12 - Ma rencontre avec l'inconnu.

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Maintenant que j'y fais attention, je me rends compte que je n'ai jamais présenté Valya à quelqu'un. Tout simplement parce qu'elle ne voulait pas, ou plutôt, elle n'en trouvait pas d'utilité :

« Nous ne sommes pas bien tous les deux ? Au moins, il n'y a jamais de dispute. Je n'aime pas ça de toute manière... »

Et elle avait raison. Nous étions toujours d'accord dans nos discussions, elle avait parfois des avis plus, disons, optimiste que moi sur certains points mais en général, nos débats ne duraient pas plus de cinq minutes.

Enfin bref, je la connais depuis quelques mois maintenant, je pense donc cerner quelques traits caractéristiques chez elle.

La première chose qui frappe, c'est sa manière de s'habiller puisqu'elle porte toujours les mêmes vêtements : un t-shirt bleu très foncé à la limite du violet avec dessus un petit chaton qui dort.

Son petit côté "mimi" comme elle dit.

Pour le bas, elle a simplement une jupe noire avec des chaussettes montantes de la même couleur. Rien de bien particulier à première vue...

Je lui ai tout de même posé la question :

« Tu es sûre de vouloir te balader avec une jupe aussi... courte ? Ça passe dans les animés mais dans la vrai vie... »

Valya avait fait un grand sourire avant de me répondre :

« Ne t'en fais pas, je ne m'habille pas comme ça pour "plaire" aux garçons... je ne suis pas du tout comme ça. Non. Je fais ça parce que j'aime beaucoup ces vêtements. Tu penses que je devrais me retenir à cause des gens méchants dehors ? Je me fiche de ce qu'ils peuvent penser, de ce qu'ils peuvent me dire, je vis comme je l'entends tout en m'amusant.

Ce serait bien si tout le monde vivait en s'amusant sans aucune méchanceté... »

Quel discours à la fois enfantin et sérieux. J'en avais été étonné à ce que je puisse me souvenir.

« Tu as raison... mais si jamais quelqu'un te fait de très mauvaises avances, tu peux compter sur moi. On ne touche pas à ma meilleure amie ! »

J'adore le sourire de Valya.

« Héhéhé ! Merci très cher ! »

Quand Valya est heureuse (ce qui arrive relativement souvent), ses yeux semblent briller. Ce n'est qu'une impression de ma part mais je trouve ça envoûtant.

Valya a de grands yeux violets améthyste. Ils sont ronds avec un air jovial, quelque chose de réconfortant...

Il y a également sa coiffure qui est amusante : elle a des cheveux d'un bleu légèrement plus clair que son t-shirt, ceux-ci sont courts et avec des couettes.

En clair, Valya est une personne que l'on ne peut pas manquer tant elle diffère des autres gens à l'apparence fade comme la mienne.

Et son caractère colle parfaitement à son physique : inhabituel mais tout de même plaisant.

C'est une fille sur qui je peux compter, j'ai entièrement confiance en elle puisqu'elle ne veut jamais faire de mal aux autres. Du moins, à ce qu'elle me dit puisqu'elle ne veut jamais venir avec moi lorsque je pars acheter quoi que ce soit. Je ne l'ai pas encore vu discuter avec quelqu'un jusqu'à ce petit jeu.

Mais j'ai confiance : Valya est une bonne personne, elle ne ferait jamais de mal à quiconque.

Le bracelet a vibré quelques secondes, mais ce fut suffisant pour que tout le monde le remarque.

Coup d'oeil sur ma montre : minuit pile. Nous sommes donc le dimanche 22 septembre 2019. C'est bien la première fois que je passe une nuit dans un endroit autre que ma chambre ou mon travail...

« Eh ! Pourquoi ce bracelet vient de vibrer ? » demanda Claria assez sèchement.

Nous étions dos à dos maintenant, j'avais fais quelques pas sur sa droite et elle était donc derrière à ma gauche.

C'est donc pour ça qu'elle ne pouvait pas voir mon visage :

« Aucune idée.

— Je ne te crois pas.

— Comme tu voudras. »

J'ai marqué un court temps de pause, les autres allaient se poser la question alors je me suis tourné vers eux :

« Ne vous inquiétez pas. Je me répéterais cent fois s'il le faut mais personne ne mourra. Ne vous en faites pas, je suis là pour vous protéger. Au moins, je donnerais un sens à ce statut de "maître du jeu". Vous pouvez compter sur moi. »

Un "Ouais !" de Valya fut la seule réponse qui me parvint. Les autres semblaient réfléchir :

« Je suppose. Je vous fais confiance pour ma part... »

Sur son intonation de voix, j'avais l'impression qu'elle allait terminer sa phrase par "bien que je n'ai pas le choix" mais Céleste ne semble pas être aussi directe et franche que moi dans le sens blessant du terme.

« Ce n'est pas mon cas. »

Avant même que je puisse ouvrir la bouche, je sentis quelque chose me tirer fortement en arrière pour finalement me pousser contre une des portes.

C'était Claria.

Je n'avais pas pu réagir puisque ça m'avait surpris. Il y a aussi ma blessure qui limite ma force actuelle, je dis pouvoir les protéger mais j'en suis sûrement incapable.

Claria était face à moi, l'avant-bras gauche me plaquant contre le mur avec dans la main... une seringue. Qui était vide d'ailleurs.

« Tu sais pourquoi je ne te fais pas confiance Sorel ? » me demanda-t-elle de son regard perçant.

— Lâche-moi. »

Resserrant même son emprise, Claria s'approche de mon oreille pour me chuchoter :

« Parce que tu es un menteur. »

Je fus assez surpris d'entendre ça, tellement que je n'essayais même pas de me libérer de son emprise, celle-ci continua donc :

« Tu pensais que j'étais aussi naïve que les autres ? Tu pensais bien jouer le jeu ? Bien... "mentir" ? »

Claria laissa échapper un rire nerveux avant de reprendre :

« Grosse erreur. Tu nous détestes tous ici. Tu ne veux pas du tout nous sauver, tu veux juste TE sauver. Là est toute la subtilité de ta façon égoïste de penser. »

Je restais perplexe face à sa perspicacité. Je ne jouais donc pas bien le jeu selon elle. Moi qui pensais que Claria était sûrement la moins dangereuse, la seringue qu'elle a dans la main et son ton de voix m'indiquait le contraire. Dans n'importe quelle autre situation, j'aurais sûrement commencé à paniquer sans trop le montrer mais là, j'étais serein.

