Mystère 2: Papi fait de la résistance - partie 2

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Alors qu'il était assis sur une vieille chaise du commissariat depuis une bonne heure, Alex décortiquait ce qui avait bien pu se produire. Comment avait-il pu ne pas le voir ?

Le vieil homme d'au moins quatre-vingts ans n'était pas ce qu'on peut appeler un sprinter. Sur les lieux de l'accident, il avait demandé à Cannelle et Fdj de suivre les ambulanciers pendant que les gendarmes l'emmenaient pour faire une prise de sang, la procédure dans ce genre de cas.

— L'homme que vous avez renversé va s'en sortir apparemment, lui annonça le gendarme, et vos analyses sont négatives. J'ai votre déposition, vous pouvez y aller, nous vous recontacterons.

Le gendarme n'eut pas besoin d'en dire plus pour qu'Alexandre se précipite hors du commissariat. Le portable à l'oreille, il s'empressa d'appeler Cannelle pour avoir plus de renseignements sur sa victime. La jeune femme décrocha presque immédiatement et l'informa alors qu'elle et Fdj se trouvaient à la maison de retraite de la ville, d'où s'était échappé Monsieur Lancient, la personne renversée. À peine cinq minutes après avoir raccroché, la jeune journaliste était aux portes du commissariat pour ramener Alexandre chez lui.
Dès le lendemain matin, Alex se rendit à la maison de retraite, les Chardons Bleus. Il passa la porte, lourde et bruyante et se dirigea vers le comptoir qu'un panneau décrépit lui indiquait être l'accueil. Deux femmes, l'une assise, l'autre dos au comptoir, discutaient à voix basses. Lorsque la première, assise, aperçue Alexandre, elle se redressa sur sa chaise immédiatement et lança un bonjour, haut et fort, pour prévenir sa collègue qu'une personne s'avançait vers elles. Cette dernière se retourna et fixa Alex avec insistance. Le jeune docteur sentit une vague d'effroi lui parcourir le corps, mais il mit un point d'honneur à ne pas le laisser paraître.

— Docteur, lâcha-t-elle pleine de mépris.

— Madame.

— Mademoiselle, corrigea-t-elle sèchement.

— Peu importe.

Sur cette réplique glaciale, la jeune femme quitta l'accueil sans un mot. Alex n'avait déjà pas apprécié son attitude le soir précédent et là s'en était trop. Il se tourna alors vers l’autre femme.

— Je viens voir M. Lancient. Je l'ai heurté avec ma voiture cette nuit.

— C'était vous ! Il a été choqué, mais n'est pas blessé gravement. Comment est-il sortit ? Mystère !

— Je suis rassuré qu'il n'ai pas grand-chose. Était-ce la première fois ?

Son interlocutrice tourna la tête de gauche à droite pour vérifier qu'ils étaient bien seuls, se leva pour s'accouder au comptoir puis chuchota à l'oreille d'Alex :

— Vous savez... Elle hésita à poursuivre.

— Vous savez, reprit-elle, il se passe des choses étranges ici. Certains de nos pensionnaires ont peur et parlent même de fantômes !

— Des fantômes ? répéta Alex dubitatif.

— Oui, certaines vieilles dames disent entendre des bruits la nuit dans leur chambre.... Même des voisins nous disent que des objets disparaissent de chez eux.

— Comme quoi ? demanda Alex intrigué.

— Et bien, par exemple, M. Hubert a perdu une pipe, du tabac et des cigares. Pour Mme Linet, se sont des sous-vêtements, séchant dehors, qui ont disparus.

— Des fantômes cleptomanes, on n'est pas dans le grand banditisme non plus, sourit Alex.

— Ce n'est pas tout. La nuit dans les couloirs, il y a des bruits de pas et de portes qui claquent, si bien que personne ne veut faire de garde !

— Tout une histoire dites moi ! M. Lancient est visible ?

La femme sembla agacée qu'Alex prenne à la légère son histoire. Elle se contenta de lui donner le numéro de chambre. Dans celle-ci, il trouva l'homme jouant aux cartes avec deux autres pensionnaires

— Ah, c'est ce p'tit con bigleux qui m'a pratiquement tué cette nuit ? s'exclama le vieil homme en le regardant par-dessus ses lunettes.

Les deux autres vieillards le dévisagèrent sans un mot et sortirent aussitôt de la chambre.

— Je suis médecin, je venais juste m'assurer que vous alliez bien.

