Chapitre 27 - Dans la tourmente

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Vicente

Je suis concentré sur mon ordinateur à étudier les dossiers sur mes partenaires et mes clients. Mon bureau est illuminé par le soleil qui se répercute sur ma peau. Je tire sur ma cravate qui me donne l’impression d’étouffer malgré la climatisation.

Mon téléphone se met à sonner dans ma poche. Je le récupère en espérant un appel de Marina. Je me figer quelques secondes en remarquant qu’il s’agit de mon portable prépayé que j’utilise pour contacter les membres de El Barrio. Je le change régulièrement et je ne le prends presque plus avec moi. J’ai promis à ma fiancée que j’ai tourné la page. Malheureusement, il se passe des choses trop étranges en ce moment pour que je ferme les yeux.

- Lejos ? j’appelle sur un ton neutre.

- J’ai longtemps hésité à te parler, commence-t-il sans préambule. Mais en ce moment c’est vraiment la merde.

- Comment-ça ? je le coupe en fronçant les sourcils.

- Nos cargaisons de drogue et d’armes ont subi plusieurs contrôles à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis mais aussi au port de Cancún. Ce genre de choses arrive très rarement donc des personnes ont intégré El Barrio et connaissent nos heures d’action.

- Qui Lejos ? je m’exclame en me levant brusquement de mon siège.

- La police, des gangs ennemis, ça peut être n’importe qui, répond mon ami en soufflant.

- Si tu trouves des informations appelle-moi sur le champ, j’ordonne. C’est toi le chef maintenant mais je suis peut-être en danger et personne ne doit savoir qui est vraiment La Pantera.

Un silence se manifeste à l’autre bout du fil avant que mon ami reprenne :

- Ce n’est pas tout, hésite-t-il un instant. On a perdu beaucoup d’hommes et on a du mal à recruter. El Barrio est menacé de tous les côtés.

- Ce n’est pas possible, je m’écris.

- Ce que j’essaye de te dire c’est El Barrio est en train de sombrer.

De rage je fracasse mon téléphone au sol et il se brise en deux. Je balaye les stylos présents sur mon bureau avant de faire trembler la table en tapant mon poing dessus.

Je sais que l’avenir du gang ne doit pas me préoccuper mais tout ce que j’ai construit ces dernières années est sur le point d’être détruit. Toutefois, il ne s’agit pas seulement de ça. La Pantera est toujours là dans les esprits et je sais que des ennemis veulent absolument savoir qui est derrière.

Je pensais pouvoir protéger Marina mais je pense que je me suis trompé. Je ne serais jamais seulement Vicente Alcarón. Il ne suffit pas de tout arrêter pour que tout s’efface et que le passé meure comme s’il n’avait jamais existé. J’ai même menti à ma fiancée pour garder une attache à El Barrio et à mes amis. Elle pense que tout est redevenu normal alors qu’il n’en est rien. Je continue à être là dans l’ombre comme Lino était dans celle de La Pantera.

Je reste de longues secondes comme un con à regarder l’horizon depuis la fenêtre de mon bureau. Je suis en train de mener un combat contre moi-même. Je n’ai pas envie de me mêler des affaires de El Barrio mais je ne peux pas m’empêcher de penser à mes camarades. Je serre les poings jusqu’à m’enfoncer les ongles dans la peau.

- Et merde ! je finis par grommeler pour moi-même.

Je sors précipitamment de la pièce puis je me plante devant le bureau de mes deux secrétaires.

- Appelez l’aéroport, j’ai besoin d’un pilote et de mon jet immédiatement pour aller à Mexico, j’ordonne avant d’aller vers les ascenseurs.

Pendant la descente aux Enfers, je pense à Marina. Elle doit être en train de travailler. J’ai l’impression que Noël et le nouvel an sont loin derrière moi, j’ai probablement vécu mes derniers instants d’insouciance. Une guerre risque de bientôt éclater et les gangs ennemis vont se liguer contre nous pour anéantir El Barrio.

***

Je me suis rapidement changé dans les toilettes de service des employés de l’aéroport. Je déambule dans les rues de Mexico comme une ombre. Personne ne peut me reconnaitre avec ma casquette et mes lunettes de soleil.

Je pénètre dans un restaurant chinois à quelques rues du centre historique de la ville. Lejos a changé plusieurs le quartier général de la Souricière. Je pénètre dans un sous-sol humide et mal éclairé avant d’arriver dans une espèce de cave pas très accueillante. Mon bandana rouge que je viens de mettre ne m’aide pas à respirer correctement.

