Chapitre 38 - Révélations

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Marina

Cela fait plusieurs heures que je suis dans ma chambre à rien faire. Je n’arrive pas à trouver le sommeil malgré la fatigue qui me gagne. La lune se reflète sur l’eau et éclaire la pièce à travers les rideaux blancs. Je n’arrête pas de penser ma conversation avec Percy Anderson qui remonte à quelques heures.

- Vous êtes Percy Anderson, je reprends en écarquillant les yeux.

- Ne sois pas surprise de me voir Marina, dit-il lâchant un sourire énigmatique.

Il ressemble beaucoup à son neveu Yaël Anderson que j’ai rencontré dans une soirée à Veracruz. Ils possèdent tout les deux la prestance des anglais avec une démarche de requin. Je ne sais pas pourquoi mais ils me font penser à cet animal qui peuple les océans.

- J’aimerais comprendre, je réplique en fronçant les sourcils.

- Veuillez nous laisser, intervient l’individu collé à Anderson.

Les deux hommes prennent place sur des chaises en face de moi.

- Voici Andrew Donnelly, mon collaborateur, me présente le requin avec grand intérêt. Il est le vice-président de A Petroleum, l’une de mes entreprises.

Je ne réponds et je fixe les deux individus avec méfiance comme s’ils allaient me sauter dessus d’un moment à l’autre. Il est clair qu’Anderson se régale de la situation. Je suis certaine que c’est le genre d’homme à aimer que tous ses désirs les plus tordus se réalisent.

Le vent souffle sur l’une de ses mèches grisonnantes mais il la remet rapidement en place. Pour un homme d’une cinquantaine d’années, il faut reconnaitre qu’il a du charme. Il pourrait être le genre de ma mère. En pensant à elle, je prie pour que Vicente ne l’ait pas prévenu de ma disparition.

- J’espère que ta captivité dans le cargo n’a pas été trop pénible, reprend Anderson. Je suis désolé de t’avoir fait enfermer dans la cale mais c’était plus discret que de t’amener directement sur mon yacht.

- Je ne comprends pas ce que vous voulez, dis-je en serrant les dents.

- J’aurais évité cette situation si ton mari avait fait ce que je lui demandais.

- Qu’est-ce que c’est que ces histoires encore ? je ne peux m’empêcher de lâcher.

J’ai connaissance que Vicente ne me parle jamais des affaires de l’entreprise mais je sais qu’il gère les comptes en bourse de personnes fortunées et qu’il effectue lui-même ce genre d’action afin d’augmenter ses revenus pour lui-même et El Barrio.

- Cela fait des années que Alcarón me met des bâtons dans les roues, explique Anderson avec une lueur meurtrière dans le regard. Il fait tout pour m’empêcher d’étendre mes plateformes pétrolières dans le Golfe du Mexique et monte l’élite du pays contre moi. Heureusement que j’ai Nuñez et Salazar de mon côté. Même s’ils ne sont que des larbins qui ne pèsent pas un poids aussi gros que ton mari dans la balance. Il a réussi à acheter beaucoup de personnes et investir dans tout et n’importe quoi jusqu’à devenir le premier investisseur de certaines entreprise mexicaines. De ce fait, les patrons ne pouvaient que se retourner contre moi, un misérable anglais arriviste qui ne fait pas partie de leur cercle.

Je regarde Percy avec un air médusé. Il s’est un peu emporté et vient de taper du point sur la table. Donnelly regarde des cupcakes avec envie et ne semble pas se préoccuper de ce qui l’entoure. De plus, je ne suis pas certain qu’il parle espagnol car il s’est adressé à Mildred en anglais et qu’il ne semble pas comprendre ce que son patron raconte.

- Le seul moyen de parvenir à mes fins était de trouver la faiblesse de Alcarón, reprend-t-il. Il m’a fallu de nombreuses années pour la trouver. En effet, je me suis dit que c’est étrange qu’un homme sans famille sorte une fortune de nulle part. Je ne crois pas du tout à la donation d’un oncle éloigné sans héritier. Surtout quand on sait que le Mexique est champion dans la corruption et toute sorte de trafic.

Anderson insiste sur sa dernière phrase et me fixe avec attention. Malgré la chaleur, des frissons me parcourent l’échine. Visiblement Vicente est plus dans la merde que moi.

- Mon neveu que tu as déjà rencontré m’a fait un rapport sur toi. Tu es apparue comme par magie dans la vie de Vicente. Personne n’avait jamais entendu parler de toi. Comme ta famille travaille pour le gouvernement français je me suis dis qu’il était probable que vous vous soyez rencontré dans une soirée. Mais, ce qui a réellement retenu mon attention c’est votre mariage.

Je suis tellement concentrée sur ses explications que j’ose à peine respirer.

- Tu es sa seule faille ou presque, poursuit-t-il en maintenant le mystère. J’ai trouvé des traces de la véritable identité de ton mari et découvert des choses intéressantes en le faisant suivre. J’aurais dû comprendre plus tôt que La Pantera et lui n’était qu’une seule et même personne. Ils sont tous les deux si engagés pour le peuple.

- Qu’est-ce que vous voulez ? je m’exclame hors de moi. A quoi rime tout ce cirque ? Pourquoi m’avoir enlevé ? Je ne vous sers à rien.

- Bien sûr que si, réponds Anderson. Grâce à toi, Alcarón va enfin écouter mes propositions.

- Il ne fera rien, je m’oppose.

