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L'homme écarta les différentes tentures et peaux de bêtes qui tenaient lieu de porte à la hutte. Il cligna des yeux face à la lueur douce que dégageait un mince feu de bois au centre de l'unique pièce. Il fut surpris par la chaleur sèche qui s'en dégageait, de sorte que la température était plus qu'agréable après le froid du dehors. L'homme fit un pas en avant, respectueusement, cherchant l'habitant des lieux du regard.


  • Tu as donc fini. C'est bien.


L'homme sursauta. Face à lui, de l'autre côté du feu, le sorcier lui tournait le dos, assis en tailleur. Il s'affairait à quelque chose que l'homme ne pouvait voir, mais il ne ressentait aucune curiosité particulière à le découvrir. Certaines affaires ne concernaient que le sorcier, et personne d'autre.


Le vieil homme se releva en poussant un vague grognement accompagné du cliquetis de ses bracelets. Il offrit le même visage calme et souriant à son visiteur que d'habitude, mais il prit rapidement un air sérieux et grave lorsqu'il posa les yeux sur le paquet entre les mains de l'homme. Il hocha la tête.


  • Tu as travaillé rapidement et efficacement. Je sens que tu as réussi ce que je t'avais tâché d'accomplir. Ne reste plus que l'autre moitié.


Le sorcier se dirigea vers un coin de la hutte où régnait un capharnaüm assez incroyable. Pour autant, le vieillard n'y chercha que quelques instants avant de trouver ce qu'il cherchait : un objet lui aussi enveloppé dans du tissu, sous plusieurs épaisseurs. En plus de cela, des cordes nouées empêchaient de déballer le paquet. Le vieil homme tira un couteau de sous ses fourrures et fit promptement un sort aux liens, les tranchant net l'un après l'autre. Puis, avec un respect évident, il montra son contenu.


C'était un morceau de bois de cerf, mais à la teinte rouge sombre, et était strié de longues bandes fines d'un rouge presque noir, peu visibles même en examinant la chose de près. Il n'était pas entier, mais brisé, faisant à peu près un avant-bras de long, mais n'en restait pas moins bien plus épais et colossal que la normale. Et malgré son état, malgré le fait que ce n'était qu'un simple morceau, il dégageait une aura de puissance que l'homme ressentit dès qu'il posa les yeux dessus. Elle était similaire bien que moindre à celle qu'il avait connu des jours plus tôt, lors de cette nuit tragique. Il ne put s'empêcher de déglutir bruyamment.


  • Tu sais ce qu'il te reste à faire. Prends-le.


L'homme croisa le regard bienveillant mais dur du sorcier. Il se rasséréna, hocha la tête et, d'une main qui restait légèrement tremblante, récupéra le bois sacré. Dès que ses doigts effleurèrent l'objet, il ressentit un frisson intense. Il n'aurait su dire si l'expérience était désagréable ou non, mais tenir le bois ne le dérangeait pas tant que ça. Curieux, il examina de plus près le morceau rouge sombre. Il voyait déjà quelle forme il allait lui donner, sentant la flèche qui se cachait au coeur de cette relique et qui ne demandait plus que sa main pour être dégagée de son carcan de sang. S'il l'avait voulu, il aurait pu tailler bien plus qu'une seule flèche, mais il savait qu'essayer ne servirait à rien. Ses mains le démangeaient déjà, cherchant à œuvrer au plus vite, à tailler cet andouiller pour lui donner la forme qu'il était destiné à recevoir et alors...


La main ferme du sorcier s'abattit sur son épaule avec force.


  • Écoute-moi bien.


L'homme revint à lui comme au sortir d'un long rêve bien trop réel. Il cligna des yeux plusieurs fois, confus.


  • Lorsque tu auras le corps de ta flèche, il te faudra encore réaliser l'empennage, en plumes de hibou. Tu n'as pas oublié, je suppose.


L'homme hocha la tête de gauche à droite brièvement. Le vieillard acquiesça en réponse, satisfait.


  • Bien. Je suis sûr que tu sauras les trouver rapidement. Lorsque tu auras enfin terminé, tu pourras alors partir en chasse. N'attends pas un jour de plus : dès que tu es prêt, pars le soir venu, sans perdre un seul instant. Et lorsque tu seras confronté à ton destin... Vise le cœur. Et tire. Tu ne peux échouer.


Le vieil homme laissa un lourd silence suivre l'annonce qu'il venait de faire de sa voix grave. Il garda les yeux rivés dans ceux de son vis-à-vis, comme s'il y cherchait quelque chose. Au bout d'un long moment, il ajouta :


  • Lorsque tu auras accompli ta tâche... Il y aura une chose que tu ne devras pas faire. Je ne peux que te garder de le faire, alors écoute-moi bien. Quoi qu'il arrive... Ne touche pas à la dépouille. Laisse la flèche là où est l'est. Pose ton arc. Et retourne-t-en jusqu'à chez toi. Compris ?


L'homme hocha la tête. Il ne saisissait pas trop pourquoi cet avertissement était nécessaire, mais il préférait partir au plus vite. Il se rendait compte qu'un malaise de plus en plus prononcé s'était déclenché en lui. Il crut tout d'abord que c'était dû au bois qu'il tenait en main, mais il avait l'impression que cela faisait plus longtemps. Depuis qu'il s'était approché de la hutte du sorcier, en fait. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il venait, et chaque fois, il s'était senti à l'abri, comme si des esprits protecteurs entourés les lieux - ce dont il ne doutait pas. Mais là, c'était tout l'inverse, et il avait l'impression que tout cherchait à le repousser hors d'ici, ou bien que quelque chose le tirait depuis le dehors pour qu'il sorte au plus vite. Il avait une folle envie de repousser la main du vieil homme d'un geste brusque et de fuir en courant. Il résista aussi longtemps qu'il pût, alors que le sorcier coi restait face à lui, l'observant avec une mine grave.


Enfin, sa main s'écarta. Retenant de pousser un soupir de soulagement, l'homme s'inclina respectueusement puis s'en retourna dans le froid hivernal avec un soulagement de plus en plus grand alors qu'il s'éloignait.


Derrière lui, le vieux sorcier le regarda partir, tenant d'une main les tentures à l'entrée. Lorsqu'il le perdit de vue dans l'obscurité, il poussa un long soupir de lassitude et s'en retourna auprès de son feu. Il avait fait tout ce qu'il pouvait. Au destin et à l'homme de décider de la suite.

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