Chapitre II : Monsieur le Comte

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 Nous sommes le 18 décembre, les vacances approchent. Il commence à faire frais ça sent l’hiver, je flâne en rentrant. J’aperçois Mathilde, elle a un grand sourire.

- ça va Mathilde, vous avez gagné au loto ?

- Non mon gars, monte chez toi, je crois que quelqu’un t’attend.

 Mon cœur s’emballe, je gravis les marches quatre à quatre. Et j’entre tout palpitant dans l’appartement. Je me jette sur Yves qui est installé sur la banquette. Nous restons un bon moment sans rien dire, enlacés à nous embrasser. Yves finit par rompre le silence.

- Je vois que mon amour va bien et qu’il est en pleine forme.

- C’est trop dur, tu me manques.

 La nuit fut chaude, je dormis peu. Yves me réveille avec un baiser et me pose sur les genoux un plateau avec un petit déjeuner.

- Ne traîne pas sinon tu vas être en retard.

- C’est le dernier jour avant les vacances, ça va être une journée cool.

 Je prends ma douche et, après un long baiser, direction la fac. Mes idées ne sont pas claires, Yves est trop présent dans ma tête.

 La fin d’après-midi arrive, retour au nid. Yves est dans la cuisine affairé à nous préparer le repas du soir. On s’installe dans le salon.

- As-tu déjà pris l’avion ?

- Non, pourquoi ? Tu habites si loin que ça ? D’ailleurs je ne sais même pas où tu habites.

- Dans la Creuse, dans un trou paumé.

- Et dans ton trou paumé, il y a des vols ?

- Oui il y a le mien, tu comprendras demain.

- Décidément, tu es entouré de mystères.

- Sois patient ! Bientôt les mystères disparaîtront. Je ne fais que te ménager, je ne veux pas te brusquer. Au fait, pas la peine de faire une valise, à la maison, tu trouveras tout ce dont tu as besoin, brosse à dents, savon, shampoing, …etc.

 Le lendemain matin : je me lève, une bonne odeur de café chatouille mes narines.

- (J’embrasse Yves) Déjà debout !

- Bientôt Noël, on a pas mal de choses à faire.

- C’est à quelle heure ton vol ?

- Dans quinze minutes. T’affole pas, je plaisante, ne t’inquiète pas, l’avion ne partira pas sans nous.

 Nous faisons nos adieux à Mathilde en lui souhaitant de bonnes fêtes. Je suis tout guilleret, mon imagination marche bon train, je vais enfin connaître sa tanière.

- On ne va pas vers l’aéroport, à moins que tu ne connaisses un autre itinéraire ?

- Je peux t’assurer que si. Laisse-toi guider, j’ai l’habitude du trajet, je le fais quand je viens te voir.

 J’aperçois un panneau aéro-club. Allons-nous prendre un avion privé ? Je n’ose pas poser la question et décide de me laisser conduire. Avec Yves, je dois m’attendre à d’autres surprises. Effectivement, nous entrons sur cet aéro-club, on se dirige vers un hangar, vers un petit avion à hélice.

- Je te présente notre avion. Un Cessna 172.

- Tu as loué un avion ?

- Non, c’est mon avion.

- Décidément, avec toi, je vais de découverte en découverte. Et c’est toi qui pilotes, je suppose ?

- Exactement. Tu n’as pas peur, j’espère.

- Non, et plus rien ne m’étonne. J’ai l’impression d’être dans un rêve.

 Un mécanicien nous accueille.

- Votre Cessna est prêt, monsieur. Le plein a été fait, j’ai également effectué la visite pré vol.

- Merci.

 Il part en nous souhaitant un bon vol. Nous embarquons. Yves me fait un petit topo sur l’avion, me montre un sac vomitoire au cas où, me demande de ne pas mettre les pieds sur le palonnier, tout en m’expliquant sa fonction. Il me tend un casque avec micro et m’explique son fonctionnement. Une fois l’avion démarré, nous sortons du hangar et nous dirigeons vers la piste. Il allume la radio et me fait signe de me taire.

- Tour de contrôle Fox Bravo Papa Tango Roméo Cessna 172 bonjour.

 Toute une procédure s’engage, à laquelle je ne comprends rien. On obtient l’autorisation de décoller, je m’accroche à la ceinture.