J'ai commencé à parler à voix haute pour que tout le monde entende :

« Alors tu veux me tuer toi aussi ? Je ne sais pas du tout ce que tu me racontes mais sache que si tu veux passer à l'acte, nous sommes devant tous les autres. »

Cette tournure de phrase n'est vraiment pas à sortir de son contexte...

« Nous allons tous survivre. Si tu veux empêcher cela, je ferais tout pour t'arrêter.

— Claria ! Qu'est-ce que vous faites à mon maître ?! Pourquoi êtes-vous si méchante ?! »

La voix plaintive de Valya me faisait mal au coeur :

« Ton "maître" est loin d'être comme tu le penses. »

Valya s'approcha de Claria sans pour autant la toucher (puisqu'elle ne pouvait pas de toute façon) :

« Vous dîtes n'importe quoi ! Voulez-vous que je vous prouve que Sorel est quelqu'un de gentil ?! Alors écoutez :

il a accepté de m'héberger dans sa chambre après ma fugue, il s'occupe très bien de moi alors qu'il ne me connaissait même pas il y a de cela quelques mois. Quand je lui remonte le moral, ses remerciements sont la chose la plus sincère que je connaisse. Je pourrais continuer longtemps...

Vous ne le connaissez pas assez ! Vous ne pouvez pas agir ainsi envers lui ! »

Wow...

« Valya... je... »

Claria relâcha son étreinte :

« Je vais essayer de te faire confiance Valya. Je vais essayer... mais sache que ce que je vois ne me plaît pas du tout.

— Vous devez juste apprendre à le connaître, voilà tout. Je peux vous assurer que Sorel est une bonne personne ! »

Claria ne répondit pas. Elle se recula, le regard menaçant :

« Pense à ce que je viens de te dire Sorel. J'ai vu clair dans ton jeu. »

Je ne fis rien. Que répondre à ça de toute manière ?

De toute façon, Claria continua de parler :

« Et puis, pourquoi avais-tu cet air satisfait quand tu as vu que ton bracelet vibrait ? N'essaie pas de mentir. »

Elle avait raison. J'avais eu un sourire en regardant la montre, c'était quelque chose d'assez suspect. Je ne pouvais pas mentir alors j'ai répondu la vérité :

« Je ne peux pas vous le dire pour la même raison que vous ne pouvez pas me parler de ce que vous as dit ce type sur mon passé. Dites-vous juste que c'est une bonne nouvelle... enfin je pense...

— Je vois... chacun à ses petits secrets donc. »

Tout à coup, Céleste vint s'interposer :

« Calmez-vous tous les deux je vous prie. Ce n'est pas en se disputant que nous réglerons le problème. Problème qui n'est causé par aucun d'entre nous d'ailleurs, le seul fautif dans l'histoire est l'organisateur de ce "jeu".

Nous entendre est la seule manière de le vaincre. »

Venant de quelqu'un d'autre, cela n'aurait eu sûrement aucun effet mais en écoutant la voix si innocente de Céleste, l'esprit de Claria semblait s'apaiser.

Celle-ci jeta un coup d'oeil en direction de Céleste avant de se donner deux grosses gifles sur le visage :

« Comment ai-je pu m'énerver contre une fille aussi mignonne que toi ?! Permets-moi de te faire un câlin ! »

Sans même attendre la réaction de Céleste, Claria se jeta sur elle pour l'enlacer :

« C-C-Claria ? P-pourquoi vous vous êtes- »

L'étreinte de Claria se fit plus forte empêchant Céleste de finir sa phrase :

« Chanceuses... moi aussi, je voulais faire des câlins... » fit Valya d'une voix boudeuse.

— Céleste a raison. Nous devons nous faire confiance mutuellement pour gagner... n'est-ce pas Sorel ?

— Qu'est-ce que tu insinues en prononçant mon prénom ? »

Avec toujours Céleste dans ses bras, Claria répondit le regard presque provocateur :

« Moi ? Rien du tout... »

Soupir de ma part.

« Si déjà tu commençais par éviter de me plaquer contre un mur tout en me menaçant avec une seringue, je pense que ça aiderait niveau confiance »

Alors que Claria allait répondre, une autre voix se fit entendre :

« Ça suffit ! »

C'était Valya.

« Je ne sais pas pourquoi tu es énervée Claria mais ce n'est pas une façon acceptable de se comporter ! C'est exactement ce que cherche ce monsieur qui nous a tous enfermé. Pour lui, c'est un jeu alors vous voir vous disputer est ce qui l'amuse.

Alors évitez à tout prix de vous disputer... faites le au moins pour moi...

Je me retrouve dans cette situation alors que je ne suis même pas censée être là. J'aimerais au moins que mon maître s'entende bien avec ceux qui sont dans la même situation que lui. Par pitié... je déteste voir des gens se disputer... »

— Valya a raison. Il faut faire en sorte que nous nous entendions bien pour réussir. » fit Céleste d'un air déterminé.

— "Bien s'entendre", vous n'avez que cette phrase à la bouche ! C'est bien joli de dire ça comme ça mais je vous rappelle que nous pouvons simplement sacrifier quelqu'un ici ! »

Ophélia venait de prendre la parole tout en accentuant l'atmosphère pesante qui régnait déjà.

« Si quelqu'un se dévoue gentiment, il peut nous permettre de sortir de là vivant. Alors... alors...

Ophélia hésitait à terminer sa phrase, elle semblait regretter ce qu'elle venait de dire :

« T'es pas sérieuse j'espère ?! Tu demandes à quelqu'un ici de se suicider ?! »

Ophélia ne répondit pas. Elle semblait même regretter ce qu'elle venait de dire.

« Personne ici ne se suicidera ! Personne n'aura à se sacrifier ! Vous m'entendez ?! Je ferais en sorte personnellement que vous n'ayez pas à faire ça ! Même si l'attitude de Sorel m'exaspère, vous autres n'avez rien fait. Je serais celle qui vous motivera.

J'en fais la promesse. »

Tout en finissant de parler, Claria leva le pouce en l'air avec un grand sourire.

« Voilà ! C'est ça qui nous fera vaincre ce jeu : un esprit d'équipe ! » s'exclama Valya.

