Chapitre 11 - Fantôme du passé

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Marina

Ma mère n’arrête pas de parler pendant le repas. C’est la première fois que je la vois se comporter ainsi. Oscar ne semble pas gêné par ses questions et je suis rassurée. Lina aussi s’intéresse à lui et semble admirer ses réponses.

Lorsque ma mère amène le dessert, je ne me sens pas très bien. Le poids de la vérité pèse toujours sur mes épaules mais je ne veux pas plomber l’ambiance conviviale.

J’ai peur de dire la vérité mais je ne pourrais pas la cacher indéfiniment. Si c’était un secret non visible, je sais que je ne l’aurais jamais révélé. Je n’aurais pas eu peur et j’aurais supporté son poids.

Droite comme un I, je mange mon dessert en silence. Ma mère ne s’inquiète pas de mon comportement et ça me rassure un peu même si la connaissant, elle va peut-être me faire une remarque lorsqu’Oscar sera parti.

Soudain, un haut le cœur violent me traverse. Je me lève précipitamment puis je grimpe à l’étage pour rejoindre les toilettes. Je rends tout mon repas lorsque mon estomac se retourne. Est-ce à cause du secret ou de mon état ? Peut-être un peu des deux.

Lorsque je sors de la pièce exiguë, je tombe nez à nez sur ma mère et Oscar.

- Est-ce que tout va bien ? demande ce dernier.

- C’est en rapport avec ce que t’a dit le docteur ? questionne ma génitrice.

- Le médecin m’a dit que j’avais quelques problèmes de digestion et que c’était normal que mon estomac soit douloureux, je mens. J’ai des cachets dans ma chambre que je dois prendre avant chaque repas.

Oscar pose une main sur mon épaule et me la caresse. Voyant qu’elle est de trop, ma mère s’éclipse en marmonnant qu’elle va me chercher à boire.

Mon compagnon me conduit à ma chambre et je m’installe sur le lit. Près de moi, il me câline le dos de la main. Ma génitrice me donne un verre de coca pour mon estomac qui peine à se remettre.

- Tu es sûre qu’il n’y a pas autre chose ? m’interroge Oscar. Tu ne semblais pas très à l’aise pendant le dîner.

- Je ne sais pas trop, j’hésite.

Je suis fatiguée de cette journée et je ne suis pas sûre de vouloir dire la vérité à Oscar maintenant. S’il s’en va contrarié sans rien dire à mes parents, je vais devoir donner des explications à ma famille. Non, je ne crois pas que ce soit le bon moment de lâcher la bombe.

- La prise de sang m’a vidé de mon énergie, je finis par dire.

- Je vais te laisser te reposer dans ce cas, dit mon compagnon en se levant.

- On se voit demain ? Il y a un nouveau café que j’aimerais tester.

- Tu es sûre que ce n’est pas mauvais pour tes problèmes d’estomac ? s’inquiète-t-il.

Je secoue la tête puis je lui presse la main en signe d’aurevoir. Oscar quitte la chambre et je suis à nouveau seule avec mes secrets.

***

Oscar et moi marchons côte à côte en nous tenant la main jusqu’au nouveau café. Je ne sais toujours pas si je dois lui dire la vérité. Depuis que mon cerveau a capté que j’étais enceinte, j’ai l’impression que mon ventre a encore un peu grossi.

Les résultats du laboratoire me sont parvenus ce matin et il n’est pas possible pour moi d’avorter. Je sais que je suis désormais condamnée sans possibilité de m’échapper. Je ne sais pas encore qu’elle décision prendre au sujet de l’enfant : le garder ou accoucher sous X ?

Soudain, ma nuque me picote comme si quelqu’un était en train de m’observer. C’est la troisième fois cette semaine et je commence à m’inquiéter. Quand je me retourne, je ne vois personne de suspect, juste des badauds qui font leur vie.

- Nous sommes arrivés, me fait signe Oscar en désignant la bâtisse.

