Chapitre 3 - Jeux dangereux

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Marina

Machinalement, je pénètre dans le bar où je peine à avancer. Certaines personnes me bousculent tandis que d’autres me lancent des clins d’œil. Il n’est pas très tard et pourtant ils semblent tous déjà saoul.

Je repère Aurélie avec une pinte de bière près du bar. Elle discute avec des garçons que je reconnais vaguement alors que Jade parle avec une fille. La première me repère et me fait un signe de la main.

J’approche timidement et elle désigne mes vêtements et mon visage avec un air outré.

- Il faut absolument te refaire une beauté, intervient-elle.

Avant que je ne dise quoi que ce soit, elle abandonne ses amis puis me pousse vers les toilettes des femmes. Il y a du monde à l’intérieur mais on trouve quand même un lavabo de libre.

- Il est hors de question que tu te pointes comme ça à une soirée, commente mon amie.

Aurélie sort de son sac une trousse de maquillage. Sa poitrine mise en avant frôle mon épaule et je me rends compte que je suis ridicule dans ma tenue. Elle porte un fin chemisier plongeant et une courte jupe noire. Son maquillage est un peu prononcé mais ça lui va bien.

Ma copine a redoublé son année de droit et maintenant, elle veut profiter de sa vie d’étudiante. Je ne sais pas si elle réussira ses examens mais elle s’en fiche un peu. Parfois, je me demande comment je fais pour m’entendre avec une personne aussi extravertie.

Aurélie maquille mes lèvres puis mes pommettes puis finit par les yeux. Ces instants entre filles me rappellent un moment qui me semble lointain. Pendant que je ferme les yeux, pour qu’elle applique le far, je ne peux m’empêcher de replonger encore une fois dans le passé.

La chambre colorée d’Estella me plaisait énormément. On aimait passer du temps dans cette pièce pour se préparer et tester de nouveaux maquillages. Je ne la connaissais pas depuis longtemps mais elle était importante pour moi.

Je l’ai à peine vu avant de partir pour la France. C’est la seule personne à qui j’ai pu confier les détails sur ce qu’il s’est passé. Mais même elle a du mal à croire le sérieux de la terrifiante Pantera. Je comprends son inquiétude mais je souffre de cette incompréhension. J’aimerais tant que quelqu’un comprenne mon point de vue et celui de Vicente.

La Pantera n’est pas comme les criminels décrits par Estella et de la télévision. Certes, il possède une part sombre mais aussi certaines valeurs humaines. Vicente est un survivant, une personne qui s’est battue pour lui et pour les autres. Même s’il n’a pas pris la voie la plus juste, il a choisi le chemin plus efficace pour lutter contre la corruption et pour les droits des pauvres.

- Marina ? m’appelle une voix qui semble venir de loin.

J’aimerais rester encore dans ces souvenirs mais mon épaule est violemment secouée.

- Tu peux ouvrir les yeux, m’indique une voix plus forte.

Mes paupières papillonnent puis je rencontre mon reflet. Aurélie a réussi à illuminer mon visage mais je pique un fard en pensant à Estella.

- Tu m’as fait une de ces peurs ! s’exclame ma copine. Tu ne répondais pas, on aurait dit que tu étais en transe comme dans les films d’horreurs.

- Ne raconte pas n’importe quoi, je l’interromps légèrement irritée.

Elle hausse les épaules puis se dirige vers la porte. Apparemment, elle a un plan pour la fin de cette soirée.

Jade est en retrait du groupe avec une fille que je ne connais pas. En revanche, Aurélie n’est pas prête à me lâcher et me tient fermement par le bras lorsque nous arrivons au comptoir. A mon grand désespoir, les hommes sont toujours là.

Je sais que mon amie ne veut pas repartir seule ce soir mais ce n’est pas mon cas. Je ne suis pas prête à avoir une nouvelle relation.

Aurélie fait signe aux garçons qui se tournent vers nous. Ils sont trois et étudient en première année de licence de droit comme nous. Je suppose qu’ils sont ici pour se détendre et rencontrer de nouvelles personnes. Ou bien, ils souhaitent juste pour repartir accompagnés.

- Les garçons, je vous présente Marina, commence ma copine.

- Je me souviens de toi, intervient un mec brun aux yeux marrons.

Il me dit vaguement quelque chose mais je ne saurais dire dans quel cours je l’ai vu.

- Enchanté, dis-je simplement avec un faible sourire.

J’essaye de ne pas montrer mon antipathie. Le psychologue a dit que c’était important de rencontrer de nouvelles personnes.