Céleste prit la parole à son tour :

« J'espère de tout coeur que nous continuerons sur cette façon de penser. Je n'aime pas non plus les conflits... »

— J'aimerais que nous fassions une chose si nous parvenons à la fin de cette nuit : nous irons discuter tous ensemble. Nous organiserons une discussion générale. Nous parlerons de choses qui nous plaisent comme celle que nous détestons. Nous nous créerons des liens ! N'est-ce pas là quelque chose qui vous fait envie ? »

La demande de Valya était tellement enfantine que j'en rigolerais presque, je trouvais ça mignon en fait, et ça avait l'air d'être le cas d'Haron :

« Je suis partant. Si vous autres voulez bien... »

Tous acquiescèrent la tête. Ils avaient l'air d'être d'accord bien qu'Ophélia l'avait fait pour suivre le groupe à ce que je pouvais voir.

Les regards se tournèrent vers moi :

« Et toi Sorel ? Tu es un peu, je dois l'avouer, la personne que j'ai le plus envie de voir parler avec les autres. Tu te joindras à nous pas vrai ? »

Valya me posait la question comme si elle connaissait déjà la réponse.

En temps normal, j'aurais dit "non" mais si je dois passer pour une personne de confiance, alors, je devais prendre sur moi-même et accepter :

« Si vous voulez... il faut juste qu'on dorme avant. Parce qu'on va passer la nuit à se cacher je vous signale...

— Ouais... oui, t'as raison. Après le dodo général, on ira tous ensemble dis-

cliquetis cliquetis

Valya s'arrêta net de parler, nous avons tous eu un sursaut de frayeur à l'entente de ce fameux bruit.

Je mis mon doigt devant ma bouche pour demander le silence le plus complet, j'ai doucement tourné la lampe vers la direction d'où provenait le bruit.

Elle était visible, au loin. Dans la dizaine de mètres, pas plus.

Ce qui m'inquiétait, ce n'était pas de la voir, c'était que je me rendais compte qu'elle avançait vers nous.

cliquetis cliquetis

Nous étions actuellement situés près de l'intersection que nous avions croisée lors de notre "course-poursuite", en parlant depuis tout à l'heure, nous avions légèrement avancé et nous voilà en plein milieu de quatre chemins différents. La petite venait de notre droite, alors il fallait naturellement prendre une autre direction.

Dans notre dos, une impasse donc il ne fallait pas faire demi-tour car si elle vient vers nous, nous sommes piégés. Nous n'avions que deux choix : à gauche ou tout droit.

Nous ne connaissions pas à gauche, il fallait bien évidemment explorer mais là, il fallait juste fuir. J'ai donc pris tout droit, vers la direction de la première pièce dans laquelle nous sommes allés. Là où Céleste et moi ne voulions pas aller.

Il n'y a pas eu de protestations sur où nous devions aller pour s'éloigner de la fillette, tous m'ont simplement suivi sans broncher.

« Eneko... vous entend !! »

cliquetis cliquetis

Les bruits se faisaient plus rapides, et surtout, plus fort.

Elle se rapprochait.

« Je veux voir... je veux voir ! »

Cette phrase fut suivie d'un hurlement qui eut pour effet d'accélérer la vitesse à laquelle nous courions.

J'étais terrifié. Entendre un cri aussi effrayant est quelque chose de vraiment stressant... Je ne pouvais pas me retourner car j'étais en train de courir et ce, devant tout le monde.

Il y avait derrière nous le bruit incessant de la paire de ciseaux nous rappelant que nous étions en train d'essayer d'échapper à une mort certaine. Une mort inévitable même... et douloureuse de surcroît...

Nous nous dirigions vers la première pièce dans laquelle nous sommes allés, je savais que Céleste n'avait pas envie d'y aller. À vrai dire, moi non plus...

C'est pourquoi lors de la course, je me suis soudainement arrêté pour faire face à une porte que j'ai choisie au hasard.

Non pas qu'il y ait énormément de choix de toute façon : dans le couloir, il n'y avait en tout que sept portes sans compter nos chambres car celles-ci se trouvaient dans une pièce différente.

L'endroit dans lequel nous étions ressemblait tellement à un hôpital abandonné, je suppose que ça devait être les chambres des patients mais dans ce cas-là, pourquoi y avait-il un cadavre pendu dans une des chambres ?

Celui-ci ressemblait à un docteur, c'était forcément un docteur. Mais son cadavre avait l'air d'être assez récent, cela voudrait donc dire que l'hôpital est encore en activité ? Ou bien que cet homme y faisait une petite balade ?

Impossible ! Impossible... cet "hôpital" est abandonné ! Les traces de moisi et autres joyeusetés du genre le prouvent ! Alors, ça voudrait dire que cet homme est venu dans un lieu isolé pour mettre fin à ses jours ?

Raaah ! Tellement de questions ! Il faut que j'en sache plus.

C'est avec une certaine appréhension que j'ai tentée d'ouvrir la porte que j'avais choisi et à ma grande surprise, celle-ci n'était pas verrouillée.

Il faut essayer plus de portes au hasard, cela nous fera toujours plusieurs autres endroits pour se cacher.

Je n'ai pas cherché à savoir, j'ai rapidement ouvert, j'ai demandé à tout le monde de venir et j'ai refermé la porte une fois que tout le monde était rentré.

Nous étions au complet, personne ne manquait ce qui est une chose que je craignais mais j'avais vu tout le monde avant de refermer la porte.

« Ok... ! C'est bon, enfin j'espère... » souffla Claria entre ses respirations légèrement accélérées dues à la course que nous venions de faire.

D'ailleurs, celle-ci semblait être celle qui était la moins fatiguée...

« Chut. Tais-toi. » fis-je tout en mettant mon index devant ma bouche.

Les bruits de ciseaux se rapprochaient.

De plus en plus.

Ceux-ci ne s'arrêtaient jamais, j'avais même l'impressions qu'ils s'accéléraient. Enfin, c'est sûrement dû au fait que nous venions tous de courir, j'avais disons toujours l'adrénaline en moi alors mon esprit me joue sûrement des tours...

La petite s'arrêta soudainement. Nous avait-elle repérés ? Franchement, je ne l'espère pas. Je n'ai pas envie qu'elle débarque dans une pièce où nous sommes enfermés, ce serait la fin...

Les bruits de ciseaux continuaient sur place, elle devait être à quelques mètres devant la porte sans pour autant être juste devant. Cela nous laissait une marge entre elle et nous.

Ce fut le silence total dans notre pièce, comme pour tout à l'heure lorsque j'étais à genoux avec la petite derrière moi, j'avais l'impression que chacune de mes respirations faisait un boucan infernal.

