Vicente

Nous avons passé la fin de la journée au lit puis nous avons mangé notre repas dans notre chambre. Marina a dormi au moins douze heures et elle n’a pas quitté le lit avant ce matin.

Je sais qu’elle a dû mal à se remettre de ce que je lui ai dit. Après tout, je lui ai caché la vérité car je voulais la protéger.

Maintenant je connais mon erreur ; ce n’est pas parce que je ne lui dis rien que le danger n’est pas présent. Des personnes malintentionnées essayent de me mettre à terre et elles pourraient se servir de ma femme pour m’atteindre.

Encore une fois, je dois jouer à deux jeux différents. Vicente et La Pantera sont tous les deux en danger, menacés par deux ennemis différents. C’est un peu compliqué d’avoir les yeux partout.

Heureusement pour moi, Marina a compris les enjeux et pourquoi je ne lui ai pas dit. Je vais encore me racheter pour ce que j’ai fait pour regagner sa confiance.

Pendant qu’elle se douche, je suis en train de programmer une super journée en amoureux. On va aller à la plage, puis faire une balade à l’intérieur des terres de l’île. Je voudrais aussi survoler le lagon en ULM pour observer avec elle les beautés de l’Océan Indien.

Concernant ce dernier élément, j’aurais dû faire une réservation. Etant donné qu’il n’y a plus de place, j’appelle le propriétaire pour lui promettre une somme considérable en échange d’un avion.

Marina ne sait pas à quel point je me démène pour elle. Je veux absolument que notre vie à deux et bientôt à quatre soit parfaite.

- Pourquoi tu souris comme ça ? demande ma femme en s’approchant de l’armoire.

- Je pensais à notre vie de bonheur, je réponds en l’enlaçant par derrière.

Ma femme se retourne en fronçant les sourcils.

- Ce n’est pas parce que nous sommes mariés que je t’appartiens Vicente, dit-elle avec sérieux. Si je suis plus heureuse avec toi, je partirais.

J’ai un mouvement de recul car je me sens comme électrocutée. Je crispe mon visage pour ne pas qu’elle voit que je suis blessé par ses propos.

- Mais nous sommes bien ensemble, se reprend-t-elle en appuyant sa main contre mon cœur. Je ne veux pas que tu vrilles ou que tu continues à jouer les héros avec El Barrio.

Je la repousse doucement puis m’en vais pour prendre une douche. Je sens que Marina me suit dans la pièce.

- Je me suis exprimée avec maladresse…

- J’ai compris ce que tu voulais dire, je la coupe un peu trop durement. On a déjà eu cette conversation Marina et je t’ai dit que c’était terminé avec El Barrio, que je ferais des efforts.

J’attrape rageusement une serviette pour m’essuyer le corps. Marina est toujours là en train de m’observer avec de grands yeux.

J’aimerais rester en colère contre elle mais je n’y arrive pas. Je pousse un soupire puis je viens la prendre dans mes bras.

- Je suis désolée, j’avais une surprise pour toi aujourd’hui et tu viens plomber mon moral avec ça.

Elle me rend mon étreinte puis sort de la salle de bain.

***

La plage de sable banc est superbe et les palmiers bougent au rythme de la brise. L’eau est d’un bleu surnaturel et j’ai hâte d’aller dans l’eau avec ma femme.

Nous avons pris nos affaires de plongée et nous sommes en train de nous équiper pour observer les animaux marins.

L’eau n’est pas froide, elle est même plus chaude qu’à Veracruz. Je prends Marina par la main pour la guider.

Nous utilisons nos palmes pour avancer vers les coraux situés plus loin de la plage. Je fais signe à ma femme lorsque je vois un énorme poissons arc-en ciel passer près de moi. Elle me lance un grand sourire malgré le tuba dans sa bouche.

Plus nous avançons et plus les coraux sont énormes et cachent différentes espèces de poissons. J’ai plusieurs fois ma femme à rester en planche car son ventre est devenu plus lourd.

Même après quarante-cinq minutes dans l’eau, Marina ne me lâche pas la main. Je lui fais signe de retourner vers le bord pour pouvoir profiter de la plage.

- Je suis essoufflée, commente-t-elle après avoir retiré son équipement.

Je lui tends une bouteille d’eau fraiche et des biscuits que j’ai ramené du petit déjeuner.