Les murs sont gris sans aucune peinture et le plafond est bas. Le matériel est encore emballé dans les cartons et je sens les informaticiens mal à l’aise sur leurs petits bureaux et ordinateurs. Ils n’ont même pas la moitié de leurs outils avec eux, je ne vois pas comment ils pourraient travailler dans de bonnes conditions. De plus, l’endroit est deux fois plus petit que notre QG initial.

Je repère Lejos en train de courir dans tous les sens pour aider à installer une partie du matériel. Lorsqu’il me voit, il se précipite vers moi.

- Je ne pensais pas que tu allais venir, commence-t-il avec surprise.

- Impossible de me sortir cette idée de la tête, je réplique. Si tu as besoin d’aide autant que je sois pour ma famille.

Mon ami ne semble pas approuver mon comportement car il croise les bras en soupirant bruyamment.

- C’est comme ça que tu comptes tenir ta promesse envers Marina ? questionne-t-il d’un ton sarcastique.

Bien sûr, je lui ai tout raconté depuis que j’ai quitté le Mexique pour rejoindre ma fiancée à Paris.

- Tu vas bientôt avoir deux enfants Vicente, chuchote-t-il. Tu ne peux pas te comporter de manière impulsive comme tu avais l’habitude de la faire quand tu étais Lino.

- Je suis au courant de tout ça, je réplique en le guidant vers les escaliers. Je sais que j’ai fait une promesse à Marina mais mon empire est en train de se casser la gueule sous mes yeux et je ne peux m’empêcher de me dire que ce n’est pas mon problème.

- Ne me fais-tu pas confiance pour gérer El Barrio ?

- Dans le cas contraire, je ne t’aurais pas choisi, je réponds en levant les yeux au ciel. Tu es la meilleure personne pour remplacer Lino et devenir la nouvelle Pantera.

- Mais tu es toujours là, insiste Lejos.

Il commence vraiment à m’agacer et à essayer de me dégager de là.

- Tu as besoin de quelque chose ? As-tu de nouvelles informations susceptibles de m’intéresser ?

Mon ami pousse un soupire puis me fait signe. Il me désigne un bureau désordonné qui semble être le sien. Il me montre une grande planche en bois posée derrière laquelle se trouvent plusieurs indices concernant les attaques que subit El Barrio.

- Je n’ai rien de plus que tout à l’heure mais peut-être trouveras-tu une information capitale qui m’échappe, dit-il en me laissant seul avec son bout de bois.

Je rapproche une lumière pour mieux m’imprégner des mots et des photos qui figurent sur ce panneau. Certains d’entre eux sont reliés par des ficelles rouges comme dans les films.

Je repère le gang de Los Huerfanos que nous avons éliminé, mais d’après ce que je vois il reste encore des réfractaires qui s’organisent dans leur coin. Ensuite, je repère les services secrets mexicains avec la CIA entourée en rouge et un gros point d’interrogation. Enfin, il y a de nombreux gangs dont certains sont affiliés les uns aux autres. Apparemment, beaucoup de nouvelles alliances se sont créées pendant que je n’étais pas là. C’est étrange, l’équilibre entre ce petit groupe repose sur une incessante rivalité. Ils ne sont habituellement pas très dangereux tant qu’ils ne deviennent pas une seule et même organisation.

Il n’y a vraiment pas grand-chose sur ce tableau. Les dossiers sur le bureau représentent nos comptes fait sur un tableur ainsi que les déplacements de marchandises et tout ce qui va avec. Je ne vois rien de bizarre, pourtant, je suis sûre qu’il y a anguille sous roche. Peut-être que quelque chose de plus gros se prépare.

Je repère sur un coin une pile de photos de nos ennemis. Lejos a dû encore pirater les vidéos de surveillance pour pouvoir espionner nos ennemis.

Je pousse un long soupir avant de rejoindre mon ami occupé à installer un nouvel ordinateur sur une table.

- Appelle s’il y a quelque chose de suspect.

Lejos ne me retiens pas le bras avant que je parte.

- Fais attention à toi, il se peut que tu sois en danger.

Je quitte le restaurant chinois pour me perdre dans la ville. Je vais appeler un taxi pour aller à l’aéroport puis retrouver Marina. Heureusement, il n’y pas beaucoup de temps de vol entre ici et Veracruz : il faut à peine plus d’une heure. Ma fiancée ne se doutera de rien. Mon estomac se serre en pensant à la rupture de ma promesse mais je dois aider ma famille.

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