Les autres avaient pensé à la même chose visiblement puisque j'avais du mal à entendre ne serait-ce qu'un souffle. Pour des gens qui venaient juste de faire un effort, c'était assez délicat. Je ne sais pas pour les autres mais c'était mon cas.

...

J'ai immédiatement eu un frisson : j'ai l'impression d'avoir entendu un... chuchotement ?

J'ai regardé les autres : Claria, Haron et Valya étaient à ma droite, Céleste et Ophélia à ma gauche, nous étions tous en face de la porte fermée, priant pour que celle-ci ne s'ouvre pas.

Personne n'a parlé, pire, personne n'a l'air d'avoir entendu. Ai-je des hallucinations ?!

« Eh... »

Cette fois, j'en suis sûr !! Quelqu'un vient de m'interpeller ! J'étais visiblement le seul à avoir réagi puisque personne ne faisait rien : ils sont sourds ou quoi ?!

Ou c'est moi qui deviens fou ?

Les cliquetis continuaient, sans cesse. La fillette ne voulait visiblement pas bouger, pas du tout même !

Je me suis retourné avec ma lampe surprenant un peu tout le monde, je voulais savoit s'il y avait quelqu'un mais en même temps, il fallait tout de même inspecter la pièce surtout s'il elle est occupée :

la pièce était déjà légèrement plus grande que les autres : elle ressemblait à une salle de réunion ou quelque chose du genre puisqu'une grande table occupait la moitié de la pièce. Celle-ci tout comme les quelques chaises qui restaient était dans un piteux état.

Il y avait quelques tiroirs par terre et c'est à peu près tout ce qu'il y avait dans cet endroit. Le sol est jonché de trucs inutiles et de déchets, en clair, il est vraiment très sale.

Les murs étaient unis, tout blanc. Enfin, blanc de base à cause de la saleté évidente sur toute la surface lui donnant une couleur plus sombre.

Ce qui attira mon attention, c'est le "mur" de droite. Parce que ce n'était pas un mur mais une vitre donnant sur la salle d'à côté. Et ça m'inquiétait.

Ça m'inquiétait parce que si la petite entrait dans l'autre pièce, elle pourrait quand même nous atteindre. Mais cela pouvait aussi être une aubaine si elle venait par notre porte, nous pourrions nous enfuir par cette voie.

Je parcourais avec ma lampe la pièce d'à côté qui avait l'air d'être une pièce assez grande également. Mais tout était si sombre, c'est dur de faire des constats.

Quelque chose attira soudainement mon attention alors que je tournais la tête, je venais d'apercevoir quelque chose qui... brille ?

Je me suis figé sur place, j'ai lentement bougé le bras vers ce qui a attiré mon attention, vers la "chose" brillante que j'avais aperçu.

Je me suis retenu de crier :

des yeux.

Des yeux qui me fixaient. Je les voyais. Ils me voyaient, et surtout, ils me fixaient.

Ceux-ci se sont aussitôt effacés à la seconde même où je les avais vus, j'avais bien eu le temps de les voir et j'en étais sûr : quelqu'un nous regarde.

Dans l'autre pièce, à seulement quelques mètres de nous.

Un léger rire me fit sursauter, un rire étouffé, comme si quelqu'un s'empêchait de rigoler. Un rire terrifiant dans cette situation.

Mon coeur battait à cent à l'heure, qu'est-ce que c'était que ça ?!

Les autres aussi avaient remarqué, je ne voulais pas tourner la lampe dans une autre direction que le trou dans la vitre, je ne voulais pas. En fait, je ne pouvais pas.

Mes bras refusaient de bouger, j'étais tétanisé.

Ses yeux... quelqu'un qui nous observe... tout cela m'effrayait.

Pourquoi fait-il si noir ?! Sans cette obscurité, nous aurions vu ce qui se cachait dans l'autre pièce et nous aurions pu savoir si c'était une menace.

Mais là, c'était le mystère complet.

Quelque chose me frôla l'épaule, mon coeur fit un bond dans ma poitrine :

c'était juste Claria.

J'ai mis la lampe dans sa direction pour savoir ce qu'elle voulait.

Je l'avais braqué sur elle un peu trop brusquement ce qui fit que je l'avais ébloui, celle-ci fit un pas en arrière les mains devant le visage.

J'ai baissé la lumière vers son ventre pour que je puisse tout de même voir ce qu'elle voulait.

Claria se frotta les yeux puis demanda en parlant très doucement avec les lèvres comme la dernière fois :

« Qui a ricané ? »

J'ai haussé les épaules tout en regardant les autres, au vu de leur visage, ceux-ci avaient tous entendu.

Claria me tira mon gilet. Elle n'avait visiblement pas fini de parler. Je l'ai donc regardé.

Et c'est là que j'ai aperçu quelque chose qui me fit sursauter bien visiblement : un visage d'enfant avec un grand sourire se trouvait juste derrière Claria.

Celui-ci disparut à la seconde même où il avait vu que je l'avais trouvé. C'était lui.

C'était ses yeux. Ils avaient brillé de la même façon !

Claria, en voyant mon regard terrifié, se retourna pour se rendre compte qu'il n'y avait rien. Plus rien, puisqu'il était parti...

Elle me fit face de nouveau le regard méfiant, elle devait penser que je lui faisais une blague. Mais à la vue de mon visage qui devait tout exprimer, elle changea tout de suite d'avis pour me demander :

« Quoi ? »

Je n'ai pas répondu. Je n'avais même pas la force d'ouvrir la bouche tellement la peur me paralysait.

Quel trouillard je fais... et dire que je suis censé être le "maître du jeu"...

Claria soupira, puis me fit signe de lui donner l'heure. J'ai donc tendu mon poignet pour qu'elle lise :

minuit vingt-neuf.

Claria eut un sourire. Elle leva le pouce en l'air l'air confiant. Qu'est-ce qu'elle a en tête ?

Je n'ai pas eu à attendre longtemps pour la réponse, alors que je regardais en direction de la vitre pour voir si cet enfant était toujours là, un bruit me fit légèrement sursauter.

Au loin, une musique venait de commencer, elle semblait provenir d'un haut-parleur, ce n'était pas quelqu'un qui jouait d'un instrument, c'était de toute manière quelque chose d'assez complexe pour être joué tout seul : je suppose que c'est le genre de musique qu'écoute Claria. De "l'électro".

Je venais de comprendre : elle avait mis une alarme pour attirer la petite. Et il faut dire que son plan a bien réussi puisque nous venions d'entendre la fillette détaler de devant notre pièce.

