Chapitre 3

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D’Arnot avançait d’un pas rageur, toujours à cause de son brusque mouvement de colère. S’il ignorait la route à suivre, il fonçait presque tête baissée, droit devant lui. S’il avait eu des moustaches, il n’aurait pas manqué de marmonner des idées fort peu louables à l’intention de ce jeune écervelé qui se prenait pour le roi des forêts. Pour le moment, il descendait quelques collines qu’il avait arpentées sans rien voir des décors fabuleux qui l’entouraient.
Tout autour de lui, la nature avait changé maintes fois d’apparence, et maintenant, encore juché à plusieurs centaines de mètres au-dessus du fleuve qu’ils avaient suivi pendant des heures, il restait aveugle et sourd au Paradis qui s’offrait pourtant à ses sens. Oui, il ignorait royalement les incroyables couleurs des grands oiseaux qui planaient gracieusement au-dessus de lui. Il négligeait avec la même superbe, typiquement française, les magnifiques gazelles qui le regardaient avec méfiance de leurs yeux magnifiques. C’est tout juste s’il avait marqué un instant de surprise quand, se retrouvant face à un guépard en maraude, il fut contraint de s’arrêter un moment. Il n’avait pas craint pour ses jours malgré le danger. Au contraire, tout à sa rogne céleste, il avait ramassé une grosse pierre qu’il avait lancée en direction du prédateur. Celui-ci devait avoir le ventre plein puisqu’il détala sans demander son reste.
De toute manière, D’Arnot était de plus en plus colérique. Aussi la forêt ne tarda-t-elle pas à retentir des vertes imprécations qu’il finit par proférer sans la moindre retenue. Tout était bon pour alimenter son mécontentement : cette racine sur laquelle il trébucha ; cette paroi rocheuse qui l’obligea à faire un long détour avant de retrouver un semblant de piste à suivre. Les cris des animaux ajoutaient à son envie de râler.
Bref, D’Arnot était en pétard.

Ceci fit rapidement les affaires de Tarzan qui, surpris de constater que son invention ne fonctionnait pas très bien quand il était question de monter un relief, avait fini par perdre la piste de son ami. Heureusement, les cris du français portaient au loin.

  • Ce sont vraiment de sacrées grandes gueules, ces français ! pouffa Tarzan avec un sourire amusé.

Se fiant à son expérience animale, il ne tarda pas à retrouver quelques traces du passage du coléreux marin. Il n’avait plus que quelques efforts à faire pour le rattraper. Arrivé au sommet d’une colline qui dominait les vallées où serpentait le Congo, il eut le souffle coupé par la beauté du spectacle. Les cimes des arbres disparaissaient petit à petit dans une brume diaphane qui s’étirait à perte de vue, jouant avec les couleurs de la Nature.
Il admirait une infime partie de son ancien royaume, pensa-t-il avec nostalgie.
Puis, il entendit D’Arnot hurler de douleur, quelque part dans la brume, quelques centaines de mètres plus bas. Soudain alarmé à l’idée qu’il pourrait se trouver en mauvaise posture, du genre « à moitié engouffré dans le gosier d’un boa ou partiellement empalé sur les crocs féroces d’un félin affamé », le jeune homme se dit que c’était le moment rêvé pour reprendre ses expériences avec son nouvel engin de transport. Le terrain était maintenant en pente, à forte déclivité même, et il en savait déjà assez pour slalomer entre les obstacles, pensait-il. Fort de sa forme physique irréprochable, et surtout de son audace naturelle, sans parler de son arrogance toute britannique, il posa sa machine infernale au sol, puis vola au secours de son ami en difficulté.

Et voler ne fut pas qu’une simple expression…

A suivre…

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