Je sors de ma paranoïa pour observer l’endroit. Les vitrines laissent entrevoir un intérieur très grand et remplis de verdure. Le style est très décontracté et lumineux avec du bois et des chaises en osier accompagnées de coussins blancs et bleus. Tout est neuf et je trouve l’établissement très avenant.

Nous pénétrons dans la grande pièce puis nous nous asseyons à une table en bois avec deux sièges. Je retire mon manteau sans pouvoir m’empêcher de toucher mon ventre pour constater qu’il est bien caché sous ma jupe évasée.

Nous commandons un chocolat viennois et un café au lait. Le service est rapide et je suis heureuse que l’endroit ne soit pas plein. Nous discutons de beaucoup de choses et je suis contente d’avoir oublié mes problèmes.

Soudain, Oscar commence à devenir un peu gêné et prend un air sérieux. Il touche le dos de ma main avec ses doigts.

- J’ai quelque chose à te demander, commence-t-il en se mordillant la lèvre.

Au fond de moi, je sais ce qu’il va me dire mais je ne veux pas y croire. Quelques secondes et un soupir plus tard, il demande :

- Est-ce que tu veux sortir avec moi ?

En temps normal, j’aurais accepté mais avec le bébé c’est impossible. Je ne veux pas le piéger avec ça, j’espère même qu’il va fuir. Je n’ai pas d’autre choix que de dire la vérité.

- Je ne peux pas accepter, je réponds les larmes aux yeux.

- Pourquoi ? s’étonne-t-il l’air blessé et les yeux remplis d’incompréhension.

Je me penche un peu vers lui pour ne pas que les autres clients entendent.

- Je suis enceinte, c’est ce que le docteur m’a dit hier. J’étais si mal que je ne m’en étais pas rendu compte.

Oscar semble surpris par mes révélations mais il se reprend rapidement. Après plusieurs secondes de réflexion, il finit par trancher.

- Je commence à avoir des sentiments pour toi Marina et même si je ne suis pas le père, j’aimerais quand même sortir avec toi. Nous pourrions l’élever ensemble et je l’aimerais comme mon fils.

Choquée par ces révélations, je presse la main d’Oscar en laissant couler une larme. Cet homme est vraiment un ange tombé du ciel, je ne le mérite pas.

- Je ne veux pas que les gens te critiquent, je tente de le persuader.

- Je dirais que c’est mon enfant, dit-il sèchement.

- Personne ne te croira, je contre.

Oscar me prend la main puis pose un bisou dessus. Je sais qu’il ne renoncera pas facilement alors je décide d’accepter de sortir avec lui.

- J’ai besoin de rester un peu seule, je me confie. Je t’appellerais après.

Il semble sur un nuage et ne me contredit pas. Le jeune homme s’apprête à quitter notre table mais je le retiens. Par-dessus le meuble, je dépose mes lèvres sur les siennes. Elles sont si douces et il me répond par un baiser rempli d’amour. Oscar s’écarte le sourire aux lèvres puis quitte les lieux.

Je reste quelques minutes seules en réfléchissant à tout ça. Rien ne s’est passé comme je l’avais imaginé mais toutes mes certitudes volent en éclat. Je croise deux yeux verts dans lesquels se mêlent douleur et colère. Je crois d’abord à une hallucination mais il est bien là.

A l’entrée du café, il est vêtu d’un sweat à capuche qui met en valeur sa musculature. Il s’approche lentement de ma table et mon cœur bat si vite que j’ai l’impression qu’il va exploser. Une fois qu’il est assez près, je peux sentir son odeur qui me transporte dans le passé. Pourquoi ai-je encore si mal ?

- Bonjour Marina, dit-il d’une voix grave en espagnol.

J’étais à des années lumières de m’imaginer le revoir un jour. Je ne sais même pas quoi répondre ni quoi ajouter. Vicente est en face de moi, mon passé est revenu au galop.

- Je suis content, tu as trouvé une personne meilleure que moi, poursuit le criminel sur un ton peu convaincant.