- Détends-toi ! Je vais te ménager, on ne fera pas de looping, promis.

- J’ai l’impression que mes oreilles se bouchent.

- Pince-toi le nez et gonfle tes joues.

- Ok, … ça marche.

- Nous sommes en vol de croisière à environ quatre mille cinq cents pieds. J’ai mis le GPS, il sert aussi de pilote automatique, il va maintenir notre altitude et notre direction. Pas de problèmes météo prévue, ton baptême de l’air devrait bien se passer. Tu sens cette liberté qu’on éprouve quand on est dans les airs ?

- Oui, c’est sensationnel. Au moins je pourrai dire que je me suis envoyé en l’air aujourd’hui. (Grosse rigolade).

 Yves sort un thermos et nous sert un café.

- Je sais, le service à bord n’est pas top. Après ton café, si tu veux prendre le manche de l’avion, bien sûr, tu pourras. À cette altitude, on ne risque rien.

 Je m’embrouille dans ses explications. Une passion nouvelle naît en moi, c’est génial.

- À partir de maintenant, tout ce que tu vas découvrir ou entendre est top secret. Tu ne pourras en parler qu’avec les initiés.

- Encore tes petits secrets ! Mathilde fait partie des initiés ?

- Non, … nous approchons, je vais prendre contact avec la tour de contrôle.

 Il me fait signe de me taire. Une nouvelle procédure s’engage et nous nous posons. On roule jusqu’à un hangar où Yves gare l’avion. Une fois le moteur coupé, nous descendons, une limousine blanche arrive vers nous, un chauffeur sort et s’avance.

- Monsieur le comte a fait un bon voyage ?

- Oui Paul. Nous avons eu une bonne météo. Je vous présente André, mon ami.

- Bienvenue monsieur André.

- (Yves me chuchote) Ferme la bouche ! (Il a un grand sourire)

 Je suis médusé, après l’avion, un comte, où suis-je ? Une fois dans la voiture, il me regarde avec un air amusé. Une vitre nous sépare du chauffeur.

- Tu en fais une tête !

- Met-toi à ma place, il y a de quoi, non ? L’avion et maintenant Monsieur le Comte ! Remarque, j’aurais dû m’en douter, vu ton nom « Deboisleu ».

- Je sais, mais je préfère te laisser découvrir.

- Au train où ça va, la prochaine découverte sera un château ?

- Comment as-tu deviné ?

- Quoi ! En plus, c’est vrai ?

- Oui, un château style renaissance.

 Nous arrivons au château, il est magnifique. Je débarque au pays des merveilles. Yves me présente au personnel de maison, aligné dans l’entrée. Je suis dans une gêne profonde, j’ai envie de me cacher dans un trou de souris. En plus ça à l’air de l’amuser. Il m’entraîne à l’étage vers une chambre, ferme la porte et me fait asseoir dans un fauteuil.

- Détend toi. Tu ne vas pas me faire un malaise quand même !

- Avoue qu’il y aurait de quoi. Désolé, mais là c’est trop d’un coup.

- Nous sommes dans notre chambre, tu veux un café ?

- Oui s’il te plaît.

 Il part les chercher. Notre chambre, tu parles, elle est immense, j’aperçois mon portrait sur une table de nuit. Yves revient avec un plateau. On boit notre café. Un silence pesant s’est installé.

- ça va mieux ?

- Oui, oui, ça va !

- On passe à table dans une demi-heure, on a le temps de prendre l’air. Viens, on va faire un tour dans le jardin.

 Le jardin est grandiose, c’est plutôt un parc. Un peu d’air me fait du bien. Je ne sais plus trop où j’en suis, est-ce un rêve ? Tournons-nous un film ?

- Ici, tu es chez toi ou plutôt chez nous. Tu dois te sentir à l’aise. Je sais, ce n’est pas facile, prends ton temps.

- Tu en as encore beaucoup de surprises comme celles que tu viens de me faire vivre ?

- Oui, je ne vais pas te mentir, mais sois patient et laisse venir, on va aller doucement.

- Ok, Monsieur le Comte. Et moi, dans tout ça, je suis la Comtesse ?

- (Il rigole) Non, tu es le Dauphin ! Voilà ton titre.