- Il y a trop de monde ici, ce serait cool de sortir dehors pour être plus tranquille.

- C’est une très bonne idée, approuve Aurélie en mettant sa veste.

Je suis le groupe vers la sortie puis nous descendons vers la scène. Les garçons trouvent un endroit sympathique et tranquille.

Nous nous installons en cercle avec plusieurs bouteilles d’alcool. Nous sommes rejoints par Jade et l’inconnue puis par deux autres garçons un peu plus âgés qui connaissent Aurélie. Je ne me sens pas très à l’aise mais j’essaye de ne pas trop le montrer.

- Ça vous dit de jouer à action ou vérité ? demande l’un des garçons plus âgés. Celui qui ne veut pas répondre doit boire une gorgée de vodka.

- Allons-y ! s’écrit Aurélie, toujours la meneuse dans les groupes.

Je ne suis pas très motivée mais je ne veux pas passer pour une dégonflée et m’intégrer dans la clique.

- Thomas, action ou vérité ? demande Aurélie à celui qui a dit qu’il me reconnaissait.

- Action ! répond-t-il sans réfléchir.

- Plonge ta tête dans la Seine, rigole mon amie.

Le concerné réfléchit quelques secondes avant de se diriger vers le fleuve. Il fait un peu sombre mais les lampadaires de la rue éclairent assez notre petit groupe. Thomas penche son visage sur le bord avant de mettre sa tête dans l’eau. Il est en équilibre sur le bord de la rive et je me demande si son copain ne va pas le pousser.

Quelques secondes après, il relève la tête sous les applaudissements de ses camarades. Des étudiants aux alentours nous jettent des regards amusés. Thomas essaye péniblement de ne pas greloter malgré son manteau.

- Nicolas, dit-il après avoir regagné sa place.

Nos regards se croisent un instant et il me lance un sourie discret. Aurait-il fait ça pour m’impressionner ?

- Vérité ! retenti la voix du concerné.

- Avec combien de filles tu as couché ? demande-t-il.

- Dix, répond-t-il sans avoir réfléchit plus d’une seconde.

Personne ne fait de commentaires mais je remarque quelques sourires.

- Aurélie, tu choisis quoi ? questionne Nicolas.

- Action !

- Montre-nous tes sublimes sous-vêtements ? ricane-t-il.

Ma copine ne se fait pas prier et retire sa veste puis son chemisier avant de s’attaquer à sa jupe. Elle dévoile des sous-vêtements noirs quelques secondes. Elle fait un tour sur elle-même sous l’applaudissement des garçons. Aurélie se rhabille rapidement car elle a froid et frissonne.

- Marina, action ou vérité ?

Oh non, pourquoi faut-il que ça tombe sur moi ? Pour le coup, je n’ai pas confiance à mon amie sur ce point. Si je choisi action, je peux me retrouver dans une situation gênante. En choisissant vérité, je m’assure une question plus abordable.

- Vérité, dis-je sans conviction.

- Donne-nous le nom de la dernière personne avec qui tu as couché, déclare-t-elle avec désinvolture. Tu as dû trouver de beaux mecs au Mexique.

C’est comme recevoir un coup de marteau sur la tête. Je ne m’attendais pas à mentionner l’homme qui m’a fait tant de mal. Je respire un bon coup avant de prendre une bouteille de vodka et de boire au goulot.

- La question n’était pas compliqué Marina, pourquoi n’as-tu pas répondu ? insiste Aurélie appuyée négligemment contre un gars.

Tous les regards curieux se posent sur moi en attendant ma réponse. Impossible pour moi de me contenir. Le flux de mes souvenirs empoisonne tout mon être. Je sens mon corps se crisper et mes mains trembler. Mes larmes sont prêtes à sortir lorsque ma colère s’embrase par les dernières paroles d’Aurélie.

- Est-ce que tu es vierge ?

- Tu ne respectes pas mon choix de ne rien dire ! j’explose en me levant brusquement. Mais puisque tu tiens tant à le savoir, je vais te le dire. J’ai vécu des choses que tu ne vivras jamais. Je me suis retrouvée au beau milieu du tuerie, assistée aux drames et à la pauvreté du Mexique. Des personnes sont mortes sous mes yeux avec un trou dans la tête. J’ai subi des violences physiques alors comprends que je ne veuille pas parler de « ces beaux mexicains ».

Sur ces mots, je me retourne après avoir observé une dernière fois les visages éberlués du groupe. Je remonte la rue à grand pas avec les larmes qui coulent sur mes joues. Je prends la direction du métro pour rentrer chez moi.

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