Les bruits de ses ciseaux s'éloignaient en même temps qu'elle mais je n'étais qu'à moitié rassuré car ce visage d'enfant aux yeux terrifiant me hantait l'esprit, j'avais eu le temps de ne voir que ses yeux et son sourire malsain.

Ses yeux ne ressemblaient même pas à ce que l'on appelle des "yeux" à proprement parler puisqu'ils étaient entièrement noirs à l'exception des pupilles qui étaient très petites mais qui étaient elles toutes blanches.

Cela avait fait un contraste dans l'obscurité et c'est ça qui avait brillé : ses pupilles.

« Ne me remerciez pas, j'ai eu l'idée tout à l'heure en cherchant les médicaments. À l'heure qu'il est, elle doit être devant l'infirmerie voir même sûrement dedans. »

Claria avait l'air fière d'elle-même ce que je pouvais comprendre puisqu'elle venait de nous sortir d'une situation délicate.

« Pfiouh... bien joué Claria ! » fit Haron soulagé.

Plusieurs "merci" suivirent celui d'Haron, Claria avait un grand sourire, cela lui faisait visiblement plaisir.

J'avais cependant autre chose en tête : j'ai commencé à me diriger vers le trou dans la vitre pour explorer la pièce d'à côté avec ma lampe :

« Sorel ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Sans répondre, j'ai cherché des yeux s'il était encore là.

Non.

Personne... il n'y avait personne ici.

La pièce d'à côté était une chambre un peu plus grande que les autres comme je le pensais. Je dis "chambre" mais c'est assez vite dit puisqu'il n'y a même pas de lit. J'appelle cela "chambre" parce que c'est ce qu'on trouve dans un hôpital non ?

La pièce avait une atmosphère étrange, c'est comme s'il elle n'avait rien à faire là. C'est difficile à expliquer mais ce n'était certainement pas une chambre...

J'ai enjambé le trou qui me séparait de la pièce pour aller l'inspecter de plus près.

« Eh Sorel, attends ! Qu'est-ce que tu fais ? » demanda Claria.

— Il... il faut que je vérifie un truc... »

J'ai remarqué en entrant dans la pièce que la porte était entrouverte : il s'est donc enfui ?! Mais comment a-t-il pu ne faire aucun bruit sachant que je pouvais presque entendre jusqu'au battement de coeur des autres avec moi ?

Et plus je regardais la pièce, plus je me disais que c'était loin d'être une chambre : des chaînes étaient attachées au mur, visiblement bien envahis par la rouille. Et surtout, ces chaînes étaient ouvertes.

Comme si on avait libéré ce qu'elles retenaient.

Et c'est tout ce qu'il y avait ici. Des chaines rouillées et ouvertes sur un mur bétonné.

Toute la pièce avait une mauvaise odeur de pourri. C'est le cas dans tout le bâtiment jusqu'à maintenant mais ici, c'était réellement plus fort que les autres endroits. Comme si l'odeur venait de là justement...

Décidément, cet endroit m'intrigue de plus en plus...

« Sorel... ? Vous cherchez ce que nous avons entendu ricaner n'est-ce pas ?

— Oui. »

J'entendis des pas derrière moi :

« Alors je vais vous- ouch... quelle odeur répugnante ! »

Cela me fit presque sourire, mais je n'avais pas envie de plaisanter surtout avec ce que nous vivons en ce moment même. Je voulais voir ce que faisait ce gamin ici.

J'avais envie d'ouvrir la porte pour essayer de le pourchasser mais un évènement allait tout de suite m'en empêcher.

La musique que Claria avait lancée se joua mais légèrement plus fort, puis le volume augmenta drastiquement.

« C'est... c'est impossible ! Mon portable ne ferait pas ça ! Je ne vois qu'une seule explication...

— Quelle est-elle ? demanda Céleste en se bouchant le nez.

— Quelqu'un augmente le son manuellement. »

La conclusion de Claria nous glaça le sang. Est-ce que la petite savait se servir d'un portable ? Je pense que oui vu que les enfants savent l'utiliser de plus en plus jeune de nos jours mais dans ce cas, pourquoi augmenter le son ?

Et de toute manière, est-ce que c'est vraiment elle qui faisait cela ?

« Haha... je crois qu'elle aime bien ma musique ! On pourrait bien s'entendre si elle ne voulait pas nous tuer. » fit Claria en rigolant.

Un hurlement se fit entendre de l'autre côté du bâtiment.

Nous avons tous sursauté, j'en ai même fait tomber ma lampe par terre ce qui fait que pendant un court instant, nous étions dans l'obscurité quasi complète.

Je me suis évidemment pressé de ramasser ce que je venais de faire tomber. C'était dans des espèces d'ordures par terre. Je ne voulais même pas savoir d'où ça provenait ni même ce que c'était...

« Pourquoi elle a crié comme ça ? » demanda Ophélia paniquée.

— Tout ce qu'on sait, c'est que c'est loin d'être rassurant. »

Comme pour affirmer ce que je venais de dire, des bruits sourds se firent entendre. On frappait avec une très grande force sur des murs. Quelque chose de très violent, d'assez rapide et d'irrégulier, en clair, quelque chose d'angoissant.

« Wow... qu'est-ce qu'elle a ?! Qu'est ce- »

La voix d'Ophélia fut interrompu par un autre hurlement. La fillette s'égosillait à s'en détruire la voix.

Sauf que ce n'était pas sa voix. Comme la dernière fois, cela semblait être la voix d'un démon. Je commence vraiment à croire que cette fille est possédée...

« Ahhhhh.... »

Le cri de terreur d'Ophélia nous fit se retourner vers elle, quelque chose la terrifiait.

« S-S-Sorel !! Derrière toi !! »

Je n'ai même pas réfléchi et me suis retourné à vitesse grand V en étant accéléré par le stress pour y voir...

le mur.

En clair, rien du tout.

Nous avions tous regardé derrière moi, puis, après nous être rendus compte qu'il n'y avait rien, nous nous sommes remis en face d'Ophélia :

« Tu te crois drôle c'est ça ?! criais-je irrité.

— Franchement Ophélia, tu m'as presque fait peur tu sais. » soupira Claria.

Les battements sur le mur cessèrent.

« Non non ! Je vous le jure !! Il y avait quelqu'un derrière Sorel ! J'ai vu une silhouette !! »

Visiblement, personne n'avait remarqué que les coups sur le mur avaient cessé.