- Tu es sérieux ?

- Oui, je suis sérieux. Viens, on va passer à table.

 Je reste ébahi. Dauphin ! Me voilà anobli. Nous entrons dans une grande salle, un magnifique sapin trône dans un coin. Nous nous installons à une table ronde. Yves appuie sur un bouton, deux serveurs arrivent avec chacun une assiette et le repas commence.

- Tout ce que tu manges ici est bio, pur produit du domaine. Comme tu pourras le constater, ici, nous sommes loin de toutes pollutions.

 Après un repas succulent, nous passons côté salon où le café nous est servi.

- Nous allons faire des courses cet après-midi. Il te faut une garde-robe au château. Tu veux faire une petite sieste avant ?

- Tu es sûr qu’on va dormir ?

- Je vois que tu reprends le dessus. Je t’aime André.

 Après une sieste agitée, nous retrouvons Paul qui nous conduit en ville. Yves m’explique que cette petite ville « Eglantine » fait partie du domaine. Nous entrons dans un magasin de vêtements. Yves me présente et demande à ce que l’on m’habille des pieds à la tête. Je me retrouve avec une garde de robe plus imposante que celle que j’ai à l’appartement. Après moult « Monsieur le Comte », nous rentrons au château où l’on doit nous livrer tous nos achats.

- Te voilà paré pour ton séjour, tu as bon goût, j’aime tes choix. Suis-moi, je vais te montrer la piscine.

 Au fond du parc, je découvre une immense piscine sous une grande verrière.

- ça te dit un bain ?

- Je n’ai pas de maillot.

 Yves se déshabille et, en tenue d’Adam, pique une tête dans l’eau.

- Alors, tu viens ! L’eau est à la bonne température.

- J’arrive mais j’ai l’impression que l’on va polluer l’eau.

- Pas de problème, il y a un filtre.

 Le lendemain matin, après un moment de tendresse, nous nous levons. Un petit déjeuner est servi dans la chambre.

- C’est le grand jour André.

- Quoi ? Que va-t-il se passer ? Avec toi, je ne sais plus à quoi m’attendre.

- Je vais te présenter ta copine Sonia.

- Je vais enfin rencontrer celle qui m’a sauvé des griffes du net.

 Après notre toilette faite en commun, - (la salle d’eau est spacieuse) -, nous descendons au rez-de-chaussée. Nous reprenons un café dans la véranda au milieu de plantes exotiques. Puis, nous nous dirigeons vers un petit salon. Yves referme soigneusement la porte derrière nous.

- Sonia !

- (une voix féminine nous répond) Bonjour Yves.

- Je viens te présenter ton amant, tu sais celui qui t’a promis une nuit d’amour.

- Bienvenue André.

 Je donne un coup de coude à Yves, il me fait la honte de ma vie. J’entends un ricanement féminin, un panneau coulisse libérant un passage. Nous entrons dans ce qui semble être un ascenseur qui se met à descendre. La porte s’ouvre sur une grande salle remplie d’armoires pleines de petits voyants qui clignotent. Au centre, se trouve un immense cristal entouré de cristaux plus petits, un flux électrique semble les parcourir.

- Je te présente Sonia.

 Devant mon air ébahi, Yves sourit.

- Comme tu peux le voir, elle ne peut pas te violer ! SONIA, en clair, signifie : Super Ordinateur Neuronal à Intelligence Artificielle. Maintenant, nous sommes deux à la connaître.

- Et, bien sûr, c’est top secret, je ne dois pas en parler.

- (Yves rigole) Je vois que tu comprends vite. Viens, on va aller dans un petit salon à côté, ça sera plus convivial.

 Nous prenons place dans des fauteuils.

- Sonia !

- Oui Yves.

 Une superbe brune, grande (dans les un mètre soixante dix), plantureuse, se matérialise au milieu de la pièce, je sursaute.

- Ne crains rien ! C’est un hologramme.

- Je vous offre quelque chose à boire ?

- Un coke pour moi et toi André ?

- La même chose.

 Une trappe dans le mur s’ouvre. Yves va récupérer nos boissons. Sonia s’installe dans un fauteuil en face de nous. Pour un hologramme, l’illusion est parfaite.