- Il faut que tu reprennes des forces car nous allons faire une petite randonnée tout à l’heure.

Je lui lance un clin d’œil pour lui signifier que j’ai plein de petites surprises.

Nous profitons encore un peu de la plage en dégustant des sandwichs achetés dans une maisonnette en bord de mer. Ensuite, nous allons nous changer à l’hôtel car il n’est pas loin. En effet, il est préférable de porter des vêtements spéciaux pour la randonnée.

Un chauffeur privé nous dépose au début d’un chemin qui s’enfonce dans la forêt. Les arbres sont immenses et verdoyants.

- Cet endroit ressemble un peu aux forêts européennes mais elles sont plus exotiques, commence Marina en me tenant la main.

- Ça doit être l’aspect tropical, j’ajoute en souriant.

- Regarde ! s’exclame-t-elle. Le papillon est magnifique.

Je regarde un énorme papillon vert et bleu se poser sur un arbre. Je n’ai jamais vu un insecte aussi et je suis aussi subjugué que Marina. On dirait que je suis devenu plus sensible à ce qui m’entoure depuis que je suis avec elle.

Ma femme me tire par la main pour continuer à avancer. Nous croisons beaucoup d’autres touristes venus profiter comme nous de cette atmosphère magique.

Afin de ne pas fatiguer ma femme en pleine grossesse, j’ai pris un parcours simple et court où elle ne risque pas de tomber.

Au-delà du sentier, la forêt est très dense et les plantes s’entremêlent les unes aux autres. Cette ambiance me rappelle un peu les exercices militaires que je faisais dans la forêt. En effet, il y avait de nombreux entrainements orchestrés par l’ancien chef de El Barrio. Nous devions savoir nous battre dans n’importe quelles conditions et endroits.

Je me souviens que j’avais dix-sept ans, une machette à la main pour couper les herbes gênantes. A ma ceinture j’avais une arme de point et un fusil d’assaut dans le dos. Je ne peux retenir un sourire en me souvenant de mes cheveux rasés qui me donnaient une tête de caïd.

Marina me tapote le bras pour me sortir de ma rêverie. J’étais en train de regarder intensément les arbres au loin.

- A quoi tu pensais ? questionne-t-elle.

- A une autre vie que je ne regrette pas, je réponds.

Je vois qu’elle ne comprend pas ce que je raconte. Je garde le silence en espérant qu’elle passe à autre chose puis je pousse un soupir en me disant que je ne dois plus rien lui cacher.

- Quand j’étais adolescent j’ai fait un exercice de combat dans une forêt avec El Barrio, j’explique. Je n’étais pas beau à cette époque ; mes cheveux étaient rasés, j’étais grand et mince, avec quelques muscles bien sûr.

Ma femme s’esclaffe en imaginant la scène.

- Je vois bien le tableau, dit-elle en me lançant un clin d’œil. J’aimerais bien voir une photo de toi quand tu étais plus jeune.

- Je n’en ai pas, je réponds gênée. J’ai fait table rase de la vie quand toute ma famille est morte. Je devais devenir quelqu’un d’autre pour m’en sortir et oublier le traumatisme.

Elle me regarde tristement.

- Je pense que notre fils me ressemblera et tu pourras voir comment j’étais enfant, je la rassure pour lui redonner le sourire.

Ça marche, Marina pense à nos futurs enfants. Nous pouvons alors continuer le chemin de terre pour terminer la randonnée.

La même voiture nous attend pour nous amener à l’aérodrome. Ma femme ne comprend pas où on va mais elle me fait confiance.

Lorsque nous décollons de l’ULM, elle est émerveillée et me sourit. Il n’a que deux places dans ce genre d’appareil donc nous sommes séparés. Nos deux pilotes se font des signes pour ne pas se foncer dedans tout en restant près l’un de l’autre.

Je prends quelques photos des Seychelles vues du ciel. Le lagon est sublime et je suis content que ma promise se régale.

Trente minutes plus tard nous sommes au sol et ma femme se plaint que ça ne dure pas assez longtemps.

- Je vais réserver un autre créneau si tu veux.

- Il faudrait vous y prendre en avance la prochaine fois, m’indique le propriétaire des avions l’air gêné.

Je le fusille du regard en amenant Marina vers la voiture qui doit nous amener en ville.