Les filles

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Elle était belle, terriblement. La peau caramel constellée de taches de rousseur, avec des cheveux ondulés d'un blond qui ne semblait pas vraiment naturel et qui lui descendaient jusqu'aux hanches. Une clope à la main, vêtue de trucs courts et qui faisaient déborder la peau de son ventre et ses seins, comprimant les courbes généreuses qui la composaient. Mon regard s'est égaré dans son décolleté, comme hypnotisé. J'avais conscience de mon indiscrétion sans pouvoir m'en empêcher ; quand je suis remontée jusqu'à son visage, elle a eu l'air de s'en foutre.

- Hey, Steel.

- Salut, Hope. On te dérange ?

Elle n'a pas souri, m'a désignée du menton.

- Pas vraiment, non. C'est qui ?

- Ma soeur.

- Ah !

Son regard s'est fait moins dur - elle avait des yeux effilés et clairs, comme ceux de mon frère. Me prenant par les épaules d'un geste un peu trop affectueux, elle m'a entraînée à l'intérieur et Hakeem m'a suivie.

La pièce était un peu plus grande et remplie que les autres : elle contenait une kitchenette sur laquelle frémissait une casserole d'eau, une petite radio qui crachait une chanson populaire et un grand lit avec un nombre effarant de coussins et couvertures diverses dessus. Mon regard s'est égaré sur une autre fille, plus jeune que Hope. Elle était petite, asiatique, les cheveux noirs et très courts, engoncée dans une robe sombre et étalée sans vergogne sur le lit - impossible de savoir si elle nous avait remarqués ou non.

- On se demandait quand t'allait revenir.

Hope m'a fait signe de m'asseoir et j'ai pris place sur une chaise grinçante. Elle a repris :

- Tu nous as ramené des copines ? Enfin, à part elle.

Hakeem a croisé les bras, visiblement mal à l'aise.

- Ouais, une. Mais elle a paniqué.

Un rire vaporeux a résonné depuis l'autre côté de la pièce. J'ai tourné la tête pour voir l'autre fille désormais assise sur le lit. Son regard a croisé le mien et elle m'a adressé un signe de main erratique. Je le lui ai rendu sans conviction, ce qui a eu pour effet de faire rire Hope et Hakeem.

- T'embête pas, elle est complètement défoncée, m'a prévenue la blonde avant de s'approcher de Hakeem et de reprendre :

- C'est pas de bol, pour la nouvelle. Mais bon, elle a peut-être des antécédents traumatiques, tu peux pas savoir.

- C'est vrai.

L'eau bouillait dans la casserole. Avec des gestes las, j'ai vu Hope ouvrir un tiroir et en sortir une boîte. Elle l'a ouverte, a pris une poignée de feuilles et les a jetées dans l'eau. Une vague odeur de thé bon marché - presque réconfortante de par sa familiarité - s'est répandue dans la pièce.

- Tu vas devoir y aller doucement, avec elle.

La voix de Hope s'est faite presque moqueuse alors qu'elle reprenait :

- Tu t'en sens capable ?

- Va bien falloir.

Un temps. Hakeem a fait un geste de la main, comme s'il balayait un insecte près de son visage.

- De toute façon, elle a nulle part où aller. On va pas la presser.

Hope a acquiescé, pourtant j'ai trouvé que le ton de mon frère manquait de conviction. Je lui ai jeté un regard qu'il a refusé de soutenir.

Des coups à la porte, un mec qui a passé sa tête dans l'embrasure et nous a demandé qui avait faim. Après le sondage, son regard s'est arrêté sur moi.

- Au fait, Face veut te voir après.

Il se faisait tard mais ça allait encore. On a mangé, j'ai traîné encore un peu dans les locaux : un type m'a appris, au passage, qu'il y avait d'autres squatteurs, plus haut, mais qu'ils ne les croisaient que peu. J'ai découvert de nouveaux visages, curieux mais sans malveillance.

Seule dans l'une des salles de bain du QG, j'ai passé, nerveusement, de l'eau sur mon visage : je savais que Face m'attendait au salon, pendant que d'autres membres partaient et que certains arrivaient. Gold notamment, avait débarqué pendant le repas et m'avait saluée avec une joie suspecte. Face à la glace, j'ai pris une longue inspiration : j'avais beau être dans le QG et avec les membres, je me sentais encore étrangère et il me fallait une confirmation que ce n'était plus le cas pour commencer à me détendre. J'espérais que la raison de ma convocation serait celle-ci mais, d'un autre côté, je n'arrivais pas à me résoudre à l'idée que ce serait aussi facile.

Je n'avais plus qu'à y aller, pour le savoir.

C'est ce que j'ai fait.

Comme tout le reste, j'allais finir par le regretter.

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