- Le cerveau de Sonia a une capacité cinquante fois supérieure au nôtre. Avec elle, j’ai réalisé beaucoup de choses que tu auras l’occasion de découvrir.

 Elle va t’aider à faire ta thèse : elle fera pour toi des recherches sur le net et t’aidera pour la rédaction, mais, en aucun cas, elle ne fera le travail à ta place, ça je lui interdis.

- Ok, Monsieur le Comte.

- S’il te plaît, pas de titre entre nous ! L’ordinateur de l’appart est relié à Sonia, il te suffit de dire Sonia et elle te répondra.

 Passons à l’étape suivante : tu te plains de douleurs épisodiques dans ton côté droit. Nous allons voir ce problème de suite. Sonia ouvre l’accès à l’infirmerie, s’il te plaît.

- Oui, patron.

- Sonia ! Tu ne vas pas t’y mettre aussi et me charrier comme André !

 Grosse rigolade à trois. Une porte s’ouvre, nous entrons dans un cabinet médical.

- A poil, jeune homme !

- Ne l’écoute pas, en slip, ça suffira.

 Je m’exécute, elle me fait me placer debout sur un plateau, me demande de ne pas bouger. Un portique se met à tourner autour de moi.

- C’est bon André, tu peux te rhabiller. J’ai maintenant une topographie complète de ton anatomie. D’après mon analyse, tu as un problème au rein droit. Ce n’est pas grave pour le moment. On va s’occuper de ça tout de suite.

 Une trappe s’ouvre et un verre d’eau et une gélule apparaissent.

- Prends ça. À Pâques, quand tu reviendras, on refera un autre contrôle.

- Merci Sonia. C’est tout ?

- Oui. Sonia t’a préparé cette gélule qui contient de la nano technologie programmée pour te soigner. C’est grâce à elle si j’ai gardé l’apparence d’un jeune homme de 18 ans. D’ailleurs, maintenant, il en sera de même pour toi. Retournons au salon.

 Revenons à ta thèse, quel sujet as-tu choisi ?

- L’évolution de la société.

- Vaste sujet et comment vois-tu cette évolution ?

- Je vois une société où l’argent n’existe plus, où tout le monde a le droit à un logement et de quoi se nourrir. Plus de possession de biens donc, plus de cupidité, plus de jalousie, plus de convoitise, … etc.

- (Yves sourit) Tu n’es pas ma moitié pour rien car je vois les choses comme toi et avec Sonia nous avons travaillé sur ce sujet.

- Et vous en êtes où ?

- Top secret. Fais ta thèse. On ne va pas t’influencer. On en reparlera après. Autre chose, Sonia s‘occupe de la gestion du domaine. À côté du bureau de Victor, le majordome, qui fait aussi office d’intendant, il y a un ordinateur, classique, qui gère la domotique du château mais, au travers de l’ordinateur, c’est Sonia qui intervient. C’est -on peut dire- une couverture. Dans le sous-sol, avec Sonia, nous avons trouvé un cours d’eau que nous avons dompté. Une turbine a été installée, elle nous permet, avec les panneaux solaires qui couvrent la toiture du château, d’alimenter tout le domaine en courant. Et, petit plus, comme l’eau de ce cours d’eau est pure, on la capte également. Voilà tu en sais un peu plus.

- Je suppose que ça ne s’arrête pas là ?

- Non, tu as raison. Tu vas le découvrir progressivement. Ne sois pas pressé.

 Sonia, on va te laisser, il va être l’heure, pour nous, pauvres mortels, d’alimenter nos corps.

 Nous reprenons l’ascenseur et rejoignons la salle à manger. L’après-midi, nous visitons une partie du château et le parc sans oublier un passage par la piscine.

 Le lendemain après-midi, Yves me propose de voir une salle de projection. Nous repassons par le petit salon de Sonia.

- Bonjour Sonia.

- Bonjour Yves, bonjour André.

- Bonjour Sonia.

- Alors André, tu prends tes marques, tu t’adaptes ?

- Oui, ce n’est pas facile mais j’ai un bon guide.

- Sonia on voudrait accéder à la salle de projection.

 Le panneau coulisse nous donnant accès à l’ascenseur qui descend. Mais, cette fois, une porte s’ouvre à l’opposé de celle d’hier. Nous empruntons un couloir et entrons dans une salle en forme de dôme.

