Convalescence

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Mes draps étaient noirs et terriblement pratiques : j'avais l'impression de saigner dessus sans pour autant que cela se voie.
Comment j'étais retournée dans ma chambre ? Aucune idée. Mais toujours était-il que je me suis réveillée avec Rosie penchée sur moi, une tisane odorante sur ma table de chevet et l'impression d'avoir une sacrée gueule de bois.

- Oh, salut.

- Bonjour, Raïra.

- C'est quelle heure ?

J'ai très vite envisagé de me redresser avant de me rappeler d'un petit détail : j'avais un truc recousu sur le flanc, et - accessoirement - comme l'impression que mon cœur battait dedans.

- 10h et demie.

Elle m'a passé la main sur le front.

- Hakeem m'a expliqué que tu ne te sentais pas bien.

J'ai adressé à ma gouvernante un sourire sans joie : pendant que je comatais, mon frère l'avait baratinée et elle avait marché, tout ça pour que j'évite de rouvrir la plaie.

- Je suis contente que tu te reposes. Ces temps, tu avais l'air fatiguée.

Elle le disait simplement, s'est redressée et a fait mine de partir.

- Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi.

- Ok.

La porte qui se referme, suivie d'un silence. Je suis restée immobile, à fixer le plafond : c'était le calme plat, tout à coup, dans ma chambre. J'ai fermé les yeux et, sous mes paupières, ai vu les événements de la veille se dérouler à nouveau : la bagarre sous la pluie, le type que j'avais poignardé avant de recevoir le même traitement - c'était si ironique que, toute seule, j'en ai ricané. Puis j'ai glissé ma main sous les draps, cherchant à palper la plaie recousue mais mes doigts n'ont rencontré qu'un gros pansement, serré autour de la zone et qui m'enserrait la taille. Ça faisait un peu mal mais c'était supportable et surtout, Rosie ne l'avait pas remarqué - preuve qu'Al avait bien fait son travail.

Délicatement, j'ai voulu me redresser mais ma plaie a tiré, m'a fait mal. J'ai lutté quelque secondes mais la douleur s'est faite trop insistante : j'ai abandonné et me suis laissée retomber sur l'oreiller, défaite.

Il ne me restait plus qu'à me rendormir pour éviter de m'emmerder.

C'est ce que j'ai fait.

Ma sieste géante n'a été interrompue que par deux choses : le retour de Hakeem, à midi, qui m'a amené un bol de soupe, m'a aidée à m'asseoir et m'a refilé des médocs - un cadeau d'Al, censé calmer la douleur entre autre - puis, quelques heures après, la visite de mes éternels acolytes diurnes.

J'étais moins crevée qu'au matin, Rosie les a laissé rester longtemps. Kate et Cole se sont ramenés avec des nouvelles de la classe, quelques devoirs, des biscuits, du soda et des sourires inquiets. Avec un certain nœud au ventre - je pouvais leur mentir, même si j'aimais de moins en moins ça - je leur ai expliqué que j'avais avalé quelque chose de pas frais la veille et que Rosie avait préféré que je reste à la maison un jour. Ils n'ont pas vraiment eu l'air de me croire, mais ils n'ont pas posé plus de questions et je leur en étais reconnaissante. De toute façon, j'étais déterminée à revenir à l'école le lendemain.

Avant que ce soit l'heure de manger et que mes amis ne remballent leurs affaires, Kate m'a tendu une ensemble de feuilles que je n'ai pas reconnues, glissées dans une fourre transparente. Je l'ai pris, fixé : c'étaient des notes de cours, accompagnées de références de pages et d'exercices.

- Lola nous a demandé de te passer ça.

- ... oh.

Je n'ai pas su quoi répondre : il y avait au moins 5 feuilles, j'étais surprise que l'on puisse trouver autant d'éléments intéressants dans les cours qu'on nous donnait.

- Ça a eu l'air de bien se passer, avec elle.

- Ouais, c'était cool.

- Elle a rien insinué de raciste, cette fois ?

Cole avait parlé avec un cynisme qui, étrangement, m'a déplu.

- En fait, c'est pas son genre. Je lui ai juste fait peur, du coup elle a raconté n'importe quoi.

- ... mouais.

Il n'a pas eu l'air convaincu.

- M'enfin, tant qu'elle t'aide.

- C'est ce qui compte, ouais.

Je lui ai pincé la joue.

- Je suis une grande fille, tu sais. Je fréquente qui je veux.

- Oh, ça va, hein.

Il boudait, ça nous a fait marrer. Puis, avec un léger pincement au cœur, je me suis rappelé à quel point je pouvais les aimer.

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