Chapitre 5 - Essayer d'oublier

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Vicente

J’ai revêtu une tenue décontractée ainsi que mon bandana rouge pour rejoindre les souterrains des bureaux de Lejos. Ce dernier m’accueille d’une accolade amicale puis me conduit devant plusieurs écrans.

- Ça a été rapide, je commente en observant les points rouges.

- J’ai mis toutes nos capacités dans la recherche de Los Huerfanos, m’indique-t-il l’air sérieux. Il est important de protéger nos quartiers de cette racaille.

- Ils ne sont pas les seuls, je fais remarquer. Quelques groupes se forment pour contester l’autorité de La Pantera mais ils ne sont pas très dangereux.

L’écran indique plusieurs points qui signalent les espaces contrôlés par nos ennemis. Je n’ai pas pour habitude d’attaquer sauf quand on me l’a fait à l’envers comme El Huerfano. Ce bâtard n’aurait pas dû essayer de m’arnaquer et maintenant il est mort. Le soir de sa mort me rappelle que Marina était présente ce soir mais je fais tout pour ne pas y penser.

- Il va falloir beaucoup de soldats pour les déloger et tous les éliminer, je constate. Je vais organiser ça avec Zorro et Fama.

Je m’apprête à faire le tour du complexe pour avoir des détails et des images vidéo mais Lejos me retient par l’épaule. Surpris, je me retourne vers lui. Il est plus petit que moi mais très costaud.

Mon ami me guide vers un espace fermé qui sert de salle de réunion pour les équipes informatiques. Je m’assois dans un siège en face de lui puis je croise les bras sur mon torse.

- Je m’inquiète pour toi, commence-t-il.

- Il n’y a pas à s’en faire, je rétorque d’une voix plus froide que je ne l’aurais voulu.

Lejos pousse un soupir peu convaincu et secoue la tête.

- Je te connais depuis que tu es petit, ça fait vingt-ans, poursuit-il. Tu es comme un fils pour moi et j’ai promis à ton père que je prendrais soin de toi s’il lui arrivait quelque chose.

- Il n’y a rien, je persiste.

Mon ami tape du poing sur la table, faisant trembler le meuble.

- Ne me prend pas pour un con ! s’emporte-t-il. Il faut absolument que tu te reprennes, tu n’as pas les idées claires. Si tu crois que je n’ai pas remarqué tes petits délires d’alcool et de drogue.

Eberlué, je dévisage Lejos sans rien dire.

- Tu n’as jamais eu d’intérêt pour ces merdes et maintenant tu en prends régulièrement, continue mon ami.

Il a toujours été une personne observatrice. Peut-être a-t-il senti les effluves d’alcool et vu des restes de défonce sur mon visage.

- Ne gâche pas tout pour une femme !

Comme électrocuté par ces mots, je me lève brusquement en renversant la chaise au passage.

- Ne parle pas d’elle ! je m’écrie furibond. Tu ne sais pas ce que ça fait de perdre une personne que tu aimes, toi tu as Tiana.

Un flux de douleur traverse mon ami et je me rend compte que j’ai peut-être eu tort. Je n’ai pas le temps d’ajouter quoi que ce soit qu’il reprend froidement la parole :

- Il y a quinze ans, j’ai perdu ma femme et ma petite fille dans une explosions organisée par une bande rivale. Je sais ce que tu ressens mais Marina n’est pas morte. En plus, je t’avais prévenu de la libérer avant que tu n’aies des sentiments forts pour elle. Mais comme d’habitude, tu ne m’écoute pas petit con !

Pour le coup, Lejos n’a pas tort et c’est pour ça que je ne dis rien. Je regrette même d’avoir blessé une personne importante pour moi. Encore. Je fais que de la merde depuis qu’elle est partie. Mon ami a raison, je suis en train de sombrer et je vais peut-être faire couler tout le monde avec moi.

- Reprend-toi hijo[1], nous sommes tous là pour t’aider.

Il s’approche de moi pour me taper l’épaule.

- Même si ça été dur pour toi, tu as pris la bonne décision. Ce n’est pas une vie pour elle.

Je sais que je n’ai plus le droit à l’amour d’une femme. Je ne me marierais pas et n’aurais pas d’enfants. Je dois vivre sans sentiments, tel est le secret pour survivre dans ce monde.

Après cette conversation avec mon ami, je rejoins ma voiture planquée à l’extérieur derrière le magasin qui cache nos activités. Je conduis rapidement jusqu’à un quartier de la classe moyenne. Pour mieux me fondre dans la population j’ai acheté une petite maison dans un pavillon loin du centre-ville. J’ai gardé la villa dans les montagnes mais elle me rappelle trop ce que j’ai vécu avec Marina.

