Chapitre 29 - Lune de miel orageuse

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Marina

Les festivités m’ont épuisé et je suis en train de somnoler dans l’avion. Vicente n’a pas pris de jet privé car la destination est loin. Toutefois, il a réservé les places les plus chères pour bénéficier d’un confort absolu. Ces derniers temps, il s’inquiète beaucoup pour moi alors que ma grossesse se passe bien.

J’ai les jambes allongées devant moi et le siège incliné en arrière. Le moteur de l’appareil m’empêche de trouver un véritable sommeil alors je me repose. Je sens la main de Vicente sur la mienne qui remue de temps en temps.

Je me redresse doucement puis je regarde sur la tablette le trajet. Nous approchons de notre destination alors il est inutile d’essayer de dormir.

J’observe le visage de mon mari qui parait serein dans son sommeil. Au contraire, j’ai la sensation depuis quelques semaines que quelque chose ne va pas. Vicente essaye de cacher sa nervosité mais il n’y arrive pas ; je suis la personne qui le connais le mieux sur cette planète.

Je suis très occupée et je ne vais pas l’embêter avec ça. Je préfère que ce soit lui qui se confie à moi.

***

L’hôtel est si beau que je n’ai pas de mot pour le décrire. Vicente n’a pas fait les choses à moitié et nous a réservé une suite. Il est tôt et je n’ai pas le courage de faire l’amour avec mon mari. Lui en revanche, semble plus en forme que moi. Mais à son air réservé, je devine qu’il ne va rien tenter avec moi.

- Tu fais la tête ? demande-t-il en me tenant le bassin.

- Non, je suis simplement fatiguée, je me confie d’une voix atteinte.

J’ai à peine échangé quelques mots avec lui depuis le début du voyage.

- Il faut que tu te reposes, on verra plus tard pour la nuit de noce.

- De toute façon, il n’y a plus rien à dépuceler ici, je souris en lui désignant mon ventre.

Mon mari lâche un rire franc avant de venir déposer un baiser sur mes lèvres.

- Bonne nuit princesa, me provoque-t-il.

Je change rapidement de vêtements pour revêtir une chemise de nuit blanche en satin et dentelle. Vicente m’observe langoureusement avant de détourner le regard. Il quitte notre chambre pour s’occuper des valises restées dans l’entrée.

***

Je sens le vent caresser ma peau et les draps sont si doux sous mes doigts. Je ne veux pas me réveiller mais je perçois les rayons du soleil sur mon visage. Je suis trop bien dans ce lit king size et j’aimerais rester ici toute ma vie.

Pourtant, je finis par ouvrir les yeux sur les rideaux à moitiés tirés et la chaleur qui pénètre dans la pièce. Les saisons sont inversées dans l’hémisphère sud donc c’est l’été aux Seychelles.

Je me tourne vers Vicente qui dort à point fermé et à moitié nu près de moi. J’observe ses tatouages qui s’étendent sur toute la partie du bras. Celui situé dans le cou a disparu et a été remplacé par une rose rouge. Je remarque également mon prénom écrit en fine lettre entre deux touches d’encre. Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais écrire le prénom de sa compagne sur le bras ?

Je n’ai pas le temps de me demander pourquoi il a fait ça. En effet, je repère un tatouage plus agressif sur son poignet. Je l’ai vu des milliers de fois sans y prêter attention. Si je devais demander la signification de tous ces dessins à Vicente, il faudrait des jours entiers.

Je m’approche pour l’admirer car je suis sûre de l’avoir déjà vu quelque part. Mon cerveau commence à se réveiller et à chercher au fond de ma mémoire.

Soudain, comme électrocuté, le tatouage du serveur au mariage s’impose dans mon esprit. Il est identique. Evidemment. Tous les membres du gang le possèdent, c’est le symbole de El Barrio.

Je repousse les draps pour me lever. Je me sens bouillir d’une rage folle et je préfère prendre une douche froide avant d’atomiser la chambre.

Vicente m’a menti, il n’a jamais tiré un trait sur El Barrio. Non seulement il porte encore le tatouage du gang mais en plus il a engagé des membres lors de notre mariage. Même si Lejos a repris le flambeau, il est évident que mon mari se mêle encore de ces histoires. Cela expliquerait sa nervosité et certaines absences.