- Cette salle est dans le même style que la géode du parc de la Villette, tu connais ?

- J’en ai entendu parler mais n’y suis jamais allé.

- Ici, nous avons une projection sur 360°. Donc on se trouve au milieu de la projection, et le petit plus, on a une projection en 3D holographique. En résumé, on est carrément dans le film. Tu ne vas pas voir un film ; on en fait un avec Sonia ; il n’est pas encore terminé. Tu vas voir un documentaire réalisé pour toi.

- Pour moi ?

- Installe-toi, tu vas comprendre. Prêt ?

- Qu’est-ce que je vais encore devoir encaisser ?

- Sonia, tu peux envoyer.

 La salle s’obscurcit et nous nous retrouvons dans une prairie entourée de bois. Sur le côté, j’aperçois une jolie petite maison. Devant, on voit un cavalier qui vient vers nous. Arrivé à notre hauteur, je m’aperçois que c’est Yves. Il vient vers moi et m’adresse la parole.

- Bonjour André, (il rigole) j’imagine ta tête. Ce documentaire a pour but de te créer des souvenirs. Je m’explique : tu es présumé avoir passé tes vacances dans cette maison (il me désigne la maison que j’ai aperçue sur la droite). Telle que je connais Mathilde, elle va te poser des questions sur tes vacances. Sonia, avant ton départ, te préparera un cadre de photos numériques que nous sommes censés avoir prises pendant ton séjour. Ce sont des photos de synthèse. Sonia nous ayant scannés, elle n’a aucun problème pour cette prouesse. Allons visiter la maison.

J’ai droit à une visite guidée, très détaillée.

- Voilà, maintenant tu sais où tu es censé avoir passé tes vacances.

- Tu penses vraiment à tout. J’ai plusieurs questions à te poser.

- Oui ?

- J’ai remarqué que, dans ton domaine, il ne faisait pas froid. Tous les jours, nous avons un ciel bleu et apparemment, il pleut toutes les nuits.

- Tu es un bon observateur. Félicitations. Ici, nous avons un micro climat. Un dôme invisible nous enveloppe, il filtre l’air, régule la température et la pluie. En même temps, il nous protège des vues. Ainsi pour le monde extérieur, nous n’existons pas. Si tu veux plus de détails, Sonia pourra t’en donner mieux que moi.

- Donc tu as recréé un petit paradis.

- On peut voir les choses comme ça.

- J’ai l’impression de nager dans de la fiction.

 Après avoir pris congé de Sonia, nous remontons et allons nous installer dans la véranda. Yves commande des boissons.

- Tout le personnel du château est à ta disposition.

- Oui, je sais, je suis le Dauphin. Dis-moi, à chaque fois que l’on vient ici, j’aperçois ce chat noir installé sur un coussin, il fait lui aussi parti du château ?

- Ah ! Nita. Oui c’est la chatte de la maison. C’est une femelle. Apparemment, elle est jalouse, à toi de l’apprivoiser.

 Je commence à prendre mes marques. La journée du 24 se termine par un magnifique réveillon bien arrosé.

 Le 25, Yves m’annonce qu’il doit s’absenter.

- Demain, je vais devoir partir deux jours pour le travail. Tu ne pourras pas m’accompagner. Mais, quand tu seras installé définitivement, ici, je te promets que tu seras avec moi pour chaque voyage que j’aurai à effectuer.

- Encore des secrets que tu me caches.

- Oui et non. Tu pourras aller voir Sonia, elle te fera faire d’autres découvertes, qui, je te promets, vont t’intéresser.

 Le lendemain matin, Yves part comme prévu. Il m’embrasse avant de partir. Je descends dans la véranda où je me fais servir mon petit déjeuner. Nita, installée sur son coussin, me regarde de ses grands yeux verts.

- Toi aussi, ton maître t’a abandonnée pour deux jours.

 Elle relève la tête et me regarde plus intensément. Je lui tends un morceau de viennoiserie, elle semble tentée et vient nonchalamment vers ma main tendue. Elle prend délicatement le morceau de croissant. Une fois avalé, elle frotte sa tête sur ma main, je caresse son pelage soyeux, elle se met à ronronner.