« Arrête de raconter n'importe quoi ! Ton esprit te joue juste des tours, c'est to-

— Et si c'était ce rire qu'on a entendu tout à l'heure ?! Pourquoi on doit subir ça ?! Raaah ! »

Ophélia nous rejoignit, Céleste et moi, dans la deuxième pièce :

« Vas-y ! Montres-toi le fantôme !! J'ai p-pas peur de toi ! »

Ta voix prouve le contraire, celle-ci tremble.

« Ferme là ! Tu vas attirer la petite ! »

Valya vient de se cacher derière moi, elle ne voulait visiblement pas parler puisqu'elle avait peur :

« Regardez, vous faites même peur à Valya !

— Haha... merci Sorel de t'inquiéter pour moi. Bien que j'aie l'impression d'être un petit chiot. »

C'est vrai que j'avais parlé comme on parlerait à un animal.

« Ah désolé... héhé... »

Ça doit être une des rares fois où j'ai pu vraiment sourire.

« C'est vrai. Il n'y a rien Ophélia, tu as juste imaginé cette silhouette. Il n'y a... rien ici. »

J'ai comme l'impression que Claria disait ça pour se rassurer. Peut-être que ce n'est qu'une impression...

« Alors vous ne me croyez pas, c'est ça ?! Dis-moi que tu me crois toi au moins Sorel... »

Visiblement, Ophélia comptait toujours sur moi malgré tout ce qu'on venait de traverser, ignorant même le fait que je venais de mal lui parler juste avant. Est-ce qu'elle croit encore à la fausse image que je lui ai donné quand je l'ai vu pour la "première fois" ?

« Je... il faut juste que tu te reposes... je pense qu'on en a tous besoin en fait. »

Quelque chose se brisa à l'intérieur d'Ophélia, je pus le voir dans le regard qu'elle me lança dès que j'avais fini ma phrase.

« Je ne suis pas folle ! J'ai vu quelqu'un derrière toi ! J'en suis sûre et certaine ! Pourquoi personne ne me croit ? V-vous pensez vraiment que je mentirais à un moment pareil ? Que j'irais faire des blagues alors que nous vivons un cauchemar ? Moi je te fais confiance Sorel ! Même après ce que tu nous as montrés tout à l'heure avec ta montre ! Je te fais confiance alors... pourquoi tu ne me rends pas la pareille ?! »

Ophélia avait les yeux brillants, des larmes coulaient le long de ses joues.

« Ophélia... calme toi. »

Mon ton froid ne fit qu'aggraver l'état d'Ophélia :

« Je croyais en toi Sorel ! Vraiment ! J'ai eu envie de te croire à propos de ta montre et de son utilité mais là... tu rends tout ça très difficile...

— Arrête de dramatiser la situation...

— Quoi... ? Mais-

— Calmez-vous tout les deux !! »

La voix de Céleste venait de retentir derrière nous :

« Allons Ophélia, vous-

À ce moment, Céleste avait posé sa main sur l'épaule d'Ophélia.

Je ne pense pas qu'elle aurait dû :

baff

Ophélia administra une claque monumentale à Céleste :

« Oh p-p-p-pardon Céleste ! Je suis désolée !! Tu m'as fait peur et j'étais en colère et je-

— Ce n'est rien. Je comprends. »

Céleste souriait, comme si rien ne s'était passé :

« Cessez de vous quereller ainsi, pourquoi est-

— Pourquoi est-ce que personne ne s'entend bien ici ? »

Valya termina la phrase que Céleste avait commencée.

« Pourquoi vous vous disputez tout le temps ? Ne pouvez-vous pas vous mettre sur un terrain d'entente ? J'ai vraiment hâte qu'on ait cette discussion vous savez... ne rendez pas tout ça plus difficile. »

Une fois que Valya eut fini de parler, nous pouvions entendre Ophélia sangloter :

« Céleste essaie de me réconforter et moi, je lui ai mis une gifle...

— T'en fais pas Ophélia... Céleste a dit qu'elle ne t'en voulait pas de toute manière, et puis, tu t'es excusée... » fit Haron tout en posant sa main sur son épaule.

Haron n'avait pas de risque de la surprendre puisqu'il était en face d'elle.

« Non Haron, tu ne comprends pas. Je suis tellement détestable et j'arrive quand même à aggraver cette impression. »

Les sanglots d'Ophélia se firent plus forts, celle-ci commençait à fondre en larmes :

« Je ne suis qu'une idiote !! Et une peureuse !! »

Nous parlions assez fort depuis tout à l'heure, je suppose que tout à des répercussions :

la porte de la deuxième pièce, dans laquelle nous étions tous au final, se mit à voler en éclats alors qu'elle était en ferraille !

Et ça d'un seul coup de hachette !

« TROUVÉ ! » cria le démon qui venait de gagner cette partie de cache-cache.

Elle avait réussi à se frayer un passage à travers la porte et celle-ci se rua sur la plus proche qui était Ophélia :

« AAAAHHH !! »

Ophélia esquiva de justesse un coup direct porté par les ciseaux en faisant un pas de côté ce qui la fit tomber sur son derrière.

« HAHAHAHA !! »

La petite semblait se délecter de la peur sur nos visages mais nous n'allions pas nous laisser faire.

Claria prit une pierre qui était au sol et se jeta à corps perdu sur la gamine en tentant de lui administrer un coup sur la tempe.

Mal lui en prit car la fillette se baissa tout simplement ce qui fit perdre l'équilibre à Claria pour qu'elle rejoigne Ophélia par terre à la seule différence que Claria était sur le ventre contrairement à Ophélia.

Les deux filles étaient à terre sans défense, elles étaient en grand danger sauf qu'avant que moi ou Haron puissions réagir puisque nous étions les plus proches, la gamine leva sa hachette en l'air pour la faire retomber lourdement sur le dos de Claria :

« ARRRGHH !!!

— AHHHH !! »

Le violent cri de douleur de Claria suivi du hurlement de frayeur d'Ophélia fit éclater de rire la gamine.

Celle-ci releva la hachette désormais bien tâchée du sang de Claria, elle était sur le point de lui administrer un deuxième coup lorsque Haron s'interposa en frappant le visage du démon avec une pierre comme voulait le faire Claria à la base.

Celle-ci tomba par terre à cause de la violence du choc mais ne semblait pas pour autant blessée. C'était facile à deviner puisqu'elle se releva presque immédiatement.

