mort ici, ce sera la faute de l’esprit ou de lui-même ? »

Cette question mérite effectivement de l’attention, nous nous sommes regardés à nouveau essayant sûrement de deviner qui serait la personne la plus apte à commettre cet acte.

« Et puis, l’esprit s’est bien emparé du corps de Sorel à l’instant pas vrai ? Alors du coup, l’esprit est dans l’enfant ou l’esprit EST l’enfant ?

— Ben un esprit n’est pas matériel alors je dirais la première… non ? »

Tandis qu’Ophélia continuait de poser des questions et qu’Haron donnait des suggestions de réponses, Claria s’approcha de moi la compresse à la main :

« Faut juste désinfecter, c’est moins grave que l’autre fois, hop ! » fit-elle tout en posant la compresse sur mon cou me faisant alors serrer les dents.

— C’est vrai que ça fait moins m- aïe ! »

Claria laissa échapper un léger rire, puis se tourna vers Ophélia :

« On sait ici que personne ne se suicidera alors cela ne pourra être que la faute de l’esprit ! Regarde, fais comme moi : souris ! »

Tout en disant cela, Claria prit une grande inspiration puis un grand sourire fit l’apparition sur son visage :

« La meilleure arme contre la dépression pouvant mener au suicide, c’est le sourire ! La bonne humeur ! Même quand la situation est désespérée, il faut toujours garder le sourire ! »

Ben dis donc… quel changement draconien de personnalité, elle qui m’avait tué la "dernière fois", la voilà qui prône la bonne humeur en toutes circonstances.

« Qu’est-ce que ça fait de toujours sourire… ? Ce n’est pas comme ça qu’on vaincra un esprit… » marmonna Ophélia

Claria s’approcha d’elle pour faire "non" avec le doigt :

« Tututut ! Tu ne sais pas la force que cache cette action si simple à réaliser ! »

Celle-ci se tut quelques secondes puis repris en marmonnant presque à elle-même :

« Et tu ne sais pas non plus à quel point sourire est important pour moi…

— Hein ? » fit une Ophélia visiblement bien surprise

— Hahaha ! Non rien ! En tout cas Ophé, retiens ça : toujours garder le sourire ! Même si cette action implique que tu utilises dix-sept muscles de ton visage, elle n’en reste pas moins simple à utiliser et ta vie peut radicalement changer si tu te mets à sourire ! En plus, et je te dis ça en tant que fille, tu es très jolie donc ça t’irait vachement bien !

— Eh… on dirait que t’essaie de la faire rentrer dans une secte… »

Claria venait de finir de m’appliquer les bandages quand elle se mit à me fixer :

« "La secte du sourire" ? Pas mal, pas mal... répondit-elle.

— Mais… mais… comment je peux sourire si je ne suis même pas heureuse ? L’esprit s’en rendra forcément compte que je fais semblant non ? Et puis, je croyais que tu n’aimais pas les menteurs…

— Contentes-toi de sourire. C’est là la clé pour ne pas en terminer avec la vie dans ces lieux, pour moi, ça fait d’une pierre deux coups ! Vu que je souris tout le temps, je n’ai non seulement pas besoin de me forcer mais ça m’éviterait de me suicider chose que je n’ai pas du tout envie de faire. Tu vois ? Pour survivre face à cet esprit, il faut simplement sourire.

— Donc je suppose que ces gens qui sont morts à cause de cet "Aftovma" sont des gens qui ne souriaient pas ? »

Claria ne me répondit pas, à la place, c’est Valya qui prit la parole :

« Woooh ! J’admire ta manière de penser ! Tu vois Sorel, il faut toujours rester de bonne humeur ! »

Claria, visiblement réjouie de voir que quelqu’un est d’accord avec elle s’exprima :

« Ton amie à raison ! Prenez-en de la graine les autres ! Que ça soit Céleste ou Haron, vous devriez faire la même chose ! Au moins, on ne risque pas d’avoir des doutes si jamais-

— Ne terminez pas cette phrase. Je vous en prie. Je ne pourrai pas supporter de voir un autre suicide surtout si c’est l’un de vous que j’ai un peu connu. »

Claria se mit à regarder Céleste toujours avec Ophélia, puis répliqua d'une voix enjouée :

« T’inquiète pas ! Ça n’arrivera pas ! Promis ! »

J’ai cru, pendant l’espace de quelques secondes, apercevoir un sourire sur le visage de Céleste mais il fut si bref que je pense avoir halluciné.