- Je me suis arrangée pour que El Barrio soit marginalisé. A cause de lui, j’ai été obligé de me corrompre dans les cartels pour faire un contre-pouvoir. Ce n’est qu’une question de temps avant que le monopole de l’organisation soit détruit. C’était facile de convaincre des cartels déchus par La Pantera de reprendre du service en les finançant.

- Donc mes ravisseurs sont des membres de Los Huerfanos, je réalise surprise.

Anderson est sans surprise une personne très intelligente. Ce n’est pas pour rien qu’il est à la tête d’une aussi grosse entreprise. Je comprends pourquoi Vicente ne voulait pas qu’il pose ses pattes au Mexique : pour abuser de toutes les ressources du pays.

- Il fallait qu’il se montre utile quelque part et je ne suis pas un spécialiste des affaires criminelles.

- Vous n’êtes pas le seul à avoir monté un dossier. Vicente a des tonnes de données compromettantes sur vous.

- Il n’en fera rien s’il ne veut pas finir en prison le reste de sa vie. Je pourrais aussi envoyer un dossier à la CIA, ils seront heureux de s’approprier le mérite de cette arrestation puisqu’une partie de la drogue transite aux Etats-Unis.

Je fusille Anderson du regard. Je ne peux pas m’empêcher de défendre Vicente. Je sais qu’il voulait me protéger même si je n’ai pas envie de revivre ça. Si une vie comme celle-là est trop difficile, je pense qu’il est préférable de rester loin de lui. Je n’ai pas envie que mes enfants soient élevés dans un climat d’insécurité.

Je pense que Vicente ne s’est pas montré assez prudent concernant El Barrio. Anderson est en position de force, je ne sais pas ce qu’il va se passer.

- Ne t’inquiète pas Marina, commente l’entrepreneur face à ma mine déconfite. Il n’y aura pas répercussion particulière sur ta vie. Tu pourras la reprendre normalement avec ton mari s’il accepte mes conditions.

- Vous n’allez pas nous éliminer ?

- Ce n’est pas dans mes intentions, conclu-t-il.

- Pourquoi je suis encore là alors ?

- Soit patiente, Alcarón va bientôt nous rejoindre pour négocier.

Je me redresse brusquement en manquant de renverser la chaise.

- Je n’ai rien à voir avec vos histoires ! je hurle. Je commence à en avoir marre de me retrouver dans de pareilles situations.

Anderson m’observe sans montrer d’étonnement face à mon comportement. Il me quitte des yeux pour regarder la terre qui s’étend à l’horizon.

- Nous allons rejoindre le port de Luanda pour passer la nuit, reprend-t-il. Ton mari va nous rejoindre mais je ne peux pas te dire quand. Lorsque je lui aurais passé un coup de fil, il bravera vents et marées pour nous rejoindre.

Je pensais que nous allions au Mexique mais je suppose qu’Anderson ne voulait pas que Vicente soit sur un terrain trop familier. Non, il trouvait ça plus pratique de me faire kidnapper aux Seychelles puis de faire du cabotage sur les côtes africaines pour aller Dieu seul sait où.

- Tu ne manqueras de rien en attendant de le retrouver, mentionne mon ennemi.

- Est-ce que ma famille est au courant ? je demande plus inquiète par cette perspective.

- Je ne crois pas non, mais elle saura qu’il s’est passé quelque chose si ton mari ne fait pas ce que je lui dis.

Je me détourne d’Anderson et de Donnelly qui a finalement pris un muffin en bouche. Je ne vois pas de réelle menace à part deux gardes du corps prostrés dans le salon.

- Tu peux faire une visite de mon yacht. Nous sommes au rez-de-chaussée. Nos chambres se trouvent en bas avec les cuisines et la salle à manger.

Je n’écoute pas Anderson et je marche sur le pont qui fait le tour du bateau. A l’arrière se trouve un coin d’amarrage où un petit bateau est accroché. Il y a plusieurs entrées qui permettent d’accéder à l’espace salon et bar. Je repère la terrasse avec ma chambre au-dessus de ma tête.

Je me dirige au sous-sol en utilisant un escalier spacieux depuis le salon. Je trouve une grande salle à manger et des doubles portes ouvertes m’indiquent qu’il y a la cuisine de l’autre côté de ces murs. Je m’attendais à un espace fermé mais il y a des vitres épaisses qui donnent à moitié sur la surface et l’autre moitié dans l’eau. Je repère des poissons qui nagent et cela me remonte le moral.

Je vois qu’il y a deux couloirs : un se dirige derrière les cuisines et l’autres plus grands est à l’opposé. Je pense que c’est là que se trouve les chambres de mes geôliers et je n’ai pas envie d’aller y faire un tour.

Je n’ai jamais vu un yacht aussi énorme. L’endroit est plus grand que mon appartement parisien et que mon ancienne maison au Mexique. Cet engin doit valoir au moins cinquante millions d’euros.

Je grimpe jusqu’à ma chambre qui est le seul endroit familier du yacht. J’ai une petite salle de bain attenante et je suis presque reconnaissante à Anderson de m’avoir donné la chambre parentale pour ne pas avoir à partager les pièces communes.

Je viens m’asseoir sur l’un des transats de ma terrasse personnelle pour observer la terre se rapprocher. Je n’ai pas entendu le bateau se mettre en marche peut-être parce que je me suis habituée au bruit des machines dans le cargo. En effet, quand je rends l’oreille, je perçois le ronflement même discret du moteur.

J’essaie de rester calme face à la situation en observant l’océan. Je sais que Vicente va faire du mieux qu’il peut pour arranger la situation.

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