Chapitre 36 - Le commanditaire

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Marina

Je suis allongée dans mon lit sans réussir à fermer l’œil. J’entends le bruit incessant des machines auxquels je me suis habituée. Il fait sombre dans la pièce et je ne sais pas depuis combien de temps je suis enfermée ici.

La chaleur ne m’aide pas à me sentir en forme mais je suis encore enceinte après tout. Même si je ressens quelques douleurs dans le ventre, les enfants ne sont pas en danger.

Mes geôliers viennent régulièrement m’apporter à manger et vérifier que je ne suis pas en train de mourir. La captivité que j’ai vécu avec Vicente m’aura permis de ne pas paniquer. Je ne suis pas particulièrement sereine mais si mes kidnappeurs avaient voulu me faire du mal ils l’auraient déjà fait.

Je ne suis pas en danger, du moins pour le moment. Ma vie dépend de la personne qui a commandité mon enlèvement et qui tient les rênes du navire.

Je sens une poussée contre mes organes qui ne m’est pas familière. Je me tiens le ventre en lâchant un cri de douleur.

En quelques secondes la porte s’ouvre sur l’un des hommes. Il parle rapidement en espagnol dans son talkie-walkie.

Je vois son collègue arriver en courant dans ma cabine. Il fait un signe à son coéquipier puis l’un des deux me plaque au sol. Mes cris redoublent mais ils sont rapidement éteints par un mouchoir sur ma bouche.

Je me sens partir dans le monde des rêves. Cette impression est désagréable mais ça n’empêche pas que le futur soit inéluctable.

***

Je sens une odeur étrange autour de moi : un mélange de jasmin et de gâteau. Je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux car je me sens flotter dans les airs. Cela fait longtemps que je n’ai pas ressenti ce sentiment de plénitude.

Je n’ai pas envie que mon corps redescende sur Terre mais je ne peux pas l’empêcher. Ma peau touche un tissu doux et vaporeux. Je commence à me sentir de plus en plus lourde.

C’est étrange, je n’ai pas l’impression d’être dans un environnement connu. Une alarme se déclenche dans mon cerveau et je me force à ouvrir les yeux. Mes paupières sont si lourdes qu’il me faut quelques secondes pour y parvenir.

Je suis presque aveuglée par le soleil qui projette ses rayons sur moi. Je me frotte les yeux dans l’espoir d’y voir plus clair. Des larmes coulent sur mes joues mais je les efface rapidement.

Je ne reconnais pas du tout les lieux. Je ne suis pas au fin fond d’une cale de bateau mais dans une vraie chambre. La baie vitrée permet au soleil d’illuminer la pièce. Les meubles sont en acajou et assorti à un parquet lumineux. La couverture, les coussins, les rideaux, les murs sont blancs. Je me demande si je ne suis pas en train de rêver.

Je me redresse dans le lit puis je pose les pieds au sol pour rejoindre l’extérieur. Mes jambes se dérobe et je me fracasse contre le parquet.

J’entends des pas précipités puis je vois la porte s’ouvrir. Une femme d’une quarantaine d’année en blouse blanche se précipite vers moi.

- Vous devez faire attention madame Alcarón, dit-elle avec gentillesse en m’aidant à m’asseoir sur le lit.

- Que s’est-il passé ? je demande perdue.

- Vous avez eu de violentes contractions, explique-t-elle. Il n’y a pas de quoi s’inquiéter car cela fait partie du processus de grossesse. Votre corps doit s’habituer aux contractions avant l’accouchement.

J’observe la dame quelques instants avant de hocher la tête.

- Est-ce que vous pouvez prévenir Vicente que je suis réveillée s’il vous plait ? je demande.

- Je suis désolée mais monsieur n’a pas encore été prévenu il est injoignable, répond-t-elle contrite.

- Je ne comprends pas, dis-je en fronçant les sourcils. C’est lui qui m’a retrouvé, comment peut-il ignorer que je suis ici ?

- Je pense que vous avez pris un coup sur la tête plus fort que ce que je pensais, réplique la quadragénaire. C’est monsieur Donnelly qui vous a retrouvé inconsciente alors que vous étiez sur le bateau avec lui en attendant votre mari.

Je regarde la femme comme si elle était en train de prendre feu. Je comprends de moins en moins ce qui est en train de se passer. Mais ce que je sais, c’est que Vicente ne sait toujours pas où je suis. Je pique un fard en laissant tomber mon corps sur le lit.

Je ne suis pas idiote, je sais que j’étais sur une espèce de cargo ou bateau de marchandise avec des mexicains. Je ne crois pas un mot de ce que dit cette femme, elle essaye de m’embrouiller l’esprit.

J’ai été drogué par mes geôliers mais je ne sais pas comment je me suis retrouvée dans cette chambre.