Après avoir terminé de me soigner, Claria s’est tournée vers les autres :

« Vous en faites pas, tout ira mieux maintenant. » assura-elle.

J’espère que tu as raison…

« Par contre, j’aimerais qu’on sorte de cette pièce. J'essaie depuis tout à l'heure mais la puanteur devient insupportable. »

Je l’avais presque oublié mais Haron, qui était celui qui venait de faire la proposition, était loin d’avoir oublié vu la tête qu’il faisait :

« Mais ça fait… quatorze minutes que nous sommes là. On peut rester encore six minutes. Résiste un peu. » ai-je fait agacé, sûrement par la fatigue qui commençait vraiment à se faire sentir.

— Je suis d’accord avec Haron. J’aimerais également que nous sortions, même si la pièce est parfaite pour passer la nuit sans danger, l’odeur y est juste écoeurante. Elle me dérange bien plus maintenant que Haron en fait la mention. »

Ouais… S’ils sont deux à vouloir sortir, alors je pense qu’on n'a pas le choix.

« D’accord… si vous insistez. Mais avant, attendez et taisez-vous. »

Tout en ayant dit cela, je me suis dirigé vers la porte qui a visiblement été refermé après le passage de l’enfant dont on n'a rien entendu depuis les événements passés.

Lentement, j’ai collé mon oreille à la porte, à l’affût du moindre bruit pouvant trahir la position de celle nous prenant en chasse. Je dis ça mais entendre l’enfant ne serait pas rassurant non plus… j’ai pas envie de refaire un tour dans cette espèce de "monde".

Rien. Pas un bruit.

C’est plus que stupéfiant, je crois que ça n’est jamais arrivé durant toute la nuit. C’est quelque chose de rassurant même si-

Je me suis arrêté de penser immédiatement : je viens d’entendre des petits pas courir.

Des "tap, tap" réguliers et assez rapides mais qui ne semblaient pas se diriger vers nous, au contraire, ils s’éloignaient.

« Alors ? » demanda Haron en chuchotant.

J’ai simplement levé le pouce en signe de réponse et surtout pour donner mon feu vert.

Haha… je ressemble vraiment à un maître du jeu là non ?

Tout aussi lentement que mon approche vers la porte, j’ai poussé celle-ci qui, en s’ouvrant, faisait un bruit de grincement assez bruyant. Plus je l’ouvrais, plus le grincement se faisait entendre.

« Oh tu sais quoi ? »

Je me suis mis à pousser la porte vigoureusement, celle-ci s’ouvrit dans un grand bruit qui retentit dans le couloir :

« Sorel ?! Qu’est-ce que tu fais ?! » chuchota Ophélia qui avait visiblement envie de me hurler dessus.

— Tu préfères juste un grand bruit qui s’arrête rapidement ou un qui est continu pouvant alors indiquer notre position bien plus précisément ? »

Ophélia semblait y réfléchir quand Valya lui répondit :

« Il vaut mieux qu’on s’en aille assez vite. T’en fais pas Ophélia, mon maître prend toujours les bonnes décisions. »

L’assurance de Valya me faisait plaisir et c’est avec un léger sourire aux lèvres que j’ai mis les pieds dans le couloir :

« Trois heures seize. Il est vachement tard. »

Ma réflexion eut pour effet d’étonner Ophélia :

« Tard ? Tu rigoles ou quoi ?

— Pardon ?

— C’est pas tard du tout. »

Ceci explique tes cernes que j’ai aussi certes…

« Bien sûr que c’est tard. Je ne suis pas la meilleure personne pour dire ça mais il ne faut pas toujours se coucher trop tard.

— Hahaha… c’est sûr que t’es mal placé pour me dire ça. » répondit Ophélia le sourire en coin.

— Tiens ? Tu vois que tu peux sourire Ophé ! D'ailleurs, Sorel à raison : faut bien dormir dans la vie. »

Claria semble retrouver sa "forme normale" au vu de ce qu’elle vient de dire. Ophélia, elle, ne fit rien si ce n’est baisser les yeux sûrement de honte.