Furibonde, je fais couler de l’eau fraiche sur ma peau. Je me sens trahi par la personne la plus importante pour moi. Je suis tellement en colère que je ne sais même pas comment réagir. Je me contente juste de me frotter le corps jusqu’à avoir la peau rouge.

Je me sèche rapidement puis je reviens dans la chambre pour enfiler des vêtements. Dans la précipitation, je fais tomber une paire de chaussure sur le carrelage. Vicente bouge dans le lit avant d’ouvrir les yeux. Il me lance un sourire mais je lui jette un coussin à la figure.

- Tu n’es qu’un semble menteur, un traitre ! je m’écris.

Vicente bondit hors du lit pour s’approcher de moi. Je le repousse puis je cherche mon sac à main.

- Qu’est-ce qui se passe Marina ? demande-t-il avec une tête éberluée.

Je continue à fouiner dans ma valise comme si j’avais le diable au corps. Ce sale traitre m’interrompt en me prenant fermement par les bras.

- Il faut absolument que tu te calmes, ce n’est pas bon pour les bébés, me conseille-t-il d’une voix autoritaire.

- Je sais que tu es encore en contact avec El Barrio ! je crie à nouveau. Un des serveurs avait le tatouage !

J’essaye de m’écarter à nouveau de lui mais sa poigne est trop forte.

- Ne te laisse pas dominer par tes émotions, chuchote-t-il près de mon oreille. N’oublie pas qu’elles sont exacerbées parce que tu es enceinte.

- Tu ne le nie pas ? je gronde.

Vicente me regarde droit dans les yeux et ne semble pas du tout ébranlé par mon comportement.

- J’ai donné un emploi à plusieurs jeunes des quartiers pauvres. Certains ont le signe du gang mais il ne font pas vraiment partie de l’organisation.

- Ne te fou pas de ma gueule !

Cette fois-ci, je suis libérée de mes chaines. Je trouve mon sac à main puis je fais face à mon mari.

- Tu m’as menti !

- Je me suis tenu loin de El Barrio mais Lejos n’a pas pu s’empêcher de me confier les problèmes du gang.

- Ça ne te concerne plus !

- Tu crois que c’est facile d’abandonner tout ce que j’ai connu, ma vie, mes amis, ma famille…

- C’est moi ta famille, je le coupe. Moi et eux ! Arrête de te trouver des excuses.

Je désigne mon ventre du doigts avant de le pointer à nouveau sur Vicente.

- Ce n’est pas ce que je fais Marina ! Mais tu n’essayes même pas de me comprendre.

J’observe le visage de celui qui est désormais mon époux et je n’arrive pas à accepter l’idée qu’il traine encore dans des trucs louches alors qu’on va avoir non pas un mais deux enfants.

Je lui tourne le dos puis me précipite dans le salon. Je suis assailli par une douleur au niveau du ventre et de la colonne vertébrale. Je tombe à genoux sous le choc.

- Marina ! s’écrie le criminel.

Je le sens me prendre dans ses bras pendant que j’ai les yeux mi-clos. Il semble fou d’inquiétude en me déposant sur le lit que j’ai quitté quelques minutes plus tôt. Il saisit aussitôt le téléphone sur la table de chevet pour appeler un docteur.

- Ça va aller mon amour, me dit-il en saisissant ma main. Tu ne vas pas perdre les enfants, tu ne peux pas perdre nos enfants.

La douleur durcit les traits de mon visage mais je parviens à faire un demi sourire. Je n’ai plus de haine contre lui à cet instant précis mais reviendra-t-elle au galop ensuite ?

Après ce qui me semble une éternité, la douleur se calme et le docteur pénètre dans la chambre. Il m’examine avec une lenteur exaspérante mais je ne dis rien. Vicente aussi est silencieux, il patiente les yeux rivés sur le médecin.

- Les bébés se sont retournés dans le ventre, il n’y a rien de grave, conclut-il. Toutefois, je vous déconseille à l’avenir de subir de fortes émotions car cela pourrait perturber la grossesse.

Vicente me jette un regard disant « tu vois je te l’avais dit ».

Le docteur quitte la chambre et mon mari vient près de moi avec un plateau repas. Un petit déjeuner continental est exactement ce qu’il me faut. Avec toute cette colère, je n’ai pas réalisé à quel point j’avais faim.

- Je te dirais toute la vérité Marina, me dit mon mari, mais d’abord je veux que tu te reposes.

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