Je sais très bien qu’il ne pense pas un mot de ce qu’il dit. Tout son corps exprime du regret et de la douleur. Malgré l’effet de tourbillon qu’il me procure, je suis bien décidée à ne pas le laisser revenir dans ma vie et tout gâcher encore une fois.

- Je ne sais pas ce que tu es venu chercher en venant à Paris mais tu ne le trouveras pas près de moi, je lâche.

Je me lève, je remets mon manteau puis je le contourne. Son bras puissant entrave mon corps en agrippant mon bassin. Je sens une légère pression de sa part et je recule pour me retrouver à nouveau face à lui.

Ses yeux sont plissés et réduits à deux petites fentes. Merde, il a remarqué mon ventre, je reconnais cet air suspicieux.

- Bordel de merde Marina tu attends un enfant ! s’exclame-t-il.

Vicente me lâche et se prend la tête des deux mains. Pourquoi exprime-t-il autant de souffrance ?

- Je suppose que c’est ce petit blond le père, fulmine le criminel.

Oh mon Dieu ! C’était lui qui m’espionnait depuis le début. Ce n’est pas possible d’être aussi taré. Pour le coup, il a vraiment réussi à m’énerver et cette fois-ci je ne mâche pas mes mots.

- Tu te fou de ma gueule, c’est toi le père espèce d’abrutit. Je n’ai pas encore couché avec Oscar !

Incrédule, il reste planté plusieurs secondes les yeux ronds comme des soucoupes. Sorti de sa léthargie, il me prend par le bras et me traine vers l’extérieur. La barmaid lui fait les gros yeux mais ne dit rien. Evidemment, personne n’a envie de se frotter un homme comme lui.

- Pas encore ? reprend-t-il en serrant les dents.

- C’est mon petit ami maintenant, je me défends une fois qu’il m’a lâché.

Je remets de la distance entre nous mais Vicente n’est pas décidé à se laisser faire. Ce malade mental est vraiment revenu pour me pourrir la vie ou c’est comment ? J’ai réussi à faire mon deuil de notre relation et je ne veux pas qu’il revienne maintenant alors que tout est en ordre.

- Tu l’aimes ? demande-t-il en me fusillant du regard.

Surprise par sa question, je ne réponds rien. Même s’il mérite de souffrir, je ne veux pas lui mentir. Je ne suis pas amoureuse d’Oscar mais je commence à développer des sentiments de plus en plus forts pour lui.

Comme rassuré par mon silence, le criminel se détend. Je ne peux m’empêcher de le contempler. Chaque trait est tel que dans mes souvenirs. Il est toujours aussi beau mais il semble avoir perdu un peu de muscle. Ses yeux verts semblent moins lumineux qu’avant. En regardant de plus, je me rends compte qu’il a encore beaucoup de souffrance en lui.

Vicente se rapproche de moi et je recule instinctivement. Je me cogne contre un mur en pierre appartenant à la maison près du café. Il pose sa main près de mon visage. Mon cœur bat de plus en plus fort et mon regard est plongé dans le sien.

A ce moment-là, je réalise que mes sentiments pour lui sont encore là. Le criminel me fait encore de l’effet même si je ne l’admettrais jamais devant lui.

- Je ne sais pas ce qui m’a pris, s’excuse-t-il. Je ne voulais pas intervenir mais quand je t’ai vu l’embrasser, ça m’a rendu fou.

Je ne pensais pas qu’il allait se confier à moi de cette façon. Peut-être n’est-il pas devenu l’ombre de lui-même finalement.

- Puisque que tu dis que cet enfant est bien de moi alors ça change tout, reprend-t-il en passant sa main sur son visage.

Soudain, il s’écarte de moi et mets ses mains dans les poches.

- Nous avons des choses à nous dire Marina. Rejoins-moi demain à la chambre 214 à l’hôtel Le Mils à midi.

Avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, il s’éclipse. Je le cherche du regard sans parvenir à le voir. Décidément, il n’a pas perdu ses vieilles habitudes.

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