Chapitre 1 - Nueva vida en Paris

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Marina

Paris - début novembre

Lorsque je passe le pas de la porte de notre appartement du cinquième arrondissement, je suis accueillie par le calme. Lina ne doit pas être encore rentrée du collège. Je dépose mon sac à dos près de la table du salon puis je sors mes livres de droit pour mon exposé. Je suis à des années lumières de mes péripéties au Mexique.

Après mon retour à la maison, j’ai passé plusieurs jours à être interrogé par les autorités fédérales mexicaines et la DGSE. Toutes deux coopèrent pour retrouver La Pantera mais je ne leur ai pas dit grand-chose. Ma famille était consternée par ma passivité parce qu’elle ne pouvait pas comprendre ce que j’avais vécu avec Vicente. Après plusieurs jours, tout le monde avait compris que je ne dirais rien de plus. Je reste la victime donc je ne risque pas d’être poursuivie pour avoir protégée un criminel.

L’affaire est restée secrète entre nos deux gouvernements afin de ne pas faire de polémiques et d’incidents diplomatiques. De ce fait, mon père a obtenu l’autorisation de retourner en France. Il doit partir de temps en temps à l’étranger mais il est hors de question pour moi de quitter le pays pour le moment. Ma mère a trouvé un travail dans la grande distribution alors que ma sœur est en quatrième.

Les souvenirs de mon histoire avec Vicente Alcarón me hantent encore. Je vois un psychologue une fois par semaine et je crois que cela m’aide un peu à aller mieux et à comprendre certaines choses. Je ne lui raconte rien de compromettant sur lui, juste notre couple comme si tout était normal.

Aujourd’hui, je prends vraiment conscience que tout était voué à l’échec. Emportée par l’amour, je me suis laissée bercer d’illusions en forçant le destin. Cependant, celui-ci ne s’est pas laissé faire et m’a rapidement rappelé l’impossibilité de notre relation.

A présents, j’essaye de me reconstruire mais Paris bouge beaucoup trop vite pour moi et j’ai du mal à m’adapter. J’ai rencontré quelques personnes sympathiques mais j’ai l’impression que je ne peux pas être moi-même avec eux. Ils sont tellement insouciants et loin de ce que j’ai vécu au Mexique. Parfois, j’ai l’illusion de le voir à un abri de bus ou derrière la vitrine d’un magasin.

J’entends la porte d’entrée grincer et je reprends mes esprits. Crayon en main, je me rends compte que je me suis perdue dans mes souvenirs. De plus, je ne suis toujours pas habituée à ces vieux immeubles haussmanniens même si celui-ci a été restauré.

- Je suis rentrée, m’indique ma sœur en me rejoignant dans le salon.

Elle me donne une brioche comme presque tous les jours de la semaine pour le goûter. Nous nous sommes un peu éloignées depuis que nous logeons à Paris. J’essaye de me concentrer sur mes études de droit mais tous me semblent fade et à une galaxie du Mexique.

Ma famille marche un peu sur des œufs avec moi, elle a peur de me brusquer ou de dire quelque chose qui pourrait rappeler des traumatismes, même si le plus grand choc est d’avoir perdue la personne que j’aime.

Je lui lance un sourire de remerciement puis elle s’installe en face de moi pour faire ses devoirs sur la table du salon. Le silence nous enveloppe à nouveau jusqu’à ce que mon téléphone reçoive un message. Estella m’a identifié sur une publication. Je ne lui réponds pas et éteint mon téléphone.

Cela ne me plait pas de faire ça, mais il faut que je tourne la page « Mexique ». De plus, mes parents ne veulent plus que j’aie de lien avec ce pays. Parfois, j’ai la sensation que le traumatisme est plus grand chez eux que chez moi.

J’ai disparu depuis presque un mois et mon père s’en est rendu compte quelques jours avant que je ne revienne. Lejos a baissé la garde dans le tri des appels de mes grands-parents. S’il n’avait pas laissé filtrer celui de mon père sur un autre téléphone, personne n’aurait été au courant de mon kidnapping. En effet, les appels étaient détournés vers le centre informatique de La Pantera. Les scientifiques répondaient à la place en utilisant un logiciel pour crypter les voix.

Je ferme les yeux quelques secondes pour revenir sur terre. Parfois, c’est difficile de ne pas se laisser emporter.

Je range mes affaires puis je monte dans ma chambre sans un mot. Lina est habituée à mon comportement antipathique. Ce lieu m’est devenu familier mais je ne me sens pas totalement comme chez moi.