« Retournons à l’infirmerie. Au moins, on est sûr de ne pas avoir de mauvaises rencontres comme le monsieur pendu. »

La décision de Claria fut de suite approuvé par tout le groupe. Il est vrai qu’on devrait explorer un peu pour pouvoir découvrir un peu plus notre prison mais le groupe préférait la sécurité. Alors, c’est sûr qu’on ne verra rien de nouveau mais au moins, on sera sûr de ne pas se faire prendre par surprise dans une des pièces de ce bâtiment.

Nous sommes donc à nouveau dans ces longs couloirs sombres dont le fond est imperceptible malgré la lumière de la lampe torche. Les petits pas que j’entendais il y a de cela quelques minutes ne sont plus audibles : soit l’enfant s’est éloigné, soit il est immobile. Il est même peut-être en train de nous observer, qui sait…

Brrr… j'en viens à sentir comme un regard pesant sur moi.

Tout en espérant de tout coeur que ce soit mon imagination, j’ai été le premier à m’aventurer dans le couloir, les autres étant tous derrière moi.

Après ces moments où le stress n’était qu’une préoccupation mineure, il en devient la seule chose que je ressens actuellement. Cet endroit est bien plus effrayant maintenant que nous savons qu’il y a un esprit qui y rôde…

Je ne m’en rends compte que maintenant mais je tremble légèrement, la lumière que procure la lampe vacille, cette lumière qui nous guide à travers les méandres de cet endroit. Du moins, l’aspect labyrinthique est sûrement dû à l’obscurité mais je suis convaincu du fait que cet endroit est plus grand que nous le pensons.

J’ai peur. Je le sais, je ne le montre pas, mais j’ai peur. Une angoisse profonde qui ne fait que s’accentuer alors que nous progressons à travers les couloirs. Une angoisse soutenue par des événements que je ne peux plus prévoir. Tomberons-nous sur Aftovma ? Sur Eneko ? Aucun des deux ?

Les deux en même temps... ?

Nous marchions tous silencieusement, personne ne parlait, seules leurs respirations prouvaient que j’étais toujours avec eux.

Valya est celle qui est la plus proche de moi, juste à ma droite tandis que tous les autres sont à une distance plus ou moins éloignée derrière moi. Celle-ci jetait des coups d’oeil de gauche à droite, l’air inquiet.

Je ne pouvais (ou plutôt ne voulait) pas observer les autres : avaient-ils peur ? Que ressentaient-ils là tout de suite ? Est-ce qu’ils comptent sur moi ? Bien que je sois celui qui pose le plus de problèmes ici…

Mais… pourquoi est-ce que je suis aussi inquiet pour eux ?! Je sais bien que je n’aimerais pas qu’une autre mort se produise, alors pourquoi je cherche à savoir ce qu’ils ressentent ?

Finalement, après quelques minutes de marche dans le noir et surtout dans un silence presque absolu, nous arrivâmes à la fameuse intersection, l’infirmerie se trouvait au bout du couloir, tout droit. Les autres passages nous sont encore inconnus, et vu la réaction qu’a eue le groupe lorsque Claria a proposé de partir à l’infirmerie parce que c’est le seul endroit que nous connaissons, je me dis qu’explorer le bâtiment ne doit pas encore être dans leur programme.

« Tout droit. » fis-je tout en pointant le faisceau vers le fond du couloir à peine visible.

Personne ne répondit, à vrai dire, il n’y avait pas grand-chose à dire. C’était leur décision donc je vois mal une contestation.

Alors que nous étions sur le point de reprendre notre route, quelque chose attira notre attention : des petits pas.

Ces mêmes pas que j’ai entendus lorsque j’étais en train d’écouter à la porte.

Très vite, je me suis retourné éblouissant tout le monde au passage :

« C’est qui ? C’est qui ?! hurla presque Ophélia.

« Chut ! J’essaie de- »

Je me suis très vite arrêté de parler, les pas recommençaient. À la seule différence non négligeable… qu’ils se rapprochaient !

Des "tap tap" très rapides et réguliers : est-ce là le nouveau bruit que nous devons fuir ? Après ces fameux cliquetis, ce sont des pas que nous devons craindre ?!