Haron était devant Céleste ce qui fait qu'il pouvait la protéger. Il avait visiblement peur mais il voulait vraiment aider.

« T-t'approches pas ! »

Haron gardait la pierre dans sa main pour "intimider" la fillette, sauf que face à une personne qui a une paire de ciseaux bien aiguisé et une hachette, c'est complètement inutile.

Mais je pense que dans cette situation, on fait avec ce qu'on peut.

La gamine commença à s'approcher d'Haron l'air enjoué laissant Ophélia tranquille, cette fois, c'était Céleste et Haron qui étaient en danger :

« J-je vais pas te laisser faire !! Et-URGH !! »

Il fallait que ça arrive. Bien évidemment.

Haron posa un genou à terre, la main sur son coeur et le visage crispé de douleur :

« N-Non !! J-je n'ai pas pris mes médicaments ! »

Haron était en danger de mort, si je ne faisais rien, ça n'allait pas être sa crise qui allait le tuer :

« TU ES FAIBLE ! FAAAIBLE !! » fit la voix d'outre-tombe tout en brandissant sa paire de ciseaux.

Je ne sais pas ce qui m'a pris mais j'ai fais ce que je pensais être le plus juste, je me suis précipité sur Haron en essayant de le protéger avec mes mains.

Et je suis arrivé à temps, sauf que ça n'allait pas être sans conséquence :

« ARGH... ! »

Les ciseaux ont littéralement transpercé ma main gauche, ils étaient passés à travers !

La douleur fut immédiate et vive. Mais je ne voulais pas me laisser faire, je ne voulais faire en sorte qu'une blessure me coûte la vie. Je ne voulais pas que mon "sacrifice" soit vain.

Le démon fut étonné de voir que c'est moi qui avais pris le coup et surtout en voyant que la paire de ciseaux était coincée dans ma main.

C'était ma chance.

D'un rapide crochet du droit, j'ai très légèrement repoussé la fillette mais assez pour faire ce que j'avais en tête.

« T'as perdu ! AAAAHHHH !!! » criais-je tout en retirant d'un coup sec les ciseaux qui étaient à présent dans ma main droite.

Le sang coulait de ma main gauche mais cela m'importait peu, en fait, avec tout ce qui se passait autour, mon esprit ne pouvait même plus penser : Ophélia hurlait de terreur et Claria de douleur.

Haron était par terre souffrant en silence avec Céleste qui était sûrement en train de paniquer vu qu'elle était juste à côté de lui.

Valya était dans un recoin du mur, recroquevillée. Cette règle lui imposant de ne toucher personne l'obligeait à assister impuissante à la scène sans pouvoir intervenir.

J'allais cependant y mettre un terme.

J'ai poussé la petite en lui sautant dessus. Nous avons tous les deux perdu l'équilibre et sommes tombés par terre assez violemment.

« C'est "game over" pour toi maintenant ! » est la dernière chose que j'ai hurlée avant de lui planter la paire de ciseaux dans la jugulaire.

Son cri de douleur ne fut pas aussi terrible que je le pensais. On aurait plus dit que ça la gênait plutôt que de lui faire mal.

Mais je m'en fichais pas mal, j'avais gagné et je comptais bien me venger de ces morts à répétition que j'avais vécue !

Un, deux, trois, quatre.... quatorze, quinze, seize, dix-sept... vingt-trois, vingt-quatre, vingt-cinq...

Je me suis arrêté au trente-deuxième coup de ciseaux à cause de la fatigue.

Son cou n'était plus qu'un amas sanglant absolument ignoble. Mes mains ainsi que mes vêtements étaient complètement tachés du sang de la petite. Je l'avais quasiment décapité.

Mon coeur battait tellement vite que j'avais l'impression qu'il allait exploser. Ma vision était trouble due au sang que j'avais reçu en plein visage et sûrement à cause de l'effort que je venais de fournir.

J'avais gagné. Ce jeu était terminé.

Je ne pus m'empêcher de lâcher un rire nerveux. J'arrivais pas à croire que je venais de faire ça !

« J'ai gagné. J'ai gagné. J'ai GAGNÉ !! HAHAHAHA !!! Alors ?!!! Qu'est-ce que tu dis de ça espèce de pourriture ?! Je parle bien de toi celui qui nous regarde !! Je l'ai battue ta créature des enfers !! »

Claria geignait de douleur derrière moi tandis qu'Ophélia pleurait en ayant mis ses mains sur ses oreilles.

Je me suis retourné vers Haron et Céleste la paire de ciseaux toujours en main. Haron me regardait le visage plein de dégout... et de peur.

Peur de moi.

« Qu'est-ce qu'il y a Haron.... ? Il n'y a plus rien à craindre maintenant ! On va tous pouvoir partir !! Hahaha !! »

J'étais encore dans le feu de l'action. Mes rires nerveux étaient incontrôlés, je ne savais pas quoi penser. Je ne savais pas ce que je faisais.

J'entendis derrière moi Ophélia vomir tout en continuant de pleurer face à Claria qui n'était cependant toujours pas morte puisqu'elle se lamentait toujours.

Quelque chose me répondit. C'était des bruits de grésillements :

« Tu m'impressionnes Sorel... c'est vrai que tu aurais été vainqueur dans n'importe quel autre contexte. Même si tu as sûrement traumatisé toutes les personnes présentes dans la pièce, je pense que tu peux appeler ça une "victoire".

Mais, je pense que tu oublies quelque chose... »

Un bruit étrange se fit entendre, comme un hurlement très grave. Cela venait du corps de la fillette.

« Ce n'est pas terminé. Au contraire... »

La fillette commença à planer dans les airs, à quelques dizaines de centimètres du sol. Cette situation devient complètement paranormale !

La tête déchiquetée de la gamine se mit à bouger toute seule. Il y avait des bruits de craquement d'os, ceux du cou. Mais ce qui se passa ensuite fut loin de ce que je pus imaginer :

ses blessures se refermaient ! Elles se soignaient même !

Lorsque j'ai compris ça, je n'allais pas rester là à la regarder bêtement se guérir. J'étais encore sous le choc de ce que je venais de faire mais ça ne m'empêchera pas de la tuer autant de fois que ça sera nécessaire !

«...c'est maintenant que le jeu commence. Parce que tu comprends enfin contre qui tu vas devoir faire face. »

Je m'étais approché de la fillette, j'étais à seulement quelques centimètres d'elle quand elle eut un réflexe : elle avait pris les ciseaux que j'avais toujours en main et elle les agrippais.