Je gare le véhicule devant l’habitation puis je pénètre rapidement à l’intérieur. L’espace est peu meublé et une femme de ménage vient régulièrement pour que ça reste propre. Je ne fais pas de nettoyage mais je ne veux pas vivre dans un endroit dégelasse.

Je me pose dans le canapé puis j’allume la télé. Ce sont toujours les mêmes merdes qui passent. Je prends la bouteille de whisky restée sur la table basse puis je prends une gorgée. Lejos a raison en disant que je bois trop. Toutefois, je ne pense pas être accro car même si je bois presque tous les jours, la bouteille me fait plusieurs soirées. Concernant la drogue j’en prend quelquefois car j’aime bien planer.

- Bordel, j’ai perdu du muscle, je remarque en me levant. Il faut que je fasse plus de sport.

Je sors mon téléphone puis j’envoie un message à Gloria pour qu’elle vienne me rendre visite. Celle-ci répond au bout de plusieurs minutes. Elle n’a pas de clients et se met immédiatement en route. J’ai couché deux fois avec elle. Je crois que j’aime bien sa compagnie car elle ressemble à Marina. Elle n’est pas aussi débile et superficielle que les autres pots de peinture avec qui je couchais.

Environ une heure plus tard, j’aperçois un taxi s’arrêter près de la maison. Je passe la porte pour accueillir Gloria et payer le taxi. Celle-ci me salue en souriant et mon cœur se réchauffe. Si je suis devenu un gros connard qui étouffe ses sentiments et tue sans regret, la jeune femme m’aide à ne pas perdre pied. Elle ne sera jamais Marina mais elle lui ressemble et j’aime l’imaginer à sa place.

Une fois dans le salon je donne directement trois mille pesetas à Gloria. Je sais que c’est beaucoup trop mais elle doit payer ses études et aider sa famille. Mais comme je le dis, tant qu’on ne m’encule pas, je peux me montrer généreux.

- Qu’est ce que tu veux faire aujourd’hui ? demande-t-elle.

En réfléchissant, je me rends compte que la dernière personne à m’avoir sucé est partie en France. J’aimerais retrouver cette délicieuse sensation.

Je défais ma ceinture puis je baisse mon pantalon et mon boxer. Gloria comprend où je veux en venir et se baisse. Je ne bande pas aussi vite que je le voudrais alors je m’imagine Marina nue sur mon lit. Même si ce souvenir est douloureux, je ne parviens pas l’oublier. A négliger ce que ça fait de coucher avec elle.

Ses lèvres se posent sur mon sexe et elle commence à me sucer doucement avant d’accélérer le rythme. Marina aime me donner du plaisir et ça m’excite. Elle accélère la cadence puis je commence à vraiment apprécier.

Je sens le plaisir monter, monter et je décide d’ouvrir les yeux pour les plonger dans le regard de Marina. Mais ce n’est pas elle. A la place, je rencontre des yeux marrons chaleureux qui ne sont pas les siens. Prise d’une soudaine tristesse, le plaisir descend immédiatement.

Je me retire brusquement de sa bouche puis je remets mes vêtements. Je m’assois sur le canapé pour boire une gorgée d’alcool. Gloria se redresse mais reste en retrait.

- Je suis désolée d’avoir fait quelque chose qui ne t’a pas plu, dit-elle.

- Tu n’as rien fait de mal, je réplique d’une vois rauque. Tu me rappelle une femme que j’aime et que j’ai beaucoup de mal à oublier.

Je sais qu’un jour j’y arriverais mais pour le moment c’est trop tôt. Peut-être devrais-je coucher avec une blonde la prochaine fois : une femme qui n’a rien avoir avec Marina.

J’ai envie de tuer des gens et de ne plus penser à rien. J’aurais bientôt l’occasion de le faire mais en attendant je vais plutôt me défoncer aux champignons.

- Je t’ai fait perdre ton temps, je poursuis. Tu peux partir, je n’ai plus besoin de tes services.

Sans dire un mot, Gloria quitte les lieux. Je me retrouve une nouvelle fois seul comme avant de la rencontrer. Mais cette fois, un grand vide s’empare de moi, comme s’il me manquait quelque chose. Je me demande si elle aussi souffre encore à cause de moi. Peut-être a-t-elle déjà refait sa vie avec autre ?

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[1] fils

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