Ils finissent encore une fois de s’enlacer.

Leurs deux corps, allongés, si contrastés.

L’Ange blanc éclatant, neige immaculée.

Le Démon noir charbon, profonde obscurité.

Rien ne semblait favoriser leur union,

Tant éloignées, opposées sont leurs missions.

L’un tord et l’autre redresse.

L’un tire, crache, mord et l’autre caresse.

L’un pousse à la faute et harcèle.

L’autre patiente et protège de ses ailes.

La rencontre même fut bien étrange.

Une de celles qui intriguent et qui dérangent.

Au crépuscule, sur le bas-côté de la route,

Un individu en proie à l’ultime doute,

Apeuré, il se débat désespérément dans la fange,

En appui sur les coudes, le visage priant le ciel orange.

Le Démon lui attrape les pieds et tire.

Ses cris stridents entrecoupés de rires,

Ses griffes avancent le long des jambes et du ventre,

Ses crocs arrachent le cou et sa langue y entre.

Soudain, le ciel sanglant s’ouvre et s’éclaircit.

D’une lumière aveuglante, le pauvre et le Démon sont éblouis.

Un pied nu se pose dans la boue sans se salir.

Un deuxième avance dans la direction du martyr.

L’Ange rabat ses ailes puis leur tend la main.

Son regard est perçant, son visage est serein.

Il offre une chance au Démon de changer,

De quitter la boue et le sang pour s’élever.

Le Démon hésite, se lève et tend une main.

Mais se ravise puis plonge en souterrain.

L’Ange, un peu déçu, ne comprend pas bien.

Pourquoi cet être adhère à son immonde destin ?

Il saisit de ses bras musclés le mourant,

Et dépose un baiser sur son front brûlant.

Le malheureux s’apaise et s’endort tel un enfant.

L’Ange bondit battant des ailes jusqu’au firmament.

Après s’être encore une fois enlacés,

Leurs deux corps contrastés maintenant séparés.

L’Ange blanc, toujours allongé sur le côté.

Le Démon noir, assis, se met à penser.

Il sent la haine qui commence à monter.

Il rumine tous ses regrets et ses ratés.

Il se demande comment l’ont berné les promesses,

De cet ange dormeur plein de paresse.

L’Ange l’avait emmené au Paradis,

Mais là-bas, tout n’est que lenteur et ennui.

Le Démon n’y avait aucun autre ami.

Les murmures régnaient. Aucun chant. Aucun cri.

Il regrettait d’avoir succombé aux charmes angéliques.

Il voulait retrouver les sombres chambres magmatiques.

La rage et le venin emplissent maintenant son esprit.

De ses deux mains, une aile de son partenaire il saisit,

Et au comble de la rancœur, l’arrache avec fureur.

L’Ange hurle, convulsant de douleur.

Il se lève péniblement, l’épaule ensanglantée.

Il voit son membre dans les griffes du condamné.

Son courroux semble le grandir et le temps s’arrêter.

Le Démon tremble de peur, il est tétanisé.

L’Ange prépare ses poings pour punir la trahison.

Le Démon ferme les yeux et pleure, attendant l’exécution.

Mais juste avant son acte de destruction,

L’Ange voit l’aile sanglante initier une mutation.

Le venin impie aux plumes angéliques s’est mêlé,

Et de cet étrange mélange un enfant est né.

Après s’être mutuellement et longuement regardés.

Les deux êtres contrastés sont désormais réconciliés.

L’Ange déchu ne peut plus s’envoler.

Le Démon est éternellement endetté.

De leur amour et de leur haine, ils ont enfanté

D’un être unique, exceptionnellement métissé.

Sur son front, il porte la marque d’un baiser.

C’est l’objet de la rencontre réincarné.

De son nez, il inspirera tout l’air vicié.

De sa bouche, il soufflera un vent de nouveauté.

Derrière lui ses parents rassemblés n’auront plus peur.

Car il est le Premier Hybride, le Grand Recycleur.