Je me couche sur mon lit puis je navigue sur mon téléphone. Aurélie m’envoie un message pour m’inviter à une fête qui a lieu demain soir, autrement dit jeudi. Je ne suis allée qu’une seule fois à une de ces soirées étudiantes pour la rentrée. J’avais une mine si défaite que personne ne m’avait abordé et mes copines de l’université se sont éclipsées.

Si je veux pouvoir avancer, il faut que je donne du mien. C’est pourquoi, je vais accepter sa proposition même si je ne suis pas très emballée.

Ma chambre de dix mètres carrés ne me plait pas trop. Le plafond blanc a été repeint tandis que les moulures ont étaient changées. Les colonnes donnent un côté ancien au papier peint bleu clair. Le parquet grince sous mes pieds lorsque je traverse ma chambre pour atteindre mon armoire.

Je retire mon jean et mon pull uni pour revêtir un pyjama bleu foncé. Je sais que ma mère n’aime pas quand je dine dans cette tenue mais elle ne dit jamais rien. L’air maussade, je descends à la cuisine dans laquelle ma mère prépare à manger. Machinalement, je prends les couverts pour mettre la table. Ma sœur qui vient de terminer ses devoirs, saisi les assiettes. Une fois la tâche accomplie, je m’installe sur le canapé jusqu’à l’heure du repas.

Mon père rentre vers vingt-heure et semble fatigué. Lorsque nous sommes tous à table, il défait sa cravate puis boit un bon verre de vin.

- Je vais devoir m’absenter demain pour une affaire urgente, nous renseigne-t-il.

- Dans quel pays ? questionne ma mère inquiète.

- Au Liban, répond-t-il. Nous avons un petit problème entre nos diplomates et les autorités sur un sujet dont je ne peux pas parler.

Le regard baissé vers mon assiette, je joue avec mes carottes avant d’en avaler quelques-unes. Je n’ai perdu trois kilos car je ne mange pas beaucoup et cela m’étonne.

- Tu reviendras quand papa ? demande ma sœur.

- Je ne sais pas encore ma chérie, cela dépend de la capacité de mon équipe à résoudre le problème.

Une guerre mondiale pourrait éclater demain, mais je ne changerais rien. J’ai perdu goût à la vie et le psychologue m’a conseillé de faire du sport et des activités en groupe. Je me suis donc inscrite à un cours de yoga et de pâtisserie mais pour l’instant sans grand résultat. Le thérapeute est plus optimiste que moi dans mon rétablissement. Pour ma part, j’ai surtout l’impression que je vais rester dans cet état toute ma vie. Je me donne les moyens, mais dois-je vraiment tout faire pour effacer mes sentiments envers Vicente ? Probablement, mais mon cœur n’est peut-être pas encore prêt à guérir.

- Marina ? m’appelle ma mère.

Des regards inquiets et prudents me font face lorsque je lève la tête de mon assiette.

- Nous avons décidé d’aller visiter le Louvre samedi, reprend-t-elle maintenant que je l’écoute.

- D’accord, je réponds d’une voix monotone et sans entrain.

Je ne sais pas si j’ai envie ou non je me mélanger à une foule de personnes pour observer des tableaux plus expressifs que moi. Mon psychologue m’aurait dit d’y aller alors je vais le faire. Je n’aime pas avoir un planning chargé mais je ne sais pas quoi faire d’autre à la place de ces activités.

Ma mère m’observe du coin de l’œil et je déteste quand elle fait ça. Depuis que nous sommes à Paris, elle a tendance à vouloir savoir tous ce que je fais et où je vais.

- Aurélie m’a invité à une soirée étudiante demain soir.

- C’est une bonne chose, dit mon père après une hésitation.

On sait tous pourquoi c’est une bonne chose.

- Ne bois pas trop, souligne ma mère.

Un commentaire attendu de sa part même si elle sait que je ne suis pas du genre à finir dans le coma éthylique. Pour avoir bu la moitié d’une bouteille de rhum alors que ma famille était au cinéma, je sais que ce n’est pas la bonne solution. Je ne veux plus fuir, je veux assumer ce qu’il s’est passé au Mexique. C’est pour cela que je dois effacer l’alcool et la drogue. A chaque fois que je vois ce dernier élément, je me demande s’il provient du Mexique et plus précisément de Vicente.

Certaines choses me rappellent ma vie d’avant, après mon kidnapping et avant Paris. Ces choses-là me font ressentir des sentiments que je parviens à faire taire. Un jour, je ne penserais plus à lui, et à ce moment-là, je serais libérée de mes chaînes.

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