Mystère 2:   Papi fait de la résistance - partie 3

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Quelques heures seulement après s’être assoupi, des coups insistants sur sa porte le tirèrent de son sommeil.

Il s’agissait bien sur de Cannelle et Fdj.

L’esprit encore embrumé, Alex les fit entrer sans dire un mot. C’était inutile de toute façon, car il savait très bien pourquoi ses compères étaient là : les bizarreries de Droche encore une fois.

La journaliste et le vétérinaire revenaient du bourg où tout le monde ne parlait que du cambriolage de la pharmacie. Ils avaient même réussi à se procurer les vidéos de surveillance de l’officine sur laquelle on ne voyait personne.

— Pourquoi en parler si l’on ne voit rien? s’exclama Alex, grognon d’avoir été réveillé.

— On ne dit pas que l’on n’y voit rien, rétorqua Fdj, on y voit personne, c’est très différent !

— En quoi ? demanda le médecin.

— En tout, s’enthousiasma la journaliste, on voit la vitrine se briser, les étagères se vider et les produits flotter dans l’air comme portés par une force invisible.

Sur cette dernière remarque, Fdj pointa du doigt la jeune fille pour appuyer sa remarque.

— Une force invisible, répéta-t-il.

Alexandre poussa un soupir de désespoir.

— Si je comprends bien, vous pensez que l’homme invisible a cambriolé la pharmacie du bourg pour y voler…. Quels produits ?

Les deux autres se regardèrent, gênés.

— Du viagra, lâcha timidement Cannelle.

— Sans déconner ? Si je résume, d’après vous, l’homme invisible a braqué ce commerce pour y voler du viagra… Tout va bien.

— J’en conviens c’est bancal, mais pourtant, c’est la seule chose qui ait disparu, reprit la jeune fille.

— On a tous nos besoins, enchaîna le vétérinaire, un grand sourire aux lèvres.

— J’ai pris rendez-vous avec la femme qui a témoigné sur notre blog. Elle y parle de vols de sous-vêtements. Je suis persuadée qu’il y a un lien. Tu n’as rien vu de bizarre cette nuit ? demanda enfin Cannelle.

Alex leur raconta alors son étrange nuit de garde. À l’unanimité, ils conclurent qu’une enquête approfondie sur cette maison de retraite s’imposait mais alors qu’ils allaient partir pour interroger leur témoin, Fdj reçu un appel urgent.

— Un chien qui est devenu fou doit être piqué, annonça-t-il gravement après avoir raccroché.

Il quitta alors la maison en trombe et laissa une fois encore Cannelle et Alex enquêter seuls.


Le jardin de Mme Linet, veuve depuis plusieurs années, était très bien entretenu. On pouvait voir au premier coup d’œil qu’elle était passionnée par les rosiers, qui grimpaient un peu partout, y compris sur les pylônes de son fil à linge, là où justement, les vols avaient eu lieu.

Son petit coin de verdure, comme la sexagénaire aimait à l’appeler, donnait directement sur l’une des façades de la maison de retraite. Malheureusement, le témoignage de Madame Linet ne fut pas d’une grande aide, car elle n’avait rien vu. D’après elle, plusieurs de ses sous-vêtements s’étaient comme volatilisés en une minute.

Les deux enquêteurs se rendirent ensuite aux Chardons Bleus avec la ferme intention d’interroger Monsieur Lancient et ses compagnons. Toutes ses coïncidences ne pouvaient justement pas en être. Dans l’allée goudronnée permettant d’accéder aux locaux, régnait une grande agitation mêlant les blouses blanches du personnel soignant et les chemises bleues des gendarmes. Cannelle, sentant la bonne histoire, dégaina immédiatement son calepin, mais un gendarme se mit en travers de sa route. Il avait les yeux d’un vert étonnamment clair, ce qui accentuait sa prestance naturelle.

— Pas de journaliste, dit-il avec une autorité presque agressive.

— Je suis médecin, je viens voir un patient et elle m’accompagne, menti Alexandre.

— Ca a plutôt intérêt d’être vrai docteur, sinon vous devrez en subir les conséquences. Toujours pas envie de repartir ? insista le représentant de l’ordre zélé.

— Toujours pas ! s’exclama Cannelle, un brin insolente en lui passant devant.

Le gendarme les regarda alors s’éloigner d’un œil glacial, prit son téléphone et s’éloigna à son tour.
Lorsqu’Alex et Cannelle poussèrent les portes de l’accueil, toutes les têtes se tournèrent vers eux. Un attroupement d’employés s’était formé près du comptoir et le bourdonnement des ragots prononcés était audible.

