Chapitre 4 - Adrénaline

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Vicente

Je cours rapidement en contournant les obstacles avec agilité. Je suis plus rapide que mes hommes qui me suivent mais pour eux, je suis Lino.

Nous prenons en chasse une bande rivale qui est venu foutre la merde dans un de mes quartiers. Faire respecter l’ordre établit par La Pantera est incontournable pour son autorité, mon autorité.

Grâce à cette milice organisée, je mets fin aux trafics de drogue interne, offre un avenir aux jeunes pour ne pas qu’ils trainent dans les rues, règle les bagarres et les conflits. Malgré quelques débordements, je fais en sorte que justice soit faite.

Le souffle cours, je me planque dans l’angle d’un mur suivie par Zorro et ses hommes. Le soleil est en train de se coucher et les tirs qui se sont fait entendre quelques minutes plus tôt ont convaincu les habitants de se cloitrer chez eux.

Je regarde le reste de mes troupes se disperser pour contourner les ennemis. Ces derniers recommencent à nous canarder et je fais signe à mes hommes d’attendre.

- Ils sont nombreux ces fils de pute, commente Zorro.

Quelques secondes plus tard, je donne un signal dans mon talkie-walkie puis mon groupe envoie une rafale de balle tandis que d’autres se ruent vers nos assaillants. Je me jette à découvert après le signal de Fama qui dirige une autre troupe.

J’adore cette sensation quand je cours vers la victoire, l’adrénaline. Elle afflue dans mes veines et m’offre la rapidité dans mes mouvements. Mes muscles chauffent et le métal de mon arme contre mon corps me provoque une sensation d’euphorie.

Je pénètre dans le gymnase du quartier Iztapalapa que j’ai moi-même fait restaurer pour le rendre utilisable. Plusieurs cadavres sont étendus par terre. J’entends du bruit qui vient de la grande salle.

Mes hommes sont en train de maintenir des ennemis qui se sont rendus. Beaucoup sont jeunes mais ils ne viennent pas du quartier d’après mes informateurs. Normalement, ça devrait me faire chier de jouer la police mais j’aime sentir l’adrénaline affluer dans mon corps.

- Pour quel gang tu travailles ? cri Fama lorsque je m’approche.

L’homme a le visage ensanglanté et ne répond pas. Mon acolyte lui donne un coup de poing magistral dans la gueule.

Je reste en retrait mais après quelques minutes je décide d’intervenir. Il ne parlera pas alors ça ne sert à rien de persister. Je prends mon arme de poing puis je tire à bout portant dans sa sale face.

Fama hoche la tête puis je me tourne vers les deux autres prisonniers. Mon camarade et moi nous nous posons face à eux en attendant qu’ils parlent.

Cette-fois ci, c’est lui qui tire alors que je me tourne vers le dernier assaillant. Plus jeune que les autres, il doit avoir seize ans. Cette salope tremble de peur et semble bien maigre à côté de mes gars.

- Si tu me dis pour qui tu travailles, je ne te tuerais pas, je gronde.

- C’est Los Huerfanos qui nous as recruté, sanglote-t-il. Je voulais juste gagner un peu d’argent pour aider ma famille.

Je fais signe à mes hommes de le laisser partir. Il ne se fait pas prier pour déguerpir sans reprendre son arme.

- Nous aurions dû nous douter que ces hommes seraient dans le coup, pense Fama à voix haute.

- Ce sont des salopards pour avoir recruté des adolescents et faire leur sale boulot, je grogne.

Je devais prendre ce quartier avec El Huerfano il y a presque quatre mois mais il a essayé de m’arnaquer ce connard. S’il est mort, son organisation est encore bien vivante contrairement à ce que je pensais. Ce quartier est à La Pantera depuis presque deux mois et je l’ai gagné avec mes hommes. En suivant le cheminement de mon esprit, je pense que ces enfoirés essayent de prendre des droits sur Iztapalapa comme c’était convenu par leur enfoiré de chef.

- On doit traquer Los Huerfanos, je parle dans mon talkie-walkie à l’intention de Lejos.

- Bien reçu, répond immédiatement celui-ci.

Lorsque Fama et moi quittons les lieux, mes hommes sont déjà en train de nettoyer l’extérieur. Des gamins sortent dans les rues pour venir nous acclamer. Je cale ma mitraillette dans mon dos pour soulever l’un d’eux en riant.

- Vous avez tué les méchants ! s’écrie-t-il avec innocence.

- On a tué les méchants, je répète en riant.