- J’ai l’impression que tu m’as adopté. Maintenant, je pourrai dire que j’ai une petite copine. (Je regarde ma montre) Nita, je vais devoir te laisser. Il est presque 9h30 et je dois voir Sonia.

 Comme si elle avait compris, elle retourne se lover sur son coussin. Je prends la direction du petit salon de Sonia. Un petit rire m’accueille.

- Bonjour André, prêt pour la descente aux enfers ?

- Bonjour Sonia, pourquoi ce rire ?

- J’ai vu que tu as sympathisé avec Nita.

- Tu as des yeux partout, tu m’espionnes ?

- Non, rassure-toi. Mais comme je gère la domotique, j’ai des yeux et des oreilles dans tout le domaine, sauf pour la chambre, dommage. Yves m’interdit de m’introduire dans l’intimité des gens.

 La paroi coulisse et je me retrouve dans l’ascenseur. La porte s’ouvre côté salle de projection. Sonia (son hologramme) m’attend dans le couloir. Je la suis. Arrivés dans un petit salon, elle me propose une boisson.

- André, voilà ce que je te suggère. Bien sûr, il n’y a aucune obligation. Tu es en vacances. Le matin, nous irons dans la salle des simulateurs et l’après-midi dans celle des jeux.

- Je peux te poser des questions sur Yves ?

- Oui, tu peux. Mais je ne pourrai répondre à toutes tes questions. Par exemple, si tu veux savoir où il est et ce qu’il fait, je ne peux rien te dire. Ne t’inquiète pas, ces interdits tomberont le moment venu. Tu veux savoir quoi ?

- Rien. Laisse tomber et commençons la visite.

- Désolé André, suis-moi.

 Nous entrons dans la salle des simulateurs.

- Yves souhaite que tu passes ton permis de conduire, donc nous commencerons par le simulateur pour les voitures.

 Je monte dans le simulateur et me retrouve devant un tableau de bord et un volant. Sonia s’installe sur le siège passager. Ma première leçon commence : conduite et code de la route. L’illusion est parfaite ainsi que les perceptions, j’ai vraiment la sensation d’être dans une vraie voiture. Sonia s’avère être une excellente instructrice. Après plusieurs accrochages (fictifs), je commence à maîtriser la voiture.

- André, tu es un bon élève, tu es doué, tu apprends vite. Nous allons arrêter, il va être l’heure pour toi de passer à table.

- Merci pour tes compliments, je n’ai pas vu passer le temps.

 Après avoir pris congé de Sonia, je prends l’ascenseur et me dirige vers la salle à manger. Comme pour tous les repas, je me régale. André, tu risques de grossir ! Le repas terminé, je décide de prendre le café dans la véranda en compagnie de ma nouvelle petite copine. Déception. Nita n’est pas sur son coussin. Elle doit être partie à la chasse ou prend son repas. Je reste un moment prostré, les yeux dans le vague, à repenser à tout ce que je vis depuis mon arrivée au château. Une langue râpeuse me sort de ma léthargie, c’est Nita qui me lèche la main.

- Je suis content de te revoir Nita, j’étais en train de rêvasser.

 Après une caresse, elle va s’installer sur son coussin. Bon, je pense qu’il est temps pour moi de retourner voir Sonia. Dès mon entrée dans le petit salon, la cloison coulisse pour me donner accès à l’ascenseur. Sonia m’attend dans le couloir comme ce matin.

- Prêt pour la salle de jeu ?

- Prêt.

 Nous entrons dans une salle hémisphérique comme la salle de projection.

- André, ici, tu vas entrer dans un monde virtuel. Tout ce qu’il peut t’arriver est virtuel. Tu n’as rien à craindre. Place-toi au milieu du cercle rouge. Bien, maintenant, déplace-toi. 

 J’ai l’impression de faire du sur place.

- Sous tes pieds, il y a des micros billes qui tournent dans le sens opposé à tes mouvements. Dans le jeu, tu auras l’impression de te déplacer alors qu’en réalité tu restes statique. Prends le diadème qui se trouve dans la niche qui vient de s’ouvrir, mets le et reviens au centre du cercle. Ce diadème prend appui sur tes tempes et te permet de communiquer avec la machine. Un des petits cristaux, -que tu as vu-, situé autour du Cristal central, est dédié au jeu. Te voilà paré pour entrer dans le monde de la virtualité. Si tu veux arrêter, il te suffit de dire STOP. Tu es prêt ?

