Chapitre 9

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C’était un grand pygmée, pour son âge. Il devait bien avoir une cinquantaine d’années, un véritable ancêtre. Au moins un mètre vingt-cinq de haut, large d’épaules, il avait une grosse tête, ce qui fit de lui le chef, bien sûr.  Et une belle voix grave, ce qui lui permettait d'hypnotiser ses contemporains...
Les grosses têtes ont toujours su chanter leurs propres louanges, et il s’est toujours trouvé des ahuris pour les écouter, même au fond des jungles les plus épaisses.
Il avait fatalement de grosses chevilles, ce qui allait de paire avec le bonhomme, cerclées de nombreux colliers de coquillages, et, s’il avait la démarche un peu claudicante des grands singes, son regard pétillait d’intelligence, de rouerie et de fausse bonhommie.

Il s’approcha lentement de Tarzan, faisant mine de chercher dans ses souvenirs. Puis, n’y tenant plus, il posa une main sur l’épaule du blondinet, cracha par terre, en signe de bienvenue, probablement, et sourit largement.

  • Tarzan... Le roi des rois est donc revenu dans ces contrées perdues ?
  • Eh oui, papa.
  • L’appel de la forêt, peut-être ?
  • Pas que !

Le chef fit libérer Tarzan puis l’invita à poursuivre la conversation dans sa hutte, un infâme amas de branches tordues et enduites de terre ocre, tissées de feuilles de palmier.

  • Oh ! Et moi ? glapit Jane, furieuse d’être ignorée.

Papa Schizbeurgheur lui fit un petit signe de la main sans se retourner. Il avait plus important à faire avec Tarzan. Les autres membres de la tribu se rapprochèrent d’elle, tout sourire. Le père O’Reilly était aussi le centre de bien des convoitises. Quelques chasseurs l’entouraient, curieux d’en faire le tour. En faire le tour, parce qu’il était si gras qu’il leur fallait bien en déterminer la circonférence. Au total, sept hommes se tenant la main furent nécessaires pour en faire le tour... Si le curé les laissa faire sans protester, ce fut parce qu’il n’avait pas encore compris les raisons de leur intérêt. Toutefois, la lumière commença à poindre à l’horizon quand il vit trois solides gaillards ramener un énorme chaudron…

Quelques mamas ne tardèrent pas à rassembler quelques grosses branches, pendant que des gamins ajoutaient une épaisse couche de brindilles sèches et craquantes.
Tous les prisonniers regardaient avec un petit sourire suffisant et une pointe d’ironie. Pour eux, qui en étaient déjà au chauffage au charbon, à l’éclairage public à la graisse de baleine, et aux premiers balbutiements de l’électricité, la bonne vieille technique du feu de bois leur paraissait bien rudimentaire. Cependant, les généreuses quantités de légumes frais, quelques louchées d’eau claire, une sélection parcimonieuse mais éclairée d’épices délicieusement odorantes leur fit vite comprendre que ces autochtones un peu trop près du sol étaient, à n’en pas douter, des orfèvres dans l’art d’accommoder les restes. Il ne manquait plus qu’un peu de viande pour finir de préparer un festin, tel celui qu’ils étaient visiblement en train de concocter en leur honneur, pensèrent les autres prisonniers. Et les villageois se firent sûrement la même réflexion, et au même instant, puisqu’ils se concentrèrent soudain sur le cas du religieux. On fit venir une troupe de robustes chasseurs, tout striés de cicatrices et décorés comme des panneaux publicitaires avec des coquillages et des plumes magnifiques. Ils firent une ronde autour du père O’Reilly qui commençait enfin à se demander ce qu’il se passait, dès que les mamas entonnèrent un chant puissant qui résonna dans les environs, invitant de la sorte tous les villages voisins à participer à la fête. La clairière fut vite encombrée… A croire que la faim sévissait dans le coin.
Bientôt, la température fut jugée bonne pour la suite de la recette.

C’est pour cela que le curé fut jeté dans le chaudron, tête la première…

À suivre…

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