James Adams

6 minutes de lecture

 Je me réveille, allume mon téléphone et attends de recevoir mes nouveaux messages, comme chaque matin. Une routine probablement inutile mais qui me permet de bien commencer ma journée. Je les vois arriver lentement. Une notification Thotter très peu intéressante s’affiche en grand. « Deux célébrités se font la guerre, découvrez comment l’histoire se termine ! » Encore un gros titre pour attirer les vues, digne du journal La Planète. Mes messages arrivent, au nombre de neuf. Qui a bien pu tenter de me joindre en pleine nuit ? 06, 85… Un numéro que je n’ai pas enregistré et qui est incomplet, sûrement une vieille connaissance perdue de vue qui tente de renouer des liens. Mais pourquoi est-il partiellement masqué ?

Bonjour, James.
James Adams, je présume.
Tu ne me connais pas, mais moi je te connais.
Désormais, tu feras tout ce que je souhaite.
Si tu ne le fais pas... tu en paieras le prix.
Je pourrais te laisser une seconde chance dans ce cas...
Tout comme je pourrais ne pas t’en laisser.
Commence donc par répondre à ce message.
Je te donnerai ensuite tes premières instructions.

  Je suis intrigué mais également apeuré. Peut-être est-ce une mauvaise blague que je devrais ignorer ? Ce n’est pas inhabituel, après tout, et je l’ai déjà fait. Appeler quelqu’un en numéro masqué, envoyer des messages mystérieux, parfois dans le but de faire peur. Commander des voitures à un concessionnaire sans jamais donner suite, rigoler entre amis parce que la personne nous pense sérieux. Totalement illégal, mais aucun adolescent n’est vraiment réfléchi. Que notre motivation soit d’impressionner notre entourage ou montrer maladroitement notre courage à la personne qui nous charme, on trouve toujours une raison de faire de telles inepties. Mais ce numéro m’intrigue et m’empêche de totalement ignorer ces menaces. Malgré son affichage partiel, mon téléphone semble pouvoir y répondre sans savoir d’où il provient. Peut-être que cette personne sait mieux utiliser un portable que moi et connaît une ruse pour que la supercherie semble plus réelle ? Sans aucun doute.

  Je décide donc de l’ignorer et de me préparer comme à mon habitude. Du pain, des céréales, de la confiture, le tout accompagné d’un généreux bol de lait et d’un verre de jus de raisin, rien de mieux pour démarrer une journée plein d’énergie. Je monte ensuite m’habiller, enfilant un jean d’un bleu délavé et un teeshirt de mon groupe de rock préféré. J’attrape un pull bordeaux et me dirige dans la salle de bains pour soigner mon apparence. Mes cheveux sont un désastre, comment mon sommeil est-il capable d’avoir un tel effet ? Je me coiffe difficilement et obtiens par un certain miracle un résultat impeccable. Un peu de parfum, mon Un Millier préféré, un peu de laque, mon sac par-dessus mon épaule et je sors de chez moi. Je reçois une nouvelle notification, que je m’empresse de regarder.

Tu as donc décidé de m’ignorer et d’aller en cours comme si rien n’était arrivé. Tu as fait ta première erreur, mais je le savais d’avance. Tu t’en doutes, je me dois de te punir. Ce n’est pas contre toi, mais tu ne sauras jamais me croire si je ne le fais pas. Sans rancune ;)
Inutile de répondre désormais, le mal est fait. Je te recontacte dans quelques minutes.

 Ce message est plus effrayant que le précédent. J’observe les alentours, mais ne vois personne. Qui peut savoir comment je m’appelle, où j’habite, quels sont mes mouvements ? Quel individu totalement déconnecté de la réalité souhaite provoquer une telle paranoïa, alors que je ne veux de mal à personne ? J’essaie de me ressaisir, il s’agit sûrement d’un jeune du quartier qui s’est caché dans un buisson et est en train de mourir de rire en ce moment, à me voir gesticuler pour essayer de le trouver. Rien d’important, probablement, du moins rien qui ne m’empêchera de passer une bonne journée en compagnie de mes amis !

