Jane...

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Il eut à peine le temps de baisser la tête : un magnifique vase en cristal, cadeau d’un monarque de l’Est, s’écrasa tout de suite après contre un mur.

  • John Tarzan, tu n’es qu’un singe ! Comment oses-tu m’annoncer que tu pars pour le Congo après toutes ces années passées ici ? Et notre fils ? Que feras-tu de notre fils
  • Mais, Jane… Ce voyage ne durera que quelques semaines, voire un peu moins si mes négociations avancent vite !

Jane attrapait tout ce qui lui tombait sous la main ! Sportive et dynamique, elle ne manquait pas d’énergie et la nouvelle du départ de son mari en ajoutait encore un peu ! Au point de prendre des risques inconsidérés. Surtout pour John Junior qui, s’il n’avait été rattrapé in-extremis par la vieille Emma, la nurse de la maisonnée, aurait sûrement fini par s’écraser à son tour dans les décombres de l’argenterie familiale qui découvrait avec terreur les lois de la gravitation !

  • Explique-moi d’abord, Lord Greystoke à la petite semaine, ce que tu as fait cette nuit ? Croyais-tu me tromper avec tes souliers à la main ? Me prendrais-tu pour une enfant, voire pire ? éructa-t-elle, rouge de colère.
  • Pire ? s’étonna Tarzan en faisant dépasser ses yeux du canapé, un superbe Chesterfield datant de la Reine Elizabeth 1ère.
  • Oui, pire ! fit-elle en croisant les bras sur sa superbe poitrine.
  • Genre ?
  • Genre… genre… Oh ! Ne tente pas de renverser les rôles, c’est compris ? Tu as moins d’une minute pour tout m’avouer, compris ?
  • Sinon ?
  • Sinon…sinon… Bouh ! Tu es un ignoble personnage ! sanglota-t-elle à court d’arguments, dévastée par les idées noires qui l’assaillaient.

Tarzan crut que c’était l’occasion idéale pour tenter une approche pacifique. Il se rappelait ses années de jeunesse passées dans la terrible jungle équatoriale. Souvent, il lui fallait patienter des heures entières avant que les redoutables chimpanzés acceptent sa présence. Fort de ce raisonnement, il se leva avec prudence pour tenter de calmer son épouse. Le raisonnement était logique pour un chimpanzé au Congo, probablement… mais pas en Angleterre ! Funeste erreur, ô combien ! de croire qu’une femme anglaise était du même sang ! Tarzan, malgré la suprême qualité de ses réflexes et de son instinct d’habitude si sûr, ne vit pas arriver la magnifique soupière, accompagnée du non moins délicieux potage au potiron du jardin qu’elle contenait… Jane savait viser, aussi. Le jeune homme reçut le reste de la vaisselle dans les secondes qui suivirent, quasi assommé par l’entrée de ce repas un peu particulier. Mauvais calcul, pensa-t-il entre deux rafales. Certes…

  • Et que viennent faire ces bananes dans tes salades ? hurla-t-elle, au bord de l’hystérie.
  • Des bananes ? Alors que nous avons à peine fini la soupe ? Non merci, ma douce, je crois que je passerai directement au thé, répondit-il étourdiment, se croyant passé à table plutôt qu’à tabac...

L’empoignade aurait pu être encore plus grave si John Junior n’était revenu fort opportunément, après s’être facilement débarrassé de sa vieille nurse. Charmant bambin aux cheveux blonds comme ceux de son père, joufflu à n’en plus pouvoir.
Et couvert de marmelade de la tête aux pieds…

  • Junior ! Mais qu’ai-je fait au Bon Dieu pour mériter deux animaux dans ma maison ! explosa Jane en se ruant sur son fils. Viens avec moi, petit diable : au bain !

Mère et fils disparurent en un instant, les cris de celle-ci résonnant dans toute la maison pendant que Junior riait à tue-tête, suscitant une nouvelle bordée de protestations de sa mère ulcérée. Tarzan souffla un instant. La pièce était sans-dessus dessous. Harold, le majordome, attendait dans l’embrasure du salon, les yeux rivés au sol et les mains jointes devant le ventre. Le jeune homme considéra son costume. Avant le souper volant, il était seulement froissé.
Maintenant, il ne ressemblait plus à rien.
Cette vie loin de la forêt commençait à lui paraître insupportable. Les mots du capitaine D’Arnot lui revenaient à l’esprit…

« Il est beau, mon bateau… et fort comme un galion espagnol. C’est un deux-mâts-barque, fin et construit pour la vitesse… »

Ce n’était pas un de ces nouveaux navires aux coques de métal et dotés de puissants moteurs à charbon, mais selon ce qu’en disait son capitaine, il avait déjà fait plusieurs fois le tour du monde, affrontant les pires tempêtes sans jamais faiblir.

« Et mon équipage est le meilleur que vous pourrez trouver dans toute la Marine de Sa Majesté. Formés par les plus grands commandants, aguerris et courageux, ils vous emmèneront à l’autre bout de la planète, sans encombre. »

Pendant que Jane continuait de râler contre son fils et son mari, Tarzan se souvint qu’il était le chef de sa tribu, et qu’il devait pouvoir agir selon ce que les circonstances lui dictaient de faire. Alors, sans plus attendre, sans plus craindre une quelconque nouvelle assiette dans les dents, il décida de ne plus perdre de temps. Il claqua la porte.
Son slip sous le bras.

A suivre...

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