- Au fait, je m’appelle Mildred, poursuit l’inconnue en m’écartant de mes pensées. Je suis sage-femme et je reste sur ce bateau encore quelques jours. Vous pouvez me rejoindre dans le salon lorsque vous irez mieux.

La quadragénaire quitte la pièce alors que je me redresse sur le lit. Un bateau ? Mildred ?

Je fronce les sourcils en pensant à cette femme. Elle n’a rien d’une mexicaine et possède un très fort accent anglais quand elle parle. L’espagnol n’est pas sa langue natale et elle possède un non saxon. Cette femme est originaire de Grande Bretagne j’en suis sûre.

Je marche sur le parquet non sans tanguer. Je vois que le soleil est en train de monter dans le ciel. Je ne perçois que du bleu à travers la baie vitrée. En m’approchant, je constate qu’il s’agit de l’océan avec une île à l’horizon.

Bon sang mais qu’est-ce que c’est que cette histoire encore ? Je ne connais pas de monsieur Donnelly et je ne fais absolument pas confiance à cette femme. Pourtant, la curiosité l’emporte et j’ouvre la porte de ma chambre pour rejoindre cette Mildred.

Je dois descendre les escaliers de la mezzanine pour rejoindre un immense et luxueux salon. Je me glisse sur la terrasse où la sage-femme m’attends avec de la nourriture.

Je reste quelques secondes immobiles en admirant l’immensité de l’océan d’un côté et de l’autre la civilisation. Je suis effectivement sur un bateau ou plutôt sur un immense yacht. Difficile de tenter de s’échapper dans de telles circonstances.

Je tourne la tête et j’aperçois un homme en tenue de cuisinier nettoyer les verres derrière un bar. J’ai envie de me jeter sur lui pour lui crier de m’aider mais il est peut-être aussi dans le coup.

Je ne dis rien et m’installe près de Mildred. Elle me fait signe de manger et je prends conscience que j’ai vraiment faim. L’odeur de gâteau venait donc de cette table.

Je picore dans tous les plats puis j’engouffre des pancakes et des œufs au bacon. Il n’y a pas de doute, je suis bien sur le bateau d’un anglais. Quelque chose me dit que je saurais bientôt qui est ce monsieur Donnelly.

- Vous sentez-vous mieux madame ? demande Mildred au bout d’un moment.

Son regard est plein de tendresse et apaisant. J’ai presque envie de lui faire confiance.

- Oui je vais bien.

La sage-femme est en train de boire une mixture dans une tasse en porcelaine.

- Que faites-vous sur ce bateau ? je demande en essayant de rester naturelle.

- Monsieur Donnelly m’a appelé pour une urgence et je l’ai rejoint sur ce bateau depuis l’Angleterre, explique-t-elle simplement.

- Comment connaissez-vous cet homme ? je questionne.

- J’ai été là pour l’accouchement de sa fille qui a faillit mal tourner. Depuis, il a confiance en moi. Je m’occupe beaucoup de riches femmes riches londonienne. Cependant, je suis née en Irlande.

Je hausse un sourcil en entendant cela. J’ai l’impression que quelque chose m’échappe mais je ne sais pas quoi.

Mildred à l’air sincère en répondant mais cela ne veut pas dire qu’elle est dans mon camp. Je ne comprends pas ce que je fais là. Les explications de cette inconnue ne corroborent pas mes souvenirs.

J’aimerais savoir ce qu’il s’est passé entre le moment où j’ai été endormi et l’instant où je me suis réveillée. C’est assez étrange de passer d’une cabine crade à une chambre luxueuse.

- Voulez-vous du café ? demande Mildred.

Je ne réponds pas à sa question car je suis en train de penser à Vicente. J’espère qu’il va bientôt me retrouver. Je ne peux pas imaginer qu’il n’y parvienne pas. De toute façon, je ne peux pas rester toute ma vie sur ce yacht. Il devra finir par se poser quelque part.

- Depuis combien de temps suis-je ici ? je demande en prenant un nouveau gâteau.

- Un peu moins de 48h, répond Mildred. Vous avez beaucoup dormi à cause de la fatigue. Il faudrait faire attention à ne pas forcer, cela pourrait conduire à des complications comme un accouchement précoce.

Cela doit faire moins d’une semaine que j’ai été kidnappé mais je ne peux pas en être sûre. Je n’ai aucune notion du temps depuis que je me suis réveillée dans la cale du cargo.

- J’espère que vous êtes bien installé Marina, prononce une voix masculine dans mon dos.

Je sursaute avant de me retourner brusquement sur deux hommes. Je ne connais pas l’homme qui m’a adressé la parole pourtant son air british et ses yeux me rappellent quelqu’un. Mes sens sont en alertes et mon instinct me souffle immédiatement la réponse.

- Percy Anderson.

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