- Je suis prêt.

 La salle s’obscurcit. Des images holographiques apparaissent. J’ai l’impression de me retrouver au moyen âge : une fille, dans une grande robe bleue, me sourit, je reconnais Sonia.

- Je suis une prêtresse, je vais te servir de guide, prends ma main.

 Je sens le contact de sa main, je suis désorienté.

- N’oublie pas que nous sommes dans un monde virtuel.

- Excuse-moi, mais je suis un peu paumé.

- Nous sommes dans un jeu de rôle ou MMORPG, tu connais ?

- Non, j’en ai entendu parler mais je n’y ai jamais joué.

- Allons dans cette maison créer ton personnage.

 Je me retrouve devant un miroir, j’y aperçois une forme floue.

- Que choisis-tu comme race : humain, elfe, loup-garou, nain ou gnome ?

- Humain.

 Ma silhouette, dans le miroir, prend une apparence humaine. Je choisis le sexe, l’âge, la taille, la corpulence, les cheveux, les yeux, le nez, la bouche et la pilosité. Mon personnage au fur à mesure se modélise dans le miroir. Je suis en boxer.

- Tu as bon goût, Il est pas mal ton personnage. Avant de l’habiller, il te faut choisir une classe : guerrier, ranger, prêtre, mage, chasseur, archer … Comme pour l’apparence, choisis dans la liste de droite. Mage, très bien. Donc, tu vas être habillé de tissu.

 Une robe toute simple me revêt.

- Maintenant, il te faut un nom. Moi je garde Sonia pour ne pas t’embrouiller.

- Ok, que penses-tu de Moebius ?

- Ce n’est pas mal. Comme tu peux le voir, mon nom s’affiche au-dessus de ma tête ainsi que mon niveau, dix pour moi et un pour toi, il en sera de même pour tous les personnages que tu vas rencontrer. Si le nom est en rouge, c’est un ennemi ; s’il est en jaune, c’est un PNJ (Personnage Non Jouable), qui peut être un vendeur, un donneur de quêtes …. Bref, tu verras en jouant. La barre verte, c’est celle de ta vie. Si elle arrive à zéro, tu meurs dans le jeu bien sûr. La barre bleue, c’est celle de ton mana, tes points de magie.

 On démarre le jeu. Après pas mal de bourdes, je commence à maîtriser mon personnage. Nous avons ainsi joué jusque 18 heures, c’est Sonia qui arrête le jeu.

- Je vois que tu y as pris goût.

- Oui, c’est génial ! Je ressens un peu de fatigue.

- N’oublie pas que ton corps, dans la réalité, suit les mouvements de ton personnage, donc tu as réellement marché et couru. Suis-moi, tu vas boire quelque chose, tu dois avoir soif.

- Merci, ce n’est pas de refus.

- Sonia, j’ai remarqué que tout le personnel de maison, à part le majordome, était très jeune.

- Tu es redoutable, rien ne t’échappe. Oui, en effet, leur âge a été stabilisé comme pour toi et Yves à dix-huit ans. Ils commenceront à vieillir à quatre-vingts ans. Et, comme Yves aime les belles choses, ils sont tous beaux. Pour le majordome, il trouvait que c’était mieux qu’il paraisse quarante ans, étant donné qu’il était responsable du personnel.

 Je fronce les sourcils, Sonia s’en aperçoit.

- André, serais-tu jaloux ? Tu n’as aucune raison de l’être, je puis t’affirmer qu’Yves t’aime. Depuis que tu es entré dans sa vie, il a complètement changé. Il est radieux. En fait, il est heureux.

- Merci Sonia.

- On va se quitter. Demain, on reprend le sigle simulateur le matin et jeu l’après-midi. Va te reposer.

 Je prends congé de Sonia. Après le repas, je me mets au lit, exténué mentalement et physiquement, je m’endors comme une souche.

 Le lendemain matin, je retourne voir Sonia, après avoir pris mon petit déjeuner avec Nita. Elle m’attend à la sortie de l’ascenseur.

- Bonjour André.