J'étais bloqué dans cette position. La main levée vers elle mais dans l'impossibilité d'infliger un coup, en fait, je ne pouvais plus bouger du tout ! Elle me portait avec la seule force de son bras.

Elle me prit les ciseaux de force des mains puis avec son autre bras, elle m'empoigna le cou.

J'étais suspendu dans les airs. À quelques centimètres du sol, certes, mais tout de même en l'air.

« Relâchez-le ! Relâchez-le !! snif » hurla Céleste en s'approchant.

Je ne pensais même pas qu'elle dirait quelque chose à ce stade-là... après m'avoir vu poignarder à trente-deux reprises une gamine qui doit avoir la moitié de mon âge...

La fillette pointa les ciseaux vers Céleste qui avait voulu se rapprocher ce qui la dissuada d'intervenir.

Je ne pouvais même plus respirer, son emprise était tellement forte.

« Lâchez-le ! Par pitié ! Ne tuez pas mon maître !! Je vous en supplie ! »

La voix de Valya était étouffé à cause de ses sanglots. Je pouvais à peine l'entendre.

Mais je pense que c'est la dernière fois qu'elle aura pu m'adresser la parole :

la fillette, les ciseaux dans la main qui ne me tenait pas, dirigea son arme vers mon visage puis l'enfonça avec une énergie impressionnante.

Je ne pouvais même pas crier.

La douleur était encore plus odieuse que la "dernière fois" mais je ne pouvais pas crier.

Ses gestes à l'intérieur de mon orbite oculaire étaient bien plus vigoureux mais je ne pouvais pas crier.

Sa lame était allé bien plus profondément accentuant le supplice que je vivais mais je ne pouvas pas crier.

Ce qui me faisait encore plus mal, plus même que la douleur que je subissais, c'était les cris de Valya que j'entendais de moins en moins. En fait, tous les autres hurlaient aussi de peur, de dégoût, d'angoisse...

L'ambiance sonore de la pièce était proche de celle de l'Enfer.

Des cris, des pleurs, des appels à l'aide... c'est tout ce que j'arrivais à peine à percevoir au-delà de la torture physique que je subissais.

La fillette retira l'oeil, comme la "première fois". De mon seul oeil valide, je pouvais apercevoir l'extase dans son visage. Une extase intense, à la limite de l'orgasme... ce qui n'était même plus étonnant pour moi.

Je commençais à perdre connaissance. Ou peut-être que je mourais ? Je ne pouvais pas y réfléchir de toute manière et de plus, même face à la vue de mon oeil, je ne pouvais pas crier.

Toutefois, la gamine m'acheva d'un coup de ciseaux bien placé dans la gorge. Comme la "première fois". Puis elle me laissa tomber.

Je ne ressentais plus rien si ce n'était les affres du désespoir que je traversais ou bien la souffrance physique de mon oeil, de ma gorge et un peu de mon épaule dû à la légère chute.

Et je ne pouvais plus crier maintenant.

Mon regard se troubla de plus en plus, j'étais emporté vers l'au-delà.

« Sorel !!!! So-snifrel... reviens ! Tu es un mage ! Tu peux te soigner ! Je-je vais t'aider... ! »

Valya appuya de ses mains sur ma blessure à la gorge mais... je ne ressentais plus rien tant mon état était... désespéré.

« Je te soignerais... ! snif je te le promets ! snif On s'en sortira ! Je... »

Je reviendrais de toute façon.

« Je serais à tes côtés jusqu'au bout ! Je ne laisserais pas mon maître mourir comme ça... ! »

Ma mort est complètement réversible.

« Pourquoi ?! Pourquoi tu ne te réveilles pas ?! Pourquoi snif pourquoi tu ne te relève pas comme tu l'as toujours fait ?! »

Je serais là.

« Reviens Sorel ! Reviens !! REVIENS !! »

Ce dernier hurlement de désespoir fut la dernière chose que je pus entendre. Pourquoi s'inquiéter de toute façon ? Puisque ce n'est que temporaire.

bzzzt

Une vibration. À mon poignet droit. Puis ces mots :

« Ben voyons. Et tu continues... si les gens te détestent, c'est qu'il y a une raison. Tu n'as jamais essayé de changer ton caractère ? Ta façon d'agir ? »

Ma vision se trouble de nouveau, est-ce que je suis toujours affaibli ? Non. C'est impossible puisque je suis "revenu".

« Alors au lieu de touj- »

Claria s'arrêta net de parler. Son regard prit une tout autre allure :

« Tu... pleures... ? »

Ah... C'était donc ça le flou dans mes yeux.

Pourquoi est-ce que j'en viens à verser des larmes ? Pourquoi est-ce que je suis aussi fragile que ça ? Je dois faire en sorte que les autres aient confiance en moi, qu'ils voient en moi une personne sur qui ils peuvent compter. Je suis obligé, la situation ne me laisse pas le choix.

Alors pourquoi est-ce que je me montre aussi... vulnérable ?

Les mots de Valya me revenaient en tête. Elle avait eut peur pour moi, elle avait été plus que triste de me voir mourir. De ne rien pouvoir faire. Mais moi, je n'avais rien ressenti. Je l'ai dit après tout : « Je reviendrais de toute façon. »

Alors à quoi bon être triste de la voir s'inquiéter pour moi ?

Est-ce vraiment ça que j'avais pensé ? Cela explique pourquoi je n'avais même pas été inquiet de sa réaction. Aucune de leur réaction ne m'avait rien fait. Je suppose que mes émotions se manifestent maintenant. J'avais vu que Valya tenait vraiment à moi, que Céleste avait essayé de me sauver, que Haron avait voulu les protéger malgré son handicap.

Tout le monde s'était surpassé, et pourtant, je n'avais rien ressenti. Puisque de toute façon, j'allais recommencer si je mourrais.

Alors à quoi bon continuer ce jeu ? À quoi bon continuer de mourir pour de toute façon recommencer ? Où est l'intérêt là-dedans ? Ma mort n'a plus aucune importance. Elle sert juste à revenir en arrière. Comme un "point de sauvegarde". Ce n'est qu'un prétexte pour continuer le jeu. Rien de tout cela n'a de sens.

« Sorel ? Qu'est-ce qui t'arri- »

Furent les derniers mots qui m'étaient parvenus avant que je ne m'écroule par terre.

J'en ai déjà marre de tout ça. Je ne veux plus continuer.

Je veux arrêter : mourir, puis ne plus recommencer.

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