« Où est-il ?! Il est bien quelque part !

— Sorel ! Nous devons fuir ! Il n’y a pas d’autres alternatives ! Si l’un d’entre nous se fait attraper, qu’adviendra-t-il de lui ? fit Céleste tout en me tirant par la manche.

— On s’en va ! On s’en va ! Vite ! »

Ophélia, qui était visiblement la plus effrayée, si mit à courir vers l’infirmerie sans même avoir besoin de la lumière : elle y allait dans le noir total vu que j’étais occupé à éclairer derrière nous dans l’espoir de trouver ce gamin qui nous fichait à tous la frousse !

cliquetis, cliquetis…

Mon sursaut de terreur fut telle que je fis tomber mon téléphone par terre dans un fracas assourdissant.

« Sorel ! Abruti ! s’exclama Claria.

Sans faire attention à cette remarque, je me suis hâté de récupérer le précieux téléphone que j’avais perdu dans la surprise. J’étais baissé, la boule au ventre de ce que je pourrais trouver en me relevant, j’ai attrapé le téléphone gisant à terre, malgré mes tremblements, d’une vitesse dont j’étais moi-même impressionné avant de me redresser tout aussi rapidement.

Je venais de me relever, le téléphone en main lorsque je me suis aperçu, en allumant la lampe, d’une chose atroce :

« Allume ! Grouille !

— Ça veut pas ! Ça ne s’allume pas !

— Quoi ?! On voit plus rien ! Tu rigoles j’espère ?!

— J’ai l’air de rigoler ?! »

Mon flash, qui devenait capricieux sûrement à cause de la chute, se mettait à fonctionner comme un stroboscope ! Les clignotements perturbaient grandement notre champ de vision empêchant toute analyse de la situation.

« Bordel ! Ça pouvait pas tomber mieux !

— Nous devons partir maître ! Une retraite s’impose ! Direction l’infirmer-

— Là ! Je l’ai vu ! »

Valya s’était fait interrompre par Haron qui se mit à crier tout en pointant du doigt une direction dont nous ne pouvions déterminer précisément la provenance à cause de ces satanés flashs !

« Un petit garçon ! Qui courait ! Il, il- ARGH ! » hurla Haron avant de s’effondrer sur le sol, la main sur le coeur.

« Pourri, pourri, pourri, pourri ! Je suis… tellement faible… argh !

— Haron ! Est-ce que ça va ?! »

Ma question était rhétorique : bien évidemment que non il n’allait pas bien et c’est pour ça que je me suis précipité vers lui dans l’espoir de l’aider.

« Je te déteste Arythmie ! Je te hais ! » sont les derniers mots que nous avons pu entendre d’Haron avant que celui-ci se mette à hurler de terreur.

« Calme toi Haron, il ne faut pas-

Et c’est là que j’ai compris que je n’étais plus face à Haron. Celui-ci s’était tourné vers moi, le regard mauvais et complètement blanc. Ses pupilles n’étaient plus visibles, lui donnant un air monstrueux. Toute la frayeur ressentie était accentuée par les flashs de mon téléphone qui, contrairement à un stroboscope, n’étaient pas réguliers du tout. Ses mouvements étaient vifs mais désordonnés :

« H-Haron… ? »

Je sentis d’un coup une main se poser sur mon épaule. C’était Claria :

« J’ai bien peur que Haron ne soit plus avec nous…

— Qu’est-ce qui te fait être si... si sûre de toi ? » bafouillai-je.

Il est vrai que j’en avais l’impression aussi mais Claria avait cette intonation sérieuse, elle avait confiance en ce qu’elle disait.

« Parce que c’est de ça que tu avais l’air quand tu étais sous l’emprise d’Aftovma. »

Mon regard s’est tourné vers elle, lui trahissant alors la terreur grandissante que je ressentais. Je ne voulais pas d’une mort si près de la fin de la nuit, plus après tout ce que j’ai vécu !

« Ne me dis pas que… »

Claria fit un pas en avant, Haron le remarqua et commença à éclater de rire. Un rire dérangé, terrifiant.

Elle serra les poings puis me répondit de son air sombre :

« Si. C’est Aftovma. »

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