— Eh ben, vlà une bonne bande de langues de vipère, murmura Cannelle, j’adore ! ajouta-t-elle.

— Bonjour, je suis le docteur Cotelet, se présenta Alex avec son sourire le plus hypocrite. Nous venons rendre visite à Monsieur Lancient, finit-il.

C’était cette fois un homme à l’accueil. Il perdit instantanément son sourire et blêmit en même temps que toutes les voix environnantes se turent.

— Mais…On ne vous a pas prévenu ? demanda t-il.

— Non non, on ne nous a rien dit, rétorqua immédiatement Cannelle.

L’homme leur fit alors signe de s’approcher pour leur chuchoter :

— Malheureusement, Monsieur Lancient est décédé cette nuit d’une crise cardiaque. Il a été retrouvé inanimé dans le parc.

— Pourquoi chuchotez-vous ? Vous ne paraissez pas être le seul au courant, ironisa Alex tout en jetant un œil aux personnes autour d’eux, qui, étrangement, regardaient ailleurs tout à coup.

L’homme réfléchit un instant puis sembla avoir un déclic.

— Vous avez raison ! Vous voulez voir le corps ? demanda t-il ensuite soudainement décomplexé.

— Avec joie ! bondi Cannelle.

— Non pas vous mademoiselle… Le docteur Cotelet, rectifia l’agent d’accueil en la regardant de haut en bas.

Prenant conscience de sa réaction maladroite, la journaliste baissa la tête puis se tourna vers le reste des employés, visiblement plus coopératif, pour leur poser des questions.

Alex, pendant ce temps, fut conduit dans les sous-sols de l’établissement où une pièce froide était prévue pour ce genre de cas. Un homme en blouse blanche était penché sur le corps de Monsieur Lancient et semblait l’observer avec minutie.

— Docteur Bystruckla, je vous présente le docteur Cotelet, lança l’agent d’accueil avant de repartir à son poste.

Le médecin à la mâchoire carrée s’avança vers Alexandre et lui serra la main avec une telle force que le jeune homme passa plusieurs secondes à frotter ses doigts.

— Cher confrère, commença l’homme à la poigne de fer et au fort accent slave, en quoi puis-je vous être utile ?

— Je connaissais Monsieur Lancient et je voudrais savoir ce qui a bien pu lui arriver. Vous êtes légiste, c’est bien cela ?

Son interlocuteur ne répondit pas tout de suite mais se contenta de l’observer avec insistance.

— Je travaille pour la société Protectil. Ce Monsieur étant un de nos anciens chercheurs, on m’a demandé de venir. Je crois que les légistes de la ville rechignent à venir jusqu’à Droche, finit-il dans un dernier roulement de r maladroit.

— Chercheur ? Il faisait des recherches sur quoi ? tenta Alexandre.

Le Slave sourit et le regarda du coin de l’œil avant de se pencher à nouveau sur le corps.

— Et vous Docteur Cotelet, comment le connaissez-vous ? Un patient ? détourna t-il.

— Non, je l’ai écrasé avec ma voiture l’autre nuit.

Le docteur Bystruckla cessa toute activité et regarda Alex ne sachant pas s’il plaisantait ou non.

— Cela explique l’hématome sur le côté, conclu t-il simplement, sans poser de questions.

— Pensez-vous que cet accident puisse avoir causé sa mort plus tard ? s’inquiéta le jeune homme.

— Pour savoir cela, il faudra que je le découpe, rétorqua Bystruckla, un scalpel à la main.

Alexandre lui donna alors son numéro de téléphone pour avoir ses résultats d’autopsie et remonta à l’accueil.
— César a pu vous renseigner ? s’inquiéta l’agent d’accueil.

— César ? Vous le connaissez bien ?

— Le docteur Bystruckla oui. Il vient de temps en temps rendre visite à Monsieur Lancient.

— Ils travaillaient ensemble à Protectil peut être ? creusa Alex sous le regarda intrigué de Cannelle.

— Peut être, je n’en sais rien du tout, répondit l’homme avant de répondre au téléphone… Qui ne sonnait pas.

Stupéfaits par la réaction de l’agent d’accueil, les deux compères sortirent des Chardons Bleus avec encore plus d’interrogations.

— Il travaillait chez Protectil ?

— Tu connais ? Qu’est-ce que c’est ? s’empressa de demander Alexandre.

— Une boite pharmaceutique à une cinquantaine de kilomètres d’ici. J’avais fait des investigations sur l’utilisation d’animaux pour leurs tests, mais je n’ai jamais rien trouvé d’étrange… Ce qui est bizarre pour une entreprise comme celle-ci !