- Bonjour Sonia, j’ai un petit souci.

- Viens prendre un café et tu me parleras de ton problème.

 Je la suis dans le petit salon, récupère le café et m’installe dans un fauteuil.

- J’ai besoin d’un dentiste à moins que tu puisses régler le problème. Hier soir, j’ai perdu un plombage. Je ne comprends pas, il a été fait en début d’année.

- Tu n’as pas besoin de dentiste. En fait, ta dent est en train de se régénérer. J’aurais dû te prévenir.

- Je vois. C’est dû à la gélule et à la nano technologie qu’elle contenait. Encore une fois je nage dans la fiction.

- Voilà, ton problème est réglé. Si tu n’as plus rien à me demander, on passe au simulateur.

 La matinée s’écoule, la conduite n’a presque plus de secret pour moi. L’après-midi, dans la salle de jeu mon personnage progresse jusqu’au niveau onze. Sonia stoppe le jeu, je regarde ma montre.

- On arrête plus tôt qu’hier.

- Oui, Yves t’attend et, apparemment, il est impatient de te retrouver.

 Mon cœur se met à battre plus vite. Je sors de la salle de jeu. Yves est dans le couloir. Je me précipite dans ses bras.

- Allons dans le petit salon boire quelque chose. Sonia ne t’en fait pas trop baver ?

- Non, elle est géniale !

- Donc, tu t’es fait deux petites copines pendant mon absence, je vais finir par être jaloux.

- Comment ça ?

- Oui, Sonia et Nita.

- Comment tu le sais ?

- C’est Sonia qui me l’a dit pour Nita. Ce n’est pas parce qu’elle est avec toi qu’elle ne peut pas me causer.

- J’ai du mal à me faire à tout ça. Ton voyage et ton travail se sont bien passés ? Car moi, contrairement à toi, Sonia ne me dit rien.

 Jusqu’au 31, je passe mes matinées avec Sonia sur le simulateur pendant qu’Yves travaille avec Sonia bis dans la salle des ordinateurs. Puis, l’après-midi, nous sommes tous les trois dans la salle de jeu où Yves me fait connaître son elfe ranger « Kiba » qui, avec ses armes, des griffes métalliques attachées à ses mains, est redoutable.

 Arrive le réveillon de fin d’année. Aux douze coups de minuit, nous nous embrassons pour fêter l’arrivée de 2032. Le champagne coule à flot. Nous nous couchons un peu éméchés et nous endormons sans sommations.

 Le lendemain matin, je me réveille en forme. Nous prenons notre petit déjeuner. C’est le jour du départ, nous descendons faire nos adieux à Sonia. Elle me remet un cadre contenant des photos numériques de mon séjour dans la maison de campagne, que j’ai visitée dans la salle de projection. Elles sont très réalistes et jolies.

 L’après-midi, nous prenons le Cessna 172 et la direction de Nantes, retour à l’appartement. Nous sommes accueillis par une Mathilde radieuse.

- Bonjour Mathilde, vous avez passé de bonnes fêtes ?

- Oui, avec ma sœur et mes deux neveux et vous les amoureux ?

- Impeccable. Ces vacances m’ont fait beaucoup de bien.

- Je vois ça mon gars. On dirait que tu as rajeuni.

 Si elle savait. Nous montons à l’appartement. Une fois nos sacs posés, j’allume l’ordinateur et prononce le mot Sonia. La magie opère. Sonia apparaît à l’écran.

- Vous avez fait un bon voyage ?

Yves sourit.

- Oui, un peu plus agité qu’au départ, nous avons eu quelques turbulences.

Après quelques échanges verbaux, j’éteins l’ordinateur.

- Te voilà rassuré ?

- Oui. Maintenant je sais que si j’ai besoin de te parler ou de te voir, Sonia fera le relais.

- Je t’aime André.

 Yves reste avec moi quatre jours. Je reprends mes cours. Il retourne au château pour reprendre ses activités. Avant son départ, il me remet un trousseau de clefs, celles d’une petite voiture électrique garée dans le sous-sol. Mathilde est contente de pouvoir admirer nos photos. Je passe mon permis avec succès. Avec Sonia, ma thèse avance. Son aide est très appréciable.

 J’attends, avec impatience, les vacances de Pâques.

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