Chapitre 34 - A la dérive

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Marina

Je ne sais pas ce qu’il se passe. Je ne suis même pas consciente de la position de mon corps ni même de ma tête. Elle me fait si mal, je n’arrive pas à réfléchir. Mon esprit est embué d’un épais brouillard.

Je préfère me laisser aller et divaguer en attendant de reprendre des forces. Pourquoi suis-je dans cet état ? J’espère que je n’ai pas eu de problème avec les jumeaux. S’il leur arrivait quelque chose, je ne pourrais jamais me le pardonner. Je regrette d’avoir été si aventureuse pendant notre voyage de noces.

Je n’arrive pas à dormir. Mon esprit ne cesse de me pousser vers des souvenirs. Les images défilent devant moi comme si je regardais un film. C’est très étrange comme sensation, je suis dans une sorte de demie conscience.

Je ne sais pas combien de temps je reste dans cet état mais je commence à sentir mon corps et à prendre connaissance de ce qui se trouve autour de moi.

Mes yeux papillonnent de longues minutes avant que je ne puisse les garder ouverts.

Il fait presque noir. Je repère une veilleuse au-dessus de ce qui semble être une porte. Je suis enfermée entre quatre murs et un bruit assourdissant me vrille les oreilles. La douleur de mon crâne me fait plus mal que jamais et je me recroqueville.

Je sens une texture presque douce sous mes bras nus. Je parviens à faire bouger mes doigts sur le tissu. Je crois qu’il s’agit d’un matelas.

Je bouge mes pieds toujours emprisonnés par mes chaussures. Ils sont engourdis par mon immobilité. Je les tapes les uns contre les autres pour faire circuler le sang.

Impossible de me redresser pour le moment, je suis trop faible.

Je ne comprends pas ce que je fais mais ce n’est pas bon signe. Je ne suis pas à l’hôpital ni dans un endroit accueillant.

Je m’habitue au bruit continu que semble produire des machines.

J’approche ma main de la paroi sombre. Elle est froide et métallique. Mes doigts ressentent les vibrations produites par ce bruit infame.

La pièce est si petite qu’on dirait presque un placard à balai. Il n’y a aucun meuble, je suis seule.

Prise d’une fatigue, je ferme les paupières. Des images me reviennent en mémoire. Je suis embarqué dans une voiture alors que Vicente est tabassé sur la route.

Je pensais que le kidnapping ne pouvait arriver qu’une seule fois et voilà que je me retrouve à nouveau dans la merde. On dirait que j’ai un don pour ça.

Je suis lasse de ces histoires entre les gangs. Je suis outrée par les mensonges de Vicente. Je suis certaine que c’est à cause de lui que je suis là. Mais, je n’ai plus envie de me battre, je n’ai même plus peur à cet instant.

Lui qui n’avait rien à perdre avant de me rencontrer est devenu faible à cause de l’amour. Je n’aurais jamais dû rester avec lui cet été. J’aurais dû partir quand il m’en a laissé l’occasion. Mais le pire dans cette histoire c’est que j’ai recommencé. Je me suis laissée dominer par mes sentiments et je suis revenue au Mexique avec lui pour me marier. Depuis le début, j’aurais dû choisir Oscar ou rien du tout ! En fait, j’étais libre de rester seule.

J’ouvre brusquement les yeux en entendant la porte grincer sur ses gonds. Je suis éblouie par la lumière extérieure.

Je papillonne des paupières et je remarque deux hommes à l’entrée de la cabine. Une odeur de sel et de poisson parvient à mes narines.

Les deux inconnus n’ont pas un visage accueillant et sont très mal habillés. Ils sont vêtus de vieux habits de chantier.

- Bonjour madame Alcarón, commence le premier en espagnol. La compagnie s’excuse des conditions de votre détention mais nous devons être discrets.

- Je ne comprends pas, je dis d’une voix pâteuse.

- Notre patron vous expliquera, intervient le second.

- Il nous reste encore quelques jours de voyage avant d’arriver à destination, vous devez manger.

Il dépose un petit carton par terre avant de se tourner vers la sortie. Son compère allume une lumière qui éclaire ma pièce.

- Depuis combien de temps je suis là ? je demande.

Mes deux geôliers quittent l’endroit sans me répondre. La porte grince et se ferme dans un cliquetis sec. Je n’ai pas eu le temps de me jeter dessus. De toute façon, je n’aurais jamais pu m’enfuir.