— Comme tu le vois mon petit gars, je suis frais comme un gardon, un vrai roc. Même après que tu aies essayé de m'écraser.

— Je ne vous avez pas du tout vu. Vous allez bien, c'est l'essentiel.

— Ben oui. Dis donc, tu es bien vert pour être toubib non ? Je n'aurais pas confiance avec toi !

Sympa, le vieux... pensa Alex en serrant les dents.

— Bon allez, j'ai un jeu à finir, tu peux partir maintenant... Allez ! insista-t-il en pointant la sortie avec sa canne.


Alexandre était très surpris de ce comportement mais obtempéra sans argumenter.

Dans le couloir, il passa près d'une porte ouverte où les deux amis de sa victime jouaient avec un soutien-gorge rose que l'un prétendait porter pour faire rire l’autre. En voyant Alex, ils cachèrent l'objet dans leur dos et sitôt qu'il eut continué sa route dans le couloir, ils se précipitèrent dans la chambre de M. Lancient.

Estomaqué par ce qu'il venait de voir, Alex retourna à l'accueil et proposa ses services pour la garde de nuit en bénévole. L'aide-soignante, Pascale, prit sa proposition avec joie. De vingt heures à six heures du matin, Alex allait donc faire équipe avec Inès Perret. En apprenant la nouvelle, les deux intéressés blêmirent, mais, en professionnels, ne protestèrent pas. Rendez-vous prit, le jeune médecin rentra chez lui où Cannelle l'attendait de pied ferme. La jeune femme était survoltée.

À peine avait-elle passé la porte qu'elle sortait une tablette de son sac pour ouvrir la page du doc-psy-cotte.com. Dans la nuit, elle y avait publié un article sur leur mésaventure avec les chauves-souris, mais aussi sur le vieil homme renversé. Suite à cela, de nombreux internautes avaient témoigné d'événements étranges aux alentours des Chardons Bleus. L'un d'entre eux était celui d'une femme dont les sous-vêtements étaient régulièrement volés sans que personne ne voit quoi que ce soit. La coïncidence était trop grande pour qu'Alexandre ne fasse pas le lien avec ce qu'il avait vu dans la maison de retraite. Il décrit alors la scène à Cannelle qui partagea son avis : les trois vieillards étaient mêlés de près ou de loin aux vols dans ce quartier et il fallait découvrir comment ils s'y prenaient.

Peu avant vingt heures, le jeune médecin prit sa garde au côté d'Inès. L'ambiance était glaciale. D'ailleurs, l'aide-soignante ne tarda pas à lui fausser compagnie pour faire une ronde dans l'établissement. Alex, en profita alors pour faire une inspection d'une toute autre nature : s'assurer que personne ne pouvait entrer ou sortir de l'établissement par l’une des fenêtres des couloirs.

Soudain, il eu un léger mouvement de recul, comme s'il avait été percuté par quelque chose à l'épaule. Il l'avait bien senti et pourtant, le couloir était vide. Un cri d'Inès le détourna de son étonnement. Des bruits de tambourinement le menèrent vers une porte qu'il tenta d'ouvrir, elle avait été verrouillée de l'extérieur. C'était un placard dans lequel l'aide-soignante avait été enfermée alors qu'elle prenait du linge propre.

— Ca vous amuse, espèce de crétin ! lui hurla-t-elle dessus. Un peu par réflexe et beaucoup par énervement, Alex referma la porte sans laisser le temps à la jeune femme de sortir.

— D'une, je n'ai rien avoir avec cela, j'étais à l'opposer de vous. De deux, je n'apprécie pas qu'on me traite de crétin. Je vous ouvrirais quand vous aurez retrouvé votre sens de la politesse, lança-t-il en la narguant.

Au pied du mur, cette dernière fini par s'excuser mais ne lui adressa plus la parole du reste de la nuit.


À six heures, sa garde terminée, Alexandre traversa le bourg en voiture pour rentrer chez lui. Il fut alors étonné du nombre de personnes agglutinées sur la place du marché un dimanche, à une heure si matinale qui plus est. Le jeune homme remarqua alors la présence de quelques gendarmes et la vitrine de la pharmacie brisée. C'était donc la raison de tant d'agitation dans le bourg de Droche, habituellement si calme.

Après sa nuit blanche aux Chardons Bleus, il n'avait pas la force de s'attarder. De toute façon, il savait que Cannelle lui ferait, de gré ou de force, un récapitulatif complet.

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