Aveu

4 minutes de lecture

 Je comprends la haine qui l’anime et je sais que la flamme qui brûle dans son cœur en cet instant pourrait ravager n’importe qui. Le surveillant se ravise et nous laisse passer. Sophie enfonce la porte avec violence, la décrochant presque. J’essaie de suivre son rythme mais son pas s’accélère jusqu’à devenir une course en direction du jardin de ville. Une fois arrivés, nous nous allongeons dans l’herbe et je la sens se blottir contre moi alors que j’observe le ciel.
— Il fait froid, James.
— C’est toi qui m’as emmené ici, Sophie.
— Je sais… je suis désolée.
— Ne t’excuse pas, je pense que j’aurais pu m’énerver et perdre le contrôle, s’il insistait.
— J’ai failli être à l’origine d’un meurtre. Mais un meurtre qui aurait fait plaisir à tout le monde, cette fois.
Je rigole et la serre dans mes bras. Nos pensées sont traumatisées, s’éloignent de nos valeurs et nous commençons à dire des horreurs sans même les regretter. La mort est-elle devenue monnaie courante ? Je ne sais pas si je deviens un monstre ou si j’ai simplement besoin de temps pour me remettre de tous ces événements qui s’enchaînent. Peut-être est-ce ce qu’il cherche ? Me faire apprécier ces moments où j’ôte la vie de ceux qui m’entourent, faire de moi un assassin ?
— Tu n’es pas un assassin, James.
— Comment ça ?
— Je vois que ça te ronge, cette histoire de suicide. Ce n’est pas ta faute s’il est mort, tu sais ?
Comment arrive-t-elle à tout sentir, à réutiliser exactement les mêmes mots que ceux qui me viennent à l’esprit ? Je me blottis à mon tour contre elle et tente de contenir les larmes qui affluent et essaient de rompre mes défenses. Je ferme les yeux et me sens rassuré alors qu’elle passe sa main dans mes cheveux, appuyant avec ses doigts sur mon cuir chevelu et les passant sur l’intégralité de ma tête. Cette sensation est si agréable que je m’endors pour quelques minutes.

— James ?
Sa douce voix me réveille et je reprends mes esprits. Sa main n’est plus dans mes cheveux mais sur ma joue et son regard est tourné sur mes paupières qui peinent à se rouvrir. Son visage est souriant et je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire à mon tour.
— Mmh… ?
— Je suis désolée de te réveiller, mais je commence à avoir vraiment froid.
— On rentre chez moi ?
— Si tu veux !

 Elle me laisse le temps de me relever et imite mes mouvements. Je la sens attraper ma main avec la sienne et nos doigts s’entremêler. Nous avançons paisiblement à travers le parc, observant les arbres sans feuilles, les sapins d’un vert resplendissant et le ciel orageux. Après quelques minutes de marche sans se dire un mot, nous pouvons apercevoir ma maison. Une poubelle inhabituelle est bien présente près de l’entrée. Je lance discrètement mon tube à essai dedans alors que Sophie contemple les habitations aux alentours. Elle revient vers moi en courant :
— C’est si charmant ! J’adore ton quartier ! Dis, je pourrais visiter l'intérieur sans que tu ne me guides ? Comme si j’étais perdue dans un nouveau monde et que je dois le découvrir !
Je ne sais pas quoi lui répondre, alors je souris et acquiesce, avant de lui ouvrir la porte d’entrée. Je la laisse s’engouffrer dans la chaleur et envoie un message à ce numéro inconnu pour lui signaler que je me suis bien débarrassé de la drogue comme indiqué.
— Bonsoir, 0685. L’existence de ce récipient ne dépend plus que de vous, désormais. J’espère que mes actions d’aujourd’hui vous auront convaincu pour que vous ne commettiez aucun meurtre.
— Bonsoir, James. Appelle-moi E et tutoie-moi, à l’avenir. Ce sera plus commode qu’une suite de quatre chiffres. Je ne savais même pas que tu ne voyais pas mon numéro en entier, mais je dois avouer que c’est un détail assez utile ! ;)
— Puis-je savoir pourquoi tu fais tout ça ?
Non, pas tout de suite. Ça me fait très plaisir que tu tentes d’en apprendre plus sur moi, mais n’est pas encore capable de comprendre mes motivations. Mon plan nécessite encore quelques préparations avant que je puisse t’offrir ces explications. N’oublie pas que tu es un outil important dans celui-ci et que je suis capable de tout pour te conserver.
— Je ne l’oublie pas.
— Bien. Comme promis, tu vas être récompensé pour avoir fait le bonus de harcèlement ce matin. Je te laisse profiter de cette soirée avec ta copine sans plus te déranger, tu recevras tes objectifs demain matin. Tâche de ne pas la laisser se douter de quoi que ce soit, il serait vraiment triste qu’il devienne nécessaire de l’éliminer, n’est-ce pas ?

 Ses réactions sont étranges. C’est la première fois qu’il me parle de ses émotions et de son plaisir. Il vient également de m’avouer avoir un plan secret dans lequel je suis un élément important, peut-être même essentiel ? Si je continue à fouiller par moments, je pourrai sûrement réunir assez d’informations pour l’identifier et mettre fin à ce chantage.
Mais peut-être apprécies-tu ce jeu, James ?
Mes pensées me jouent des tours. Je ne peux pas aimer tuer !
Voir des cadavres a quelque chose d’attrayant, non ? Tu peux voir la douleur dans les yeux du proviseur.
Oui, je peux voir sa souffrance, lui qui a toujours essayé de me torturer ! Mais non ! Je ne veux pas tuer, je ne veux pas répandre le malheur qui séjourne en mon cœur depuis sa disparition. Je n’ai pas le droit de me venger ainsi ! C’est trop tôt…
Trop tôt ? Tu penses pouvoir prendre plaisir à faire couler des larmes, plus tard ?
Oui, je pense… non ! Je ne suis pas comme ça !
Pourtant, tu l’as avoué, James…

Annotations

Vous aimez lire Feelzor ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0