Je me frotte les yeux puis je pousse doucement sur mes bras pour me redresser. Mes membres sont encore engourdis et j’ai mal aux muscles comme si j’avais enchainé cinq heures de sport la veille.

Je récupère la boite à mes pieds avec en l’ouvrant avec méfiance. A l’intérieur il y a une grosse boite de salade de pâtes en conserve, des biscuits, des couverts en plastique, deux bouteilles d’eau et des lentilles cuisinées en conserve.

Dans le coin de la pièce, je repère un lavabo et un miroir à moitié brisé avec des affaires de toilette. C’est étrange mais j’ai l’impression d’être à la fois bien et mal traité. Ce n’est pas normal d’être kidnappée et vivre dans ce genre de conditions. Il y a quelque chose de vraiment bizarre. De plus, je n’ai pas l’impression que ces hommes me voulaient du mal.

J’attrape une boite de conserve pour l’ouvrir. Je remarque alors que ma peau est pâla malgré le bronzage et que mes veines ressortent. Je vois un petit sur l’une d’elles.

J’ai été droguée. Cela explique pourquoi je me sens aussi mal et à côté de la plaque.

Je mange presque toute la nourriture contenue dans la boite. Je pense que ça fait plusieurs jours que je suis ici en train de délirer. Je ne me rappelle pas ce qu’il s’est passé après être monté de force dans la voiture de mes ravisseurs.

Je remarque que je ne sens pas très bon alors je décide de me laver avec le gant de toilette et le bloc de savon. Je ne pense pas que mes geôliers vont revenir avant un petit moment alors je peux retirer mes vêtements.

Quand j’ai terminé je me sèche avec une serviette. Je me sens beaucoup mieux maintenant.

La lumière me permet d’examiner le matelas qui me parait usé mais propre. Il n’y a pas de rats ni d’araignées dans la pièce est c’est déjà un fardeau en moi.

Une partie de moi est curieuse de connaitre les raisons de mon enlèvement mais une autre partie a peur de connaitre la vérité. Etant donné que je ne suis pas torturé, je dois être une monnaie d’échange ou en capacité de livrer des informations. Je ne vois pas d’autres possibilités.

D’ailleurs, si mes ravisseurs ont l’air d’être mexicains, je trouve qu’ils n’ont pas le comportement de criminels. Peut-être que ce sont des pêcheurs payés pour me transporter sur leur bateau ? Non, cette idée est trop folle. Même si la corruption existe, je ne pense pas que la personne qui a commandité mon enlèvement ait choisi des amateurs pour le faire.

Je pousse un soupir et je me recouche sur mon lit de fortune en regardant le plafond. La lanterne du plafond se balance à rythme régulier. Aucun doute, je suis bien dans la cave d’un bateau.

Au-dessus de ma tête, il y a un trou dans le mur avec un coussin qui dépasse et une vieille couverture élimée. Je les agrippe en tendant mon bras vers eux.

Vicente doit être en train de péter les plombs. J’espère qu’il va me retrouver. En fait, je sais qu’il va me retrouver, il ne pensera qu’à ça. J’ai espoir qu’il ne tombe pas dans la folie s’il se confronte à des obstacles.

Nous n’aurions pas dû nous montrer devant toutes ces caméras. Mon mari a beaucoup d’ennemis parmi l’élite. Il est possible qu’une personne veuille s’emparer de son succès en le faisant chanter ou pire. Peut-être que quelqu’un est au courant pour La Pantera.

Soudain, je commence à m’inquiéter. Si cet individu sait pour Vicente et La Pantera alors il voudra surement des informations de ma part. J’espère que je ne serais pas soumise à la torture ou pire…

Je commence à faire des exercices de respirations pour éviter d’hyper ventiler dans une pièce aussi exiguë où personne ne peut m’aider. Ce serait idiot de mourir ici et de cette manière.

Ma tête répète ses maux et je suis contrainte de m’allonger un instant. Je mets de l’eau sur mon visage car il faut avouer que j’étouffe de chaleur.

Lorsque je me sens un peu mieux, je me redresse. Je n’ai pas de médicament sous la main alors je bois plusieurs gorgées d’eau.

Je n’ai aucune idée de l’heure ni depuis combien de temps je suis éveillée. Je suis fatiguée et j’aimerais pouvoir dormir. Oui, je souhaiterais y arriver. Toutefois, je n’arrive pas à m’empêcher de penser à Vicente. Je sais à quel point il doit souffrir.

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