Chapitre 10 - Etre dans la mouise

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Marina

Pendant plusieurs semaines, les douleurs de mon ventre ont persisté. Etant donné que je n’ai jamais rien connu de tel, j’ai décidé d’annuler le cours de pâtisserie pour aller au cabinet médical. De toute manière, Oscar va venir manger à la maison. J’ai le sentiment qu’il va bientôt me demander de sortir avec lui.

Ça fait presque un mois que nous nous sommes rencontrés mais j’ai l’impression que ça fait une éternité. Depuis ce jour, je suis à nouveau pleine de vie. Le malaise que je transportais avec moi s’est envolé. J’ai repris du poids et de l’appétit.

A quelques rues de mon immeuble, se trouve le cabinet du docteur Petit. J’ai pris rendez-vous plusieurs jours avant et j’espère que ce n’est rien de grave. J’attends que le médecin m’appelle dans la salle prévue à cet effet.

Je retire mon manteau car il fait chaud dans la pièce. Nous sommes en décembre et ma sœur vient de commencer son calendrier de l’avant en chocolat. J’ai déjà acheté quelques cadeaux de Noël pour ma famille. Il me reste à trouver celui d’Oscar.

- Madame Enriquez Portier, appelle le docteur Petit.

Je le suis dans son bureau et je dépose mon sac à main à côté de moi. Cet homme est réputé pour être un très bon généraliste alors j’ai confiance en lui pour me dire ce qu’il ne va pas.

- Dans votre appel vous m’aviez dit que vous aviez des douleurs au ventre, commence-t-il l’air sérieux en fronçant les sourcils.

- Ça doit faire un peu plus d’un mois et maintenant je regrette de ne pas être venu avant.

- On va regarder tous cela. Mettez vous en sous-vêtements puis allez sur la table d’examen.

Je m’exécute rapidement puis j’attends qu’il m’ausculte. Il commence par tâter doucement plusieurs parties de mon ventre. Je lui montre précisément d’où vient la douleur.

- De quand date votre dernier rapport sexuel ? demande-t-il.

Surprise par sa question, je ne réponds pas tout de suite.

- Fin juillet dernier, je réponds le visage blême.

- Mettez-vous debout, ordonne-t-il.

Il m’ausculte à nouveau alors que je suis dans cette position.

- Vous pouvez vous rhabiller, finit-il par dire.

Rapidement, je retrouve le confort de mes vêtements. Le docteur Petit s’assoit derrière son bureau et commence à écrire. Lorsque je le rejoins, il croise les doigts puis lève la tête vers moi.

- J’ai très vite compris pourquoi vous avez mal au ventre mais je vous prescris une prise de sang pour avoir des résultats plus complexes, avoue-t-il en me donnant une ordonnance.

Le médecin fait une pause de quelques secondes avant d’annoncer son verdict :

- Vous êtes enceinte.

- Ce n’est pas possible, je souffle sur le point de m’étouffer.

- Dès que vous sortirais de ce bureau allez directement au laboratoire en bas de la rue avant qu’il ne ferme. Je sais que vous êtes jeune mais il est probable que vous ayez dépassé les semaines permises pour avorter.

Si je n’étais pas assise, je crois que mes jambes m’auraient lâché. J’ai eu des coulées de sang mais elles ne duraient que trois jours et étaient peu conséquentes. J’ai mis ça sur le compte de la dépression sans m’imaginer ce que cela pouvait révéler.

- Normalement, vous auriez dû vous en rendre compte avant. Cependant, il est possible que vous ayez fait un déni de grossesse ou ralenti les symptômes à cause d’une forme de pression psychologique et émotionnelle.

- Merci docteur, dis-je simplement.

Mécaniquement, je lui donne ma carte vitale puis un chèque pour payer la consultation. Je quitte le bureau avec le visage aussi blanc qu’un fantôme et la secrétaire me regarde avec inquiétude.

Dans la rue, le froid me frappe de plein fouet et je reprends un peu mes esprits. Je me dirige rapidement vers le laboratoire pour une prise de sang.

Après quelques minutes d’attente, une infirmière me prend en charge. Mon cerveau s’est fait la malle et je ne réfléchi plus. Mes réponses sont mécaniques mais l’employée comprends mon malaise car elle sait pourquoi je suis ici.

Lorsque j’arrive à la maison, je ne croise personne et je monte directement dans ma chambre. Ma mère et ma sœur vont bientôt rentrer et je ne veux pas qu’elles me voient dans cet état. Je prends un oreiller puis je hurle dedans.