 Je me dirige vers mon arrêt de bus. Cinq minutes de marche tous les matins, tous les soirs, pour toujours arriver en avance et attendre un transport qui n’est jamais à l’heure, pour être serré à l’intérieur car tout le quartier a décidé de prendre exactement le même que moi, à la même heure, au même arrêt. Pas un seul matin de tranquillité, mais cette routine désagréable me paraît rassurante, aujourd'hui. Rien n’a changé, cet inconnu n’a aucune emprise sur ma vie et je ne dois surtout pas lui en laisser. Quatre arrêts plus tard, me voilà descendu et l’air libre vient à moi. Quel bonheur de pouvoir respirer un air frais, d’avoir plus d’un mètre carré d’espace pour moi, sans être agglutiné dans une masse d’inconnus qui ne daignent même pas sourire. Quelle joie de pouvoir marcher et avancer sans avoir à dire pardon aux trente personnes présentes entre moi et la porte de sortie. Mes amis sont déjà arrivés, sauf un : mon meilleur ami. Ce n’est pas habituel, sauf quand son téléphone est en panne de batterie… et étant donné son état de fatigue intense hier soir, je ne serais pas étonné qu’il ait oublié de le brancher !

  Je les rejoins et me rends compte de ce qui se passe. La conversation est déjà centrée sur un débat qui oppose tout le monde. J’entends des avis qui divergent, qui affirment des choses sans rien savoir, qui s’avancent et se font détruire leurs arguments instantanément. Religion ou science ? Le sujet est intéressant. Certains affirment que la religion assujettit les croyants, d’autres affirment qu’elle est nécessaire au bonheur. Autant d’avis que d’amis et personne n’est capable de remporter un tel débat, ni de convaincre qui que ce soit. La journée vient seulement de commencer, mais elle me semble bien partie pour être pleine de rebondissements ! Ce premier message était un bon présage, me rappelant que ma vie était faite de bonheur avec des personnes incroyables, capables de me surprendre à n’importe quel moment. Du moins, c’est ce que je pensais jusqu’à maintenant. Ce message, encore ce numéro… et cette image… quelle horreur.

Bonjour, James.
James Adams, je présume ?
Une impression de déjà vu ? Absolument pas.
Je pense que nous pouvons recommencer notre histoire, comme si nous ne nous connaissions pas. Peut-être ai-je été trop rapide en menaçant de te punir. Pourquoi l’aurais-je fait ? Tu n’as pas encore désobéi. Ou peut-être bien que si.
Je te rappelle que tu me dois une fidélité à toute épreuve et que tu ne dois jamais m’ignorer lorsque j’attends une réponse. Ta vie est mienne, désormais, et j’espère que cette photo saura te prouver que je ne plaisante pas.
Il s’agit de ton ami. Ton meilleur ami, si je ne m’abuse. Ne me demande pas comment, mais il s’est retrouvé attaché aux rails du train qui passe près de ton lycée. Cinq minutes à pied et le prochain le tuera dans dix minutes. Je pense que tu devrais courir, mais après tout, tu refuses de m’écouter, n’est-ce pas ?
Dans un élan de bonté, j’ai décidé d’également te fournir ses coordonnées GPS pour que tu puisses le retrouver plus facilement. Bonne chance ;)

 Je ne peux plus ignorer ces messages. Ils sont bien trop réels. Cette photo, c’est lui, aucun doute ! Attaché à des rails, attaché si près de mon lycée. Je n’ai pas le temps de réfléchir, je n’ai pas le temps de raisonner, je ne peux pas prendre le risque de le perdre pour un stupide cours de mathématiques. Mais ne serait-ce pas un piège ? Ne devrais-je pas alerter la police au lieu de me ruer dans un lieu désert où cette personne pourrait m’atteindre ? Le signal correspond au reste du message, il semble être sur les rails qui passent tout près. Il vient de disparaître ! Son téléphone est peut-être à court de batterie ? Je n’ai plus le choix, je dois courir, me ruer vers cette position tant que je m’en souviens.

 La course est difficile, la fraîcheur du matin assèche mes yeux et le vent m’empêche de les garder totalement ouverts. Je porte mon bras à leur niveau pour réduire l’inconfort, j’essaie de garder un rythme de course rapide malgré la douleur dans ma gorge qui descend graduellement vers mes poumons. Mes jambes sont lourdes, me crient d’arrêter et mon cœur bat tellement fort qu’on pourrait croire qu’il est proche de l’explosion. Ma destination se rapproche, je suis proche des rails. L’herbe fouette mes chevilles à mesure de mes pas, j’arrive au niveau d’un talus. Je m’arrête, stupéfait et à bout de souffle. Il est ici. Il n’y a rien d’autre que mon meilleur ami, réellement attaché aux rails. Personne dans les alentours. Ce n’était pas un piège, ma vie pourrait réellement devenir un cauchemar et je n’ai plus que sept minutes pour en décider autrement.

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