Ode

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Je crois ce que je dis, je fais ce que je crois. Victor Hugo

Les végétaux sont arrosés, d'un pas nonchalant la jeune femme se rend à son laboratoire pour effectuer quelques expériences de boutures et autres, parfois juste pour compléter son herbier consciencieusement.
Alors qu'elle travaille son esprit part dans des méandres qu'elle ne maîtrise aucunement même si elle en a conscience. C’est totalement déroutant et à la fois presque émoustillant. Le pire est là!

Le pire est qu'elle se sent partir dans sa souvenance, dans une forme de monde à part, ses gestes se font automatiques, plus rien n'a de sens. Le temps est comme suspendu!
Ode est là et ailleurs en même temps... En fait, elle n’est plus que présente physiquement, l’âme est ailleurs, elle vit et revit des brides de sa vie.
Sa rencontre la bascule dans cette vie qu’elle a plus ou moins enterrée pour diverses raisons. La botaniste a mis son mouchoir sur ces semaines à la Rochelle bien qu’elles furent déterminantes pour son présent.

Mois de mai, la Rochelle, une taverne de mémoire la Roche Elle où un nom du genre, Mirbelle, Sinbad, Frangipane, Arthus, d'autres... Une femme aux cheveux blancs pourtant jeune d'apparence, très jolie et élégante, semblant venue d’une autre planète. Un comportement étrange, parfois des regards fuyants, à d'autres moments ces derniers se font pénétrants, comme s’ils vous transperçaient.
La jeune Kerloc'h est prise par la curiosité, mais aussi attirée par cette différence dont fait preuve la femme de par son apparence et son comportement. Le plafond ou le mur semble parfois lui parler ou bien est-ce dû à un insecte qui passe, les noisettes se fondent sur ces derniers en quête d'une vision afin de partager un instant avec elle qui est comme inaccessible.
Un prénom parfois est donné, Yulhia, d'autres jours c'est un autre, étrange...
Cette différence attire grandement Ode qui tente d'entrer en contact avec elle par divers moyens. Une fois, un sourire lui est adressé enfin elle le croit, ça la touche, ça la marque, c'est une trace indélébile...
Comme quoi il y a des rencontres qu’on oublie jamais alors que d’autres nous sont insignifiantes.
Ode est « empathe », sans même le savoir, elle a l'impression de vivre et ressentir chaque troubles et émotion de son vis-à-vis. Pourtant avec cette femme, c’est plus compliqué, c’est comme un nœud où les fils ne pourraient se démêler simplement… C’est un peu le bordel en fin de compte.

Quelques jours passent ainsi, parfois Ode l'aperçoit dans une autre taverne avec un homme. Mais évidemment du haut de ses dix-neuf printemps, nouvellement arrivée sur La Rochelle, elle ne s'y rendra pas. Elle laisse ses noisettes les observer le temps que ses pas la guident hors de portée, puis elle oublie ou juste cesse d’y songer.
La femme revient un soir, Ode tente d'entrer en contact une fois encore avec elle, c'est qu'elle est du genre têtue et tenace.
Un homme arrive peu après pour la rejoindre.
Lui...
Il n'a d'yeux que pour la jeune femme.
Il n'a de mots que pour Yulhia.
Ode les observe discrètement, leur gestuel, les mots énoncés mais surtout le langage du corps et des yeux.
Elle suit les regards des présents, jusqu'à leur départ.
Étrange sentiment que de se sentir mis à part, sans en être blessée, la Kerloc'h se questionne.
Elle se souvient même avoir eu une conversation avec la jeune femme peut après au sujet de....

Un sursaut!
Le palpitant qui prend de la vitesse!
Son sang ne fait qu’un tour.
Ses doigts lâchent l'objet qu'elle tient.
On tambourine à la porte de l’échoppe.

Ode!
La jeune femme grogne, cherche du regard l'outil qui a roulé au sol. Ne le voit pas, forcément, la nuit a gagné du terrain, la flamme de la bougie allumée peu avant ne suffit guère.
Cette voix ne lui est pas inconnue, sans lui être pour autant familière.
"Gast! Piastre!" cette pensée la foudroie sur place. "Quelle heure est-il? Gast! GAST!" , les coups se font toujours entendre, plus rapprochés, presque plus forts ou est-ce juste une impression ?
Prestement, elle quitte son laboratoire.
Elle file ouvrir la porte qui est martelée, d'un grand geste celle-ci est déplacée au risque de se prendre un poing sur le bout du nez.

Chut! Mais ça ne va pas?
Désirez-vous ameuter tout Tréguier?
Ode le fixe avec intensité, échevelée, agacée d'avoir été prise en plein dans ses pensées, ne songeant déjà plus du tout à la canne. Aussi c'est tout naturellement qu'elle lui lance sans détour.

Il fait nuit, l'échoppe est fermée! Que vous arrive-t-il Aotrou Piastre de Machaut ? Non mais on a pas idée de frapper aux portes à cette heure bon sang de bois...
Elle le dévisage à la lueur de la lune, ne parvenant pas à mettre d’âge sur ce personnage, sûrement emportera-t-il à jamais avec lui ses mystères.
Il se dit vieil homme, elle voit en lui un homme d’expériences ou… En vérité, elle ne saurait dire car n’a réellement aucune idée de son âge, le Père Iaudas qu’elle a à maintes reprises taquiné est bien plus vieux. Il a dans les soixante-dix ans, lui non !
D’ailleurs, elle le trouve subitement bien alerte pour l’heure tardive, un pas en arrière, un geste de la main pour l’inviter à entrer.

Ne restez pas dehors, vous allez attraper la mort en plus de réveiller tout le quartier.
Presqu’elle l’attraperait par le poignet pour le faire s’introduire dans la salle d’accueil de son échoppe. Maintenant qu’il est là, elle aimerait bien savoir la raison de sa présence et pourquoi un homme de son âge n’est pas sagement dans les bras de Morphée.
Déjà qu'il voyage seul, maintenant il risque de se faire emporter par la maréchaussée! D'ailleurs il a de la veine qu'elle ne soit pas de garde cette semaine.

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