Ce qui compte

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Je n'ai pas répondu tout de suite, et il ne m'a pas pressée. Flegmatique, comme toujours, il s'est contenté de rester à mes côtés jusqu'à ce que je consente à fouiller mes poches, retrouver le briquet que j'avais piqué à Dog et sur lequel quelqu'un avait gravé le symbole de la Meute.

- Tiens.

Du coin de l'oeil, je l'ai vu allumer sa clope à l'aide d'une flamme vacillante sous l'averse, avant qu'il ne me rende le briquet. Il y a eu quelques secondes de silence, entre nous, avant qu'il ne recule et s'appuie contre le mur, m'invitant à faire de même. J'ai hésité, mais un frisson m'a décidée à le suivre.

- Tout va bien, Rain ?

Son ton était bienveillant, pourtant je n'ai pas pu m'empêcher de sentir un nouvel élan de colère me traverser.

- Bien sûr que non, rien ne va bien, pourquoi quoi que ce soit irait, hein ?

Gold n'a pas réagi, son regard m'invitant a continuer. Entraînée par mon élan, c'est ce que j'ai fait.

- On est en guerre contre une autre bande de fils de pute et je ne peux rien faire parce qu'on m'a assignée à la surveillance de gonzesses.

Par dépit, je me suis retrouvée à cracher contre l'asphalte. Gold a hoché la tête, et a fini par dire, doucement :

- Tu sais que tu en es une aussi, rassure-moi ?

Je l'ai foudroyé du regard.

- Peut-être mais je suis pas comme elles. On ne paie pas pour baiser, je peux porter une arme et faire tout ce que vous faites.

Il n'a pas répondu. Nerveuse face à son silence, j'ai dû résister à l'envie de le pousser.

- Tu le penses pas ?

Gold a souri, laissant apparaître sa dent en or l'espace de quelques instants. Après une taffe, il a fini par lancer :

- Je pense que les filles de notre Meute sont importantes et qu'on ne les respecte pas assez.

Un temps. J'ai repensé à l'expression de Hope quand j'ai failli lui en flanquer une, et quelque chose s'est tordu au fond de mon ventre. Mes poings se sont crispés, décrispés avec mon soupir. Il fallait que je me détende.

- Elles me dépriment, putain, tu te rends pas compte d'à quel point.

Gold a cessé de sourire et a fixé le ciel d'un air songeur. Avant d'énoncer, avec sa placidité habituelle :

- Ça ne tient qu'à nous d'améliorer leurs conditions de vie. A moi, à toi aussi. Tu fais l'intermédiaire, comme ton frère. Tu lui as déjà parlé de ça ?

J'ai pincé les lèvres et un goût d'amertume a rempli mon palais.

- On parle plus vraiment.

Ça a été à son tour de soupirer, avant qu'une expression que je n'avais jamais vue auparavant ne s'affiche sur ses traits sombres. Avec une précaution étrange, il a porté la clope à sa bouche et a inspiré une fumée qu'il a mis longtemps à expirer.

- C'est dommage.

Quelque chose avait changé, dans sa voix.

- C'est important, les frères et soeurs.

Je suis restée interdite devant la tournure que prenait la conversation. Finalement, le froid m'a poussée à rentrer, en me moquant au passage du sentimentalisme soudain de Gold.

Si Hope a accepté mon excuse au retour, son regard n'était pas en accord avec ses mots. Elle n'avait pas vraiment le choix, de toute façon : j'étais leur garde du corps pour la soirée, qu'elle le veuille ou non.

Que je le veuille ou non également.

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