— Apparemment Monsieur Lancient y était chercheur, mais sur quoi… Mystère.

— J’en ai appris de belles moi aussi, renchérie Cannelle. Plusieurs résidents ont été surpris dans des situations gênantes, si tu vois ce que je veux dire.

— Tu plaisantes. À leurs âges, ils étaient en train de… Non, non putain, Alex, pas d’image en tête, pas d’image en tête. Arggg et merde ! Dégueulasse !

— Venant d’un médecin, quelle maturité, s’offusqua la jeune femme avant de faire elle aussi une grimace.

— Ah tu vois ! Quand on a une image, c’est horrible ! appuya Alex.

— Bref, enchaina-t-elle tout en secouant sa chevelure, figure toi que pour se stimuler, ils avaient des petites pilules bleues.

— Non, mais comment ?

— Devine… Monsieur Lancient et ses compères les leurs vendaient. La question est comment les ont-ils eus ? Marrant, c’est l’assistante avec qui tu as passé ta nuit de garde qui m’a lâché l’info.

— Inès ?

— Oui Inès. D’ailleurs, elle a su te cerner très vite et t’a déjà donné un surnom.

— Ah ouais. Le beau gosse ? lança le concerné avec arrogance, tout en montant dans sa voiture.

— Non. Duce, répondit la journaliste, comme Jean Claude Duce. Tu sais… Les bronzés, finit-elle en riant.

— Putain la sal…

— Hop ! Pas de ça quand je suis avec toi, le coupa la jeune femme en fermant sa portière.

Alexandre grommela encore quelques mots dans sa barbe puis démarra sa voiture.

Tout ce dont il rêvait à cet instant, c’était son lit. S’il avait écouté Cannelle, il serait encore en train de faire des recherches sur le passé de Lancient, mais cette fois-ci, il avait été ferme et aucune des protestations de la blonde ne l’avait fait fléchir.

Et maintenant, à moitié allongé dans son lit moelleux, il ne le regrettait pas. D’une main mole, il saisit son ordinateur et le posa sur ses genoux. Il ne s’était pas vraiment investi dans leur site internet jusqu’à présent et cela lui paraissait être le bon moment. Ses deux compagnons avaient vraiment bien fait cela : sur la page d’accueil, fond noir, écriture rouge, se trouvaient d’abord le menu déroulant des histoires étranges relatées par Cannelle où elle avait d’ailleurs déjà décrit leur journée. Puis, au centre de la page, les différents témoignages d’anonymes et enfin, sur le côté, le fil de messages instantanés. Cette dernière option le fit sourire, qui irait s’en servir ?

Le jeune homme, moqueur, entreprit de lire les derniers témoignages, mais entre le post « mon aspirateur en a après moi » et « Des lucioles géantes m’ont attaqué », il fut interpelé par l’histoire d’une employée des Chardons Bleus, persuadé d’avoir été poussé dans les escaliers par une force invisible. Cette histoire le troubla car elle ressemblait bien trop à ce qu’avait vécu Inès.

Soudain, les lumières vacillèrent pour s’éteindre complètement et il entendit quelqu’un forcer sa porte d’entrée. Son cœur battait la chamade. Il ferma son ordinateur et le prit en main de façon à ce qu’il puisse servir d’arme, mais avant qu’il descendre toutes les marches de l’escalier, une voix féminine l’interpela :

— Ne bouge plus, lui intima-t-elle, je ne te veux pas de mal.

— Ok, ben entrer par effraction chez moi n’en ai pas un bon exemple, frapper à la porte, ça marche bien aussi! Pourquoi couper toutes les lumières ?

— Qu’est-ce que tu crois débile ! Je ne veux pas qu’ils me voient.

— Débile ? Ah d’accord, charmant. Ca donne direct envie de vous écou…

— Ferme-la pour une fois. J’ai des documents pour toi. Je m’en vais maintenant, ne cherche pas à me voir. Tu as compris débile ?

— Non mais sans déconner, il falloir arrêter de m’appeler comme…

Il n’eut pas le temps de finir sa phrase que la lumière était revenue et sa porte d’entrée toujours entrouverte. Il sortit alors précipitamment pour apercevoir l’intruse mais il n’y avait pas un bruit si ce n’est le hululement d’une chouette qui le fit sursauter.

— Putain, débile… Toi-même ! cria t-il dans la nuit. Quelle répartie gars !

Il rentra dans la maison pour trouver sur sa table de cuisine un dossier intitulé « Département de physique/chimie - Professeur Lancient »

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