Fragments confus - Pseudo : Poulpe

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Je me rappelle. De quoi ? Je ne sais plus. Mais je me rappelle.

Une étudiante n’arrêtait pas d’enrouler ses cheveux blonds autour de son index. Une chevelure blanche même, je me demandais si elle ne s’apprêtait pas à la salir avec ses doigts. Sa crinière s’apparentait à la candeur d’une colombe. Ce prénom lui aurait bien convenu, tiens ; Colombe. Une femme de ma connaissance le porte et elle est tout sauf innocente. Dès qu’un homme s’approche, le regard de cette femme se fixe avant de capturer sa proie. Elle installe par la suite ses appâts, ses paroles, use de sa voix suave puis s’empare du cœur juteux convoité. Dieu, pourquoi as-tu laissé vivre de telles sorcières ? Avec ses cheveux noirs et soyeux, ses grands yeux obscurs, lieu de multiples errances, ses lèvres marquantes par leur rouge carmin, son adorable nez... Une véritable ensorceleuse, cette Colombe ! Ce prénom est souillé, inutilisable, à ranger au fond d’une armoire inaccessible. À l’instant où je l’enterre, un autre éclot, cycle similaire à celui de la vie. Le nouveau : Vanille, attribué à cette fille qui s’amusait avec son stylo. Elle s’appliquait à appuyer sur chaque touche de son quatre-couleurs et provoquait alors une gêne : je brûlais d’envie de me lever pour lui arracher ce maudit bic. Ce son me revient maintenant, j’en mourrai presque. Une collègue fait exactement ce vacarme lorsqu’elle s’ennuie au travail. À croire qu’elle compte rassembler un orchestre... Et Vanille, Vanille, cette rousse, tapotant la table de ses doigts comme si elle pianotait sur son téléphone. Pourquoi l’ai-je surnommée ainsi ? D’après ma mémoire, tous ses cahiers étaient couverts d’une étiquette sur laquelle je pouvais lire Ombline Falhi. La demoiselle n’était pas intriguée par les énigmes régissant notre Univers, elle ne s’en préoccupait guère. La symphonie des atomes composés de protons et de neutrons, l’harmonie des interactions entre entités chimiques, la mélodie des lois de Newton ne l’envoûtaient pas, non. Je ressasse la seconde où elle avait quitté notre Galaxie ; elle fixait les nuages d’un air lointain. Où était-elle ? Je n’en sais rien. Je ne sais pas non plus où je me trouve. Si je me suis trouvé.
Lors de ce cours de français, mon cerveau était branché ailleurs que sur l’analyse d’un texte de Camus. Seuls les rires étouffés de Colombe, de Vanille et d’Ombline me maintenaient dans notre classe. Elles se moquaient de moi, ridiculisaient mes interventions ainsi que mon regard absent. J’avais entendu plusieurs fois le terme de « fou ». L’étais-je ? Le suis-je ? De toute manière, ces filles ne me tracassaient pas : Colombe ne vivait que pour le plaisir des conquêtes masculines, Vanille débarquait en cours avec ses écouteurs et Ombline se plaisait à espionner les jeunes hommes par-delà la fenêtre. Des âmes vides, voilà ce qui les composait. Après ces années ennuyeuses, j’avais quitté le lycée, soulagé et... Mon cerveau ne parvient plus à me remémorer la suite des événements. Je me rappelle... De quoi ? Je ne sais plus. Mais je me rappelle.

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