D’autres habitants commencent à sortir et Zorro leur indique que tout est fini. Encore une victoire pour La Pantera. Je replace mon bandana sur mon visage qui a bougé pendant le conflit.

L’adrénaline se dissipe et je sens de nouveau un vide s’emparer de moi. Je rejoins l’un des points où sont garés nos véhicules. Je planque mon arme puis je démarre en trombe.

***

J’ai repris le rôle de Vicente Alcarón pour la journée. Je travaille en haut de la tour du quartier des affaires avec une vue parfaite sur Mexico.

Lorsque Sam vient déposer le dossier que je lui demandé, je casse un crayon à papier pour la seconde fois cette semaine. L’air inquiet de mon employé ne m’atteint pas et je lâche un grognement mécontent.

- Vous ne semblez pas aller bien depuis quelques temps, remarque-t-il prudemment.

- J’ai l’impression que je fais tout de travers en ce moment, je lui dis simplement.

Je lève les yeux de mon ordinateur vers Sam qui est toujours en train de m’observer. Etrangement, son calme olympien m’aide à me détendre.

- Avez-vous des nouvelles de Marina ? demande-t-il.

A cet instant, j’ai failli casser la souris qui se trouvait dans mes mains. Je me lève précipitamment puis je quitte mon bureau rapidement pour aller me réfugier aux toilettes.

Comment peut-il mentionner son nom ? J’ai tout fait pour oublier son visage en travaillant du matin au soir. Je ne pourrais jamais effacer ses traits si tristes lorsque je l’ai laissé comme une merde devant son quartier.

Parfois je regrette mon geste mais je sais que c’était la bonne solution. Même s’il m’a fallu beaucoup de courage, je sais que ce n’est pas une vie pour elle. La mienne est vouée au peuple mexicain et j’assume ce choix que j’ai fait il y a longtemps. Je me sacrifie pour une cause juste.

Je sais que j’aimerais toujours Marina mais je ne peux pas lui voler plus de choses. Je l’ai déjà assez fait souffrir en la kidnappant. Si je n’étais pas tombé amoureux d’elle, elle serait partie avant putain !

Je ne suis qu’un connard et un tordu dans ma tête. Je me faisais tellement chier dans ma vie qu’il fallait que je donne une leçon à une étrangère qui m’a donné un coup de pied dans les couilles. Je devrais finir ma vie dans un hôpital psychiatrique !

Je donne un coup dans le lavabo en verre. Ma force ne le brise pas mais une vive douleur remonte dans mes doigts.

J’aimerais ne jamais l’avoir rencontré, continuer ma vie comme elle l’était. Quand elle est arrivée, j’ai commencé à devenir une guimauve. Maintenant qu’elle est partie, je suis encore pire qu’avant. Je vois rouge et j’aime sentir le sang couler.

Je n’arrive pas à reprendre mon calme car je suis traversé par des sensations que je n’ai jamais ressenties avant elle. Ça fait mal de perdre quelqu’un qu’on aime et encore plus quand on est responsable.

Lorsque je reviens dans mon bureau, mes secrétaires baissent la tête. J’aime avoir le pouvoir, pas pour écraser les autres mais pour aider les plus démunis. Je me réinstalle à ma table en soupirant.

Je pense que je vais appeler une pute ce soir. Je n’ai pas fait ça depuis une éternité parce que ça ne m’intéressait plus mais je ne vais pas passer ma vie à me branler devant mon ordinateur. En attendant, je dois essayer de régler les problèmes juridiques de mon entreprise.

Peu avant que je ne quitte le bureau, Sam frappe à la porte. Je sais que c’est lui car il a une façon particulière de le faire. L’air gêné, il pénètre dans la pièce. Je lâche les touches de mon ordinateur puis je croise les doigts sur la table.

- Je suis désolé de vous avoir offensé, s’excuse-t-il avec un regard sincère.

Je ferme les yeux quelques secondes puis je regarde mon employé dans les yeux. J’aime beaucoup Sam, c’est une bonne personne et un excellent juriste.

- Ce n’est rien, je réponds maintenant que je suis calme. Mon histoire avec Marina s’est mal terminée mais c’est mieux comme ça.

Il hoche la tête avant de quitter une nouvelle fois mon bureau. Je sais qu’il l’appréciait beaucoup et je suis presque désolé qu’elle ne soit plus là. Parfois, j’espère la croiser en passant devant le box de Sam mais elle n’est jamais là.

Mon cœur se serre une nouvelle fois et je cligne des yeux plusieurs fois. A cet instant, je reçois un message codé sur mon vieux smartphone. Lejos veut me voir et j’espère qu’il a des nouvelles de Los Huerfanos.

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