Je n’arrive pas à croire ce que le docteur m’a dit. Il doit se tromper, ce n’est pas possible que je sois enceinte. Pourtant, je sens au plus profond de moi que c’est la vérité.

La première fois que j’ai couché avec Vicente il a éjaculé en partie dehors mais il y a eu un peu de sperme qui avait coulé entre mes cuisses. Puisque je suis enceinte, ça a dû être suffisant pour faire un bébé.

Des tas de questions se bousculent dans ma tête. Comment vont réagir mes parents quand je vais leur annoncer ? Est-ce que ma relation avec Oscar va être compromise ? Comment me débrouiller alors que je viens de commencer mes études ? Vais-je faire deux pas en arrière dans le passé si je porte l’enfant de Vicente ?

Je suis allongée en boule dans mon lit en imaginant une vie que je ne veux pas, que je ne suis pas prête à vivre. Tout allait bien avant que le docteur m’annonce cette nouvelle. J’aimerais revenir en arrière mais c’est impossible.

Je laisse mes larmes couler et j’échappe quelques plaintes. Je me calme rapidement lorsque j’entends des pas dans les escaliers. Je me cache rapidement sous ma couette pour faire croire que je fais la sieste.

La porte de ma chambre s’ouvre puis se referme. C’est ma sœur qui vient de rentrer, ma mère m’aurait réveillé pour me demander ce qu’a dit le docteur. Elle vient de m’envoyer un message pour me dire qu’elle arrive.

Je reste au moins une heure à écouter de la musique pour éviter de penser à cette histoire de bébé. J’ai presque envie de sortir de mon corps pour ne pas sentir mon ventre.

Quelqu’un toque à la porte et je me redresse sur mon lit comme si j’étais de retour à la réalité. Ma mère ouvre le battant en lissant son tablier de cuisine.

- Prépare-toi, m’ordonne-t-elle. Oscar arrive dans trente minutes.

Une fois la porte refermée, je fais un bon sur le parquet puis je vais dans ma penderie. Je suis motivée à cacher mon visage qui est toujours aussi blanc et à faire croire que je vais bien alors que je suis au bord du gouffre.

Je prends une robe bleu foncé avec des volants et un col claudine accompagné de collant et d’escarpins. Je mets des boucles d’oreilles puis j’attache mes cheveux avec une barrette dorée. Ensuite, j’applique du fond de teint sur mon visage et je me maquille les yeux. Pas de rouge à lèvres aujourd’hui puisque nous allons manger.

Je descends dans le salon puis j’aide ma mère à terminer la décoration de la table. On se croirait dans une maison de bourgeois qui s’apprête à annoncer leurs fiançailles. Un frisson me parcourt et je pose ma main sur mon ventre. Ma robe est évasée et on ne voit pas mon ventre. J’ai l’impression qu’on ne perçoit que ça mais c’est dans ma tête, mon ventre n’est pas encore assez gros.

A cet instant, la sonnette retentit. Ma mère se débarrasse de son tablier tandis que mon père quitte son journal pour accueillir Oscar. Même ma sœur qui est dans sa chambre vient à sa rencontre. Ma génitrice ouvre la porte sur mon ami – futur petit copain – qui lui offre un bouquet de fleurs.

- C’est tellement gentil Oscar, le remercie-t-elle. Vient, je t’en pris entre, nous allons prendre l’apéritif.

- Merci de m’accueillir chez vous monsieur Portier, dit-il tout sourire.

- Je t’en prie, c’est un plaisir, réplique mon père en lui serrant la main.

Nous nous installons rapidement au salon après que ma sœur et moi lui avons fait la bise. Oscar est à côté de moi et mon père sers un verre de vin à chacun. Il a pris une bouteille qui coûte un peu cher pour cette occasion. Même si je ne suis pas en couple avec lui tout le monde sait que c’est pour bientôt. Enfin, c’était avant que je découvre ma grossesse.

- Marina m’a dit que tu faisais des études de géographie, commence mon père après avoir trinqué.

- Je pense travailler dans l’urbanisme, répond-t-il.

Ma génitrice lui sourit et mon père approuve d’un regard. J’essaye de ne pas montrer que quelque chose ne va pas mais c’est difficile. Oscar prend discrètement ma main sous la table. Il l’a vue, il sait que je suis troublée parce qu’il voit toujours tout. J’ai vraiment de la chance de l’avoir rencontré.

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